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Acharnement policier - Après deux ans, il brise le silence - Antonio : «Je pensais que j’allais y rester»

Le père de famille montre une des traces de blessures sur son bras.
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La révélation des cas de brutalité policière a poussé certaines personnes à briser le silence. Ces derniers jours, des personnes ont porté plainte et d’autres ont évoqué leurs mauvaises expériences. Récit.

Les images passent en boucle dans sa tête et l’expérience lui est restée en travers de la gorge. Antonio Aglae, 33 ans, un habitant de Sainte-Croix, ne ferme plus l’œil la nuit et a raconté l’acharnement policier dont il a fait les frais sur les réseaux sociaux.

Il a eu plusieurs démêlées avec la police et il explique que depuis qu’il a été brutalisé par la police en 2020 et en 2021, il ne peut plus travailler. Et il est contraint de suivre des traitements à l’hôpital psychiatrique Brown-Séquard. Il dit qu’il est dans une telle situation à cause de son entourage et de l’acharnement des policiers. Il met en avant son apparence et son mode de vie du quotidien.

Arrestation en décembre

Marié et père de quatre enfants âgés de 9, 8, 3 et 1 an, il évoque qu’en décembre dernier sa vie a basculé. « J’ai été accusé d’un vol de bijoux dans une bijouterie. Je n’étais pas inconnu des services de police et c’est un autre membre de ma famille qui est à l’origine de ce vol. Je ne suis pas en bons termes avec lui. On ne se parle pas et on m’a accusé de ce délit », indique-t-il. Sa dernière arrestation date de décembre 2021. Les policiers ont effectué une descente au domicile de ses parents à Sainte-Croix, où il réside. 

antonio
Les marques sur le corps d’Antonio témoignent de ses dires.

« J’ai été brutalisé dans ma maison et au poste de police. Les policiers m’ont menacé et m’ont conduit au poste de police, où j’ai été attaché à une table, déshabillé et humilié. Ils se sont moqués de moi », raconte-t-il. Mains et pieds liés, il dit qu’il était vulnérable et sans défense. 

« À ce moment, j’ai confié ma souffrance à Dieu, car si je n’avais pas été fort, j’aurais pu mourir. Les coups pleuvaient de partout », ajoute-t-il. « J’ai perdu le moral, j’ai dû suivre des traitements psychiatriques. Je prends aujourd’hui des cachets et des calmants. Il m’est très difficile de reprendre une vie normale. » 

Il dit qu’il s’est tourné vers les autorités concernées pour faire entendre sa voix une fois sorti de prison, et après avoir fourni une caution de Rs 50 000. 

« J’ai porté plainte auprès de l’IPCC en 2020 et en 2022, car ce n’était pas la première fois que j’étais victime de tels actes. Mais à ce jour, je n’ai eu aucune réponse. Je ne sais pas s’il y aura des sanctions. »

« J’ai pensé au suicide »

Ces événements ont été pénibles pour Antonio et pour son épouse Lucinda, 29 ans. « Lorsque les policiers ont débarqué à la maison, ils ont bousculé mes enfants et ils m’ont aussi conduite au poste de police. C’était dur, car ils voulaient que la Child Development Unit prenne en charge mes enfants », relate la mère. Une fois au poste de police, la jeune femme dit qu’elle a été témoin de la torture de son époux. 

« À un certain moment, deux policiers m’ont conduite dans une autre pièce. On m’a humiliée et ils m’ont fait des avances sexuelles. Je me suis sentie mal et j’ai été traumatisée. » Le pire, c’est que c’est le même policier qui l’a déposée chez elle. « Une fois à la maison, j’ai voulu mettre fin à mes jours, mais j’ai pensé à mes enfants et c’est d’eux que j’ai puisé ma force », raconte-t-elle en larmes. « C’est difficile de se confier à d’autres personnes à cause des préjugés. Nous nous sommes entraidés, mon époux et moi, pour surmonter cette épreuve. »

Appel aux autorités

Antonio dit qu’il a eu le courage de dénoncer et il demande aux autorités de prendre leurs responsabilités : « Ena pa ti pe krwar nou, me aster zot inn trouve. » Il dit qu’il éprouve de la sympathie pour ceux qui ont subi de tels actes. « La police doit combattre les délits autrement et dignement. Nous sommes des humains et nous avons des droits. D’ailleurs, certains des policiers m’ont même présenté des excuses. Pourquoi ? Il faut se poser les bonnes questions. »

Des actions seront prises 

Selon l’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, le premier recours est d’enregistrer une déposition au poste de police de sa localité. « Une fois la plainte consignée, le déclarant peut se tourner vers l’Independent Police Complaints Commission, la National Human Rights Commission et l’Ombudsman. La gravité du cas sera étudiée et, si nécessaire, des actions seront prises », dit-il.

Rubesh Doomun en faveur d’une commission d’enquête

Une personne peut enregistrer une plainte à l’Independent Police Complaints Commission. Celle-ci a la tâche d’enquêter sur les plaintes contre les policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Il est conseillé de porter plainte durant l’année où il y a eu brutalité policière. La Mauritius Bar Association a proposé des mesures pour gérer ces plaintes. Elle propose une commission d’enquête  présidée par un juge du Commonwealth pour enquêter sur ces plaintes. 

« Je condamne sans réserve la brutalité policière. On vit dans une société civilisée et le respect des droits fondamentaux est primordial. Ils sont victimes eux-mêmes parfois de violences policières. Si la justice peut être observée, comme c’est le cas devant une cour de justice, alors la police doit pouvoir y être aussi soumise », avance Rubesh Doomun, avocat.

Me Erickson Mooneapillay : «Mettre fin à l’impunité»

Est-ce que les vidéos viennent confirmer les dires et les plaintes des victimes ?
En tout cas, ces vidéos viennent jeter le doute sur les aveux produits. Il est plus que jamais aussi important de voir chaque aveu avec le doute qu’il aurait pu être arraché avec la torture.Un mot sur l’acharnement policier. Quel recours ? 

Il est nécessaire de mettre fin à l’impunité. Il faut abroger la Police Officers Protection Act, qui empêche un citoyen de poursuivre un policier au civil après deux ans. L’affaire actuelle est un exemple que cette loi est illogique. Il faudrait une Police and Criminal Evidence Act.

 

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