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Abus sur L'assurance médicale : une quinzaine de médecins rappelés à l’ordre

Il est reproché à certains médecins de gonfler leurs honoraires pour les besoins de l'assurance médicale.
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L’exploitation abusive de l’assurance médicale par certains médecins, dentistes et opticiens est dénoncée par les compagnies d’assurance. Il leur est reproché, entre autres, de gonfler les honoraires. L’année dernière, le Medical Council a lancé une mise en garde à une quinzaine de médecins.  Enquête…

Abus. C’est le principal reproche des compagnies d’assurance à certains médecins. Ces derniers sont soupçonnés de tirer profit abusivement des facilités que confèrent les assurances médicales aux souscripteurs. D’où des dénonciations formelles auprès du Medical Council.  « Il y a eu des cas où des médecins ont gonflé leurs honoraires ou alors, ils ont exagéré dans leurs prescriptions aux patients, concède le Dr Kailesh Kumar Singh Jagutpal, président du Medical Council. À titre d’exemple, des antibiotiques coûteux ont été prescrits pour une simple fièvre. » 

Quelques médecins sont la levure des recettes des cliniques privées."

Il affirme toutefois que dans la majorité de ces cas, ces abus se font à la demande des patients eux mêmes et implique aussi parfois des pharmaciens. « Au niveau du Medical Council, nous sommes concernés par le médecin uniquement. Lorsque nous sommes mis en présence d’un tel cas, nous convoquons le concerné, nous le mettons devant les faits et lui lançons une mise en garde. » 

Des tests pas nécessairement… nécessaires 

Il ressort de notre enquête, menée auprès des compagnies d’assurance, des médecins spécialistes, des cadres de cliniques privées et des patients, que deux types d’abus sont commis au préjudice des compagnies d’assurance. Dans le premier cas, le médecin profite du système pour son propre avantage. Dans le deuxième cas, ce sont les clients qui en profitent avec la complicité du médecin. 

  • Abus 1. Les honoraires de certains médecins fluctuent entre un souscripteur et un non-souscripteur à un plan d’assurance médicale. Ce n’est pas un secret pour nombre de Mauriciens. Dans certains cas, le souscripteur paye deux fois plus que le non-souscripteur.
     
  • Abus 2. Bon nombre de médecins exigent à leurs patients de se faire admettre dans la ou les cliniques où il a déjà un accord. « C’est simplement pour une question pratique », justifie un spécialiste travaillant pour l’État et dans le privé. « Ce n’est pas une mince affaire de faire le tour des cliniques à travers l’île, dit un autre médecin qui travaille à son propre compte. C’est presque impossible avec le problème de congestion routière. » Un haut cadre d’une clinique révèle que quelques médecins travaillent sur la formule de commission par tête. « Cette allocation est masquée dans les honoraires du médecin », précise-t-il.
     
  • Abus 3. Le médecin-profiteur fait admettre le patient dans une clinique pour observation. « Des fois, c’est sans justification mais personne n’osera contester. Au bout du compte, le médecin perçoit des honoraires additionnels liés à l’admission du patient (e.g. Doctor’s Fee) », indique un infirmier d’une trentaine d’années d’expérience. Un médecin du privé rétorque : « C’est faux. Savez-vous qu’en admettant un patient en clinique, un médecin très sollicité perd du temps. Pendant ce déplacement, il aurait pu consulter un minimum de cinq patients, et sans le stress de la congestion routière. »
     
  • Abus 4. Le médecin-profiteur fait passer au patient une batterie de tests qui ne sont pas forcément nécessaire avec pour objectif, d’augmenter les recettes de la clinique. « Quelques médecins, travaillant pour les comptes des cliniques, agissent comme la levure des recettes de l’établissement en soumettant des patients à des tests médicaux pas trop nécessaires. C’est l’assurance qui paiera », déplore un spécialiste.
     
  • Abus 5. Le médecin-profiteur fait croire à une patiente enceinte qu’elle devra subir une césarienne alors qu’elle peut accoucher normalement, sachant que pour la pratique de la césarienne, la note sera plus élevée. 
     
  • Abus 6. Un souscripteur, qui souhaite faire un test alors qu’il n’y a aucune nécessité, s’arrange auprès du médecin afin que ce dernier lui rédige un justificatif qu’il va soumettre à la compagnie d’assurance au moment de faire sa réclamation. 
     
  • Abus 7. Un souscripteur demande à un médecin de lui prescrire des médicaments. Sauf que ces médicaments, qui sont généralement coûteux, sont destinés à une tierce personne qui n’est pas couverte par une assurance médicale. Ce faisant, cette dernière n’a pas à débourser un sou pour l’acquisition de médicament et profite de l’assurance du souscripteur qui est généralement un membre de la famille ou un proche.
     
  • Abus 8. Un patient demande au médecin de gonfler la note. Le médecin obtient sa part et le montant restant est empoché par le patient lorsque la compagnie d’assurance procèdera au remboursement. 

« Tir lipou poul »

Au vue de toutes les possibilités de faire des abus au détriment des compagnies d’assurance, celles-ci se montrent très vigilantes. « Lorsque nous avons des doutes sur certains traitements accordés, des médicaments prescrits ou encore des tests recommandés, nous leur réclamons des rapports avant de rembourser les frais encourus », déclare un cadre d’une compagnie d’assurance. Ce qui ne manque pas, poursuit-il, d’ « agacer » certains clients. Quelques-uns nous disent que nous leur réclamons trop de documents et que « nou tir lipou poul », mais c'est le seul moyen d’éviter les abus. Qui plus est, on ne parle là que des médecins. Il y a aussi les dentistes, les opticiens, etc.  » 

Certains clients, ajoute-t-il, cacheraient volontairement les maladies dont ils souffrent (ndlr. aussi appelées pre-existing) au moment de souscrire à une police d’assurance. « Certains pensent que lorsqu’ils doivent subir une intervention coûteuse, il suffit de souscrire à une assurance médicale pour que la compagnie d’assurance prenne en charge les frais de l’intervention. Or, c’est ne pas le cas et c’est pour cette raison que nous imposons une période d’attente qui varie dépendant la maladie. »

Enfin, notre interlocuteur lance une mise en garde aux souscripteurs qui tenteraient d’abuser de leur assurance maladie. Selon lui, lorsque des clients demandent aux médecins de gonfler les notes, ils prennent des risques non calculés et peuvent être pénalisés. « En croyant se faire de l’argent sur le dos des compagnies d’assurance, ces clients ne font que diminuer le montant auquel ils ont droit par année. Lorsqu’ils seront vraiment malades, nécessitant une hospitalisation dans une clinique avec une série de tests à faire et une facture importante à payer, ce serait dommage que la compagnie d’assurance refuse de couvrir ces dépenses », prévient notre interlocuteur qui demande parallèlement de ne pas tomber dans le piège des médecins profiteurs qui leur feront cette proposition. 

Les Doctor’s Fees : Entre Rs 1 700 et Rs 3 825 par jour

Les médecins traitants perçoivent des honoraires, communément aussi appelés Doctor’s Fees, en deux occasions. D’une part, lorsqu’ils suivent un patient admis à la clinique et d’autre part, lorsqu’ils pratiquent des interventions. 

La plupart du temps, c’est un spécialiste qui fait admettre un patient. C’est ce que nous indique le directeur d’une clinique. Lorsque le patient est couvert par une assurance médicale, le médecin perçoit des honoraires en fonction des unités déjà établies par les compagnies d’assurance. 

Ainsi, à Rs 17 une unité, pour le premier jour, le Doctor’s Fee s’élève à Rs 3 825 (225 unités), Rs 3 400 (200 unités) pour le deuxième jour, Rs 2 550 (150 unités) le troisième jour et à partir du quatrième jour et ce jusqu’à ce que le patient soit autorisé à rentrer chez lui, le médecin perçoit quotidiennement Rs 1 700 (100 unités). Les interventions chirurgicales sont catégorisées par des ‘codes’ allant de ‘code 1’ pour une intervention relativement simple au ‘code 7’ pour des interventions plus complexes. Les honoraires varient ainsi de Rs 3,825 à Rs 45,900.

Code Unités Honoraires
1 225 Rs 3 825
2 450 Rs 7 650
3 800 Rs 13 600
4 1200 Rs 20 400
5 1700 Rs 28 900
6 2300 Rs 39 100
7 2700 Rs 45 900

 

Assurance Medical

Des patients rusés

Lors de cette enquête, il a été révélé que certains patients ont parfois recours à des pratiques considérées comme quelque peu malhonnêtes. Si en moyenne 60 % des patients se présentant dans une clinique sont détenteurs d’une assurance médicale, un cadre affecté au département comptabilité révèle que 15 % d’entre eux ne révèlent pas qu’ils ont une assurance. 

En effet, pour un patient qui n’est pas couvert par une assurance, le médecin peut imposer ses honoraires flexibles, contrairement à un patient qui est couvert où les honoraires perçus se feront en fonction des unités déjà établies par les compagnies d’assurance. « Ce qui donne lieu à des marchandages entre le médecins et le patient. Certains patients en profitent pour négocier des fees plus bas qu’ils auraient payé avec le système d’unités. De ce fait, la déduction du montant dont ils bénéficient par année auprès de leur assurance sera moindre. C’est frauduleux mais c’est une pratique courante chez certaines personnes », déplore notre interlocuteur.

 


Insurers Association of Mauritius - Vasish Ramkhalawon : « There is room for abuse »

Pour venir à bout des cas d’abus entourant les assurances, l’Insurers Association of Mauritius (IAM) préconise la mise sur pied d’une Insurance Fraud Squad. C’est ce qu’indique le secrétaire général de l’IAM, Vasish Ramkhalawon. La suggestion a déjà été faite lors des ‘budget proposals’, dit-il. « On évoquait alors les abus au niveau des polices d’assurance en général, que ce soit médicale et véhicule, etc. There is room for abuse’ », fait ressortir Vasish Ramkhalawon. Le Secrétaire Général de l’IAM estime que l’Insurance Fraud Squad se doit être une entité bien équipée qui puisse avoir l’autorité nécessaire pour mener des investigations. « Car au niveau de l’IAM, nous avons ni cette légitimité et ni le savoir-faire nécessaire ».


Dr Dawood
Des brebis galeuses, il y en a dans toutes les professions, 
selon le Dr Dawood Owaris.

Dr Dawood Owaris : « Certaines compagnies d’assurance s’ingèrent trop »

Les compagnies d’assurance devraient s’abstenir de questionner les décisions d’un médecin par rapport au traitement qu’il décide pour son patient. C’est en somme ce que demande Dr Dawood Owaris, président de l’Association des cliniques privées, tout en concédant qu’il existe des « brebis galeuses » parmi les médecins 

Obtenir des extras. C’est dans cette optique que certains médecins abuseraient de l’assurance médicale des patients. C’est une infime poignée seulement parmi les médecins, fait ressortir le Dr Dawood Owaris.  « Je ne suis pas là pour protéger qui que ce soit. Des brebis galeuses, il y en a dans toutes les professions et malheureusement quelques-uns en profitent pour percevoir des honoraires additionnels », admet le Dr Dawood Owaris. 

Si notre interlocuteur ne trouve aucun inconvénient à ce que les compagnies cherchent des éclaircissements d’ordre procédural, il exprime son indignation lorsque ces compagnies ont tendance à trop s’ingérer. « Je ne permets pas qu’on vienne questionner une prescription ou des traitements accordés par un médecin. Lasirans la pa la li ! », tonne le président de l’association des cliniques privées. Dr Dawood Owaris se demande ce qui se passera si les médecins, craignant les compagnies d’assurance, commençaient à faire dans la demi-mesure. « Si par malheur le patient venait à mourir, on criera alors à la négligence médicale ! », fait-il ressortir.

D’ailleurs, Dr Dawood Owaris révèle que certaines compagnies ont recours à des médecins pour examiner les rapports médicaux qui leur sont envoyés. 

« Ce médecin, généralement dans l’ombre, peut être un généraliste mais même s’il s’agit d’un spécialiste, il a des connaissances approfondies dans une spécialité de la médecine. Comment peut-il venir questionner le traitement accordé par un médecin dans une spécialité qui n’est pas la sienne ? », se demande-t-il. 

Il y aura toujours des imprévus, ajoute Dr Dawood Owaris. « À titre d’exemple, pour une césarienne, la patiente est admise généralement pour deux jours. Lorsqu’à la suite de complications, celle-ci est contrainte de rester pour trois jours, la compagnie d’assurance va demander des précisions. ». Quant aux tests, le médecin indique que certains patients nécessitent parfois qu’on lui fasse le même test plusieurs fois durant la même journée. « C’est le cas notamment pour les patients qui font la dialyse et les diabétiques. »


Les réclamations s'élèvent à environ  Rs 1,7 milliard par an.
Les réclamations s'élèvent à environ Rs 1,7 milliard par an.

Rs 1,7 milliard de réclamations par an

Les compagnies d’assurance enregistrent environ Rs 1,7 milliard de réclamation par an pour les plans médicaux. Dont Rs 1,4 milliard par 11 compagnies d’assurance en 2017 sous le chapitre Health & Accidents qui couvre les assurances médicales. C’est ce qu’indique la Financial Services Commission. La plus grosse réclamation a été faite auprès de la compagnie Swan (Rs 880 millions), suivie de la Mauritius Union (Rs 331 millions) et la Mauritian Eagle (Rs 99 millions). Fait notable : les données pour la National Insurance Company (NIC), anciennement la BAI, ne sont pas disponibles pour les années 2017, 2016 et 2015. Il faut remonter jusqu’à 2014 pour obtenir les Gross Claims’ de la BAI. Ainsi, en 2014, le montant des réclamations s’élevait à Rs 185 millions, Rs 189 millions en 2013 et Rs 260 millions en 2012.

Assurance Réclamation (Rs 000)
Swan 880 301
Mauritius Union 331 425
Mauritian Eagle 98 787
SICOM 76 136
Jubilee 18 744
Phoenix 1 311
IOGA 314
Quantum 224
New India 117
Sun 43
Lamco 16
Total 1 407 417
 

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