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Affaire Roches-Noires : «No case to answer» contre Navin Ramgoolam 

Navin Ramgoolam et son homme de loi, Me Gavin Glover.
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La cour intermédiaire a tranché le vendredi 13 septembre 2019 en faveur de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam et les deux anciens hauts gradés de la police Dev Jokhoo et Rampersad Sooroojebally. L’accusation d’entente délictueuse retenue contre eux dans l’affaire Roches-Noires, a été rayée. 

Rampersad Sooroojebally.
Rampersad Sooroojebally.

Les magistrats ont statué que la poursuite n’a pu soutenir l’accusation. Le leader du Parti travailliste répond désormais d’un seul procès au pénal. Il s’agit de l’affaire des coffres forts.

Un vendredi 13 septembre 2019 de bon augure pour l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam et les deux ex-hauts gradés de la force policière, Dev Jokhoo et Rampersad Sooroojebally. Les magistrats Raj Seebaluck et Bibi Razia Jannoo-Jaunbocus, siégeant en cour intermédiaire, ont rayé l’accusation d’entente délictueuse qui pesait sur l’ex-chef du gouvernement et les deux ex-hauts gradés policiers. Ceci dans le cadre de l’affaire Roches-Noires. Les magistrats se sont prononcés en faveur de la défense qui avait formulé une motion de « no case to answer ». Ils ont conclu qu’il y a bien eu un vol au campement de Roches-Noires de l’ancien Premier ministre dans la nuit du 2 au 3 juillet 2011. Vol qui n’était pas imaginaire comme le soutenait l’acte d’accusation. 

Navin Ramgoolam, Dev Jokhoo et Rampersad Sooroojebally étaient accusés d’avoir agi de concert avec Rakesh Gooljaury pour que celui-ci consigne une fausse déclaration à la police. Cela après le vol perpétré au bungalow de l’ancien Premier ministre. Ils avaient plaidé non coupable.
Le 11 juin 2019, la défense dépose une motion de « no case to answer ». Cela après la fin des auditions des témoins.

D’emblée, les magistrats ont dans leur « ruling » soutenu que 18 des 32 témoins assignés par la poursuite ont témoigné dans l’affaire. Procès qui a duré trois ans.

Pas de vol imaginaire

La défense avait soulevé deux points, notamment que la poursuite avait choisi de poursuivre les trois hommes sous une accusation d’entente délictueuse en vue de commettre « an unlawful act » et non « a wrongful act ». Le deuxième point est que le délit « imaginaire » comme le stipule l’accusation est un vol.

Me Gavin Glover, Senior Counsel, avait déclaré que la poursuite devait en premier lieu prouver qu’il n’y a eu aucun vol au campement de Roches-Noires et que le vol rapporté par Rakesh Gooljaury était « imaginaire ». Cela avant de prouver qu’il y a eu entente délictueuse. Tel n’a pas été le cas. 
Les magistrats se sont référés aux témoignages de trois témoins de la poursuite, notamment celui de Rakesh Gooljaury, le Detective Inspector (DI) Goinden et le sergent Bhujun. « Il est incontestable qu’un vol s’est produit dans la nuit du 2 au 3 juillet 2011 à Roches-Noires où une somme de Rs 20 000 avait été emportée, déclenchant ainsi une enquête policière. Rakesh Gooljaury en avait fait mention dans ses dépositions. Le DI Goinden, qui avait enregistré la version de Rakesh Gooljaury, a confirmé ces faits lors de son témoignage en cour. Et le sergent Bhujun a maintenu qu’il s’est rendu sur les lieux et avait rencontré Rakesh Gooljaury qui l’avait mené à une chambre à l’étage du bungalow. Le sergent avait dit avoir également saisi un tournevis que le voleur aurait utilisé », écrivent les magistrats, dans leur décision.

La poursuite avait soutenu qu’elle a uniquement à prouver le délit d’entente délictueuse et non le fait que les trois prévenus avaient agi de concert pour commettre un délit. Me Kesri Soochit, Senior State Counsel, a plaidé que la poursuite se fie principalement au témoignage de Rakesh Gooljaury et qu’il y a matière à poursuite (prima facie evidence) pour entente délictueuse et que le procès doit être maintenu. 

Les magistrats ont retenu la plaidoirie de la défense. La cour a statué que la poursuite n’a pu établir qu’il y a eu une fausse déposition autour d’un délit imaginaire. 

« We are of the considered conclusion that the prosecution has failed to establish one of the elements of the offence of conspiracy, that is that there was unlawful act. Hence, at the close of its case, taken at its highest, the prosecution has not established a prima facie case against the accused parties. The Court therefore upholds the motion of the defence and dismisses the case against all three accused parties », ont conclu les magistrats
Navin Ramgoolam était représenté par les avocats Sir Hamid Moollan, Queen’s Counsel, Gavin Glover, Senior Counsel, Robin Ramburn, Senior Counsel, Shaukatally Oozeer, Senior Counsel, Hisham Oozeer et Asif Moollan. 

Rampersad Sooroojebally était défendu par Me Narghis Bundhun, Senior Counsel, et Me Varuna Bunwaree. 

Dev Jokhoo était représenté par Mes Moorari Gujadhur, Shyam Servansingh, Shiv Servansingh et Kevin Luckeeram. 

La poursuite était menée par la Senior Assistant DPP d’alors, Mohana Naidoo, Jean Michel Ah-Sen, Principal State Counsel, et Kesri Soochit, Senior State Counsel. 


Navin Ramgoolam : « Dépi février 2015, mo pe dir mo innocent »

Navin Ramgoolam se dit être un homme qui a fait face à tout. Sans compter que pendant quatre ans et demi il a fait de nombreux va-et-vient en cour et devant le Central Criminal Investigation Department (CCID). « Dépi coumencement mo pe dir c’est enn vendetta politique ki pe fair. Dépi février 2015 mo pe dir ki mo innocent dan sa case la », a déclaré l’ex-chef du gouvernement. « Pendant quatre ans et demi zot fine fair se ki zot fine fair ar moi. Mais la cour zordi fine donne moi raison », dit-il. 
« Touletan mo ti dir ena enn bondié pu Parti travailliste, ena enn justice divine. Azordi nune truv rézilta », a soutenu Navin Ramgoolam avant de remercier son panel d’avocats. 


Me Gavin Glover : « Le dossier de la poursuite ne faisait pas le poids »

Il avait eu la tâche de plaider la motion de « no case to answer ». Me Gavin Glover, Senior Counsel, un des avocats de Navin Ramgoolam, se dit extrêmement content que la cour leur ait donné raison. « J’ai toujours cru que le dossier de la poursuite dans cette affaire ne faisait pas le poids », dit le Senior Counsel. Ce dernier soutient qu’ils étaient raisonnablement confiants d’avoir montré à la cour que la poursuite n’avait pu établir l’accusation. Cela surtout après qu’ils aient subi des revers durant le procès sur plusieurs points de droit qu’ils avaient soulevés. « Restons calmes et dans 21 jours nous saurons si le DPP fera appel ou pas. Après cela, on décidera de la marche à suivre », a déclaré Me Gavin Glover.


Onze accusations rayées en quatre ans 

En 2015, c’était une année que l’ancien Premier ministre n’oubliera pas de sitôt. Il avait à faire face à douze accusations provisoires dans le cadre de l’affaire Roches-Noires, Bramer House, Dufry-Frydu, Betamax et le scandale des terres.  Il n’a fait face qu’à deux procès devant la cour intermédiaire. C’est dans le cadre de l’affaire de Roches-Noires et celle des coffres forts. Vendredi, l’accusation d’entente délictueuse contre lui a été rayée en cour intermédiaire dans l’affaire Roches-Noires. Toutefois, une décision est attendue, le 15 novembre 2019, dans l’affaire de coffres forts.


Ces deux procédures en suspens 

Le procès dans l’affaire Roches-Noires rayé, il ne reste plus que l’affaire des coffres forts qui pend au cou de l’ancien Premier ministre. 
 

  • Navin Ramgoolam fait face à un procès en cour intermédiaire pour avoir accepté des sommes d’argent en espèces et supérieures à la limite autorisée par la loi contre le blanchiment d’argent. Il lui est reproché notamment d’avoir accepté le montant total de Rs 63,8 millions en espèces en six ans. Il a plaidé non coupable. Son avocat, Me Gavin Glover, a requis l’abandon des accusations dans l’affaire. Cela du fait que la poursuite n’a pas communiqué les dates exactes des délits reprochés. La cour intermédiaire se prononcera sur la motion le 15 novembre 2019. 
     
  • Par ailleurs, le leader des rouges fait aussi face en Cour suprême à une requête statutaire que lui a adressée l’Integrity Reporting Services Agency (IRSA) depuis le 11 décembre 2017. Requête le sommant d’expliquer la provenance des Rs 220 millions retrouvées dans ses coffres forts et ses valises ; les Rs 8,5 millions avec lesquelles il a acheté trois voitures et ses deux American Express Centurion cards. Cette affaire sera appelée le 18 septembre 2019. De son côté, Navin Ramgoolam a logé une plainte en Cour suprême pour contester la constitutionalité de la loi-cadre régissant l’IRSA. Sa plainte sera appelée le 11 novembre 2019. 

Plainte pour dommages 

  • Navin Ramgoolam a pour sa part logé deux plaintes pour chercher réparation. Dans une première plainte en Cour suprême, l’ancien Premier ministre demande la restitution de la totalité des biens saisis chez lui à River Walk dans la nuit du 6 au 7 février 2015. Y compris les Rs 220 millions retrouvées dans ses coffres forts. Il allègue que les perquisitions étaient illégales et réclame Re 1 symbolique en guise de dommages et intérêts. La plainte est dirigée contre l’État, le Commissaire de police (CP), trois officiers du Central Crimininal Investigation Department  (les sergents Ramdoo et Seebaruth et le constable Veder) et trois magistrates de la cour de district, en l’occurrence Shavina Jugnauth-Chuttur, Kadampanavasini Sockalingum-Juwaheer et Shefali Naika Ganoo. L’affaire sera appelée le 19 septembre 2019. 
     
  • Par ailleurs, l’ex-PM a logé une plainte en Cour suprême pour réclamer Rs 225 millions de dommages conjointement à l’État, au Commissaire de police (CP) Mario Nobin et à l’Assistant-commissaire de police (ACP) Heman Jangi. Il relate les difficultés auxquelles il fait face depuis qu’il a été arrêté pour la première fois, le 6 février 2015, par le Central Criminal Investigation Department (CCID). Cela, après la perquisition de ses résidences à la rue Desforges et à River Walk et la saisie de ses biens, dont les coffres forts. Il ajoute avoir été arrêté à plusieurs reprises par la suite sur la base d’accusations sans fondement. Cette réclamation sera appelée le 5 mars 2020. 
     

Dev Jokhoo : « Mo fair confiance la justice »

L’ex-patron du National Security Service (NSS) et Deputy Commissionner of Police (DCP), Premnathsing Jokhoo, aussi connu comme Dev Jokhoo, déclare avoir toujours eu confiance en la justice de Maurice. « Dès le premier zour mo ti dire ki mo fair confiance la justice Maurice, voilà résultat », a déclaré l’ex-DCP à la retraite à sa sortie de la cour intermédiaire suite à l’énoncé du ‘ruling’ en sa faveur. 

Premnathsing Jokhoo et son frère Ranjit.
Premnathsing Jokhoo et son frère Ranjit.

Réactions des observateurs - Jocelyn Chan Low : « Il y aura un autre dynamisme »

L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low souligne que la victoire de Navin Ramgoolam aura une grande répercussion sur la scène politique. « Navin Ramgoolam est sorti grandi dans cette affaire. Il va sans doute dire que c’est du harcèlement et cela va grandement influencer. Il va aussi jouer sur la question de victimisation », a-t-il dit.

Jocelyn Chan Low a aussi souligné que l’ancien Premier ministre a tout le temps dit qu’il a été victime d’une vendetta politique. « Ces derniers temps on a vu que plusieurs cas qu’il avait en cour ont été rayés. Il va certainement jouer sur cela. Certains disaient qu’il y avait des casseroles avec lui, mais cela semble maintenant être chose du passé », a-t-il expliqué.  « Le PTr aurait eu des difficultés dans certaines régions urbaines, car l’électorat aurait dit qu’il y a des cas contre Navin Ramgoolam. Mais maintenant tel ne sera plus le cas. Il est sorti grandi et il y aura un autre dynamisme lors de la prochaine campagne électorale », a souligné Jocelyn Chan Low.


Jack Bizlall « Les élections seront basées sur d’autres critères »

L’autre observateur politique, syndicaliste et politicien Jack Bizlall indique que ce n’est pas en raison de cela que Navin Ramgoolam sera un saint. « Indépendemment de tout cela, les élections seront faites sur d’autres critères. L’ancien Premier ministre et Pravind Jugnauth vont se présenter comme le futur Premier ministre. C’est sur cela que la prochaine élection générale va se jouer », a-t-il dit. 

Jack Bizlall a indiqué que lors de la prochaine élection générale, aucun parti politique n’aura une majorité absolue. « Après les élections, les gens vont se retrouver comme en 1976. Pendant une semaine on sera dans une situation incertaine », a-t-il dit. Ce dernier a souligné que, lors de la prochaine campagne, le MSM ne sera pas trop dur envers le MMM mais va tout faire pour éliminer le PTr, a-t-il dit. 


Au coeur de l’info - Shakeel Mohamed : « Navin Ramgoolam le prochain PM »

« Le leader du Parti travailliste reviendra en tant que Premier ministre ». C’est la conviction de Shakeel Mohamed. Le chef de file des Rouges intervenait, vendredi, dans l’émission Au cœur de l’info animée par Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul. 

Émission qui était axée sur la crédibilité de Navin Ramgoolam et s’il l’a retrouvée après que 11 des 12 accusations pour entente délictueuse qui pesaient sur lui ainsi que deux anciens hauts gradés de la police, Rampersad Sooroojbally et Dev Jokhoo, dans l'affaire Roches-Noires aient été rayées en cour intermédiaire vendredi. Shakeel Mohamed affirme que le leader des rouges « sait ce qu’il faut faire pour mener le pays vers le modernisme. »

Est-ce que le leader des Rouges a retrouvé sa crédibilité politique après que 11 des 12 accusations aient été rayées ? Shakeel Mohamed considère qu’il s’agit dans cette affaire d’une vendetta politique…

Il poursuit en ajoutant que « les membres de l’alliance gouvernementale actuelle n’avaient qu’une chose en tête : détruire Navin Ramgoolam, car il était leur adversaire direct ».

S’agissant de la demande de l’avocat de Navin Ramgoolam pour l'arrêt du procès dans l'affaire des coffres forts et dont la cour intermédiaire fera connaître son « ruling » le 15 novembre prochain, Shakeel Mohamed affirme « être confiant de ce qui va arriver en novembre ».


La pression sur le DPP 

Au Parti travailliste c’est la même humeur. Contacté, Anil Bachoo, membre de l’état-major rouge, souligne qu’il faut attendre. « C’est une victoire mais il faut attendre. Je ne souhaite pas me prononcer maintenant sur les retombées politiques de ce jugement car le DPP peut encore faire appel, il dispose de 21 jours pour cela ». Pour sa part, Adrien Duval est revenu sur les pouvoirs du DPP. Pour lui, seul un tribunal peut revoir la décision du DPP et qu’en décembre 2016, la Prosecution Commission allait revoir ce système. « Il est clair qu’aujourd’hui le DPP n’est pas un monstre constitutionnel comme le voulait le faire croire le gouvernement ». Il revient sur le départ du Parti Mauricien Social Démocrate (PMSD) du gouvernement et affirme que le parti a sauvé la démocratie en enlevant la majorité de trois quarts au gouvernement, cette majorité aurait suffi pour voter la loi sur la commission en vue de revoir les pouvoirs du DPP. 

Le Mouvement Militant Mauricien (MMM) communiquera son avis à travers son leader ce samedi. 


Chronologie 

  • 6 février 2015 : Navin Ramgoolam est arrêté dans le sillage de l’affaire Roches-Noires.
  • 7 février 2015 : L’ex-Premier ministre obtient la liberté provisoire devant la Bail and Remand Court (BRC). Il s’acquitte d’une caution de Rs 200 000 et signe une reconnaissance de dette de Rs 1 million le 9 février 2015 devant le tribunal de Mapou.  
  • 14 février 2015 : Rampersad Sooroojbally et Dev Jokhoo, deux ex-hauts gradés de la police, sont arrêtés pour complot dans l’affaire Roches-Noires. 
  • 15 février 2015 : Les deux ex-hauts gradés retrouvent la liberté provisoire devant le tribunal de Mapou. Ils avaient fourni une caution de Rs 100 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 500 000. 
  • 4 avril 2016 : Une accusation formelle d' « effecting public mischief »  est logée contre  Rakesh Gooljaury devant la cour intermédiaire 
  • 19 avril 2016 : Une accusation formelle d’entente délictueuse logée devant la cour intermédiaire contre Navin Ramgoolam, Dev Jokhoo et Rampersad Sooroojbally. 
  • 11 avril 2016 : Rakesh Gooljaury plaide coupable devant la cour intermédiaire pour « effecting public mischief ». 
  • 18 avril 2016 : Rakesh Gooljaury est condamné à une peine de trois mois de prison. Sa peine est toutefois suspendue pour établir s’il est apte à effectuer des travaux communautaires. 
  • 4 mai 2016 : La peine de trois mois de prison de Rakesh Gooljaury est commuée en 90 heures de travaux communautaires suite à un rapport favorable. 
  • 11 juin 2019 : La poursuite met fin à l’audition des témoins. La défense présente une motion de « no case to answer ». 
  • 13 septembre 2019, soit après quatre ans sept mois : l’accusation d’entente délictueuse est rayée contre Navin Ramgoolam, Dev Jokhoo et Rampersad Sooroojbally en cour intermédiaire. 
     

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