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Adolescents en perdition : comment redresser la barre 

Opération 'crackdown' à la gare du Nord pour obliger des étudiants à monter dans les autobus.
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Les récents cas de violence parmi les jeunes interpellent. Cette tendance a toujours existé, diront certains, à la différence qu’aujourd’hui, ils sont visibles sur la Toile. Tous veulent trouver une solution pour éviter une explosion.

Les cas de violence sont fréquents parmi les adolescents. Que ce soit à l’école ou aux gares. Le lundi 11 février, un adolescent de 14 ans fréquentant un collège du Nord a été roué de coups par trois collégiens à la gare routière de Résidence La Cure. En essayant de s’enfuir, il fut rattrapé par ses agresseurs. Il a pu regagner son domicile, mais souffrait énormément. Sa mère n’a eu d’autre choix que de le conduire à l’hôpital le lendemain. 

Il faut des sanctions plus sévères, allant jusqu’au renvoi définitif de l'école"

Dans un collège des Plaines-Wilhems, un élève de Grade 8 est battu à coups de tuyau pendant la récréation du mercredi 13 février. L’adolescent est transporté à l’hôpital et ressort avec cinq points de suture. 

Le regroupement de plusieurs collégiens de différentes institutions pousse souvent à l'affrontement.
Le regroupement de plusieurs collégiens de différentes institutions pousse souvent à l'affrontement.

Autre cas enregistré est celui d’un adolescent de 13 ans. Le 12 février, il reçoit plusieurs coups de poing au visage et est roué de coups. L’agresseur croyait au préalable que celui-ci avait malmené un de ses amis. 

Ce qui interpelle particulièrement en ce moment, c’est la vidéo montrant des collégiens à la Place de l’Immigration à Port-Louis. Il est rapporté que la situation s’est détériorée quand des policiers ont voulu rappeler à l’ordre quelques-uns d’entre eux, car ils utilisaient un langage ordurier. Ce qui en a choqué plus d’un, c’est une collégienne de 16 ans qui, à l’aide d’un casque intégral, a assené plusieurs coups au visage d’un policier.  La police a, par la suite, dû déployer des moyens additionnels pour ramener l’ordre.

Un autre cas, qui avait aussi surpris la population, a eu lieu en septembre 2018. C’est celui de la vidéo montrant un jeune qui avait craché sur un policier et l’avait bousculé. Cela s’était produit après que l’officier de police ait interpellé des jeunes participant à une course illégale, alors qu’il était en patrouille. Lorsque le policier tentait de se défendre, le jeune homme lui a donné un coup de poing au visage avant de s’enfuir.

Plusieurs questions interpellent quant au comportement de ces adolescents. Tout le monde souhaite que des décisions soient prises ou encore faire ce qu’il faut pour aider les jeunes à éviter d’avoir recours à la violence. Les types de violence ont changé au fil des années, soutient Soondress Sawmynaden. Le président des recteurs et des assistants recteurs est d’avis que le ministère de l’Éducation doit prendre au sérieux les différents cas de violence qui surviennent. 

Évoquant la Student Behaviour Policy qui est un document permettant aux responsables de collèges de prendre des décisions en cas d’indiscipline, Soondress Sawmynaden affirme que cela est dépassé. « Le document ne tient plus, les formes de violence ont changé. Il faut que les autorités prennent des initiatives pour sanctionner lorsqu’il faut le faire. En ce moment, lorsqu’un enfant commet un délit grave, il est transféré d’un établissement scolaire à un autre. Ce faisant, c’est transférer le problème ailleurs. Il faut donc des sanctions plus sévères, allant jusqu’au renvoi définitif, s’il le faut. » 

Le recteur croit fermement dans cette proposition, arguant que si cela est fait une ou deux fois, les élèves réfléchiront avant de commettre une bêtise. 


Les parents ont peur

Rozy Khedoo, travailleuse sociale à Baie-du-Tombeau, avance que certains parents ont peur de leurs enfants. Les jeunes, dit-elle, se révoltent et refusent la discipline. « Plusieurs parents n’ont plus de contrôle sur leurs enfants. Ils sont tellement absorbés par leur travail, par la gestion des soucis de tous les jours qu’ils ne savent plus comment faire, lorsque l’enfant agit mal. » Rozy Khedoo est d’avis qu’il faut pouvoir gérer le problème à la source. 

Autre travailleur social engagé auprès des jeunes, Dean Rungen ne mâche pas ses mots. Pour lui, les valeurs s’apprennent à la maison. « Les parents doivent éviter de se disputer devant les enfants. En agissant ainsi, les enfants croient que c’est la façon de se comporter en face d’un problème et répètent le même schéma. Ils doivent aussi s’intéresser à ce que fait l’enfant non seulement à l’école mais aussi après les heures de classe. »

Brian Pitchen, enseignant en Extended Programme, avance que le problème commence à la maison. 

« Les parents ont le devoir d’inculquer les bases à leurs enfants. Les bonnes manières, les valeurs et le respect s’apprennent à la maison. Nous voyons que la plupart des cas de violence se passent après les cours.»

Les opinions des uns et des autres convergent sur le comportement des enfants, surtout après les heures de classe.
Les opinions des uns et des autres convergent sur le comportement des enfants, surtout après les heures de classe.

Phénomène de la gare

La plupart des cas de violences se passent dans les gares. Certains qualifient ce lieu de ring. Un policier préférant garder l’anonymat nous apprend que c’est là que les adolescents se rendent les après-midis pour régler leurs comptes. Pour appuyer ses dires, il donne le cas d’une adolescente de 15 ans qui a demandé à son papa de venir la récupérer après les cours. Angel explique qu’elle a seulement demandé à quelques filles du collège d’arrêter de se moquer de sa coupe de cheveux sinon elle rapporterait le cas au recteur. C’est alors qu’elle a entendu l’une d’elles lui dire : «Tanto, to pu connais lors la gare… » Peur de se faire tabasser par les autres filles, elle a demandé à son papa de la récupérer après les classes. 

Brian Pitchen est d’avis qu’une des solutions serait de mettre davantage d’autobus à la disposition des élèves à la sortie des cours. Ainsi, ils éviteraient de se rendre sur les gares. Il souhaite aussi la mise sur pied d’une Educational Police Squad devant chaque école. Les hommes en uniforme seraient un moyen de dissuader les adolescents de commettre leurs forfaits. 

L’importance des activités

Après les heures de classe, beaucoup de jeunes restent oisifs. Si certains ont des leçons particulières, d’autres vont passer le temps en se dirigeant vers les gares. Pour éviter à l’élève de perdre son temps, Balla Ramanjooloo suggère que la pratique d’une activité sportive devrait être encouragée chez les jeunes. Il encourage aussi les parents à dialoguer avec leurs enfants de tous les sujets d’actualité ou autres qui soient d’un intérêt pour eux. Dean Rungen est également pour la mise sur pied d’activités sociales pour les enfants. « C’est en aidant les autres et en apprenant des autres que les jeunes seront des adultes responsables… » affirme-t-il. 


 VirginieVirginie Corsini : « L’éducation d’un enfant commence à la maison »

La psychologue Virginie Corsini fait le constat suivant au sujet des enfants. Elle souligne qu’ils « ne supportent plus les frustrations ou déceptions et, ne sachant pas gérer ces sentiments, ils se laissent déborder et explosent. » Elle insiste également sur le fait qu’un enfant a besoin de limites pour se construire.  

Le comportement des adolescents est pointé du doigt en ce moment. En tant que professionnelle, qu'est ce qui explique cela ?
D'abord, l'éducation d'un enfant commence à la maison. Il est de la responsabilité des parents non seulement d'apprendre les bonnes manières à leurs progénitures, mais aussi de leur apprendre à gérer leurs colères et leurs frustrations. On peut apprendre par exemple à exprimer sa colère avec des mots plutôt qu'avec les coups. 

Deuxièmement, le système scolaire tel qu'il est conçu n'est pas un espace où les adolescents peuvent s'exprimer non plus.  Ils ne sont là que pour ingurgiter du savoir et le répéter par cœur. Tant que le cursus scolaire n'intègre pas de développement holistique des enfants, ceux-ci se sentiront frustrés dans un système où ils n'ont que si peu la parole. 

Y a-t-il un lien avec la technologie ?
La technologie modifie notre rapport au temps et à l'effort. Aujourd'hui, Google répond à mes questions en quelques secondes, je n'ai plus d'effort à faire pour chercher. Les enfants d'aujourd'hui sont nés dans ce rapport à la vitesse. Ils doivent tout obtenir et vite. Ils ne supportent plus les frustrations ou déceptions et, ne sachant pas gérer ces sentiments, ils se laissent déborder et explosent. 

Les parents ont tendance à offrir tout ce que demande l'enfant, allant à s'endetter parfois. Votre opinion ?
Un enfant a besoin de limites pour se construire. Il a besoin de savoir qu'il ne peut obtenir tout ce qu'il veut, car la vie ne nous donne pas tout ce qu'on veut. En répondant à toutes les demandes d'un enfant favorablement, on lui fait comprendre qu'il est tout puissant, ce qui est faux. Ce faisant, on l'enferme dans un schéma d'enfant gâté et on ne le prépare pas à devenir un adulte responsable. 


Un psy par école

Rozy Khedoo souligne que la présence d’un psychologue dans chaque école aiderait énormément. Celle qui côtoie plusieurs familles mauriciennes nous confie que, dans certaines maisons malheureusement, des problèmes sont résolus par des cris et des coups. «Quand un enfant vit dans la violence, il va répéter ce qu’il voit. Les parents doivent favoriser le dialogue avec les enfants. En écoutant son enfant, on arrive à trouver des solutions ensemble. Il faut être constant si l’on veut avoir des résultats positifs. »

Balla Ramanjooloo, le président de la PTA du Dr Maurice Curé State College, insiste sur le fait que les jeunes doivent être sensibilisés sur le mauvais usage des réseaux sociaux. Il souhaite que le ministère de la Technologie puisse développer des actions pour informer les jeunes sur les risques qu’ils encourent lorsqu’ils mettent n’importe quoi sur la Toile. Selon lui, l’élève doit aussi comprendre que, s’il commet un délit, cela va se voir sur son certificat de caractère. 

Le conseil de l’éducation catholique alerte les autorités

Le conseil de l’éducation catholique s’est réuni mercredi pour se pencher sur la problématique de violence chez les jeunes au collège. Un phénomène qui interpelle les responsables et les incite à y remédier. C’est dans ce même cadre que l’école catholique, depuis l’année dernière, s’est focalisée sur la formation des éducateurs sur la discipline positive et depuis 2014 les jeunes apprennent aussi à travers le programme « Au mystère de la vie », des éléments essentiels tels que mieux gérer leurs sentiments.
Un des responsables nous a affirmé : « Nous remarquons aussi que la diffusion et la publication de bagarres chez les jeunes ne devraient pas être le sujet de faits divers, d’autant moins chez les jeunes mineurs que cela va contre les conventions internationales sur les droits et la protection des enfants. En outre, cela fait aussi beaucoup de mal au travail des établissements scolaires sur la réhabilitation et la promotion des jeunes victimes de violences. » Il souligne que la diffusion des photos et vidéos de ce type ne devrait pas être autorisée sur les réseaux sociaux. De ce fait, une correspondance officielle a été envoyée au bureau de l’Ombudsperson et la Cybercrime Unit, afin de les alerter. Le Service Diocésain de l’Éducation Catholique (SeDEC), a lancé un travail de conscientisation avec la collaboration des recteurs et managers des collèges catholiques sur l'utilisation de Facebook et autres réseaux sociaux.

 

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