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Absence de l'Opposition au Parlement : un espace pour les extra-parlementaires 

Nando Bodha du Rassemblement Mauricien, Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris, Dev Sunnasy, de 100% Citoyen, Warren Malepa, des Verts Fraternels et Bruneau Laurette, du Mouvman Bruneau Laurette.

Les leaders des partis extraparlementaires livrent leur évaluation des élections, leurs priorités futures et leurs attentes envers le nouveau gouvernement. Entre bilan critique, espoirs de réforme et vigilance accrue, ces figures politiques discutent des enjeux majeurs tels que l'absence d'opposition parlementaire, les municipales à venir, ainsi que les lois controversées.

Pour Nando Bodha du Rassemblement Mauricien, le message de l’électorat était limpide : la population souhaitait un changement de régime. « En ce qui nous concerne, ce n’était pas une élection, mais une mission. Lorsque j’avais débuté mon combat il y a quatre ans, j’avais ressenti cette volonté de la population pour en finir avec un système que j’avais moi-même dénoncé. Bann elekter finn vini et finn tap trwa koulou pou dir non. Ce enn gran vag lepep. Nu respecte li et nu crwar dan nu democraci », estime-t-il.

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Du côté de Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris, l’élection a été marquée par la colère des électeurs face aux scandales et à la gestion controversée des fonds publics. « Les gens ont voté avec rage de par les scandales qui ont ébranlé le gouvernement sortant, à travers notamment le gaspillage des fonds publics. En sus de cela, une frayeur s’était installée dans la population, surtout ceux qui osaient opposer le gouvernement ouvertement. Il y a eu cette peur de ‘drug planting’. Le summum a été la suppression temporaire de l’accès aux réseaux sociaux », estime-t-il.

Dans ce contexte-là, Patrick Belcourt considère que c’était compliqué pour Linion Reform. « Cependant, sur le plan personnel, je reste fier et satisfait de ma performance. J’ai devancé deux candidats du gouvernement sortant, dont un ancien vice-premier ministre », fait-il ressortir. 

« Tir Pravind Jugnauth »

Dev Sunnasy, de 100% Citoyen, estime que le score global de 5 % pour Linion Reform est honorable, compte tenu du contexte et des moyens limités dont ils disposaient. Il se réjouit surtout de la défaite du leader du MSM, affirmant que c’est une victoire en soi. « Nous sommes satisfaits de la situation actuelle, c’est-à-dire que Pravind Jugnauth n’est plus aux commandes. Ti bizin tir Pravind Jugnauth », dit-il.

Warren Malepa, des Verts Fraternels, a constaté que leur position de « troisième force » a été érodée par la colère généralisée contre le gouvernement sortant. « Nous nous sommes positionnés comme une troisième force. Cependant, avec les révélations de Missie Moustass et les retours sur le terrain lors des porte-à-porte ou des réunions publiques, il est apparu que la lutte semblait se réduire à deux camps uniquement », dit-il.  Warren Malepa a noté que de nombreux électeurs ont opté pour un vote de sanction, préférant soutenir un parti ayant déjà fait ses preuves. « Et ce, même si nous avons rencontré beaucoup de personnes qui adhèrent à nos convictions », ajoute-t-il.  

« MBL était seul »

Pour sa part, Bruneau Laurette, du Mouvman Bruneau Laurette (MBL), a évoqué les difficultés rencontrées pendant sa campagne. Il affirme n’avoir bénéficié que de deux semaines de campagne en raison de restrictions pesant sur lui, réintroduites juste après le décompte des voix. 

Il a également dû faire face à une campagne de désinformation insinuant une alliance avec le MSM. « J’ai fait l’objet d’une campagne infecte. Suite à la levée de certaines restrictions, certains ont fait croire que j’avais scellé une alliance avec le MSM et que mes affaires en cour ont été rayées, ce qui est totalement faux », soutient-il, soulignant que « MBL était seul. Nous n’étions en alliance avec aucun parti ».

Bruneau Laurette laisse entendre que la cohabitation aurait été difficile pour lui avec les membres de l’opposition au parlement. « Mo pa trouv moi pe asiz lor mem ban dan parlman ek Joe Lesjongard ek Adrien Duval, ensam ek bann ki monn konbat pendan 4 an edmi. Kuma mo pu al travay ek zot ? » demande-t-il.

Stratégies futures : Maintenir la mobilisation

Malgré les résultats variés, tous les partis ont exprimé leur intention de poursuivre leur engagement politique. Patrick Belcourt annonce que son parti continuera à jouer un rôle actif, tout en se détachant de Linion Reform. « Au niveau d’En Avant Moris, nous considérons que nous avons un grand rôle à jouer. Parmi les partis extraparlementaires, nous avons appris que certains envisagent de prendre un congé politique ou d’arrêter la politique tout court. Or, à notre niveau, le travail va se poursuivre. D’ailleurs notre bureau politique va se réunir la semaine prochaine », annonce-t-il.

Patrick Belcourt précise qu’En Avant Moris souhaite se positionner comme un rempart face aux dérives potentielles du nouveau gouvernement, avec une réunion stratégique prévue prochainement.

De son côté, Dev Sunnasy prône un soutien au gouvernement démocratiquement élu pour faciliter l’implémentation de son programme, tout en restant vigilant. Il espère que ce mandat sera l’occasion pour Navin Ramgoolam et Paul Bérenger de travailler pour laisser un héritage positif.

Warren Malepa, des Verts Fraternels, reste optimiste et compte maintenir le rythme de leur lutte, indépendamment des résultats. Une réunion, dit-il, est prévue pour décider de la prochaine stratégie à adopter. Quant à Bruneau Laurette, il affirme que « le combat continue » et promet de rester actif sur la scène politique, alors que Nando Bodha souligne avoir posé les bases d’une grande fondation pour l’avenir.

Municipales : Des alliances à redéfinir  

La question de la participation aux élections municipales est encore incertaine pour la plupart des partis. Patrick Belcourt indique qu’En Avant Moris pourrait reprendre son indépendance et envisager de se lancer dans les municipales, conformément à sa mission initiale. « Nous ne faisons plus partie de Linion Reform », dit-il. Cependant, il reste prudent quant à la possibilité d’y aller seul ou en alliance.

Dev Sunnasy pense qu’il serait logique pour le gouvernement d’organiser ces élections rapidement pour capitaliser sur l’euphorie post-électorale. Il doute, cependant, de la participation de Linion Reform.

Warren Malepa fait référence aux déclarations de Rama Valayden, laissant entendre que Les Verts Fraternels pourraient maintenir l’alliance pour aborder ensemble les municipales, malgré l’incertitude. « Nous ne sommes pas encore rencontrés pour prendre une décision dessus, mais il est clair que nous allons avoir cette attitude de maintenir l’alliance pour affronter ensemble les municipales », dit-il. 

Bruneau Laurette souligne, pour sa part, l’opportunité qu’offrent les municipales pour renforcer une véritable opposition, surtout si les relations internationales, comme celles autour du dossier Diego Garcia, influencent la mise en œuvre des promesses électorales. « Quoi qu’il en soit, cela nous donne le temps de consolider le Mouvman Bruneau Laurette », dit-il. 

Dev Sunnasy : « Dans un premier temps, il nous faut soutenir le GM »

Avec l’absence d’une opposition forte au Parlement, plusieurs leaders estiment que leur rôle deviendra d’autant plus crucial. D’ailleurs, Patrick Belcourt s’engage à continuer son combat contre le nouveau gouvernement en cas de dérapages, dans l’intérêt de la population.

Dev Sunnasy voit en son parti la « vraie opposition ». « Nu pe dir kontinie, na pa largue », dit-il. Cela dit, il se dit prêt à soutenir le gouvernement dans ses initiatives bénéfiques, mais également à prendre position en cas de dérives. « Je pense que dans un premier temps nous devrions soutenir le gouvernement pour le bien du pays afin qu’il puisse mettre en place son programme. Cependant, si nous constatons un changement d’attitude, par exemple, à ce moment-là, nous allons devoir prendre position », fait-il ressortir.

Il espère que les leaders historiques sauront travailler comme de vrais patriotes pour laisser un héritage positif. « Il se peut que cela soit le dernier mandat de Navin Ramgoolam et de Paul Bérenger. À leur place, j’aurai travaillé de sorte à laisser un héritage, tel un vrai patriote pour sauver le pays », estime-t-il. 

Warren Malepa affirme que les extraparlementaires seront plus actifs que jamais, surtout après un score écrasant de 60-0 qui affaiblit l’opposition parlementaire. Il prévoit que leur rôle de garde-fou deviendra incontournable face aux éventuels manquements du nouveau gouvernement.

Bruneau Laurette est clair : « Ce pa Joe Lesjongard ek Adrien Duval ki pu vinn fer lopozisyo ». Il indique qu’il poursuivra son rôle de « chien de garde » comme il l’a fait ces dernières années, tout en accordant une période de grâce de six mois au nouveau gouvernement pour implémenter son programme avant de passer à une opposition plus active.

Priorités législatives : libertés, réformes et transparence « Freedom of Information Act »

Concernant les priorités législatives, plusieurs leaders ont exprimé leurs attentes envers le nouveau gouvernement. Dev Sunassy estime que la Freedom of Information Act est essentielle pour rétablir la confiance de la population. « Nous avons déjà élaboré un projet de loi en ce sens. Nous pouvons le partager avec le gouvernement qui pourra s’en inspirer. C’est un projet de loi quasi prêt. Pu bizin aksepte pu gayn impe [problem] ban premie mwa, me apre li pu korek », prévoit-il. 

Warren Malepa met lui aussi l’accent sur l’introduction d’une Freedom of Information Act, jugée indispensable pour pallier l’absence d’une opposition parlementaire efficace. « Les ONG, association, institutions religieuses ou des travailleurs sociaux doivent pouvoir obtenir des informations claires et précises pour pouvoir mener à bien leur travail sur le terrain », dit-il. 

« Public Officials Protection Act »

Dev Sunnasy propose également d’amender l’« Officials Protection Act ». « L’objectif est d’abolir ce délai de deux ans pendant lequel un citoyen peut intenter un procès contre un fonctionnaire pour faute. Parski apre de zan pa kav pourswiv enn dimounn kinn fote dan gouvernman », dit-il. 

« Public Interest Disclosure Act »

Dev Sunassy demande aussi la promulgation d’une « Public Interest Disclosure Act » pour protéger les lanceurs d’alerte dans la fonction publique. « Il faut encourager les fonctionnaires à dénoncer de mauvaises pratiques, tout en les protégeant. Ce qui les permettrait de dénoncer des abus sans risque de subir des répressions », dit-il. 

De plus, selon lui, il faut abolir des sections de certaines lois jugées liberticides. « Parmi, l’IBA Act qui est aujourd’hui comme une épée de Damoclès sur la tête des radios privées. Il y a aussi l’ICT Act qui prévoit des sanctions pour ‘cause annoyance’, ‘humiliation’, ‘inconvenience’, ‘distress’ et ‘anxiety’, entre autres. La loi sur la sédition est une autre bêtise qu’il faut revoir », fait-il ressortir.

Collectivités locales

Warren Malepa propose aussi une révision des collectivités locales pour redonner plus de pouvoir aux élus face à l’influence des Chief Executives. « Il semblerait que ce sont les Chief Executive qui détiennent plus de pouvoir que les maires et les présidents des conseils de district. Or, cela doit changer. Il faut donc accorder plus de pouvoir aux élus et faire en sorte que les Parliamentary Private Secretary n’usurpent pas leur pouvoir », dit-il. 

Réforme électorale

Patrick Belcourt appelle à l’introduction d’une loi sur le financement des partis politiques et une réforme électorale en profondeur. « Le gouvernement dispose de la majorité suffisante pour pouvoir apporter ces changements majeurs », dit-il. 

Sur le plan des réformes législatives, Bruneau Laurette espère que le député du nouveau gouvernement, Ashok Subron parviendra à abolir l’obligation pour un candidat de déclarer son appartenance ethnique lors des élections.

La force policière 

Patrick Belcourt souligne la nécessité de revoir le fonctionnement des forces de l’ordre, en proposant la création d’une police judiciaire et la dissolution de la Special Striking Team (SST).  « Il faut, selon moi, un groupe de policiers qui fait régner la loi pendant qu’une autre équipe se concentre sur les enquêtes », dit-il. Dans ce même registre, il pense qu’il faut non seulement dissoudre la SST, mais que ses membres doivent aussi venir rendre des comptes pour abus. 

Bruneau Laurette  abonde dans le même sens. « La Special Striking Team n’a pas sa raison d’être. Nous savons tous comment opère cette unité, dont moi-même et plusieurs autres personnes avons été victimes », déplore-t-il. Selon lui, il ne faut pas seulement la démanteler, mais il faudrait aussi prendre des actions contre les membres de cette unité qui ont mal agit et qui font déjà l’objet d’enquête. « Bizin ena action ek arestation. Tro fasil pu dire ‘pe ale’, me kisanla pu repar tor ek prejudis kinn fer ? », se demande-t-il. 

Charge provisoire

Bruneau Laurette appelle également à une réforme du système d’accusation provisoire, qu’il juge inéquitable. Selon lui, la police doit formaliser les charges sur la base de preuves tangibles. « La police doit venir avec des charges formelles basées sur des preuves électroniques et physiques ou en se basant sur l’ADN. Avec le système actuel d'accusation provisoire, de nombreux innocents se retrouvent en prison », est-il d’avis.

« Phone tapping »

Concernant le « phone tapping », Bruneau Laurette estime qu'un cadre légal ne suffira pas à prévenir les abus. « Les écoutes téléphoniques ont mis en évidence la vulnérabilité de notre système de sécurité, et ce malgré la présence étrangère pour donner des conseils à ce sujet. Ce qu’il faut faire, c’est remplacer le système actuel par un nouveau. Li kuma dir enn voler in rent kot ou, par fors ou serir. Be ou bizin sanz ou serir », dit-il. 

En somme, les leaders des formations politiques non parlementaires affichent une volonté unanime de continuer leur lutte pour des réformes profondes, tout en promettant de rester vigilants face aux actions du nouveau gouvernement.

le score des extra parlementaire.

 

 

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