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Allégations de pots-de-vin : le rôle du ministre incriminé sous la loupe de l’Icac

Keegan Etwaroo a retenu les services de Me Yash Bhadain.

Véritable sac de nœuds que l’affaire autour de l’allocation du bail d’un terrain de l’État de 250,76 hectares à Grand-Bassin. L’Icac se prépare à convoquer un haut fonctionnaire, un Parliamentary Private Secretary et un ministre dont les noms ont été cités. La commission anticorruption s’intéresse particulièrement au rôle qu’a pu jouer ce dernier. Une photo de lui à une soirée organisée au ranch serait en circulation. 

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L’étau se resserre autour d’un ministre, d’un Parliamentary Private Secretary (PPS) et d’un haut fonctionnaire. Ils se retrouvent acculés dans l’affaire qui a éclaté à la suite des allégations de pots-de-vin versés en échange d’un bail pour un terrain de l’État de 250,76 hectares à Grand-Bassin. Quel a été l’implication du ministre cité dans l’affaire ? L’Independent Commission against Corruption (Icac) passe à la loupe le rôle exact qu’il aurait pu jouer. 

La présence de ce ministre à une soirée, organisée dans ce ranch le 12 septembre 2020 et agrémentée de bouteilles de Black Label ainsi que de rôti de cerf, vient resserrer l’étau autour de lui. Une photo compromettante pour lui, prise à cette « Top Secret Party », est déjà en circulation dans certains milieux. 

Sur ce cliché, on peut distinguer le ministre, son amie, le whistleblower, le PPS et le haut fonctionnaire cités dans cette affaire. Dans le camp du gouvernement, on redoute les conséquences de la mise en circulation de cette photo sur la place publique, car elle risque de l’embarrasser fortement. 

C’est vendredi, au siège de l’Icac, que Keegan Etwaroo a enfoncé le clou. Auditionné en présence de son avocat Yash Bhadain, il a confirmé les allégations faites précédemment par le whistleblower, un dénommé Jeetoo, qui dit avoir agi comme intermédiaire pour remettre les pots-de-vin. 

Le grand déballage

D’ailleurs, à la demande de l’Icac, l’IT Unit de la police a déjà commencé à éplucher le contenu du téléphone portable de Keegan Etwaroo en vue de déceler un quelconque lien avec le «collecteur» de pots-de-vin. Ce dernier a fait son grand déballage dans les locaux de la commission anticorruption, la semaine dernière. 

Si le montant convenu au départ pour les pots-de-vin était de Rs 3,5 millions, ce sont, selon les deux hommes, Rs 3,2 millions qui ont finalement été payées. Ils ont avancé que dès que la barre des Rs 2,5 millions a été atteinte, le bail de ce terrain de l’État situé à Dayot et Mangin, à Grand-Bassin, a été accordé au clan Etwaroo, mais officiellement alloué à l’Eco Deer Park Association, dont le président est Shaan Kumar Choolun. Lequel a été arrêté dans le cadre de l’enquête sur le blanchiment d’argent au sein du réseau Franklin. Les pots-de-vin ont continué à être payés jusqu’à ce qu’un montant de Rs 3,2 millions ait été remis au total. 

Dans son grand déballage, le whistleblower a indiqué avoir remis des dessous-de-table à un haut fonctionnaire considéré comme étant très proche du ministre incriminé, mais aussi au PPS dont il a dévoilé le nom vendredi. Ce dernier aurait réceptionné une grosse partie des pots-de-vin. 

À travers les deux dépositions qu’elle a enregistrées, l’Icac a la confirmation que c’est Keegan Etwaroo qui a remis plusieurs tranches d’argent au whistleblower afin qu’il les donne au haut fonctionnaire et au PPS. Ces derniers auront à s’expliquer. 

D’ailleurs, la prochaine étape pour les enquêteurs consiste à établir un calendrier pour la convocation et les interrogatoires under warning du haut fonctionnaire, du PPS ainsi que du ministre visé. La position de l’Icac sur ce dossier suscite un grand intérêt de la part du monde politique. Les enquêteurs devront approfondir leurs investigations pour déterminer si le ministre, un « Top Gun » du gouvernement, a bel et bien obtenu des pots-de-vin en vue de faciliter l’octroi de ce bail au clan Etwaroo. 

Mais une question demeure : d’où viennent les Rs 3,2 millions que Keegan Etwaroo dit avoir remis en plusieurs tranches ? Dans sa version, l’habitant de La Marie affirme que cet argent provient de la vente d’une tractopelle, ainsi que de cerfs et de volailles qu’il élevait. L’Icac consacrera un autre volet de son enquête à déterminer les sources de financement de Keegan Etwaroo. Affaire à suivre…

Le PMO en mode « wait and see » 

Une nouvelle épine dans le pied du gouvernement. L’affaire entourant Jean Hubert Celerine, alias Franklin, ne cesse d’embarrasser le gouvernement. Cette fois, c’est un ministre, sa proche collaboratrice, un PPS et un responsable d’un département du ministère du Travail qui était président d’un organisme parapublic relevant du ministère de l’Agro-industrie, qui se trouvent dans le viseur de l’Icac. 

Au Prime Minister’s Office (PMO), on avance que le dossier est suivi de très près et que si le besoin se fait sentir, le couperet tombera. On parle ici bien de la mise à l’écart du ministre concerné au niveau du Conseil des ministres, mais aussi au niveau du Mouvement socialiste militant, où il occupe des fonctions. Quant au PPS, il risque de perdre son poste et de devoir siéger comme simple backbencher du gouvernement. 

Tout comme l’ont été Ivan Collendavelloo et Yogida Sawmynaden, le ministre en question devra lui aussi siéger comme simple backbencher. Questionné par le PMO par rapport aux allégations de pots-de-vin de plus de Rs 3 millions dont il fait l’objet, il aurait nié toute implication dans l’affaire. 

« Pour le moment, on lui accorde le bénéfice du doute. Mais si l’Icac décide de l’inculper ou si des éléments difficilement réfutables contre lui, de même que contre le PPS, sortent dans la presse ou sur les réseaux sociaux, le Premier ministre agira fermement sans aucun doute, comme il l’a déjà fait dans le passé », affirme-t-on dans les milieux proches de Pravind Jugnauth. Dans ce cas, les deux politiciens pourront aussi oublier une investiture aux prochaines élections générales. 

Association douteuse

Ces allégations de pots-de-vin pèsent sur le quatuor dans l’affaire d’octroi d’un Shooting and Fishing/Eco-Tourism Lease à l’Eco Deer Park Association pour un terrain de l’État faisant 250,76 hectares à Grand-Bassin. Leur présence au ranch, qui est associé à Jean-Hubert Celerine, alias Franklin, en septembre 2020 à l’occasion d’une fête, n’est pas pour arranger les choses. 

La commission anti-corruption se prépare à interroger des personnes citées par un dénonciateur, mais aussi par Keegan Etwaroo, ancien gérant de ce terrain de l’État, dans ses dépositions à l’Icac. Si les sources interrogées au niveau de l’hôtel du gouvernement ne veulent pas s’aventurer à prédire la suite de l’affaire, elles sont d’avis qu’une fois que le ministre aura été interrogé par les enquêteurs, il n’aura d’autre choix que d’envisager une retraite politique, du moins jusqu’à ce qu’il parvienne à blanchir son nom. 

L’association de ce ministre avec cette proche collaboratrice, qui avait d’ailleurs des connexions avec le Parti travailliste dans le passé, n’était pas vue d’un bon œil par plusieurs membres de l’hôtel du gouvernement depuis longtemps. Ils étaient, en effet, nombreux à appréhender une « catastrophe politique » pour ce ministre. 

Une autre source de l’hôtel du gouvernement qui qualifie, pour sa part, cette relation de toxique, s’attend à une levée de boucliers de l’opposition sur toute cette affaire dans les prochains jours. La collaboratrice du ministre alimente en tout cas les commentaires sur les réseaux sociaux. Certains membres de l’opposition ont d’ailleurs commencé à s’inviter au débat.

 

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