Cette semaine, l’ambassade des États-Unis à Maurice a émis un communiqué pour mettre en garde la population contre les agissements de faux agents recruteurs. De son côté, depuis 2016, le ministère du Travail n’a pas renouvelé le permis d’opération de 20 agences de recrutement basées à Maurice.
Publicité
Les permis d’opération de 20 agences de recrutement, dont l’une est sur le circuit depuis 2003, n’ont pas été renouvelés par le ministère du Travail depuis fin 2016. Une des agences concernées, opérationnelle depuis mai 2013, n’a pas vu son permis renouveler depuis 2015.
Neuf de ces agences étaient autorisées à offrir leurs services à trois niveaux : le recrutement des locaux pour un poste à Maurice, le recrutement de Mauriciens pour travailler à l’étranger, et le recrutement d’étrangers pour travailler à Maurice. Les permis d’opération de ces agences ont expiré durant l’année écoulée, soit entre septembre et décembre 2016. Selon le document du ministère du Travail dont nous détenons une copie, aucun permis expiré n’a été renouvelé à ce jour.
Ce que dit la loi
La loi reconnaît le recrutement illégal comme une escroquerie. Toute personne jugée coupable de ce type de délit est passible d’une amende n’excédant pas Rs 50 000 et d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas dix ans, conformément à l’article 330 du Code pénal. C’est ce qu’indique la cellule de presse de la police. Elle invite toute personne estimant être victime d’escroquerie à porter plainte.
«Tout dépend du PMO»
La dernière agence dont le permis d’opération n’a pas été renouvelé jusqu’à présent se situe dans la région de Trou-aux-Biches. Cette société est spécialisée dans le recrutement de Mauriciens pour travailler à l’étranger. La date de validité de son permis, qui était valable deux ans, a expiré en décembre 2016. Selon nos informations, le permis avait été octroyé par le ministère le 19 décembre 2008 et a été renouvelée le 22 septembre 2015.
Une source au ministère du Travail souligne que le renouvellement des permis d’opération des agences de recrutement est du ressort du Bureau du Premier ministre (PMO). « Parfois, il arrive que des permis d’opération ne soient pas attribués, voire renouvelés. Tout dépend du PMO », souligne notre interlocuteur.
De faux agents recruteurs qui rivalisent d’astuces
Le 21 février, l’ambassade des États-Unis à Maurice a émis un communiqué pour mettre en garde la population contre les agissements de faux agents recruteurs. Le document indique que plusieurs plaintes ont été formulées par des personnes disant avoir été arnaquées. Elles ont offert de l’argent à des recruteurs pour obtenir un emploi sur des bateaux de croisière. Or, souligne le communiqué, selon la Maritime Labor Convention, aucun poste sur des bateaux de croisière n’est offert contre paiement.
Ce type de subterfuges permet aux faux agents de brasser des millions de roupies au détriment de malheureux qui aspirent à travailler ou à émigrer dans d’autres pays. Une source au ministère du Travail explique que la majeure partie des cas concerne des Mauriciens qui voulaient se rendre au Moyen-Orient, au Canada, en Australie, en Europe ou aux Caraïbes. Depuis octobre 2015, sept faux agents recruteurs ont été dénoncés à la police ou dans la presse.
Comment opèrent-ils ?
Quels moyens utilisent-ils pour appâter leurs victimes ? Un ancien responsable du ministère du Travail, qui connaît bien les rouages de ce système, explique que ces individus, bien qu’ils agissent comme agents recruteurs, sont, en fait, enregistrés en tant que consultants. Du coup, dit-il, ils n’ont besoin d’aucun permis pour opérer.
Leur publicité se fait alors de bouche-à-oreille. Souvent, poursuit l’ex-responsable, ces faux agents tiennent des réunions informelles dans des cercles fermés au lieu d’organiser de grandes conférences. La plupart du temps, ils négocient directement avec les employeurs à l’étranger. Sans compter le fait que la majorité de ces faux agents ne sont détenteurs d’aucun document légal.
Dans ce cas, comment éviter de se faire duper ? Notre source souligne qu’il faut d’abord demander à voir le permis du recruteur. L’idéal, poursuit-elle, est de solliciter les conseils d’un homme de loi et prendre des renseignements auprès du ministère du Travail.
Les agences attitrées
|
Ravish Pothegadoo, de Careerhub.mu : «Le recruteur touche entre 10 % et 20 % du salaire annuel de l’employé»
Dans la pratique, comment se déroule le recrutement vers l’étranger ?
Normalement, une agence de recrutement attitrée ne devrait pas réclamer de fees à un demandeur d’emploi, même en ce qui concerne les procédures liées à l’octroi des documents (hors frais administratifs). La tâche d’un recruteur est de faciliter l’embauche. D’ailleurs, il doit aussi veiller à ce que certains frais (liés aux billets d’avion et aux procédures de rapatriement) soient pris en charge.
En moyenne, combien touche un recruteur ?
La société de recrutement perçoit généralement un placement fee de 10 % à 20 % du salaire annuel de l’employé, dépendant des profils (hors Executive Search).
Quel est le nombre de recruteurs qui opèrent dans le pays ?
Selon les chiffres du ministère du Travail, 63 sociétés de recrutement opéraient jusqu’à septembre 2016. 16 contrats n’ont pas été renouvelés, ce qui ramène le nombre de recruteurs en opération à 47.
Votre sentiment au sujet des gens qui se font arnaquer par de faux agents recruteurs ?
Cela m’attriste, car nombre de ces personnes se voyaient déjà à l’aube d’une nouvelle vie en mettant les pieds à l’étranger. Mais j’estime que les candidats doivent avoir un minimum de bon sens et ne pas faire confiance à n’importe quel agent recruteur.
Comment peut-on mettre un frein à cette situation qui dure depuis des années ?
La personne qui se fait embaucher doit bien se renseigner sur le recruteur ou l’agence de recrutement avant d’aller de l’avant. Si le recruteur ne détient aucun Recruiter’s Licence délivré par le ministère du Travail, Business Registation Number etc., le demandeur d’emploi doit se méfier.
Dev Goburdhun : «Aucun recruteur de croisière n’est autorisé à prendre de l’argent»
Le directeur d’International Cruise Recruitment Services est catégorique : tout recruteur doit, au préalable, détenir au moins deux permis internationaux délivrés par le ministère du Travail attestant de leur professionnalisme. Pour Dev Goburdhun, la Maritime Labour Convention de 2006 est claire.
« Aucun recruteur de croisière n’est censé prendre de l’argent aux candidats lors de l’entretien d’embauche. Au contraire, les lois maritimes stipulent que le recruteur est dans l’obligation de prendre en charge les frais médicaux et le prix des tickets des employés qui montent à bord », avance Dev Goburdhun.
Ce qui l’inquiète surtout, au sujet du recrutement illégal sur des bateaux de croisière, c’est le fait que les candidats ne sont peut-être pas formés au métier. « Les lois maritimes sont claires au sujet des recrutements sur les paquebots. Une clause stipule que ‘seafarers shall not walk on a ship unless they are certified or trained’. Donc, si un candidat n’est pas formé, il n’a pas sa place sur le paquebot. Cela signifie que le recruteur a agi illégalement », poursuit l’ancien chef-sommelier.
Aux candidats qui souhaitent travailler sur un paquebot de croisière, il leur recommande de bien connaître leurs droits en tant qu’employés avant d’embarquer. « Ils doivent s’assurer que le recruteur détient une Recruitment Licence délivrée par le ministère du Travail et un Cerfiticate of Compliance conformément à la Maritime Labour Convention de 2006. »
Témoignages
La traversée du désert d’un ouvrier mauricien au Japon
La mésaventure de Désiré, 31 ans, commence en décembre 2016, lorsqu’il est recruté aux côtés d’autres Mauriciens pour aller travailler dans un garage au Japon. L’ouvrier raconte qu’il a contacté le propriétaire de l’enseigne directement à travers les réseaux sociaux en octobre 2016. Ce dernier lui a donné les coordonnées d’un facilitateur à Maurice pour l’aider à finaliser la paperasse nécessaire.
« On m’a assuré que mon billet d’avion serait gratuit et le logement adéquat. Le contrat s’étendait sur une durée de trois mois. Ce n’est qu’à mon retour que j’allais être payé. » Or, le jeune homme est tombé des nues en arrivant au Japon.
Ses congénères et lui devaient vivre dans l’enceinte du garage. « Nous vivions dans des conteneurs. Le traitement qu’on nous infligeait était inhumain », souligne l’ouvrier. Après y avoir travaillé pendant un mois, il a plié bagages et il est rentré à Maurice.
L’histoire de Priya, escroquée de Rs 340000
Un sentiment de frustration anime Priya. L’habitante du Nord, qui voulait se rendre au Canada pour travailler, dit s’être fait arnaquer par un faux agent recruteur de Quatre-Bornes. Au départ, il lui a demandé Rs 340 000 pour effectuer des démarches.
À partir de février 2016, Priya lui a remis la somme demandée en plusieurs tranches. Il ne lui restait plus qu’à attendre d’avoir ses papiers. Or, en août 2016, elle a commencé à se rendre compte que l’agent la contactait de moins en moins. « Il ne répondait presque plus au téléphone. Il disait qu’il fallait qu’il se rende en Afrique pour les démarches. »
Fin 2016, l’agent a totalement disparu, emportant avec lui l’argent de Priya. Cette dernière a alors fait une déposition le 4 janvier 2017 à la police. « Il répond toujours aux courriels. Il affirme qu’il complétera les démarches », souligne l’habitante du Nord. Lasse de cette situation, elle souhaite rencontrer d’autres victimes comme elle pour fonder une association.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !