C’est une requête peu commune que Laetitia souhaite faire en Cour Suprême. Elle veut que sa mère soit déchue de ses droits parentaux. Elle l’accuse de maltraitance et d’avoir voulu la vendre à des hommes âgés. Depuis un an, elle n’habite plus chez elle. Il y a deux semaines, une famille a accueilli Laetitia qui désire commencer une nouvelle vie.
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À 15 ans, grande et mince, Laëtitia (prénom modifié) a un visage d’adolescente mais marqué par l’inquiétude lorsqu’elle arrive dans les locaux du Défi Media Group. Elle parle comme une adulte qui compte des années d’expérience. On a du mal à en croire nos oreilles lorsqu’elle nous raconte son histoire.
« Je ne connais pas mon père et sur mon acte de naissance, il n’y a pas de nom, dit-elle d’emblée avec une grande tristesse. Ma mère m’a confiée à un groupe d’amis alors que je n’avais qu’un an. J’étais bien traitée et de temps en temps, ma mère venait me voir. Sans plus. Un jour, une dispute a éclaté entre ces amis. Ma mère a menacé de me reprendre. J’avais dix ans et elle a appelé la CDU pour dire que j’étais retenue de force. » Laëtitia repart donc vivre avec sa mère et son beau-père. « Il ne voulait pas de moi et une fois, il m’a coupé les cheveux pour me punir. J’étais battue ma mère et lui, et les voisins venaient souvent à mon secours. Pendant deux ans et à chaque fois qu’elle ne voulait plus de moi, ma mère me laissait chez des proches ou des connaissances. »
À 13 ans, Laëtitia décide de travailler afin de pouvoir louer une maison avec une amie. « Je travaillais dans un magasin mais le salaire était tellement dérisoire que je n’ai pu continuer à payer le loyer, dit-elle. J’ai donc été contrainte de retourner chez ma mère. » Selon ses dires, c’est durant cette période que celle-ci lui aurait proposé de coucher avec des hommes plus âgés aors qu’elle était encore mineure. « Ce sont des proches, révoltés par les propositions indécentes de ma mère, qui m’ont protégée en m’aidant à m’enfuir. » Elle demande asile à un oncle. « Il m’a hébergée pendant quelques jours. Mon grand-père aussi. Puis, un ami a accepté que je vive chez lui à Curepipe. J’y suis restée un an. »
Il y a deux semaines, Laëtitia est recueillie par la famille d’une amie qui habite Pailles. Bibi Saberoon G., 59 ans et mère de quatre enfants, explique : « Ma fille m’a demandé la permission d’héberger Laëtitia car elle n’avait nulle part où aller. Mes enfants et moi, nous avons d’abord voulu prendre des informations sur elle avant d’accepter. » Ainsi, elle contacte les proches de l’adolescente et ceux qui l’ont hébergée quand elle était enfant. « Tous m’ont encouragée à l’aider car elle est une fille sérieuse qui a connu beaucoup de difficultés dans sa vie. »
Bibi Saberoon G. indique aussi avoir pris la peine de contacter la mère de Laëtitia. « Ses réponses m’ont étonnée. Elle m’a dit qu’elle ne savait pas où se trouvait sa fille depuis un an et qu’elle ne voulait pas qu’elle revienne chez elle. Nous avons pris plusieurs rendez-vous pour en parler et trouver une solution mais elle n’est jamais venue. Nous avons donc consigné une déposition au poste de police de la localité en présence de Laëtitia. Ma fille a aussi contacté la CDU qui est venue nous visiter. Nous avons suffisamment de place pour l’abriter mais les autorités avancent que la jeune fille doit aller dans un shelter. J’estime que c’est vraiment regrettable alors qu’une famille est prête à l’accueillir. »
« Je veux vivre et reprendre l’école »
Laëtitia précise qu’elle ne veut pas aller dans un shelter ni retourner chez sa mère. « J’ai 15 ans et ma mère n’a presque pas été présente dans ma vie. Les rares fois qu’on était ensemble, c’était pour se venger des autres ou me faire du mal. Je ne veux pas de cette vie. Je veux vivre normalement et reprendre le chemin de l’école. Je souhaite être entendue par un juge pour demander que ma mère soit déchue de ses droits parentaux et avoir la permission de vivre chez une famille qui veuille bien prendre soin de moi et s’assurer de ma scolarité. »
Pour le moment, la CDU suit cette affaire de près.
Que dit la loi ?
Explications d’un homme de loi : « Dans ce cas précis, la mère veut que la fille soit admise dans un centre correctionnel mais ce sera au magistrat d’en décider après avoir écouté les deux. À 15 ans, les propos de l’adolescente seront pris en considération. L’article 350 du Code Civil prévoit que si un parent a perdu son droit parental et que l’autre parent est décédé, c’est le Juge en Chambre qui peut décider de la personne qui prendra soin de l’enfant. »
Déchéance de l’autorité parentale selon le Code civil mauricien
Peuvent être déchus de l’autorité parentale les père et mère qui sont condamnés, soit comme auteurs, co-auteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme co-auteurs ou complices d’un crime ou délit commis par leur enfant.
Peuvent être déchus de l’autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale, les père et mère qui, soit par de mauvais traitements, soit par des exemples pernicieux d’ivrognerie habituelle, d’inconduite notoire ou de délinquance, soit par un défaut de soins ou un manque de direction, mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant.
L’action en déchéance est portée devant la Cour Suprême soit par le ministère Public, soit par le père, la mère ou un autre membre de la famille ou le tuteur de l’enfant. [Articles 375/376].
la mère biologique : « Je ne peux reprendre ma fille… »
Contactée pour connaître sa version des faits, C.L., la mère biologique, nie certaines accusations de sa fille tout en affirmant qu’elle ne veut pas qu’elle revienne vivre chez elle. « Malheureusement, mon mari ne veut pas d’elle chez nous et je ne peux pas faire autrement car j’aurai des ennuis, dit-elle. C’est une enfant difficile, je souhaite qu’elle soit admise dans un shelter et d’ailleurs, j’ai déjà fait une demande à la CDU en ce sens. » Elle refuse cependant que d’autres personnes prennent Laetitia en charge.
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