Six nouveaux pays vont intégrer les BRICS qui en compteront 11. Face à la consolidation de ce groupe, des perspectives inédites pourraient en découler pour Maurice.
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Le rassemblement des BRICS à Johannesburg du 22 au 24 août 2023 a débouché sur plusieurs sujets de discussion. À commencer par l’un des objectifs majeurs de ce groupe qui est de mettre un terme à la suprématie du dollar comme monnaie principale dans le commerce mondial. Pas moins de 60 % des échanges commerciaux se feraient en dollars.
L’élargissement des BRICS avec l’intégration de six pays supplémentaires est synonyme de consolidation pour le groupe selon Nando Bodha, ancien ministre des Affaires étrangères. « L’ouverture vers des pays inédits est une bonne idée sur le plan géopolitique. L’Union européenne pèse de son poids, mais subit la guerre ukrainienne. Les États-Unis sortent de la crise et on sait également ce qui s’est produit en Chine. Ces pays qui vont intégrer les BRICS,sont de nouvelles économies qui comptent. Nous voyons l’émergence d’un nouveau groupe économique », explique-t-il.
Collaboration avec les BRICS
Alan Ganoo, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et du Commerce international, qui avait fait le déplacement en Afrique du Sud dans le cadre du sommet, a souligné que Maurice doit accroître sa collaboration avec les BRICS. Toutefois, est-il envisageable pour Maurice d’intégrer le groupe ? Nando Bodha est d’avis qu’il serait plus judicieux pour Maurice d’établir des liens privilégiés avec les nations du groupe plutôt que d’intégrer les BRICS. « Nous sommes un petit pays et nous devons défendre nos intérêts sur le plan international. Le BRICS incarne une nouvelle réalité mondiale », dit-il.
Pour sa part, Sunil Boodhoo, directeur de l’International Trade Division au ministère des Affaires étrangères, est d’avis qu’il faudra suivre l’évolution des BRICS avec le temps. « L’élargissement des BRICS n’aurait pas d’impact sur Maurice. Le rôle des nouveaux pays n’a pas encore été déterminé. Les BRICS se sont, certes agrandis, mais il est plus facile de travailler avec un petit groupe », indique-t-il. D’ailleurs, la dédollarisation pourrait être un sujet de divergence au sein même des BRICS. Nando Bodha pense que l’Arabie Saoudite qui vend son pétrole en dollars risque de ne pas être partante.
Dans cette mouvance qui s’est mise en place via les BRICS, la diplomatie n’est sans doute pas un aspect à négliger. En tant qu’état insulaire, Maurice est contraint de s’appuyer sur le marché international, raison pour laquelle Sunil Boodhoo ne minimise pas l’importance d’un tel sommet des BRICS en Afrique. Selon lui, cela a permis à de grands leaders de se réunir et d’échanger. Néanmoins, il souligne que Maurice n’a pas eu besoin des BRICS pour établir des relations avec les nations constituant ce rassemblement. D’ailleurs, deux délégations, une en provenance de Chine et l’autre issue des Émirats arabes unis, sont attendues incessamment à Maurice. Des discussions sont prévues les 4 et 5 septembre prochains avec les Émirats arabes unis pour un Free Trade Area Agreement, tandis qu’un High Level Committee est planifié avec la Chine.
BRICS : ce qu’il faut retenir
Les pays qui composent les BRICS
Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud
Les nouveaux venus qui rejoindront officiellement les BRICS en janvier 2024
Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Iran, Égypte, Éthiopie et Argentine
Le poids mondial des BRICS
- Le groupe devrait représenter 46 % de la population mondiale.
- Les BRICS pèseront un peu plus du tiers du Produit intérieur brut (PIB) mondial.
Dev Chamroo, consultant : «Maurice a besoin d’alliés économiques»
Était-il important que Maurice participe au 15e sommet des BRICS ?
Les BRICS avait démarré avec le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine avant que l’Afrique du Sud ne rejoigne le groupe. Six autres pays vont intégrer les BRICS. Ce sommet était un « think tank » régional où tout pays émergent qui a une aspiration régionale se devait d’être présent. Il est probable que Maurice soit uniquement un petit joueur, mais il faut avoir un regard sur les développements qui se font dans la région. Les BRICS présentent une dimension spatiale de développement économique distincte. Maurice a toujours été un bon elève dans l’intégration régionale et nous avons été invités à ce sommet. À nous d’utiliser notre diplomatie économique pour devenir un pion important..
Votre avis sur l’adhésion de six nouveaux pays aux BRICS ?
L’adhésion de ces pays va à l’encontre du processus normal d’intégration aux BRICS. Je ne m’attendais pas à ce que l’Arabie Saoudite ou l’Iran fasse une demande d’adhésion. Les BRICS vont créer une alternative économique à l’Union européenne, les États-Unis, le Canada ou encore le Mexique.
L’élargissement des BRICS offre-t-il des perspectives à Maurice?
Les BRICS ne parlent pas d’économie, de zone de libre-échange ni de « free trade movement » pour le moment. Dans l’éventualité que leur agenda se développe dans un vrai sens économique, cela va ouvrir un espace assez intéressant. Maurice sera dans une position pour jouer un rôle fort. Notre atout majeur réside dans notre liberté économique et politique, nous permettant de décider en toute souveraineté si on veut devenir membre ou non. Nous avons toujours eu une ouverture d’esprit économique. En effet, l’isolement n’est pas une option viable. Nous avons besoin de partenaires économiques, car notre croissance ne peut s’accomplir en autarcie. Il devient essentiel de s’inscrire au sein de collectifs orientés vers le progrès.
Les pays qui rejoignent les BRICS sont des centrales économiques. Il convient de souligner que Maurice n’a pas obtenu énormément de capitaux d’investissement des pays comme l’Arabie saoudite ou l’Iran. Il n’y a qu’à voir les investissements consentis par l’Arabie Saoudite dans le football. Notre pays doit pouvoir ouvrir son espace avec de grands investisseurs pour attirer les fonds souverains. Pour cela, nous devrons être dans les coulisses. Le BRICS donne cette opportunité à Maurice. A-t-on cependant une diplomatie agressive pour saisir ces occasions ? J’ai mes réserves.
Comment éviter de heurter des pays non-membres des BRICS ?
Dans le passé, il y avait le mouvement des non-alignés, une organisation internationale regroupant 120 États qui se définissaient comme n’étant alignés ni avec ni contre aucune grande puissance mondiale. Par la suite, elle a commencé à perdre de son élan. De nombreux pays africains ont exprimé leur volonté de se joindre aux BRICS, car leurs objectifs coïncident avec les nôtres. Bien que les circonstances de l’invitation de Maurice au sommet de BRICS ne soient pas claires, il est évident qu’occuper une position centrale est favorable pour un pays.Il ne nous sera pas possible de rejoindre l’Union européenne ou la région de l’océan Pacifique. Cependant, Maurice a un rôle à jouer dans l’océan Indien. Pour accomplir cela, une diplomatie nettement plus dynamique sera nécessaire.
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