Depuis le début de l’année, 81 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route. De ce nombre, une bonne partie avait entre 19 et 25 ans, ou était des motocyclistes. C’est ce qui ressort des derniers chiffres rendus publics par Statistics Mauritius, le 31 août dernier. Voici l’histoire de quatre d’entre eux, qui ont perdu la vie dans des circonstances tragiques.
Dikeshwar Jeebun, 23 ans - Son père Maheshwar : « Il rêvait de fonder une famille… »
Pas plus tard qu’en début de semaine, dans la soirée du lundi 20 septembre, deux jeunes de 23 ans perdent la vie tragiquement. Parmi, Dikeshwar Jeebun, un habitant de Gros-Cailloux. Alors qu’il roule en direction de Bambous, il finit sa course contre les mains courantes sur la route principale, aux alentours de Résidence la Ferme.
Une disparition abrupte dont ne se remet pas la famille Jeebun. Maheshwar dit de son benjamin qu’il était un fils exemplaire, un enfant du quartier très populaire et surtout un bon travailleur : « C’était un garçon très débrouillard et indépendant. Il a commencé à travailler très tôt, à l’âge de 13 ans. Il adorait partir à l’école, mais comme il était très doué pour les travaux manuels, il a décidé de suivre cette voie. »
Dikeshwar, poursuit son père, était très populaire : « Il avait une joie de vivre extraordinaire. À travers son sourire, sa bonne humeur et son humour, il transmettait de la positivité autour de lui. »
Maheshwar Jeebun peine à croire que son fils lui a été enlevé. Et cela, à un moment où il faisait plein de projets d’avenir. « Il avait l’intention de s’envoler pour Rodrigues au mois de décembre, dans le cadre de son travail. De plus, il avait l’intention de se fiancer à la fin de l’année. Il rêvait de se marier, de fonder une famille et de construire sa propre maison... »
L’ironie du sort veut que son fils avait vendu sa moto pour acheter une voiture, poursuit le père éploré. « Il pensait sans doute qu’il serait plus en sécurité. Malheureusement, on ne peut pas prédire une tragédie comme celle-ci. La route réserve bien des surprises. »
Aujourd’hui, Maheshwar Jeebun n’a d’autre choix que de continuer à vivre sans ce fils tant aimé, cet ami de tous les instants. Ils partageaient la même passion pour la plongée et la pêche, et s’entraidaient au travail. « On faisait presque tout ensemble. On avait des activités en commun. Il ne ratait jamais une session de plongée ou de pêche en ma compagnie. Ce sera dur sans lui. »
Le père de famille confie que, depuis le décès de son fils, pas un jour ne passe sans qu’il pense à lui : « J’aurais préféré qu’il soit blessé, mais avec nous, que mort. On aurait au moins pu s’occuper de lui. Il me manque énormément… »
Herwin Mamode, 18 ans - Cheryl, sa cousine : «Il était le grand frère du quartier»
C’est une fin atroce qu’a connue Herwin Mamode, 18 ans. Il est décédé de multiples fractures après s’être retrouvé coincé dans la voiture que conduisait son frère aîné, Kervin. Alors qu’ils se rendaient à La Mivoie, Tamarin, le 10 septembre dernier, l’aîné a perdu le contrôle du véhicule, qui a fait plusieurs tonneaux avant de percuter un mur.
Chez les Mamode, la nouvelle du décès d’Herwin a fait l’effet d’une bombe. Ils peinent à accepter qu’il ait pu connaître une fin aussi atroce. Benjamin de quatre enfants, il est décrit comme quelqu’un de gentil, qui avait « le cœur sur la main ».
Herwin Mamode partageait une relation très fusionnelle avec sa cousine Cheryl. « Herwin était comme un grand frère. C’était une personne en or, qui aimait partager et donner de bons conseils. Avant son décès, il voulait nous offrir un repas, à ma cousine et moi. Mais ma cousine n’a pas pu. du coup, il m’a donné de l’argent pour m’acheter à manger. C’est un grand regret de ne pas avoir pu passer ce dernier moment avec lui… »
Elle confie que son cousin caressait le rêve d’avoir une grande maison avec une piscine : « Il nous inspirait à travailler dur pour atteindre notre objectif dans la vie. Malgré son jeune âge, il était plein de sagesse. »
Le départ d’Herwin Mamode a laissé un grand vide dans sa vie, poursuit Cheryl : « Tous les jours, quand il rentrait du travail, il venait m’embêter, il m’empêchait de dormir. Il nous appelait pour l’accompagner à la rivière. Ces moments me manquent. Sa présence me manque... »
La jeune femme soutient qu’il était aimé de tous : « Il accordait une attention particulière à chaque enfant du quartier. C’était vraiment le grand frère du quartier. »
Ganish Kumar Dussaye, 23 ans - Poonam, sa tante : «Ganish égayait notre maison»
Victime d’un délit de fuite, Ganish Kumar Dussaye, 23 ans, n’a pas survécu. L’habitant de Lallmatie a été découvert gisant inconscient sur l’asphalte, à quelques mètres de son deux-roues flambant neuf, acheté la veille. L’accident s’est produit à Brisée-Verdière, dans la soirée du lundi 20 septembre.
Les Dussaye étant une famille très soudée, le départ subit de leur « rayon de soleil » est très dur à accepter. « Cela fait une semaine qu’il nous a quittés. Notre dernier souvenir de lui, c’est lorsqu’il quittait la maison à moto. Il a dit au revoir à sa grand-mère avant de partir... », relate Poonam, sa tante.
Elle soutient que Ganish Kumar Dussaye était aimé de tous. Des petits, avec qui il n’hésitait pas à jouer malgré son âge, et des grands. « C’était un garçon tellement jovial et serviable. Il égayait notre maison. » Au dire de Poonam, il avait une âme « pure et innocente ».
Ganish, poursuit-elle, assumait de lourdes responsabilités malgré son jeune âge. Ses parents étant à l’étranger, il vivait chez sa grand-mère, mais il ne dépendait de personne. Il travaillait afin d’économiser pour concrétiser ses projets personnels. « Il enchaînait les petits boulots. C’était un garçon ambitieux qui, comme tout jeune de son âge, rêvait d’avoir son petit chez-soi et de réussir. En tout cas, il mettait du cœur dans tout ce qu’il faisait. C’était un jeune sérieux, discipliné et appliqué. »
Elle ne cesse de pleurer sa disparition : « C’est tellement dommage d’avoir perdu Ganish dans de telles circonstances. On avait l’espoir d’un avenir brillant pour lui. C’est une perte que nous regretterons toute notre vie. Notre maison n’est plus la même sans lui… »
Jean-Baptiste Julie, 20 ans Jacqueline Julie : «Mom fils était mon ombre»
C’est un immense chagrin que ressentent Jean-Patrick et Jacqueline Julie. Leur fils Jean-Baptiste, qui était à moto, a été percuté par une fourgonnette à Salazie, le samedi 18 septembre. Il se rendait au travail au moment des faits.
« On partageait avec Jean-Baptiste un lien unique et spécial », confie Jean-Patrick Julie. Une relation fusionnelle, même. D’ailleurs, sa mère Jacqueline et lui travaillaient dans la même salle de gym, tous deux passionnés de sport. « Mon fils était mon ombre. Nous n’avions pas de secrets, nos enfants et nous. Jean-Baptiste nous disait tout », assure-t-elle.
La veille du drame, raconte-t-elle, son fils était venu la voir dans sa chambre. « Il m’a raconté comment s’était passée sa classe d’aquagym. Il était très épanoui dans son travail, il était très apprécié de ses élèves. »
Jean-Patrick Julie renchérit que Jean-Baptiste avait de grandes ambitions. « Il voyait les choses en grand. Il avait le projet de s’engager dans la légion étrangère, avant d’ouvrir sa propre salle de gym en Australie. C’était son plus grand rêve. » Il affirme que son fils l’a toujours rendu fier. « C’était un vrai battant, il n’a jamais eu peur de travailler dur et j’étais fier de voir ces qualités en lui. »
Aujourd’hui, il a le cœur brisé. « Quand il est parti, il a pris mon cœur avec lui », confie le père.
Alain Jeannot, de l’ONG PRAT : «Trop facilement accès à des moyens de transport»
Au premier semestre, plus de 18 victimes d’accidents de la route avaient entre 15 et 29 ans. Quelles sont les causes principales de cette tendance ?
Cette tendance date de quelques années. Premièrement, cela est dû à une plus grande accessibilité des jeunes, aujourd’hui, à des moyens de transport.
De nos jours, n’importe quel jeune peut s’acheter un transport à travers ses parents ou un emprunt. Quand nous analysons les données, nous constatons que ce sont surtout les deux-roues motorisés, plus accessibles en comparaison aux quatre-roues, qui sont impliqués.
Dans le cas des deux-roues motorisés, beaucoup de jeunes prennent la route après seulement un test oral. Ils partagent la route avec d’autres conducteurs sans avoir fait d’examen pratique au préalable, soit sans avoir eu une formation sur comment rouler un deux-roues motorisé.
Par ailleurs, ce qu’il se passe sur la route est un reflet de ce qu’il se passe chez vous à la maison, en société ou peu importe quelle institution. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup d’indiscipline qui affecte notre société. À titre d’exemple, le taux de délinquance juvénile est passé de 1 en 2000 à 6,8 par mille habitants. C’est une indication que notre société interprète mal la signification d’avoir la liberté et cela se reflète sur la route.
Quelles sont les mesures préventives qui peuvent être prises ?
Il est inacceptable d’avoir des trous ou des marquages mal peints sur les routes. La route doit être bien entretenue en permanence. Il semble que les dirigeants aient pour projet de faire un audit de nos routes afin d’amener des changements.
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