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Allégations de maltraitance de mineures : l’enfer des pensionnaires

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Viol présumé, allégations d’agressions physique et verbale, nettoyage forcé d’excréments de chien... Autant de brimades qui seraient imposées aux enfants des shelters La Marguerite, à Belle-Rose et Heaven Children Centre, à Paillotte, gérés par la Vedic Social Organisation.

Les va-et-vient devant la justice, cette Portlouisienne de 55 ans, elle les connaît. Depuis leur inauguration en 2012, les accusations ne cessent de pleuvoir sur les deux abris pour enfants, gérés par Jeeanmotee Guness, plus connue sous le nom d’Asha. Lettres anonymes, plaintes déposées par d’anciens employés, dénonciations des pensionnaires et des parents, rapports accablants rédigés par des psychologues et la Child Development Unit.

Autant de dysfonctionnements sur lesquels le ministère de l’Égalité des genres et l’Ombudsperson for Children ont été invités à enquêter depuis 2013. Le dossier de la Vedic Social Organisation a pris un autre coup après le rapport Vellien en 2015. Les deux refuges ont été sévèrement critiqués à la suite des travaux d’un Fact-Finding Committee.

Le premier cas concerne une accusation d’abus sexuel sur une pensionnaire de 14 ans. En 2014, celle-ci avait accusé l’assistant-gérant. Jeeanmotee Guness se défend. «  Après les va-et-vient devant le tribunal de Curepipe, rien n’a pu être prouvé. Ce n’était que pures allégations », précise-t-elle. Ensuite, une accusation devant la justice pour agression physique et verbale sur une autre pensionnaire. «  Il n’y a jamais eu de poursuites. L’enfant nous accusait de l’avoir frappé et d’avoir mis une araignée dans ses vêtements. C’est faux », réplique la directrice.

Dans une lettre de dénonciation aux autorités, une ancienne employée affirmait qu’elle détenait des preuves prouvant qu’une fillette a été forcée de laver un chien, puis de nettoyer les excréments de l’animal.  Autre plainte au ministère : des adolescentes du centre ont participé à une fête d’anniversaire nocturne au domicile d’un employé. L’affaire remonte à 2012, l’un des responsables avait concédé que deux pensionnaires étaient présentes à cette fête.
Une autre pensionnaire avait allégué avoir dû se contenter de manger du pain et du beurre au dîner avant d’aller se coucher. Autres exemples de maltraitances et de punitions corporelles : des enfants forcés de s’agenouiller au soleil.

Jeeanmotee Guness était engagée dans le travail social avant d’inaugurer son premier refuge en 2012 à Vacoas. Puis deux autres ont ouvert à Belle-Rose et Curepipe. Après les diverses enquêtes menées, elle a été priée de fermer les abris pour enfants. Aujourd’hui, elle compte poursuivre sa carrière dans la restauration : son époux gère déjà un snack.


La ministre Roubina Jadoo-Jaunbocus : «Nous avons pris cette décision dans l’intérêt des enfants»

Roubina Jadoo-Jaunbocus
Roubina Jadoo-Jaunbocus

« Ces plaintes ne datent pas d’hier, mais de 2015. Certes, le ministère avait démarré des enquêtes, mais il y a aussi eu le rapport Denis Vellien. Il a dévoilé les pratiques de ce shelter. Puis j’ai reçu une lettre d’une fille qui explique comment on les traite ou maltraite. Elle affirme que les pensionnaires de cet abri sont en danger physique et moral », indique la ministre Roubina Jadoo-Jaunbocus.

La ministre des Droits de l’enfant précise que la décision d’évacuer les enfants n’a rien de personnel. « Ils étaient déjà démoralisés, traumatisés. Ils sont vulnérables. Je ne condamne personne et des enquêtes sont en cours. Je mets en garde tous les responsables des shelters, il ne faut pas seulement viser l’allocation. »

Roubina Jadoo-Jaunbocus explique que la Child Development Unit (CDU) a obtenu un ordre de la Cour et des policiers sont venus l’épauler les officiers de la CDU. « Nous n’avons pas employé la force comme allèguent certains. La personne en question a reçu des avertissements du ministère. Je ne peux m’ingérer dans les enquêtes. Nous surveillerons tous les shelters », conclut la ministre.


Rita Venkatasamy, Ombudsperson for Children : «La directrice n’a pas répondu présent à notre invitation»

Rita Venkatasamy,
Rita Venkatasamy,

« Le bureau de l’Ombudsperson for Children a reçu également des plaintes contre ces deux abris pour enfants de la Vedic Social Organisation », précise Rita Venkatasamy.

Sollicitée pour un commentaire dans ce cas d’évacuation en raison d’allégations de maltraitance sur enfants, elle affirme que la décision a été prise dans l’intérêt des enfants. « Si la ministre a reçu des informations concernant un shelter, selon la Child Protection Act, elle peut retirer les enfants de cet abri pour les placer en un lieu plus sécurisé. Ce fut une décision difficile à prendre, car il y aura des licenciements et les enfants perdront leurs repères. Mais comme ministre responsable, elle ne peut rester insensible. C’est une décision courageuse. Elle a reçu des plaintes, comme nous également. D’ailleurs, nous avons invité la directrice au bureau le jeudi 12 juillet pour entendre sa version des faits. Elle ne s’est pas présentée. J’espère qu’elle viendra dans l’intérêt des enfants.»


Extraits des lettres anonymes adressées aux autorités

extrait

Jeeanmotee Guness dément catégoriquement les allégations

Jeeanmotee Guness
Jeeanmotee Guness

Elle défend bec et ongle sa réputation. Jeeanmotee Guness, 55 ans, plus connue sous le nom d’Asha, réfute chaque allégation formulée contre elle et ses abris pour enfants.

« C’est de la discrimination. Dans nos centres, nous éduquons les enfants pour qu’ils deviennent des adultes responsables. Nous avons 20 enfants à La Marguerite, Belle-Rose et 20 autres à Heaven Children Centre, Paillote. Nous recevons une allocation de Rs  2,7  millions annuellement mais nous n’avons jamais demandé de somme supplémentaire. Nous assumons toutes nos difficultés car l’intérêt des enfants passe avant tout », indique-t-elle.

La directrice répond à ses détracteurs sur les allégations de maltraitance : « C’est complètement faux. Ce sont des mensonges que certaines personnes veulent obliger les enfants à dire. Nous prônons la discipline. Les autorités peuvent visionner les caméras de surveillance pour constater s’il y a de la maltraitance ou si les enfants sont frappés. »

Concernant la plainte «  manz dipin diber al dormi », elle se justifie en disant qu’il s’agit d’une punition. « Nous avons voulu la corriger car elle avait volé les gâteaux de ses amis », ajoute Jeeanmotee Guness.

Quant aux excréments de chien, elle affirme que la pensionnaire avait voulu s’occuper de l’animal. « Les animaux sont interdits dans les shelters mais la fillette a insisté pour avoir un friendly pet. Elle avait même supplié l’officier de la CDU. C’est faux de dire qu’elle était forcée de nettoyer les excréments », dit-elle.


Marie-Sarah Edouard, parent : «Ma fille m’a dit que les pensionnaires sont frappées»

Marie-Sarah Edouard
Marie-Sarah Edouard

Cette habitante de Pointe-aux-Sables ne sait plus à quel saint se vouer depuis l’évacuation des enfants de deux shelters. Et pour cause : sa fille, 12 ans, était une des pensionnaires de La Marguerite Shelter, Belle-Rose. Depuis, elle ne sait plus où se trouve son enfant. « Après une vie familiale instable et des conflits avec mon défunt époux, la CDU avait pris deux de mes huit enfants. Mon fils de sept ans et ma fille de 12 ans. Ce n’est que le 8 mai dernier que j’ai eu l’occasion de les rencontrer. Ma fille m’a suppliée de la sortir de ce centre en disant que les pensionnaires sont maltraités et frappés. Je ne sais pas vers qui me tourner pour retrouver la garde de mes enfants. Leur état de santé s’est détérioré dans cet abri. Aujourd’hui (NdlR : jeudi), j’ai appris la nouvelle par les médias et je ne sais pas où les autorités ont placé ma fille. La CDU et le ministère ne veulent rien dire », se lamente cette veuve de 55 ans.

Les 40 enfants transférés dans huit autres abris

Les enfants ont été hospitalisés dans la soirée du mercredi 11 au jeudi 12 juillet, selon les procédures. Après un examen médical, les 40 enfants ont été placés dans huit abris, nommément Icery à Forest-Side, Centre Handicapée de Malherbes à Curepipe, La Colombe Shelter à Pointe-aux-Sables, Terre de Paix à Albion, Cedem Shelter à Floréal et Vacoas, Oasis Shelter à Grande-Rivière-Nord-Ouest et Gayasing Ashram à Paillote. Selon les autorités, les enfants seront encadrés par des psychologues et bénéficieront de suivis médicaux.


40 personnes licenciées

Ils étaient employés par la Vedic Social Organisation comme chauffeurs, agents de sécurité, Child Caregiver Officer, cuisiniers ou dans l’administration. Les 40 personnes ont eu une réunion en fin après-midi de jeudi avec leur directrice, Jeeanmotee Guness. « Je leur ai clairement expliqué la situation. C’est triste mais je ne peux rien y faire. Cela me dépasse. Je suis dans l’obligation de les licencier car tous nos abris pour enfants ont été fermés », affirme la directrice.

 

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