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Allégations de sniffing du réseau Internet : une enquête approfondie réclamée

La visite d’une équipe indienne le 15 avril dernier à la Landing Station de Baie-du-Jacotet suscite toujours des interrogations.

Depuis que cette affaire a éclaté au grand jour et après les révélations de l’ancien CEO de Mauritius Telecom (MT), l’opposition parlementaire et extraparlementaire monte au créneau. Une enquête est réclamée pour faire la lumière sur ce dossier.

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Dans une lettre adressée au Data Protection Commissioner, Linion Pep Morisien (LPM) demande qu’une enquête soit initiée après l’émission de TéléPlus sur la Baie-du-Jacotet. Dev Sunnasy dit s’être entretenu avec des personnes de tous bords depuis la démission du Chief Executive Officer (CEO) de Mauritius Telecom. « Il y a eu des informations de toutes sortes qui ne sont ni en faveur des individus ni dans l’intérêt de l’intégrité et de la réputation de notre République », peut-on lire.

Évoquant la section 5(f) de la loi sur la protection des données de 2004, l’accent est mis sur l’une des fonctions du Data Protection Commissioner qui doit « obligatoirement » enquêter sur toute plainte ou information à l’effet qu’une infraction aurait été commise. « Linion Pep Morisien vous demande de vous pencher sur les allégations portées par M. Sherry Singh, qui sont étayées sans ambiguïté par la lettre du CTO, M. Guddoy ». Selon lui, si aucune enquête transparente n’est menée, les allégations vont se poursuivre et « engloutiront sans doute le bon sens ». « En vertu de l’article 11 de la loi sur la protection des données, vous avez le pouvoir d’enquêter sur la plainte ou de la confier à un agent autorisé, sauf si vous êtes d’avis que cette plainte est frivole ou vexatoire », fait ressortir le co-leader de Linion Pep Morisien.

Séparé le bon grain de l’ivraie

Pour sa part, le directeur exécutif de Transparency Mauritius, Rajen Bablee, affirme que cette affaire « engendre des spéculations qui peuvent être totalement folles ou qui confirment les informations et allégations ». Il avance que le peuple mauricien a voté pour un gouvernement selon le principe de la démocratie, lors des élections générales de 2019. « Selon ce même principe, le gouvernement a le devoir de veiller à l’intérêt des Mauriciens et de mener le pays à bon port. Cela implique une bonne gouvernance et la nécessité d’être redevable envers la population. Très souvent, une fois au pouvoir, certains politiciens ou gouvernements oublient ce devoir de répondre aux questions de ceux envers qui ils sont redevables. Ils agissent comme des autocrates ou dictateurs et essaient de renforcer leurs pouvoirs et grignoter l’espace citoyen. Donc, au milieu de tout cela, il faut que la vérité prime », dit l’intervenant.
Il poursuit que dans la situation actuelle, c’est le gouvernement, en occurrence, le chef du gouvernement qui a nommé un de ses partisans au poste de CEO de Mauritius Telecom. « On assiste, aujourd’hui, à un scénario où le nominé politique allègue que le Premier ministre l’a sommé de contourner le protocole pour permettre à des tierces d’avoir accès à des appareils où circulent toutes les informations privées et publiques. Il y a eu des allégations de part et d’autre, par l’intermédiaire des médias sur le vrai scénario. Une information confirmée par les deux parties, c’est qu’il y aurait eu la présence de tierces dans un endroit de haute sécurité et des manipulations. Il y a quelqu’un ou quelques-uns qui mentent. Il faut donc une enquête indépendante pour séparer le bon grain de l’ivraie », estime le directeur exécutif de Transparency Mauritius.

Pas confiance à la police

Rajen Bablee souligne de plus que le nominé politique dit « ne pas faire confiance à la police ». Pour le Premier ministre, la meilleure chose à faire est une déposition à la police. « La police est une institution incontournable et le poste de Commissaire est constitutionnel. La police tombe, cependant, sous le contrôle du PM et il y a eu un scénario inédit pour investir l’actuel CP. Il a d’abord été CP par intérim et le chef de la CID est un retraité dont le retour a dû être provoqué par le PM. Ils sont supposés être indépendants, mais pourront-ils cracher dans la main de celui qui les a choisis entre tous ? C’est par rapport à tous ces détails que Transparency Mauritius propose la mise sur pied d’une commission d’enquête constituée d’un juge ou d’un ex-juge intègre et des assesseurs choisis conjointement par le gouvernement et l’opposition. Il est important que cela se fasse en public afin que les Mauriciens puissent savoir qui a raison et qui ment », indique Rajen Bablee.

Il ajoute que Transparency Mauritius demande à ce que le PM se retire le temps de l’enquête afin de ne pas prêter à la perception qu’il pourrait interférer avec les enquêteurs, les témoins et les preuves. « Il est important que toute affaire soit résolue au plus vite car il y va de la réputation du pays », déclare-t-il.

Le membre fondateur de Rezistans ek Alternativ, Ashok Subron, affirme qu’il est « clair et net » qu’il y a eu une intrusion sur les données privées des Mauriciens avec possiblement « des intentions plus graves à l’avenir dont celle d’installer des ‘data capture’ permanents sur le trafic Internet entre Maurice et les autres pays ». « Pravind Jugnauth a permis ce viol du peuple mauricien. Dans une démocratie qui se respecte, le Premier ministre aurait dû déjà step down », estime l’intervenant.

Réflexion en profondeur 

Ashok Subron pense que le Premier ministre doit une explication à la population. « Au lieu de déléguer des ministres pour commenter dessus, il aurait dû s’adresser à la nation pour expliquer sur ce qui s’est passé. Nous vivons à l’ère du digital. La vie des Mauriciens, au niveau personnel ou professionnel, est liée au digital. C’est totalement inadmissible que l’État mauricien ou autre service secret s’ingère dans la vie des Mauriciens », déclare-t-il.

Au niveau de Rezistans ek Alternativ, on est d’avis qu’il faut « une réflexion en profondeur ». « Nous devons jeter les jalons pour une société post-Jugnauth. Un changement en profondeur est nécessaire à travers des amendements de la Constitution pour protéger les données de chaque citoyen. Les partis de l’opposition doivent dire s’ils sont pour ces amendements et s’ils vont aussi enlever les caméras CCTV qui sont une autre intrusion. Un autre amendement est important pour donner une ‘security of tenure’ au Data Protection Office », souligne Ashok Subron.

L’observateur Raj Ramlugun pense, lui, que cette affaire met en exergue le fait que les gens n’ont plus confiance dans des institutions, comme la police ou le judiciaire. « Des personnes préfèrent dénoncer dans les médias, étant convaincues qu’elles ne peuvent se tourner vers la justice et la police. Les autorités doivent rétablir la confiance », dit-il.
Il croit que le Premier ministre doit jurer un affidavit pour s’expliquer sur cette affaire, de même que des employés de MT qui pourront, à travers un affidavit, donner leur version des faits s’ils sont au courant de quelque chose.

 

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