Qu’il s’agisse d’un accident de la route ou d’une blessure intime, le traumatisme est toujours présent. Il y a donc forcément un avant et un après. Victime d’un accident de la route en juin dernier, Jay Luximon (39 ans) peine à se reconstruire.
C’est irritant voire contrariant de ne pas comprendre ce qui nous arrive quand on est dans l’incapacité ou l’impossibilité de l’exprimer. Désarçonnés, nous n’avons pas les mots pour le dire. Évidemment, la maladresse de l’entourage ou la colère de ne pouvoir identifier ce malaise, augmente cette irritation. À un moment donné, lorsque la réalité de notre vie est particulièrement difficile, la question est inévitable : « Quels moyens mettre en place pour se défendre ? ». Autrement dit pour continuer à vivre.
Il est 11 heures à la rue La Jetée à Rivière-Noire. Un vieux portail en tôle se démarque maladroitement du type des habitations habituelles de ce quartier. Derrière un rideau, une maison de deux pièces dont l’espace se divise en des parties étroites. La porte d’entrée donne sur un coin de prières et la chambre des enfants. Sur un lit dort leur fille aînée (19 ans) et sur un autre plus grand, dorment leurs trois fils âgés de 14 ans, huit ans et six ans. Un semblant de couloir conduit à la chambre du couple Luximon, qui sert également de salon. À côté, se trouve la cuisine où Prema Luximon (35 ans) prépare les repas. Dans sa chambre à coucher, les murs sont recouverts de rideaux de divers coloris. Ils servent à cacher les feuilles de tôles abimées et les poutres rongées par les mites. C’est une astuce de Prema pour maintenir un joli intérieur.
Le froid, qui se faufile dans les nombreuses fentes de cette bicoque en tôle, accentue les douleurs au dos et à la jambe de Jay. Il a deux vis dans la colonne vertébrale suite à une chirurgie après un accident de la route le 4 juin dernier. « C’est dans trois ou quatre ans que je saurais si je vais marcher à nouveau correctement ou pas. Je suis conscient du risque. » Jay a 39 ans. Il est alité. Il ne peut pas rester longtemps sur ses pieds. Avec un déambulateur ou avec une canne, il peut faire quelques pas juste pour se dégourdir les jambes avant de se remettre au lit.
Le drame
« Pa, monn blie tir kass. To kav donn moi kass pou al travay demin. » Jay prend sa motocyclette vers les 19h30 pour aller au distributeur de billets de la Mauritius Commercial Bank sis au Ruisseau Créole, de Rivière-Noire. Une décision prise pour soulager financièrement sa fille aînée car il devait reprendre le boulot aux petites heures du matin. « Attention mo pa gagn letan. » À 100 mètres de sa destination, Jay est ébloui par les phares d’une voiture qui dépasse un autre véhicule. Il est percuté de plein fouet. Son pied gauche est coincé sous le capot de la voiture et la devanture de sa moto est écrabouillée.
« Dé madam inn sorti dan loto la. Monn dir ki zot en tor. Zot inn demann mwa si mo enn abitan la rézion. Monn dir zot wi. Zot inn dir mwa zot pas kot mwa mé chauffeur loto la pann desann », raconte Jay.
La police est mandée sur les lieux ainsi que les services ambulanciers. Jay est transporté à l’hôpital Yves-Quentin pour les premiers soins. Il a d’atroces douleurs. Il ne peut plus marcher. Il appelle sa mère qui annonce la mauvaise nouvelle à sa fille. Celle-ci accourt pour le dire à Prema avant de tomber dans les pommes. Prema se rend tout de suite au centre hospitalier et accompagne son mari à l’hôpital de Candos. Il a de graves blessures aux pieds, le bassin déplacé, le disque écrasé, le menton cassé, le genou ouvert. Il ne peut bouger. Deux mois après, il rentre chez lui avec deux vis dans la colonne vertébrale.
Appel à l’aide
Depuis cet accident, la famille Luximon peine à se reconstruire. Jay, qui était garde de sécurité, ne peut plus travailler. Sa femme a fait des démarches pour une aide sociale. Elle attend toujours une réponse du ministère de la Sécurité sociale. Entretemps, les difficultés financières de cette famille s’accumulent. Prema fait du repassage trois fois la semaine pour une poignée de roupies. Elle ne peut faire autre chose pour l’instant car elle doit s’occuper de ses enfants qui sont à l’école. Sa fille ainée a quitté l’école après la Form V pour venir en aide à la famille. Elle travaille dans un hypermarché à Tamarin et son salaire est utilisé pour payer les dettes, dont celle de la motocyclette accidentée et inutilisable de son père, l’achat des vivres pour la famille et les factures.
Prema ne sait à quel saint se vouer pour nourrir ses enfants.
« Cet accident a chamboulé notre quotidien. On essaie de s’en sortir mais en vain. J’envisage de vendre des faratas et des gâteaux dans la localité pour me faire un peu d’argent mais je ne peux même pas acheter une vitrine. » Le désespoir est palpable chez cette mère de famille qui tente de remonter la pente envers et contre tout. Elle a reçu des blocs en béton pour construire sa maison mais tous ses projets d’avenir sont au point mort.
La priorité, dit-elle, est de régler les dettes qui s’accumulent, trouver des matériaux pour son logement et subvenir aux besoins de sa famille. « Lorsque mon mari était à l’hôpital, j’ai sollicité l’aide de la personne qui l’a percuté pour m’aider à couvrir les frais de déplacement car c’est une imprudence de sa part qui a causé l’infirmité de Jay. Mais en vain. J’étais désespérée mais face à cette attitude, je n’ai pas persisté », explique Prema. Et de poursuivre, les larmes aux yeux: « Heureusement que nos proches nous ont aidé dans ce moment difficile mais on ne peut pas continuellement compter sur eux. »
Selon ses dires, le conducteur de la voiture ne vit pas à Maurice et c’est un proche qui a pris la responsabilité de l’accident impliquant Jay. En attendant que la cour tranche sur cette affaire, la famille Luximon est malheureusement livrée à elle-même.
La famille a besoin de vivres, du matériel scolaire, d’une vitrine à gâteau et des matériaux de construction, entre autres, mais aussi de la bienveillance de toute personne qui peut l’aider à avoir une aide sociale.
Kolektif Rivier Nwar : « Met enn frin » pour prévenir les risques routiers
L’histoire du couple Luximon figure actuellement dans Met enn frin, la campagne de sensibilisation sur la sécurité routière en cours dans l’ouest de Maurice. Cela à l’initiative du Kolektif Rivier Nwar (KRN) qui vise à améliorer la qualité de vie des habitants de Tamarin à Case-Noyale. Trop c’est trop ! L’objectif du Kolektif Rivier Nwar est de prévenir les risques routiers sur ce tronçon de route très fréquentée par les automobilistes au quotidien. Ainsi jusqu’au 23 septembre prochain, Met enn Frein mène une campagne de sensibilisation sur la sécurité routière qui a pour but d’engager les habitants de la localité à lutter contre ce fléau.
Avec des visuels un peu partout sur cette route de l’Ouest et un calendrier d’activités étoffé, dont des animations par la Comédie mauricienne et Komiko, l’évènement phare de Met enn Frin sera une marche pacifique de l’église St-Augustin au terrain de foot de Rivière-Noire, le 23 septembre, en faveur d’une meilleure sécurité routière dans cette partie de l’île, explique Steeve Lebrasse, le président du KRN.
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