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Adeline Jaffar : une Chagossienne en Angleterre

Adeline Jaffar

Adeline Jaffar est l’une des rares survivantes du peuple chagossien, dit « déraciné ». Elle réside à Crawley, en Angleterre, depuis bientôt douze ans.

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De nombreuses Chagossiennes sont décédées : Charlesia Alexis, Élodie Jaffar Dennis Alfred, Aurélie Talate et Rita Bancoult, la dernière en date. Ces femmes ont lutté dans le froid et la chaleur aux côtés des hommes pour leur retour à la mère patrie.

Les Chagossiennes n’ont pas hésité à mettre en péril leur vie pour défendre ce qui reste de leur paradis. Elles ont longtemps revendiqué leur retour sur leurs îles natales. Est-ce qu’elles pourront un jour y retourner avec leur famille ? Si tel est le cas, est-ce que les Anglais et les Américains les aideront à mettre en place des infrastructures modernes ? Ou est-ce juste une utopie ? Ce sont autant de questions restant encore en suspens pour cette communauté en exil depuis plus de quatre décennies.

«Nous avions toute ma famille sur l’île, notre vie et nos effets personnels. Nous n’avons pas reçu les nouvelles de nos proches pendant sept longues années. Cela a fait mal.»

C’est le 6 août 1966 qu’Adeline Jaffar, une native de l’île Bodam Salomon, est arrivée à Maurice en compagnie de sa mère, qui était venue voir un cardiologue. Celle-ci souffrait à l’époque de graves problèmes de santé et les services de soins de santé publique étaient quasi inexistants dans cette partie retirée du monde.

Quelques jours avant la date de leur retour dans l’archipel, la mère d’Adeline a appris, à travers le représentant d’une agence de voyages, qu’elles ne pourraient plus retourner sur leur île, qui « a été vendue aux Américains », selon l’employé.

Du coup, elles se sont retrouvées sans patrie et sans identité sur une terre étrangère. Rejetée, ignorée et méprisée sont autant de mots sortant sans cesse de la bouche de cette femme pour exprimer l’accueil que son peuple a reçu des Mauriciens à l’époque. Ils n’ont pas été proprement relogés. Ceux qui avaient moins de chance pour trouver un toit se sont retrouvés carrément à la rue, raconte-t-elle.

C’est les larmes aux yeux qu’elle confie : « Quand ma mère a appris que nous ne pourrions pas retourner sur notre île, elle a fait une dépression et depuis, elle est devenue mentalement instable. Nous n’étions pas prêts. Nous avions toute ma famille sur l’île, notre vie et nos effets personnels. Nous n’avons pas reçu les nouvelles de nos proches pendant sept longues années. Cela a fait mal, très mal. »

Désespérée et noyée par le chagrin d’avoir perdue sa mère patrie et son île paradisiaque, Elodie Jaffar, la mère d’Adeline a très vite sombré dans l’alcool. Elle est morte à l’âge de 66 ans à l’île Maurice.

«Les Anglais essaient de nous séduire avec de l’argent. Nous avons entendu parler d’une indemnisation de £ 40 millions. Comment vont-ils partager cette somme ?»

Élodie Jaffar, une militante ayant voué sa vie à la cause chagossienne, ne se fait plus d’illusion quant au retour définitif sur sa terre natale. Si la réalisation de ce projet s’est longtemps fait attendre, cette ancienne secrétaire du Groupe Refugiés Chagos, dont le leader est Olivier Bancoult, pointe du doigt les désaccords entre les différents dirigeants des réfugiés chagossiens.

« Il y a eu trop de mouvements et de leaders du peuple chagossien. Le Groupe Refugiés Chagos a toujours milité pour le retour à la mère patrie. Une chose que les Anglais ont tout le temps refusée ». Ils ont donné un passeport britannique, c’était l’une de leurs stratégies pour affaiblir la force du mouvement et créer de facto une division dans ses rangs.

Concernant les récentes négociations quant à une éventuelle indemnisation, elle estime que l’histoire se répète. « Les Anglais essaient de nous séduire avec de l’argent. Nous avons entendu parler d’une indemnisation de £ 40 millions. Comment vont-ils partager cette somme ? Il y a plein de rumeurs comme des projets de pêche et des bourses d’études. On n’est pas au courant de l’évolution des négociations. On n’est pas convoqué aux réunions depuis très longtemps. Mais quand il s’agit d’aller manifester devant le Parlement ou d’autres endroits publics pour attirer l’opinion publique, là on s’intéresse à nous. Les négociations traînent. C’est bon pour les autorités anglaises, qui attendent ainsi la disparition totale des natifs de Chagos, qui sont les seuls à vraiment revendiquer le retour définitif sur leurs îles natales », explique-t-elle.

Interrogée au téléphone, Marie Sabrina Jean, la présidente des Réfugiés Chagos UK, s’est montrée avare de commentaires quant à la dernière offre de compensation financière de £ 40 millions. Elle s’est contentée de dire que rien n’a été décidé au niveau de leur organisme. Et par rapport à la non-tenue de réunions, elle déclare : « On n’a pas encore pris de décision par rapport à cette offre. Cet argent est destiné à toute la communauté chagossienne. »

Steward Armoogum

 

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