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Alain Laridon : «Des femmes et des hommes ont œuvré en aval sur le dossier de Chagos»

Sir Seewoosagur Ramgoolam reçoit chez lui une délégation composée d’Alain Laridon, Jean-Claude de L’Estrac, Sylvio Michel et Auguste Follet pour aborder la question chagossienne.

Depuis plus d’un demi-siècle, des hommes et des femmes se battent pour faire connaître la cause des Chagos au niveau mondial. Un combat qui a abouti le 22 mai 2025, avec l’accord où, selon le PM Navin Ramgoolam, le Royaume-Uni reconnaît la souveraineté de Maurice sur l’archipel, Diego Garcia compris. Dans cet article, Alain Laridon, ex-PPS et ambassadeur au Mozambique, tente de faire la lumière sur la contribution sur ces inconnus dans le dossier Chagos.

« Tout commence en 1968 lors de l’arrestation des frères Sylvio et Eli Michel, les fondateurs du Parti fraternel durant une manifestation. L’un d’eux note qu’un des manifestants ne parlait pas le créole mauricien. C’est là qu’il apprend qu’il est originaire de l’archipel de Chagos. Ce dernier lui raconte alors les circonstances qui l’ont amené à Maurice », relate Alain Laridon.

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À partir de là, dit-il, les frères Michel vont tout mettre en œuvre afin de faire connaître le drame des Chagossiens. Cependant, comme leur parti, l’Organisation fraternelle, est un mouvement urbain peu structuré et cantonné à Plaisance, Rose-Hill, ils ont du mal à médiatiser ce dossier. « Ce sera au MMM de s’en emparer et en faire une de ses revendications majeures, avec le fameux slogan ‘Rann nou Diego’ », ajoute-t-il. 

 « L’accent est surtout mis sur la présence de la base militaire américaine de Diego. Pour le Comité des Étudiants Mauriciens, l’ancêtre du MMM, l’engagement sur le dossier de Chagos rejoignait ses grandes questions posées dans des livres comme L’Afrique est mal partie, les Damnés de la Terre et la Dernière chance du Tiers-Monde. Paul Bérenger lui-même suivait le dossier de Chagos de près, il lisait tout ce qui y avait au Parlement en consultant le Hansard », fait ressortir Alain Laridon. 

Sir Satcam Boolell

À l’examen même de l’excision de Chagos du territoire mauricien, une question empoisonne le dossier : est-ce que le Dr Ramgoolam aurait procédé par un ‘deal' en cédant Chagos afin d’obtenir l’indépendance de Maurice en 1968 ? 

Lors d’un débat organisé par le Défi Plus sur le dossier Chagos, Sir Satcam Boolell invité à donner son opinion, eut ces mots : « À lepok, nou lame ti anba ros kan nou ti al diskite a Lancaster House ». En effet, selon Alain Laridon les Britanniques savaient que le Parti travailliste (Ptr) n’avait pas une grande majorité de Mauriciens avec lui. 

Dans un livre consacré à la question Chagos, intitulé « The Selling of Chagos Archipelago : À Void Contract », Olivier Robert Précieux fait, lui, valoir que les Anglais, avant 1960, avaient décidé de se séparer de leurs colonies. Il estime qu’il n’y avait aucune raison dès lors d’imposer un « deal » aux représentants mauriciens. 

L’auteur indique qu’il y aurait matière à poursuivre le gouvernement anglais devant la Cour Pénale Internationale (CPI), pour avoir « dissimuler » cette décision. Toutefois, pour Alain Laridon « c’est un point difficile à démontrer, car les Anglais, au terme de négociations secrètes avec les Américains, avaient contourné la problématique. Ils avaient créé le BIOT (British Indian Ocean Territories), leur permettant de céder Diego Garcia aux Américains et d’en tirer une belle rente ».

Dossiers déclassifiés

Aujourd’hui, grâce au travail minutieux du journaliste Henri Marimootoo, qui a eu accès aux dossiers déclassifiés sur Chagos, on en sait un peu plus sur la Conférence de Lancaster House. Et aussi sur la totalité des notes échangées par les parties qui y étaient présentes.

Le travail de Marimootoo apportera un véritable éclairage sur les tractations à la Lancaster House. Tour à tour membre de la General Workers Federation (GWF) et de la Federation of Progressive Union (FPU), Alain Laridon aura, lui, l’occasion de porter le cas de Chagos partout où il se rend à travers le monde. « Que ce soit à Paris, en Grèce ou en Chine, je ne cessais de parler du drame des réfugiés de Chagos », explique-t-il. 

Durant sa carrière d’ambassadeur au Mozambique, il n’hésite pas à attirer ses interlocuteurs africains sur cette injustice. « Ce n’était pas évident pour eux de comprendre cette affaire, déjà, ils avaient du mal à situer Maurice sur le plan géographique », nuance-t-il. 

Personnalités et organisations

Cependant, à Maurice, d’autres personnalités et organisations ne restent pas les bras croisés. De Vinesh Hookoomsing, Harry Kishore Mundil, Vijay Makhan jusqu’au Centre diocésain de Maurice, sous la houlette du Père Patient, en passant par trois femmes chagossiennes emblématiques, Charlesia Alexis, Rita Elysée et Lisette Talate, la cause de Chagos reste dans l’actualité. 

Le combat pour la récupération de Chagos a connu plusieurs étapes. Il y a eu d’abord l’engagement de Fernand Mandarin, leader du Comité Social Chagossien, – que certains ont jugé trop timide - soutenu par l’avocat Hervé Lassémillante, puis par Olivier Bancoult, président du Groupe Refugié Chagos (GRC). 

Beaucoup mettent l’emphase sur Me Robin Mardaymootoo, conseiller légal du GRC, qui s’est engagé dans cette cause comme un véritable maitre d’œuvre et permettant au dossier de progresser. Ce sont également à coups de manifestations publiques, grèves de la faim et arrestations et autres conférences de presse que la cause chagossienne a pu être médiatisée. 

On se rappellera de la manifestation d’un groupe composé de représentants du Front national de soutien, parmi Jena-Claude de L’Estrac et Alain Laridon, qui seront reçus par Sir Seewoosagur Ramgoolam. Il faut aussi souligner que le gouvernement britannique aura usé de tous les moyens pour faire obstacle au combat des différents gouvernements mauriciens pour la restitution de l’archipel des Chagos. 

« On se souviendra de la décision du gouvernement anglais en 2010 de créer un parc marin sous prétexte de protéger l’atoll de l’archipel », explique Alain Laridon. Par la suite, l’objectif réel de ce dessein sera dévoilé par Wikileaks. Les Américains et les Britanniques envisageaient bien la création d’une réserve marine afin de couper court à toute tentative de retour des natifs des Chagos éparpillés, pour la plupart, dans d’autres îles de l’océan Indien depuis l’excision de 1960. 

Dans les fils diplomatiques révélés, l’un d’entre eux évoque le fait que les Anglais ne regrettent pas l’expulsion des Chagossiens dès 1965. En fait, l’utilisation de Diego Garcia en base militaire a permis de protéger les intérêts des États-Unis et du Royaume-Uni. Les notes secrètes, désormais publiques, ont également révélé qu’Américains et Britanniques s’étaient mis d’accord pour ne pas tout dire aux représentants mauriciens et indiens quant à leurs intentions sur l’archipel des Chagos.     

« Il y avait aussi eu des débats sur l’acceptation ou non des Chagossiens comme habitants ‘indigènes’ de l’archipel », poursuit Alain Laridon. Ce dernier ajoute : « Ce combat-là n’est pas l’œuvre d’un seul groupe de personnes ou d’un seul gouvernement. Depuis environ 60 ans, il y a des engagements des uns et des autres, avec des hauts et des bas. Il ne faut pas oublier que les Chagossiens avaient subi un revers en octobre 2008 devant la Chambre des Lords et qui ne leur laissait aucune possibilité de retour sur les Chagos. Malgré cela, ils ont poursuivi leur combat sans relâche et sans se décourager sous l’impulsion de différents gouvernements, sans oublier l’engagement de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ,uis de l’Union Africaine (UA), où Vijay Makhan était assistant-secrétaire-général. Chacun, à son niveau, a contribué à apporter son soutien à la cause des Chagos ».

 

 

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