À 39 ans, Ajegee Rungapen se déplace principalement en fauteuil roulant. La raison est que depuis qu’elle a huit mois, elle souffre du « spina bifida » (malformation congénitale qui se caractérise par un mauvais développement de la colonne vertébrale entraînant une paralysie et d’autres complications). Cependant, depuis qu’elle a participé à un don de sang (voir encadré), sa photo fait le buzz sur Facebook. Rencontre avec une belle âme qui raconte avoir tout appris par elle-même.
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Il y a des histoires qui commencent par « il était une fois ». Celle d’Ajegee Rungapen, 39 ans, habitante de Rivière-du-Rempart, a commencé lorsqu’elle a fait la découverte du sport. Cela fait un peu plus de 11 ans depuis que cette jeune femme en fauteuil roulant est tombée amoureuse des activités sportives. Depuis, elle ne peut plus s’en passer. Elle avance que cela lui a permis d’avoir un physique de sportive, mais surtout un moral d’acier.
Face aux diverses épreuves de la vie, Ajegee est aujourd’hui beaucoup plus sereine. Elle voit la vie d’un nouvel œil. Elle s’entraîne au tennis au moins une fois par semaine et explique que grâce au sport, elle a souvent eu l’occasion de voyager : de Soweto à La Réunion ou encore à Madagascar et l’île de la Réunion pour le tennis.
Pourtant Ajegee n’a pas toujours été cette femme forte. Née sans complication de santé, elle explique que selon les dires de sa mère, elle a eu une grosse fièvre à l’âge de 8 mois. Si bien qu’elle a dû se rendre chez le médecin. Peu de temps plus tard, sa mère apprendra qu’elle est atteinte de « spina bifida ». La jeune femme garde encore le souvenir de ses nombreux allers-retours à l’hôpital durant son enfance. « Pour beaucoup de médecins que j’avais rencontrés, je servais de cobaye. Un jour, ils proposaient un remède. Un autre jour, ils ne savaient plus ce que j’avais. Ils étaient un peu perdus face à ma situation. J’avais souvent l’impression que ma mère savait beaucoup plus sur la maladie », déclare Ajegee.
Son combat
Issue d’une fratrie de trois enfants, Ajegee vit toujours chez ses parents avec son frère. À son plus grand regret, elle n’a pas été longtemps à l’école. C’est à la maison qu’elle a tout appris. « Depuis mon plus jeune âge, mes parents m’ont considérée comme une enfant tellement fragile qu’ils voulaient toujours avoir un œil sur moi. Donc, ils étaient très inquiets de m’envoyer à l’école ». Par la suite, « comme je ne voulais pas fréquenter une école pour les enfants en situation de handicap, sachant que je n’avais ni de déficience mentale et ni de paralysie aux pieds, je voulais qu’on me donne la chance d’apprendre comme les autres. Mais c’est l’école qui n’a pas voulu de moi », raconte-t-elle. Ajegee estime que ce sont le responsable d’école qui n’a pas voulu prendre la responsabilité d’une enfant en fauteuil. D’où son explication que la place de cette enfant n’y est pas.
Son combat pour être scolarisé l’a finalement dirigée vers le Professeur Armoogum Parsuramen, fondateur et Président de la Global Rainbow Foundation. « Après l’intervention du Professeur Armoogum Parsuramen, j’ai finalement pu être admise dans une école primaire. J’avais 15 ans lorsque j’ai été admise en Grade 3. Ce fut un jour inoubliable. Je rêvais tellement de pouvoir m’asseoir dans une salle de classe. Cela ne me dérangeait pas de voir autour de moi des petits êtres bruyants qui étaient surpris de me voir. Petit à petit, je me suis même liée d’amitié avec eux. Ils aimaient me pousser en fauteuil roulant, car il trouvait cela rigolo », raconte Ajegee. Ainsi, elle étudiera jusqu’à l’obtention de son Certificate of Primary Education (CPE), mais n’ira malheureusement pas au collège.
Ses parents lui déconseillent de poursuivre ses études secondaires. « Les médecins leur avaient dit que ce serait compliqué pour moi de rester assise pendant des heures. Malgré mon insistance, ils ont préféré écouter les conseils des professionnels de la santé. J’étais très triste, mais je sais qu’ils le faisaient pour mon bien. Ils ont toujours eu peur pour moi et ont été surprotecteurs ne voulant surtout pas que les gens me blessent. » C’est ainsi, que notre interlocutrice a énormément appris d’elle-même et avec l’aide de ses proches. « Pour que je puisse apprendre, surtout à compter et à écrire, mes frères et mes cousines m’ont accordé beaucoup de leur temps. » Aujourd’hui, si Ajegee ne fait pas la cuisine, elle dit qu’elle passe son temps à dévorer les livres.
Son plus grand souhait est de ne plus rester des journées entières à ne rien faire de concret. Elle espère pouvoir bientôt trouver du travail, lâche-t-elle avec beaucoup de conviction.
Ajegee cherche désespérément un emploi
Dans peu de temps, Ajegee soufflera ses 40 ans bougies. Cependant, son plus grand regret est de ne pas avoir eu l’occasion de travailler de toute sa vie. « J’ai reçu plusieurs formations, mais je n’ai jamais pu obtenir un emploi », dit-elle tristement. Elle partage son souhait : trouver un emploi dans le domaine du secrétariat ou comme réceptionniste, car elle dit avoir eu des formations professionnelles dans ce secteur. « Le fait de travailler sera une nouvelle expérience de vie pour moi. Cela me rapprochera un peu plus des autres et me permettra de faire de nouvelles découvertes. Le monde professionnel m’attire, il faut juste qu’on me donne ma chance. »
Don de sang
C’est par un pur hasard qu’Ajegee a, la semaine dernière, donné son sang pour la première fois. Elle se souvient qu’il y a quelques années, alors qu’elle avait voulu faire don de son sang à son frère, les membres de la famille lui avait déconseillé. « Ils étaient inquiets pour moi et avaient peur que je tombe malade. J’étais très déçue de ne pas pouvoir apporter ma petite contribution. »
La semaine dernière, lors d’une tournée avec son cousin dans le nouveau centre commercial de Cap Tamarin, elle a aperçu une petite équipe qui encourageait les passants à faire don de leur sang. « Sans rien dire à personne, je me suis rapprochée d’eux et je leur ai fait part que je voulais aussi y participer. » Elle soutient que tout s’est bien passé. « Après le don, ils m’ont donné un peu de sérum, car j’avais un peu le tournis. On m’a expliqué que c’est tout à fait normal de se sentir un peu bizarre la première fois. »
Pour ce beau geste humanitaire, la photo d’Ajegee fait aujourd’hui le buzz sur Facebook. Elle se dit heureuse d’avoir pu participer à cette action. Elle espère que ce ne sera pas la dernière.
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