Interview

Alan Ganoo : «Il y a une direction bicéphale au sommet de l’État»

Selon le président du Mouvement Patriotique, il y a plusieurs courants au sein du Mouvement socialiste militant, entre ceux qui souhaitent le départ de SAJ et ceux qui veulent qu’il reste, ou encore ceux qui sont impatients que Pravind Jugnauth lui succède. Pour Alan Ganoo, il est temps de clarifier la situation politique. Dans cet entretien, il parle aussi de la rentrée parlementaire.

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Le Mouvement Patriotique ne compte désormais que deux députés. Comment allez-vous aborder la rentrée parlementaire ?
Notre principale préoccupation, c’est d’être au Parlement et d’exprimer la voix de l’électorat, tout en faisant notre travail de députés. Il est vrai que durant les vacances, le Mouvement Patriotique (MP) a connu un problème de scission et de démissions. Avec deux députés, notre force a diminué sur le plan numérique, mais cela ne fait aucune différence. Nous continuerons à faire notre travail avec conviction. Nous serons actifs, comme toujours, à l’heure de la Private Notice Question et pour les questions parlementaires. Nous participerons aussi aux débats.

Votre force de frappe n’a-t-elle pas été grandement réduite ?
Évidemment, le nombre compte. Or, la force d’un parti au Parlement dépend surtout de sa performance et de son engagement.

Avec le recul, pensez-vous avoir fait une erreur en quittant le Mouvement militant mauricien ?
Pas du tout. Dans la vie, chaque personne est appelée à prendre des décisions. Je me suis senti trahi, alors que je m’étais dévoué au leader et au parti. On a voulu me sacrifier à l’autel de la débâcle de l’alliance Parti travailliste-Mouvement militant mauricien (MMM). On a voulu faire de moi le bouc émissaire et me faire porter seul le chapeau de l’alliance entre les deux partis, alors que je n’étais qu’un envoyé pour discuter de la réforme électorale et de l’accord électoral. Le leader était au courant de ce qui se passait. C’est par loyauté que j’ai accompli la tâche que l’on m’avait déléguée, car à travers cette alliance, Paul Bérenger aurait pu devenir Premier ministre pendant cinq ans. Cela allait aussi installer un nouvel ordre moral et social dans le pays. C’était donc injuste qu’on me blâme. Or, pour moi, les principes sont plus importants que la position. J’ai démissionné du MMM, même si cela me coûtait mon positionnement dans la hiérarchie du parti.

«Aujourd’hui, le limogeage de Megh Pillay envoie un mauvais signal au monde des affaires. Le gouverne­ment doit faire attention, sinon ce sera difficile de remonter la pente»

On voit une opposition morcelée et désunie. Ne faut-il pas une unité à l’Assemblée nationale ?
Force est de constater que l’opposition parlementaire est fragmentée. Cela n’a jamais été le cas dans le passé. C’est triste pour la démocratie. Cela aurait été bien que toutes les forces de l’opposition conjuguent leurs efforts, sans nécessairement s’allier en concluant une alliance ou à travers un arrangement électoral formel. Ensemble, nous pouvons faire un travail d’opposition formidable. Il faut aussi que le MMM comprenne qu’il n’a que six députés sur les 17 que compte l’opposition. Bien qu’il soit le parti majoritaire de l’opposition, il faut que le MMM montre du respect aux autres. Les trois démissionnaires du MP ne constituent pas un trio homogène.

Trouveriez-vous votre place dans un éventuel remaniement ministériel ?
Même s’il y a un remaniement ministériel, je ne pense pas que le gouvernement actuel a l’intention de rope le MP ou qui que ce soit dans une nouvelle configuration. Il y a déjà plusieurs membres du Mouvement socialiste militant (MSM) et d’autres composantes qui font du lobbying pour un maroquin ministériel. Il y a aussi le fait que le MP est un parti de l’opposition. Il n’a nullement envie d’intégrer les rangs du gouvernement. Nous avons consolidé nos assises et nous nous sommes revitalisés avec du sang neuf.

Est-ce vrai qu’il y a d’énormes différends entre le Premier ministre sir Anerood Jugnauth et son fils Pravind Jugnauth ?
Il y a une direction bicéphale au sommet de l’État. Dans le passé, il y a eu des conflits au sommet de l’État qui ont débouché sur des crises, l’instabilité et des cassures. Il est clair qu’aujourd’hui, il y a plusieurs courants au sein du MSM. Certains veulent que sir Anerood Jugnauth (SAJ) tire sa révérence. D’autres souhaitent que Pravind Jugnauth prenne la relève du Premier ministre le plus rapidement possible. D’autres encore veulent que SAJ reste, estimant qu’il a encore un rôle crucial à jouer.

La coexistence de ces divers courants s’est manifestée à plusieurs occasions. Le problème dans tout cela, c’est que c’est le pays qui est pénalisé. En particulier avec les décisions prises à la va-vite et les lobbies qui sont à l’œuvre. Il semble que SAJ, qui est le chef du gouvernement, soit tenu à l’écart de certaines informations et décisions. Le Premier ministre a avoué, de son propre chef, être en minorité dans son Cabinet ministériel. Ce qui est effarant et incroyable. C’est la perversion même de notre système démocratique.

Il est grand temps que le Premier ministre reprenne la main. Ou que Pravind Jugnauth accède au poste suprême de l’État en s’entourant d’un nouveau gouvernement et de ses proches collaborateurs jusqu’à la fin de ce mandat. Cela aiderait à clarifier la situation politique, qui est floue actuellement. Il faut vraiment y mettre de l’ordre et insuffler un nouveau dynamisme pour faire redécoller l’économie.

«Le Premier ministre a avoué, de son propre chef, être en minorité dans son Cabinet ministériel. Ce qui est effarant et incroyable. C’est la perversion même de notre système démocratique»

Le leader du MSM prend son bâton de pèlerin en prévision de son Prime ministership... 
Pravind Jugnauth, en sa capacité de leader du MSM et de Premier ministre en attente, a tous les droits. Il a aussi le devoir et la responsabilité d’être un homme de terrain. Aujourd’hui, l’Alliance Lepep, et le MSM en particulier, perd, chaque jour qui passe, un peu de son capital sympathie. Ils sont tous absorbés par les préoccupations ministérielles et par le désir de faire plaisir à certains. Ils sont déconnectés de ce qui se passe. J’en viens à me demander s’ils sont conscients de la grogne et de la colère de la population. Donc, Pravind Jugnauth a parfaitement raison d’être sur le terrain pour expliquer aux gens pourquoi la situation se détériore et pour leur redonner confiance.

Quelques mots sur le limogeage de Megh Pillay, qui occupait le poste de Chief Executive Officer d’Air Mauritius, et maintenant sur sa démission du Board...
J’espère qu’on verra plus clair sur le dossier Megh Pillay à la rentrée parlementaire. J’ai moi-même envoyé une question à ce sujet. Cette révocation met en lumière plusieurs choses, dont la question des nominations au sein des organismes parapublics et celle liée à la bonne gouvernance. Après l’éclatement de l’affaire BAI, un climat de morosité s’était déjà installé dans le pays. Aujourd’hui, le limogeage de Megh Pillay envoie un mauvais signal au monde des affaires. Le gouverne­ment doit faire attention, sinon ce sera difficile de remonter la pente.

 

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