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Affaires Kistnen, Dantier, Lagesse : Scotland Yard ravive l’espoir des familles

La collaboration entre la police mauricienne et Scotland Yard portera notamment sur les meurtres de Soopramanien Kistnen, Vanessa Lagesse et Nadine Dantier.

Trois meurtres, des années d’attente, et toujours aucune réponse. Avec l’arrivée de Scotland Yard, l’espoir renaît pour les familles de Soopramanien Kistnen, Nadine Dantier et Vanessa Lagesse. Verront-elles enfin la vérité éclater ?

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La venue des enquêteurs de Scotland Yard à Maurice marque un tournant dans la collaboration entre la police criminelle mauricienne et les enquêteurs britanniques. Leur mission : tenter de faire toute la lumière sur les meurtres de Soopramanien Kistnen, de Nadine Dantier et de Vanessa Lagesse notamment. Des cold cases - ces crimes non élucidés – qui, des années plus tard, continuent de hanter la société mauricienne, mais surtout les familles.

Parmi celles-ci, deux voix se font entendre. Deux familles qui refusent d’abandonner. Deux douleurs qui réclament justice. Simla Kistnen se bat depuis bientôt cinq ans pour connaître la vérité sur la mort de son mari, Soopramanien Kistnen. « Je pense que le gouvernement fait du bon travail. On avait promis des enquêteurs étrangers. C’est un soulagement. La vérité finira par triompher », affirme cette veuve de 56 ans, avec calme mais détermination.

À Albion, c’est la famille de Nadine Dantier qui garde la flamme vivante, 22 ans après une nuit qui a bouleversé leur existence. « Cela a fait 22 ans, le 25 juin, que Nadine a été violée et tuée. Et nous ne savons toujours pas qui a fait ça. Ce n’est pas seulement une blessure, c’est une ombre permanente. La décision du gouvernement redonne l’espoir pour une relance de l’enquête », confient les proches, avec une émotion toujours vive.

Simla Kistnen ne baisse pas les bras, malgré les lenteurs de l’enquête. « Cela fera bientôt cinq ans. Je reste positive, mais j’appelle le gouvernement à accélérer. L’attente est longue », dit-elle. Pour elle, cette relance n’est pas qu’une promesse politique, mais un test de sincérité politique, voire une mission : « Ce n’est pas juste pour moi. C’est pour la vérité. Pour que plus jamais une telle affaire ne soit enterrée. J’espère que cette fois, la lumière ne sera pas étouffée. »

La famille Dantier partage cet espoir timide, mais tenace : « C’est une démarche très positive. Nous espérons que l’affaire de Nadine connaîtra une nouvelle impulsion. Avec les avancées technologiques – ADN, analyse des traces, reconstitution numérique –, une reprise de l’enquête pourrait enfin faire émerger un nom. Un visage. Une vérité. Et permettre, surtout, d’achever ce deuil suspendu depuis 2003. »

Chaque anniversaire de Nadine est une déchirure. Chaque retour sur les lieux du drame, une douleur ravivée. La collaboration avec Scotland Yard est, pour la famille, « une lueur d’espoir pour faire le deuil de Nadine, avoir un visage et un nom. Il est temps que cette affaire soit prise au sérieux. Il est temps que la mémoire de Nadine soit honorée ».

L’affaire Soopramanien Kistnen, ex-agent du MSM, reste l’un des plus grands scandales politico-judiciaires de la dernière décennie à Maurice. Le 18 octobre 2020, son corps partiellement calciné est retrouvé dans un champ de canne à Telfair, quelques jours après avoir quitté son domicile, sans jamais y revenir. La police de Moka évoque d’abord un suicide. Très vite, face à la pression publique et médiatique, l’enquête est transférée à la Major Crime Investigation Team (MCIT).

Deux mois plus tard, le DCP Heman Jangi classe finalement l’affaire comme un homicide. Mais l’enquête piétine. Aucune arrestation, aucune inculpation. Et un seul constat accablant : l’enquête judiciaire, ordonnée en parallèle, dénonce des « manquements graves », de l’incompétence manifeste et des tentatives de dissimulation.

Au 15 mai 2024, 56 personnes avaient été entendues par la MCIT, sans qu’aucun suspect ne soit identifié formellement. Dans les coulisses, les voix se multiplient pour dénoncer les interférences politiques et les lenteurs délibérées. Car l’affaire Kistnen ne se limite pas à un assassinat : elle touche aux contrats publics, aux financements occultes de campagne, à des conflits d’intérêts entre pouvoir et business.

La promesse d’une coopération internationale dans l’enquête relance l’espoir. Mais pour beaucoup, cette avancée reste à confirmer sur le terrain. Ce même besoin de vérité, ce même espoir fragile, habite aussi la famille de Nadine Dantier. C’était une nuit de juin 2003. Une nuit qui a fauché une vie, brisé une famille, et laissé une île entière sans réponses. Nadine, 20 ans, étudiante à l’avenir prometteur, est retrouvée morte sur un terrain en friche à Albion, non loin de chez elle. Violée, tuée, abandonnée. Vingt-deux ans plus tard, le crime reste impuni. Et les proches, eux, ne cessent d’attendre. De réclamer justice.

L’affaire Vanessa Lagesse, quant à elle, reste l’une des plus médiatisées de l’histoire judiciaire mauricienne. Cette styliste de renom est retrouvée morte dans sa salle de bain à son domicile à Grand-Baie, le 10 mars 2001. Vingt-quatre ans après, l’homme d’affaires Bernard Maigrot, reconnu coupable du meurtre devant la Cour d’Assises et condamné à 15 ans de prison, est acquitté en appel par la Cour suprême, qui a relevé plusieurs manquements. Retour à la case départ, donc.

Pour ces familles, et d’autres encore, dont la disparition des proches n’a toujours pas été élucidée, une douleur partagée. Et, aujourd’hui, un infime, mais réel regain d’espoir.

Des méthodes d’investigation modernes au service de la vérité

Mardi 17 juin, les membres de la Major Crime Investigation Team (MCIT), accompagnés du commissaire de police Rampersad Sooroojebally et de Daniel Monvoisin, conseiller spécial auprès du Central CID, ont tenu une première séance de travail avec les enquêteurs britanniques. Une réunion au cœur des Casernes centrales, où l’expertise britannique est désormais mise à contribution dans le cadre d’un objectif commun : comprendre, éclaircir et, enfin, élucider.

L’apport des experts britanniques représente une bouffée d’espoir pour ceux qui, depuis des années, attendent des réponses. Le savoir-faire de Scotland Yard, déjà éprouvé dans de nombreuses enquêtes à travers l’Europe, pourrait bien être l’élément déclencheur pour débloquer ces dossiers complexes. « Pour obtenir des résultats concrets dans ces dossiers, il faut tout reprendre à zéro, examiner chaque détail », confie un enquêteur chevronné. « Dans l’affaire Kistnen, l’enquête judiciaire a déjà révélé de nombreux éléments. Des lacunes ont été identifiées. Des informations sensibles ont été traitées. Il est maintenant temps d’approfondir ces éléments », poursuit-il.

L’heure est donc au réexamen. Dossiers passés au peigne fin, croisement de données, nouvelles pistes à explorer : les méthodes d’investigation modernes sont désormais à l’œuvre. À la pointe de la technologie, les méthodes employées par Scotland Yard pourraient bien faire la différence. Preuves médico-légales – ADN, empreintes digitales, analyses balistiques – sont réévaluées à la lumière des avancées scientifiques. Des équipes spécialisées peuvent même revisiter les scènes de crime pour y dénicher des indices passés inaperçus ou exploiter de nouvelles pistes.

La reconstitution 3D, les analyses génétiques et informatiques font également partie de l’arsenal déployé. Et dans les affaires où des éléments de preuve ou des témoins sont situés à l’étranger, l’expertise internationale entre en jeu. Criminalistique, cyber-enquête, psychologie criminelle : rien n’est laissé au hasard.

Autre angle d’attaque : la relecture méticuleuse des archives. Rapports d’enquête, notes manuscrites, procès-verbaux… Ces documents, parfois oubliés dans des tiroirs, peuvent révéler des informations importantes. Dans les affaires Nadine Dantier ou Vanessa Lagesse, les témoignages recueillis à l’époque pourraient, une fois recoupés avec des éléments nouveaux, dévoiler des pistes restées dans l’ombre.
Enfin, l’appel au public reste un levier non négligeable. Relancer des appels à témoins, même des années plus tard, peut réveiller les mémoires, briser les silences et, parfois, faire émerger des informations capitales.

 

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