Live News

Air Mauritius : plus de Rs 100 millions pour les administrateurs ?

Une certaine opacité règne autour de la question de savoir combien Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool, nommés administrateurs d’Air Mauritius le 22 avril 2020, ont touché comme honoraires. Des sommes ont été évoquées, mais aucune réponse officielle n’a été fournie jusqu’ici. 

Les administrateurs d’Air Mauritius ont-ils perçu des honoraires de Rs 127 millions pour le travail effectué depuis leur nomination le 22 avril 2020 ? Depuis quelques jours, une information circule à cet effet. Mais au niveau des administrateurs, on se garde de la confirmer ou de l’infirmer, alors que du côté du gouvernement, on dit ne pas être au courant. 

Publicité

Le 4 mai déjà, alors qu’il interrogeait le Premier ministre, Fabrice David avait parlé d’une « somme affolante de Rs 72 millions qui aurait été payée pour les honoraires des administrateurs ». Le député travailliste avait demandé à Pravind Jugnauth d’éclairer l’Assemblée nationale. Si ce dernier avait donné d’autres détails, notamment l’argent déboursé sous le Government Wage Assistance Scheme pour les employés de la compagnie, il n’avait cependant pas répondu à cette question. 

Rebelotte le 25 mai à la suite d’une question de Reza Uteem. Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, avait révélé que Rs 3 milliards avaient déjà été injectées dans la compagnie d’aviation sur les Rs 9 milliards disponibles pour la sauver.

À une question supplémentaire d’Ehsan Juman, qui voulait savoir « si les administrateurs ont empoché à ce jour pour les 13 mois Rs 100 millions », Renganaden Padayachy avait répondu : « Je vais devoir vérifier car je n’ai pas ces informations. » Or, jusqu’à ce jour, il n’est pas venu avec les réponses.

Les administrateurs, Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool, ont eu la lourde tâche de sauver Air Mauritius dans la mesure du possible. Leur plan de relance devra être présenté aux créanciers au plus tard fin juillet 2022 lors d’un Watershed Meeting. En attendant, ce sont eux qui dirigent Air Mauritius, qui la maintiennent en vie et qui doivent trouver des rentrées d’argent pour lui permettre de continuer à fonctionner.

Cela va de pair avec le plus vaste exercice de restructuration qu’elle a connu.

Contacté, un administrateur explique que la rémunération d’une personne nommée à ce poste est expliquée dans l’Insolvency Act. Mais il reconnaît qu’il peut aussi y avoir un accord sur le montant à être déboursé soit sur la formule qui sera adoptée pour calculer la rémunération entre les créanciers et l’administrateur, soit en début de contrat, ou encore en pleine administration si celle-ci se prolonge dans la durée. « La question peut être décidée lors d’une réunion des créanciers », explique-t-il. 

La clause 217 de l’Insolvency Act de 2009 stipule ceci : « An administrator is entitled to charge reasonable remuneration for carrying out his duties and exercising his powers as administrator. » L’article (2) indique aussi que la cour peut décider de « revoir ou fixer la rémunération de l’administrateur à un niveau qui est raisonnable dans les circonstances ».


MK suspendue à une décision politique

Plus que jamais, le sort d’Air Mauritius est entre les mains du gouvernement. C’est ce que confient les administrateurs de la compagnie. Il y a plusieurs options, mais c’est le gouvernement, en tant qu’actionnaire majoritaire, qui devra trancher. Les administrateurs n’ont plus d’argent pour payer les salaires et ont informé le gouvernement qu’ils en manquent pour financer l’administration de la compagnie. « La décision ne nous appartient pas. C’est le gouvernement qui décidera. En attendant, nous essayons de garder Air Mauritius en vie », expliquent les administrateurs.

Ces derniers révèleront le plan de redécollage d’Air Mauritius lors de la « watershed meeting » avec les créanciers au plus tard le 31 janvier de l’année prochaine. Mais, la question est de savoir si Air Mauritius pourra tenir jusque-là.Le samedi 7 août, le dossier de limogeage de dix-huit pilotes mauriciens pour des raisons économiques sera entendu par le Redundancy Board. Les différentes parties sont appelées à défendre leur dossier. 

D’un côté, les administrateurs devront convaincre le Redundancy Board du bienfondé de leur décision de se séparer des pilotes. De l’autre, les pilotes devront se battre pour leur emploi. La Mauritius Air Line Pilotes Association soutiendra les pilotes. 

Les administrateurs ont l’intention de réduire davantage la flotte qui est passée de quinze à onze appareils. Deux A319 et deux A340 ont été vendus. Les négociations sont à un stade avancé avec la compagnie allemande Doric. Celle-ci est propriétaire d’un A330-200 qu’Air Mauritius loue depuis décembre 2007. Et cette dernière souhaite la lui rendre avant la fin du contrat de location. L’autre A330-200 pourrait aussi quitter la flotte. Pour les administrateurs, Air Mauritius a trop d’employés. Un gros exercice de dégraissage s’impose, si le gouvernement veut que la compagnie nationale redécolle sur des bases plus saines.« Si Air Mauritius est liquidée, quelque 2 300 personnes perdront leur emploi. Si la restructuration d’Air Mauritius et de son business se fait avec succès, au moins 1 000 emplois seront sauvés », indiquent les administrateurs dans le dossier qu’ils ont soumis au Redundancy Board en début de semaine. 

Une menace directe pèse sur 1 300 emplois dans la compagnie. En cas de faillite, c’est la totalité des emplois qui sera perdue. Le gouvernement peut conserver les emplois. Mais il devra injecter des milliards de roupies tous les ans pour éviter une liquidation. « Air Mauritius continuera d’enregistrer des pertes irrécupérables pendant au moins cinq ans encore, si des changements ne sont pas apportés au sein de la compagnie », indique le dossier soumis au Redundancy Board.

Se basant sur les prévisions, les administrateurs estiment que la reprise sera très lente. « Avec les conditions sanitaires qui prévalent dans le monde, être loin de nos principaux marchés n’aide pas. Et les passagers de l’Union européenne optent pour des destinations à courte ou moyenne distance. La situation sanitaire dans des marchés tels que l’Afrique du Sud, La Réunion et l’Inde reste alarmante. La demande pour Maurice stagne et un coup d’œil rapide aux taux de remplissage confirme la tendance pour les prochains mois », constatent les administrateurs. 

Pour les mois à venir, le taux de réservation de sièges dans les avions est « de 20 à 50 % dépendant des destinations et des mois ». Car, si les voyageurs étrangers ne réservent pas en masse, les Mauriciens eux aussi sont très timides lorsqu’il s’agit de se rendre à l’étranger. Les réservations pour les prochains mois sont très loin d’être l’engouement.

L’argent manque pour payer les salaires

« Actuellement, la compagnie n’a plus assez de fonds pour payer les salaires des employés », indiquent les administrateurs. Des pourparlers sont en cours pour trouver des solutions. « Il y a des discussions avec les différentes parties prenantes du business, en particulier avec le gouvernement, pour le financement de la compagnie », explique le dossier soumis au Redundancy Board. Mais le financement de l’administration est compliqué. Un crash est donc inévitable si rien n’est fait pour redresser la barre rapidement.


Retour brutal sur terre pour les pilotes

Jamais, même dans leur pire cauchemar, les pilotes pensaient en arriver-là un jour. Air Mauritius veut se débarrasser d’eux en les laissant sans aucune perspective d’avenir dans leur pays. « Nous espérions que la compagnie allait revoir sa position, mais ce n’est pas le cas. Nous préparons notre dossier qui sera soumis samedi au Redundancy Board », explique Alexandre Marot, président de la Mauritius Air Line Pilots Association.

Malgré d’énormes efforts consentis l’année dernière dans l’espoir de conserver les emplois, Air Mauritius compte se débarrasser d’un certain nombre de pilotes. « Jamais au grand jamais je n’aurais cru me trouver dans cette situation. Avant la pandémie, il y avait un gros manque de pilotes dans le monde et les perspectives disaient qu’il y aurait une pénurie de pilotes pendant plusieurs années. Personne n’aurait cru que nous allions nous trouver sans emploi. C’est déplorable », témoigne un pilote d’A319 qui a plus de dix ans d’expérience.

« Ma famille a dépensé des millions pour mes études. Et on ne devient pas pilote sans faire beaucoup d’efforts. J’aurais pu intégrer une grande compagnie aérienne, mais j’ai préféré rester à Maurice. C’était pour servir mon pays et être proche de ma famille. Que vais-je faire si je suis au chômage ? Changer de métier alors qu’être pilote est le rêve de ma vie ? Je n’ai aucune option dans mon propre pays. Je serais forcé de chercher ailleurs et de me séparer de ma famille », confie un autre pilote.

 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !