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Agressions, intimidations, règlement de comptes… : dans l’univers des gangs sans foi ni loi 

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Jeudi matin, une maison a été saccagée par des truands à Vallée-Pitot. La police criminelle n’est pas encore remontée jusqu’à la bande concernée. Malheureusement, ce n’est pas la première fois que des truands sévissent impunément. Les cas sont légion. Ils n’hésitent pas à brandir des sabres, des armes à feu ou des couteaux pour intimider leurs cibles. Zoom sur un univers sans foi ni loi. 

Ils sévissent en bande. Ils sèment la terreur sur leur passage. Ils agissent la plupart du temps impunément. Ils ont l’art et la manière de déjouer les contrôles policiers. Eux, ce sont les gangs. Pas plus tard que jeudi matin, une maison a été saccagée avec une facilité déconcertante par des truands à Vallée-Pitot, et ce bien que le pays soit truffé de caméras Safe City. 

Si la police criminelle n’est pas encore remontée jusqu’à la bande concernée, ce n’est pas malheureusement pas la première fois que des bandits laissent leur empreinte. Sabres, armes à feu, couteaux… Ils n’hésitent pas à les brandir face à leurs opposants. 

Dans le cas de l’incident qui s’est produit au domicile d’un couple de retraités à Vallée-Pitot jeudi, la situation était tendue aux petites heures. Le groupe masqué et armé a débarqué à l’heure de la prière. Armés de revolvers et de gourdins et portant des gants, ils ont saccagé la maison et une berline. Une démonstration de force qui a suscité beaucoup de réactions. 

Fiefs, QG, terrains de chasse… 

Les gangs s’autoproclament « patrons » dans des régions spécifiques. On parle ici d’endroits situés dans des faubourgs des villes. « Se inpe kouma enn ti kartie zeneral », confie un membre d’un gang. Ils ont leur code non écrit. Tous essaient, autant que possible, les altercations avec d’autres bandes. En revanche, pas de place pour la pitié et les excuses. « Kouma enn dimounn fer fos ar lot lekip, zafer-la vinn so. » Il y a aussi une protection presque fraternelle entre les membres d’un même gang. « Si enn lekip tous nou dimounn, nou tou sorti kont li », confie le membre du gang interrogé. 

John, gros bras : « Bann gang lontan ti pou vinn dan ler ki zot sib dan lakaz » 

« Nepli ena gang aster. Sa bann dimounn ki ti pe fer gang lontan, zot inn ena fami ek responsabilite aster », tonne un Portlouisien connu pour être un dur à cuire dans le milieu du banditisme. À la fois craint et respecté dans le milieu de la sécurité, John (prénom modifié) explique que l’attaque récemment perpétrée à Vallée-Pitot est davantage une affaire de démonstration de force plutôt qu’un règlement de comptes portant la signature d’un véritable gang. 

« Lontan bann-la ti pou bat dimounn-la. Li ti pou gagn kout samouray », explique ce gros bras. « Ti ena bann gang kot ti ena 30 à 40 dimounn ki vini. Kouma desann lager leve. Bann gang lontan pa ti pou vinn dan ler ki zot sib pa dan lakaz. » 

Faisant référence au cas de la maison saccagée à Vallée-Pitot, il ajoute qu’un véritable gang aurait cherché à voir la personne ciblée au lieu de s’attaquer à ses proches. « Vre gang pa ti pou fer kouma las ek atak so fami. Zot ti pou al rod li, mem li deor. » Il se souvient d’une anecdote. « Enn dimounn inn deza pwint enn revolver lor mwa. Linn dir mwa ki li pou touy mwa. Monn dir li ki monn programe pou mor. Linn tike. Li pann tire. » 

Les armes commune

Ces gros bras qui filent un coup de main aux barons de la drogue 

Associés depuis longtemps aux trafiquants de drogue, les membres des gangs opèrent souvent pour le compte des barons de la drogue. Tantôt ils assurent la « sécurité » lors de transactions importantes, tantôt ils sont là prêts à intervenir lors de règlements de comptes avec des trafiquants du camp adverse. La violence est alors à son apogée. 

Leur image d’agents de sécurité n’est qu’une couverture. Au-delà de leurs verres fumés et T-shirts noirs, se cachent de véritables gorilles qui sont prêts à tout pour de l’argent. Intimidation, règlement de comptes, kidnapping, transfert d’argent, protection des politiciens (NdlR : surtout durant les campagnes électorales), « debt collection », entre autres. Tout se déroule sous contrat. 

Une vingtaine de gangs sont répartis à travers l’île. Le Nord du pays dispose de quatre ou cinq groupes. Dans l’Est, on recense deux ou trois cartels de gros bras. Deux ou trois bandes sévissent dans le Sud du pays et l’Ouest comprend trois formations. La force policière est en présence d’informations selon lesquelles il y aurait trois gangs armés sévissant dans le centre du pays. Ces individus manient non seulement des pistolets, mais également des fusils de chasse, des fusils à canon scié ainsi que des « Taser guns ».

« Étroite collaboration »

Si certains gangs se la jouent solo sur le terrain, d’autres travaillent en « étroite collaboration ». C’est-à-dire qu’ils ont pour habitude d’intervenir en renfort lors des échauffourées ou encore, ils se partagent les tâches lors de grands concerts. Deux des raisons qui les motivent à collaborer : l’amitié et le respect mutuel « du fait qu’ils n’empiètent pas sur le terrain de leurs confrères ». Au cas contraire, c’est la bagarre, voire la mort, assurée ! 

Connexions

Les gangs sont réputés pour leurs connexions avec d’importants trafiquants purgeant de lourdes peines d’emprisonnement pour des délits de drogue. « Dans la pratique, c’est la loi du plus fort. Les faibles n’ont qu’à se laisser écraser. Chaque bande détient un territoire ou si l’on peut dire, une base d’opération. Le découpage des territoires se fait en fonction de la force de l’organisation sur le terrain », avance un membre d’un gang du centre du pays sous le couvert de l’anonymat.

 27 mai 2022 : un entrepreneur kidnappé et un commerçant se fait sectionner un tendon de la main 

Yagesh Oogur, surnommé « Ronron », ainsi que ses complices ont été arrêtés pour des agressions violentes perpétrées dans la région de Quatre-Bornes et Rose-Hill. Il s’agit plutôt de jeunes « tapeurs » qui évoluent au sein de ce gang. 

Le 27 mai 2022, ils ont pris en otage le gérant d’une station-service qui se trouvait dans sa voiture. Ils l’ont contraint à se diriger vers la montagne Trois-Mamelles où il a été menotté puis agressé. Selon le gérant, ses ravisseurs lui ont réclamé Rs 300 000 en échange de sa liberté. À l’origine de ce kidnapping : une transaction de drogue sur l’axe Réunion-Maurice qui a mal tourné. Des membres du gang avaient aussi été inquiétés par la police pour avoir monté une expédition à l’encontre d’un commerçant de 25 ans installé à Trèfles. Ce dernier a été victime d’une agression. Il a eu le tendon de la main sectionné. Yagesh Oogur avait aussi participé à l’attaque sanglante dont a été victime Fardeen Okeeb. 


 Règlement de comptes mortel à Bambous 

Kenny Jacquette est abattu par balles à Bambous dans le 28 juillet 2021. Après une altercation quelques jours plus tôt, il est rattrapé par une bande. Une violente dispute éclate. L’homme de 31 ans s’est fait abattre de sang-froid lors de cette rixe durant laquelle les coups de sabre auront été nombreux. Tout est parti d’un différend entre deux groupes de personnes au sujet d’un terrain squatté par des toxicomanes de Bambous. 


10 juin 2021 : Jean Desveaux Augustin est torturé à mort 

Le 10 juin 2021, l’Anti-Drug and Smuggling Unit retrouve Jean Desveaux Augustin dans une maison à Karo Kalyptis, Roche-Bois. Une bande composée d’une vingtaine d’hommes, qui sont tous membres d’un gang de la localité, le séquestre. Elle le soupçonne d’avoir volé ses cargaisons de drogue. 

Après plusieurs semaines à l’ombre, Jean Desveaux Augustin refait surface dans son quartier. Les trafiquants lui mettent la main dessus. Battu, il sera retrouvé en piteux état par une équipe de l’Adsu. Il rendra l’âme peu après son arrivée à l’hôpital. 


29 novembre 2020 : Bagarre entre les clans Fakhoo et Mooken 

Le 29 novembre 2020, deux clans se sont affrontés. L’un était alors mené par le défunt Manan Fakhoo, récidiviste abattu par balles le 20 janvier 2021 et l’autre par Yoven Mooken. C’est au domicile de ce dernier, à Mont-Roches, que l’altercation a éclaté. Le calme était revenu à l’arrivée de la police, mais les deux clans n’avaient pas enterré la hache de guerre. Alors que les protagonistes déposaient plainte au poste de police de Barkly, une foule s’est massée dans la cour. Munis de sabres, de barres de fer et de gourdins, les clans se sont acharnés les uns sur les autres. Des coups de semonce ont été tirés afin de disperser la foule. Yoven Mooken a été grièvement blessé.


En 2020  Un gang de motards sème la terreur

Ce sont des braqueurs pas comme les autres. Lourdement armés, ces motards ont commis plusieurs braquages à travers le pays, en 2020. Ils ciblaient les compagnies et autres personnes vulnérables. Des plaintes ont été consignées contre ce gang de motards dans plusieurs régions, notamment à Pailles, à Curepipe et à Flacq.  

En janvier 2021, la brigade criminelle (CID) de Rose-Belle avait mis la main sur au moins trois suspects. Ces motards avaient attaqué le gérant d’une station-service sur le parking de la MauBank de Rose-Belle. Ils avaient fait main basse sur une somme de Rs 1,5 M. La police n’a jamais retrouvé le butin de leurs braquages.


Avril 2019 Une altercation finit en bain de sang 

Avril 2019. Une altercation éclate dans une boîte de nuit à Grand-Baie entre des videurs et des jeunes venus célébrer un anniversaire. Les vigiles réclament que certains d’entre eux soient expulsés du club à cause de leur comportement jugé inapproprié. Après un premier échange sans gravité, une bagarre éclate entre les videurs et une bande proche des fêtards. « Kan nou pe sorti, sekirite inn tir zouti. Zot ti ena fizi. Zot inn kraz nou transpor », témoignera l’un des jeunes. Un ami à lui abandonne sa voiture parce qu’il est ciblé par des coups de feu, qui ne l’atteignent pas. « Ena inn gagn kout boutey ek kout dibwa lor latet. Sa tape zot tape la se pou touye mem sa », confiera l’une des victimes. La police arrêtera deux videurs.


19 avril 2014 : Fusillade meurtrière à Petit-Verger 

Le 19 avril 2014, Yoven Velangany, 23 ans, a été abattu lors d’une fusillade à Saint-Pierre. Il aurait pris une balle à la place de son cousin Steven Mootoocurpen. Une dispute aurait éclaté entre Steven Mootoocurpen et Robin Saurty dans un gymnase de la localité peu avant le drame. C’est alors qu’un groupe de personnes, lourdement armé, a débarqué pour faire feu sur le domicile de Yoven Velangany. Steven Mootoocurpen figurait parmi les douze « bouncers » appréhendés par les hommes du chef inspecteur Hector Tuyau chez Dereck Jean-Jacques, dit Gro Derek, en juillet 2012. L’affaire aurait pour toile de fond une dispute autour de l’obtention d’un contrat de sécurité.

Sa maison saccagée par une bande armée à Vallée-Pitot - La mère de Taz Lim : « Mo ti dir mo garson aret sa bann zafer TikTok la » 

Le groupe de vandales est visible sur des images de vidéosurveillance.
Le groupe de vandales est visible sur des images de vidéosurveillance.

La police privilégie la thèse d’un règlement de comptes après un différend sur le réseau social de partage de vidéos

Elle a vécu l’horreur. Depuis jeudi, Sahida Hussen Mohamed, 58 ans, est traumatisée et terrorisée. Ce matin-là, avant l’aube, alors que son époux était parti à la mosquée, une bande armée a fait irruption à son domicile. Bilan : plusieurs vitres cassées et une voiture endommagée.

Sahida et Goolam, son mari, sont les parents d’un tiktokeur connu, Taz Lim, installé au Royaume-Uni. La Criminal Investigation Division de Port-Louis Nord, chargée de l’enquête sur cet acte de vandalisme, privilégie la thèse d’un règlement de comptes ayant pour toile de fond un différend sur TikTok. Le mois dernier, Taz Lim avait en effet accusé un autre tiktokeur, qui vit à Maurice, d’être impliqué dans l’assassinat de l’activiste politique Soopramanien Kistnen, en octobre 2020. 

La police est sur la piste de suspects. Des caméras de surveillance ont filmé l’arrivée et le départ des vandales dans une ruelle située près de la maison ciblée. Le groupe est composé de six personnes encagoulées et armées de barres de fer et de gourdins. L’un des membres semble être en possession d’un revolver. Grâce aux enregistrements du dispositif Safe City, des véhicules suspects ont aussi été repérés dans la région de Vallée-Pitot autour de l’heure des faits.    

Sahida nous raconte le déroulement des événements. Vers 5 heures, elle se trouvait à l’étage de sa demeure quand elle a entendu frapper à la porte. « Mo get depi loa. Zot dir mwa ena nouvel mayat (décès) dan Plaine-Verte. » Cependant, la quinquagénaire reste sur ses gardes. Elle flaire quelque chose de louche. En effet, le ton de ses interlocuteurs se fait soudain plus agressif. « Zot koumans rod mo garson, zot dir ‘desan desan’. » 

Avant que Sahida n’ait le temps de réagir, le groupe passe à l’attaque et force la porte de la maison. « Ils réclamaient mon fils qui est en Angleterre, en le désignant bien par son nom. Ils ont ensuite demandé à voir mon autre garçon qui, lui, vit encore avec nous. Monn dir li pe dormi e zot finn koumans kraz partou. »   

La mère de famille se réfugie sur sa terrasse à l’étage. Elle reçoit alors un appel d’un voisin qui l’informe que les agresseurs ont une arme à feu. Déboussolée et paniquée, Sahida s’inquiète aussi pour son époux qui devrait rentrer d’un moment à l’autre. Pendant ce temps, au rez-de-chaussée, des panneaux de vitres volent en éclats. Les vandales saccagent également la BMW appartenant à Taz Lim, qui est garée dans la cour familiale.   

Alertée, une équipe de la police de Vallée-Pitot arrive sur place. Mais la bande a déjà quitté les lieux. « Kan lapolis inn vini monn rest plore, zot inn al cheke si mo misie korek dan masjid », relate Sahida. 

Plus tard dans la matinée, elle a parlé à son fils au téléphone. « Monn dir li aret sa bann zafer TikTok la. Nou pa mank nanie, noun travay rinte pou ariv kot nou ete zordi », relate-t-elle. Ce n’était pas la première fois, selon elle, qu’elle enjoignait Taz Lim de cesser ses allégations sur ce réseau social, de peur que l’affaire ne finisse pas dégénérer. « Quelqu’un l’avait déjà menacé de s’en prendre à sa famille », précise-t-elle. 

Sahida souhaite aujourd’hui que ses proches et elles soient placés sous la protection de la police. « Zame nou gagn sa kalite problem la… Tousa dega la, ziska ler lapolis pa dir pou donn nou proteksion », déplore-t-elle.

 

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