Le débat sur la Contribution sociale généralisée (CSG) ravive la question du financement des pensions, d’autant plus que les élections approchent et que les allocations sont appelées à augmenter. Avec une caisse de la CSG vide, quelles sont les solutions recommandées pour financer les pensions ? Paroles aux économistes, observateurs et experts-comptables.
L’économiste Takesh Luckho est catégorique. « La situation de la caisse de la CSG est préoccupante. Il est essentiel de trouver des solutions pour garantir un financement durable des pensions à Maurice », déclare-t-il. La CSG, indique-t-il, est une taxe sociale prélevée sur les salaires.
Contrairement à la NPF, qui était un fonds visible avec une traçabilité garantie des cotisations, celles de la CSG sont directement versées dans le Consolidated Revenue Fund (CRF) et peuvent être utilisées pour diverses dépenses. Il estime qu’avant toute réforme du système de la CSG, il faudra reconstituer les caisses à hauteur de Rs 23 milliards.
Pour de nombreux observateurs, la Contribution sociale généralisée est une taxe.»
L’économiste Nalini Burn souligne que la CSG n’est pas un fonds de pension, mais une taxe sur les salaires versés dans le Consolidated Fund. « Le gouvernement a prélevé de la NPF pour équilibrer son budget », dit-elle. De son côté, Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC), s’interroge sur le fait que le fonds de pension CSG soit vraiment à sec. Il appelle le ministre des Finances à apporter des éclaircissements, sinon il craint une fracture sociale croissante pour les personnes âgées dépendant uniquement de leur pension mensuelle. « Si les prélèvements au nom de la CSG ont été détournés vers le Consolidated Fund, le ministre est en danger immédiat. Il doit trouver des sources alternatives pour assurer le paiement aux retraités, aux veuves, aux handicapés et autres orphelins du pays, surtout à l’approche des élections », dit-il.
Pour sa part, l’économiste Kugan Parapen estime que la décision d’abolir la NPF par Renganaden Padayachy est considérée comme l’un des plus grands faux pas politiques de l’histoire. « Au lieu d’améliorer la NPF par une réforme substantielle du fonds de pension, le ministre des Finances a préféré une option radicale, à savoir l’éradiquer pour la remplacer par la CSG. En d’autres termes, il a anéanti un fonds de pension pour le remplacer par une taxe sur les revenus », dit-il.
Les solutions recommandées
Retour et révision du National Pensions Fund
Suttyhudeo Tengur explique que le ministre des Finances a introduit la CSG en remplacement du système de la NPF dans le but d’alléger le fardeau des contributeurs. Il se demande si des études ou des constats ont été réalisés par des professionnels du secteur, notamment des actuaires, avant l’introduction de la CSG. « Le NPF avait déjà fait ses preuves pendant des années. Ainsi, un retour à l’ancien système avec certaines améliorations serait bénéfique », suggère-t-il. Nalini Burn abonde dans le même sens. Elle soutient qu’il est nécessaire d’évaluer l’ancienne NPF et de comparer les fonds pour développer d’autres solutions. De plus, elle recommande une approche de protection sociale basée sur des connaissances approfondies et largement discutées.
Augmentation du taux de cotisation
Selon Takesh Luckho, la solution à long terme serait une refonte totale du système de retraite basée sur des sources alternatives de financement et une dose de «ciblage». « Une augmentation du taux de cotisation serait la solution la plus simple, mais cela pourrait être impopulaire auprès des travailleurs, surtout à l’approche des élections », explique-t-il. D’après lui, la solution actuellement envisagée par le gouvernement, à savoir puiser dans d’autres éléments du CRF, tels que la TVA, mettra à nouveau le fardeau sur les consommateurs et la classe ouvrière.
Équilibrer le fardeau fiscal entre les riches et les pauvres
Kugan Parapen est d’avis que le fardeau fiscal public est fortement déséquilibré en faveur des riches et des détenteurs de capitaux, au détriment des moins fortunés. Il préconise une politique visant à rétablir l’équilibre et la justice entre les différentes couches de la population, ce qui permettrait de trouver plus facilement les fonds nécessaires pour financer une grande partie de la pension. Il critique l’utilisation de la CSG pour subventionner les salaires dans un secteur privé affichant d’énormes profits, considérant cela comme une absurdité.
Indexation du budget de la sécurité sociale
Kugan Parapen estime qu’il est primordial de fixer un cap sur le budget de la sécurité sociale, même si certains au gouvernement considèrent que cela serait un puits sans fond. Il souligne que l’optimisation d’un budget public est essentielle pour assurer un avenir stable et prospère à la société. Il recommande l’indexation du budget de la pension, voire celui de la sécurité sociale, sur le Produit intérieur brut (PIB), garantissant que les bénéficiaires soient toujours pris en compte dans le partage des ressources nationales, sans que les politiciens puissent favoriser certains groupes au détriment d’autres.
Un fonds de pension contributif
Nalini Burn estime qu’un fonds de pension contributif devrait être disponible, avec des instruments et mécanismes similaires à ceux existant dans de nombreux pays, mais ciblant d’autres catégories de salariés. « Il est nécessaire d’évaluer l’ancienne NPF et de comparer ses performances avec d’autres fonds, en vue de développer de nouvelles options », dit-elle. De plus, poursuit-elle, si l’objectif est également d’avoir un caractère social et solidaire, il convient de prendre en compte le travail de soins non rémunérés. « Des débats sur les assises de la protection sociale sont envisageables, mais elles doivent reposer sur des connaissances approfondies largement partagées et discutées ».
Questions à…Tahir Wahab, expert-comptable et observateur économique : «La CSG peut être décrite comme un schéma de type Ponzi»
Suite aux récentes critiques sur la CSG, faut-il revoir le système?
Nous ne devrions pas réviser la CSG, en fait, mais éliminer complètement ce système. Celui-ci est inadapté et inapproprié, s’étant déjà effondré en seulement trois ans et pouvant être décrit comme un schéma de type Ponzi qui consiste à collecter de l’argent d’un côté et à le distribuer de l’autre. Avoir un fonds dédié aux pensions entre les mains du gouvernement est dangereux et peut compromettre la durabilité des paiements de pension pour l’avenir. Utiliser comme excuse la restauration du pouvoir d’achat n’a pas de sens, car il existe d’autres réserves que les autorités auraient pu utiliser pour soulager la population. Les fonds de la CSG à la disposition du gouvernement sont inappropriés et devraient constituer un fonds distinct.
Et si le système se maintient, que risque-t-on ?
Si le système continue, les employés qui prendront leur retraite seront à la merci des politiciens. Ainsi, les pensions deviendront un outil politique permanent pour remporter les élections, car le gouvernement contrôlera directement les pensions. Possiblement, à l’avenir, nous pourrions voir une inévitable augmentation du taux de contribution à la CSG, alors que les entreprises souffrent déjà de l’augmentation du coût de leurs activités. Une augmentation de la CSG pourrait entraver leur productivité, car elles seront moins enclines à embaucher de nouveaux employés. De même, il devrait y avoir un seuil, car aucun impôt ne peut être illimité, ce qui détruirait la compétitivité de Maurice pour attirer une main-d’œuvre hautement qualifiée au pays, d’autant plus qu’il y a déjà un problème de fuite des cerveaux.
Faut-il réintroduire le NPF ?
Le NPF a fait ses preuves pendant plus de 40 ans, depuis 1976, et ne devrait être que réorganisé pour être plus efficace que le système CSG. Le NPF est un système bien structuré axé sur l’investissement plutôt que sur la simple collecte et les dépenses. Il était transparent où chaque employé pouvait avoir une visibilité sur le montant qu’il avait contribué. Oui, il faut introduire le NPF, qui était un fonds distinct avec des objectifs d’investissement sécurisés et bien définis.
Que recommandez-vous pour financer les pensions?
La première solution consiste désormais à prélever de l’argent à partir d’autres sources de taxes telles que la TVA et d’autres impôts directs pour subventionner la hausse des pensions. Deuxièmement, il s’agit d’utiliser les réserves existantes accumulées par le gouvernement pour financer l’augmentation des pensions. Troisièmement, il faut réduire les dépenses gouvernementales et les gaspillages avec un plan approprié et efficace en place pour tous les ministères. Pour ce faire, le gouvernement devrait rembourser l’argent utilisé à d’autres fins dans le fonds de la CSG. Par ailleurs, il devrait encourager les régimes de retraite parrainés par l’employeur et les régimes de retraite privés pour diversifier les sources de financement et réduire la dépendance des fonds publics. La création d’une collaboration public-privé est aussi importante pour élaborer des solutions innovantes de financement des pensions, tout en exploitant les forces des deux secteurs.
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