Le communiqué publié le lundi 18 mars 2024 par le bureau du DPP en réaction aux accusations portées contre lui dans l’affaire des amendes « rayées » n’est pas du goût de l’ACP Dunraz Gangadin. Ce dernier a porté plainte contre lui au Central Criminal Investigation Department (CCID) pour « victimisation of witness » (intimidation de témoin ; NdlR) en vertu du Prevention of Corruption Act.
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Dunraz Gangadin a demandé au CCID d’ouvrir une enquête. Dans sa plainte, il avance que le communiqué contient des éléments qu’il qualifie de « menaces » à son encontre. Il perçoit ce document comme une attaque de la part du bureau du DPP parce qu’il a porté des accusations de corruption contre ce dernier par rapport à des amendes qui auraient, selon lui, été annulées. L’ACP a attiré l’attention sur le contenu du communiqué qui dénonce des actes d’intimidation de la part de la police lors d’une conférence de presse qu’il a lui-même animée.
Aux Casernes centrales aussi on déplore le contenu du communiqué. « On nous lance des menaces parce que nous dénonçons la corruption dans le bureau du DPP ? » dit-on dans les couloirs des Police Headquarters.
Vendredi dernier, lors d’une conférence de presse, l’ACP Gangadin a affirmé qu’une enquête est menée sur une présumée collusion entre des officiers du bureau du DPP et des automobilistes. Il a évoqué de présumés actes de corruption impliquant des employés qui auraient entraîné l’annulation d’amendes pour excès de vitesse émises par la police. Il estime que les officiers concernés ont tenté de pervertir le cours de la justice ou qu’ils se sont rendus coupables de conflit d’intérêts.
Avec l’ouverture de cette enquête, trois contrevenants ont été arrêtés puis inculpés de « conspiracy to pervert the course of justice » le vendredi 15 mars 2024. Les Casernes centrales les soupçonnent d’avoir « menti » dans les correspondances qu’ils ont adressées au bureau du DPP.
Les enquêteurs de la Criminal Investigation Division de Port-Louis sud, sous la supervision de l’ACP Gangadin et du surintendant Ashik Jagai, examinent également le cas d’un religieux surpris en excès de vitesse. Ce dernier aurait, selon eux, demandé au bureau du DPP d’annuler sa « Fixed Penalty Notice ». Dans la lettre qu’il a envoyée, le religieux aurait dit avoir été pénalisé à tort. Il devra, lui aussi, se rendre aux Casernes centrales dans un proche avenir pour y être interrogé.
Les inquiétudes de l’opposition parlementaire
Reza Uteem : « Impératif que la police et le bureau du DPP collaborent »
Pour le président du MMM, la police mènerait « une cabale contre le bureau du DPP depuis quelque temps ». Reza Uteem estime tout cela « très malsain car il est impératif que la police et le bureau du DPP collaborent dans les affaires pénales. Sous la Constitution, la police enquête sur des cas pénaux et le DPP a la responsabilité d’instaurer des actions au pénal ou pas. Une collaboration entre ces deux institutions est essentielle ». Reza Uteem espère que la Cour suprême interviendra « au plus vite pour mettre bon ordre et règlera le différend entre ces deux institutions ».
Khushal Lobine : « C’est malsain pour la démocratie »
Khushal Lobine, député du PMSD, affirme que cette affaire « est suivie de très près » par l’opposition parlementaire. « On va certainement soulever le sujet au Parlement à la rentrée. Cela fait mal à notre démocratie. » Les développements de lundi entre le bureau du DPP et la police montre que « la guerre ouverte entre deux institutions continue de plus belle. Pour les Mauriciens, c’est un cinéma de mauvais goût. C’est malsain pour une démocratie quand deux institutions constitutionnelles, que sont le commissaire de police et le DPP, se livrent une guerre ouverte. Une guerre entre préposés de la Constitution dans un État de droit n’inspire pas confiance ».
Arvin Boolell : « Que le bon sens prévale »
Le chef de file du Parti travailliste au Parlement trouve « malheureux que la police agisse arbitrairement. L’impression qui se dégage est qu’elle ne réalise pas qu’elle est en train de miner l’indépendance du bureau du DPP. On sait tous que ce dernier ne répond pas à l’arme politique de l’exécutif et que le poste de DPP est constitutionnel ». Arvin Boolell reproche à la police d’avoir fait « des allégations gratuites avec une légèreté incroyable. Ça ne fait pas honneur aux institutions démocratiques ». Pour lui, la synergie et l’entente entre le DPP et la police sont primordiales, « mais cette dernière choisit de faire cavalier seul et cela va à l’encontre de la bonne marche démocratique. Notre appel est qu’il faut laisser le bureau du DPP faire son travail. Il ne faut pas entacher la confiance du public dans les institutions. On demande que le bon sens prévale et que la poursuite puisse faire son travail en toute sérénité. »
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