Actualités

Agriculture : les jeunes et la terre

Fini le temps où les champs étaient cultivés à grande échelle. Les jeunes sont de moins en moins intéressés à travailler la terre, alors que la demande en fruits et légumes, elle, est toujours là. Comment inciter les jeunes à s’engager dans ce secteur ?

Publicité

Alors que le béton envahit chaque once de terre disponible, la terre a encore ses droits. Entre tradition et modernité, le secteur agricole est en forte demande de main-d’œuvre, mais les jeunes, qui représentent une grande part de la population, ne s’y intéressent pas vraiment. Plusieurs ne considèrent pas l’agriculture comme une profession prestigieuse ou rémunératrice. Pourtant, il est crucial de s’accrocher à ce secteur, de relancer l’engouement et de garantir une sécurité alimentaire.

Dans la dernière présentation budgétaire, le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, a annoncé diverses mesures pour aider et encourager les jeunes à faire leurs premiers pas dans le secteur agricole. L’objectif du gouvernement : mettre l’accent sur la production de cultures vivrières. Des dispositions sont prises en vue de la mise en œuvre d’un système d’agriculture protégée qui prévoit la création de 100 exploitations agricoles au cours des deux prochaines années, soit jusqu’en 2020.

Le Budget 2018/2019 fait également mention de l’élaboration d’un mini-système d’exploitation agricole protégé destiné à promouvoir les micro-jardins, l’agriculture verticale et le jardinage sur les toits. Une subvention allant jusqu’à Rs 10 000 sera accordée aux familles éligibles.

Afin de s’orienter vers un modèle de développement durable, le gouvernement signifie son intention de veiller à ce que les exploitations abritées soient équipées de systèmes de collecte de pluie et de la technologie photovoltaïque. Des fonds seront alloués à la sensibilisation et à la formation des ménages en aquaponie (NdlR: système alliant culture de légumes  et élevage de poissons ) pour la production de légumes adaptables à l’eau dans les étangs et les bassins d’eau douce.

Métiers d’avenir

Un nouveau système favorisant la mixité de la production agricole et de l’électricité sera mis en place afin de permettre aux petits planteurs et aux coopératives d’améliorer leurs revenus. De plus, une banque de données sera créée pour cartographier les terres agricoles abandonnées à travers toute l’île afin de les remettre sous culture. Toute une liste d’avantages pour favoriser et encourager les jeunes à travailler la terre.

Les méthodes de production alimentaire traditionnelles ne sont pas particulièrement attrayantes alors que les technologies de l’information et de la communication sont en train de révolutionner ce secteur. Nous avons rencontré trois jeunes : Viveck, Aki et Kreshna qui ont un point en commun : celui de réinventer l’agriculture. Des universitaires qui sont dans le domaine lié à l’agriculture.


Aki Allock : « L’agriculture est un secteur en pleine mutation »

Aki Allock

Aki Allock, âgé de 21 ans et originaire de Trou-d’Eau-Douce, détient un BSc in Aquaculture. Il a justement emprunté ce chemin afin de découvrir une nouvelle façon de produire du végétal. « L’agriculture est un secteur en pleine mutation. Elle ne cesse de se développer et d’évoluer. Elle exige des compétences toujours plus variées. » Pour lui, c’est un métier d’avenir auquel les jeunes ne croient pas. Du moins pas encore… « Ils préfèrent travailler dans un bureau. Ils estiment que l’agriculture n’est pas un métier. Ils ont tort car on est obligé de manger pour vivre et pour bien vivre, il faut bien manger.

Donc le choix est simple : produire et produire bien. » Aki Allock vient de terminer ses études. Il souhaite bientôt construire une ferme aquaponique. Selon lui, il y a encore un long chemin avant que les jeunes s’y intéressent. « Dans le dernier Budget, le Premier ministre a annoncé qu’il offrirait des grants à ceux intéressés par l’agriculture. Mais il ne faut pas oublier que les emplacements demeurent une priorité pour démarrer les projets », souligne-t-il.


Viveck : « Les méthodes conventionnelles ne tiendront pas longtemps »

Agriculture

Viveck, 23 ans, a complété trois ans d’études en Agricultural Science and Technology. « En regroupant l’agriculture, les sciences et la technologie, cela prend une autre dimension. Les méthodes conventionnelles ne tiendront pas longtemps. Elles ont évolué. On apprend de nouvelles choses et l’agriculture n’est pas épargnée. »

Il souligne que la modernité de l’agriculture fait qu’aujourd’hui tout le monde peut devenir autosuffisant. « Il y a des mini-serres, des jardins et des plantations sur les toits des maisons ou des balcons. L’endroit où on habite importe peu. Il y a toujours un moyen de cultiver des plantes, des fruits et des fleurs. »

Il affirme que les nouveaux concepts de l’agriculture ont des techniques d’avenir infaillibles. Toutefois, il estime que la production à grande échelle doit se faire avec davantage de facilités. Afin de combattre le chômage, il faudrait non seulement offrir des subventions mais aussi des facilités de démarrage, dit-il. « Beaucoup de jeunes ne peuvent se permettre des cours à l’université. Des mini-formations les aideraient donc à prendre un bon départ. »


Prakash : « Mes fils refusent de reprendre le flambeau »

Boeuf

Prakash, qui habite Triolet, est désespéré. Laboureur depuis ses 13 ans et aujourd’hui âgé de 72 ans, il n’a qu’un souhait : que ses deux fils reprennent le flambeau familial. « Je leur ai légué 12 hectares de terre mais aucun ne veut devenir laboureur. Pourtant, c’est un métier qui marche. J’ai deux maisons et un tracteur. J’emploie huit personnes. J’ai financé les études de mes fils à l’étranger. Je leur ai offert de beaux mariages. Mais ils refusent de cultiver ces terres », raconte Prakash.

Vu son âge, dit-il, il ne peut plus passer beaucoup de temps dans les champs. Il voudrait qu’après son départ ces 12 hectares de terre ne soient ni vendus ni perdus. « J’ai longtemps économisé. J’ai fait des sacrifices dans l’espoir qu’un jour un de mes fils me succède, mais je crois qu’ils ont peur de se salir les mains », lance-t-il avec un sourire en coin.

Cela fait longtemps que le terrain appartient à la famille Ramansing. Le père et le grand père de Prakash ont travaillé la terre. Le grand-père a débuté avec deux hectares avant d’en acquérir deux autres. Après sa mort, c’est le père de Prakash qui a pris la relève. Fils unique, il s’est occupé des terres avec sa femme. Puis Prakash est né. « Aujourd’hui, on compte 12 hectares. Imaginez les sacrifices pour en arriver là… » dit-il.


Kreshna Curpanen : « L’agriculture pourrait résoudre le chômage chez les jeunes »

Kreshna Curpanen

Entre traditions familiales et technologies de pointe, Kreshna Curpanen, âgée de 21 ans et résidant à Eau-Coulée, a tracé sa voie. La jeune étudiante en  Food science and biotechnology à l’Université de Maurice est une passionnée depuis le collège. « Nous dépendons tous de la nourriture pour vivre. Nous possédons énormément de terres à Maurice et cette filière m’a principalement attirée parce qu’elle sera toujours indispensable », explique-t-elle.

Ce secteur a beaucoup de points qui peuvent être exploités pour une meilleure production. Elle souhaite que des facilités soient accordées pour que les dernières techniques soient exploitées. « L’agrotourisme est une forme de tourisme visant à découvrir et à partager les savoir-faire d’un milieu agricole.

Ce sont des intérêts qui se sont manifestés chez bon nombre de touristes soucieux de ce qu’ils mangent et qui connaissent les valeurs de la terre. »
Elle ajoute que l’agriculture pourrait résoudre les problèmes de chômage chez les jeunes Mauriciens, avec les métiers qui comprennent la visite des exploitations, l’hébergement, la restauration et la vente de produits agroalimentaires. « C’est aussi une occasion unique pour les agriculteurs de transmettre leur savoir et leurs expériences avec le voyageur, tout en permettant de s’éloigner des circuits touristiques traditionnels. Cela a déjà commencé à l’étranger. Pourquoi pas chez nous ? »


La terre par obligation

La terre par obligation

Meeta et son frère Kuldeep cultivent la terre par obligation. Kuldeep, diplômé en ingénierie mécanique, se retrouve planteur, faute de ne pas avoir réussi à se faire embaucher dans son domaine de prédilection. « Je n’aime pas la terre. J’avais d’autres projets. Je croyais pouvoir vite les concrétiser grâce à mon diplôme. Cela fait plus d’un an que j’attends », confie-t-il. Il souhaitait aider ses parents. Il voulait aussi aider sa sœur à finir ses études.

Cette dernière, âgée de 20 ans et étudiante en langues à l’Université de Maurice, travaille la terre pour se payer des études. « J’avais trouvé un emploi dans un centre d’appels. Cela me permettait de financer mes études mais lorsque la société a fermé, j’ai chômé pendant des mois. Je me suis mise à donner un coup de main dans les champs de mes parents. Même si je ne pense pas faire carrière dans l’agriculture, cela me permet de payer mes études », explique Meeta.  

Leurs parents, qui louent des terres agricoles, cultivent des oignons, des giraumons, des aubergines, des concombres et des piments. Afin de s’en sortir, frère et sœur ont été contraints de travailler dans les champs, d’autant que les deux employés de leurs parents avaient démissionné. Ainsi, c’est une autre histoire de famille qui a commencé.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !