Le député de Quartier-Militaire/Moka et ancien ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, sera fixé sur son sort ce jeudi 30 mai dans l’affaire « Constituency Clerk ». Cette affaire revêt une importance capitale à plusieurs niveaux, surtout compte tenu du contexte actuel et de l’importante médiatisation qui l’entoure.
Les scénarios possibles
Le jugement attendu ce jeudi 30 mai présente deux scénarios possibles. Le premier pourrait voir Yogida Sawmynaden être condamné pour « faux en écriture privée » et « usage de faux en écriture privée ». Sur le plan politique, une telle condamnation serait désastreuse pour le Mouvement socialiste militant (MSM), dont le leader, Pravind Jugnauth, est le colistier de l’ancien ministre à Quartier-Militaire/Moka (n°8).
Une condamnation renforcerait, dans l’opinion publique, la perception de malversation entourant le MSM, une perception dénoncée par l’opposition depuis plusieurs années. Cette situation est d’autant plus embarrassante dans le contexte électoral actuel. Une condamnation de Yogida Sawmynaden serait du pain béni pour l’opposition lors de la prochaine campagne électorale. Elle pourrait alors s’attaquer à la crédibilité du leadership du MSM ainsi qu’aux choix de ses candidats.
La possibilité que Yogida Sawmynaden soit condamné à la veille des élections générales a été envisagée par le MSM. En prévision, le parti a autorisé certains de ses membres à intensifier leur présence sur le terrain dans la circonscription n°8, dans l’espoir de pouvoir remplacer Yogida Sawmynaden.
Le deuxième scénario serait que Yogida Sawmynaden soit innocenté par la cour, ce qui représenterait une victoire personnelle pour lui après avoir été contraint à la démission en 2021. Dans ce cas de figure, l’ex-ministre pourrait profiter de cette opportunité pour renforcer sa position et obtenir un nouveau ticket dans la circonscription n°8.
Dans une perspective plus large, le MSM et son leader pourraient certainement utiliser ce jugement pour mettre en avant la primauté du judiciaire sur la démagogie de l’opposition. Le gouvernement et Pravind Jugnauth ne manqueront pas de souligner que c’est le deuxième revers subi par l’opposition, après avoir perdu son appel devant le Privy Council lorsque Suren Dayal contestait l’élection de Pravind Jugnauth, de Leela Devi Dookun-Luchoomun et de Yogida Sawmynaden.
Le troisième scénario plausible est que Yogida Sawmynaden soit condamné, mais dans ce cas, il pourrait faire appel. Juridiquement, cela suspendrait sa condamnation, lui offrant ainsi un répit pendant la campagne électorale.
Les implications légales
Selon divers avocats qui ont accepté de partager leurs points de vue sous le couvert de l’anonymat, il convient de souligner qu’une condamnation n’est pas une décision finale, car la personne concernée peut faire appel du jugement dans les délais prescrits par la loi.
Une autre question qui mérite d’être posée est de savoir si Yogida Sawmynaden sera contraint de démissionner en cas de condamnation. À cette question, un constitutionnaliste souligne qu’un député n’est disqualifié de son poste que s’il est condamné à une peine de prison de 12 mois. Dans une telle éventualité, il est également souligné que Yogida Sawmynaden ferait certainement appel de la décision, comme le mettent en avant plusieurs sources.
En fin de compte, pourrait-on toujours envisager Yogida Sawmynaden comme candidat en cas de condamnation ? À cette interrogation, un avocat souligne qu’une personne est catégoriquement interdite d’être candidate à une élection uniquement en cas de condamnation liée au déroulement des élections.
L’affaire « Constituency Clerk », motif probable du meurtre de Soopramanien Kistnen
L’affaire concernant le paiement du Constituency Clerk de Yogida Sawmynaden, qui est en l’occurrence Simla Kistnen, la veuve de Soopramanien Kistnen, a également été abordée lors de l’enquête judiciaire instituée pour élucider les circonstances du décès de cet ex-agent du MSM de la circonscription n°8.
En se basant sur des documents produits en cour à cet effet, ainsi que sur des témoignages, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath a soutenu, dans son rapport, qu’il pourrait y avoir des infractions pénales possibles impliquant certaines personnes. Selon elle, cela pourrait constituer un motif pour le meurtre de Soopramanien Kistnen.
Aussi, une altercation aurait eu lieu entre la victime et l’ex-ministre à son bureau, suivie de l’intervention « violente » d’un membre de la garde rapprochée de Yogida Sawmynaden, qui aurait également proféré des menaces à l’encontre de Soopramanien Kistnen.
Le procès en lui-même
Ce jeudi 30 mai 2024, les yeux seront braqués sur la New Court House, rue Pope Hennessy, Port-Louis, qui abrite la cour intermédiaire. C’est le jugement attendu dans le procès contre l’ancien ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, dans l’affaire « Constituency Clerk ».
Âgé de 47 ans, le député fait face à deux accusations : « forgery of private writing » et « making use of forged private writing » en vertu des articles 111 et 112 du Code pénal. Ces délits auraient été commis le 28 janvier 2020 à son bureau à Ébène. Il lui est reproché d’avoir rédigé une fausse déclaration, à la suite de la plainte de Sakuntala (Simla) Kistnen qui avait affirmé avoir été privée d’aide financière de la Mauritius Revenue Authority (MRA) pendant la pandémie de COVID-19. L’ancien ministre a plaidé non coupable.
Lors de sa plaidoirie, Raouf Gulbul, l’avocat de Yogida Sawmynaden, avait mis en avant qu’il n’y avait aucune intention frauduleuse, car l’élément de faux n’a pas été établi. Il a aussi cité des incohérences dans le témoignage de Simla Kistnen, tout en s’appuyant sur la version de son client. Pour lui, les deux accusations contre Yogida Sawmynaden doivent être rayées.
Quant à Me Darshana Gayan, Senior Assistant Director of Public Prosecutions, elle a, dans son réquisitoire, soutenu que les accusations contre l’ancien ministre ont été prouvées. Pour elle, Simla Kistnen est un témoin véridique et il y a un « strong prima facie case » contre Yogida Sawmynaden vu que les éléments de faux et usage de faux ont été établis. Elle a ainsi réclamé un verdict de culpabilité contre l’ancien ministre du Commerce.
Shakeel Mohamed ne veut pas commenter
Shakeel Mohamed a adressé deux Private Notice Questions (PNQ) au Parlement concernant l’assassinat de Soopramanien Kistnen. C’est sa PNQ du 14 mai dernier qui a permis de révéler que le jugement sur l’affaire de « Constituency Clerk » serait rendu le 30 mai. Sollicité pour un commentaire, il a cependant souligné qu’en tant que membre du Législatif, il ne peut se permettre de commenter un jugement qui n’a pas encore été rendu. « J’évite de faire ce qu’a fait le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui avait, lui, critiqué la magistrate sur l’enquête judiciaire », a-t-il soutenu.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !