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Abandon d’enfants : les conséquences, les sanctions et le risque d’être déchu de ses droits parentaux

Me Shaiya Beechook.

De nos jours, de nombreux enfants sont délaissés par leurs parents, un phénomène alarmant dans notre société. Que disent nos lois à ce sujet ? Qu’encourent les parents ? Peuvent-ils être déchus de leur autorité parentale et qu’advient-il de leurs enfants ? Éclairage avec Me Shaiya Beechook. 

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Qu’est-ce que l'abandon d’enfant ? 

L'abandon d’enfant peut être décrit tout simplement comme une situation dans laquelle un parent/les parents ou le tuteur légal d'un enfant renonce/ent à ses/leurs droits parentaux avec l'intention de ne jamais revenir. En ce faisant, ces personnes renoncent intrinsèquement à leurs droits parentaux sur l’enfant.

Les parents peuvent-ils récupérer leur enfant par la suite ? 

Il est important de comprendre que les lois concernant l’abandon et la maltraitance des enfants sont devenues plus strictes avec l’implémentation de la « Children’s Act ». 

La loi prévoit que toute personne qui abandonne un enfant peut être poursuivie, y compris les parents. Lorsqu’il est reconnu coupable d’un délit sous la « Children’s Act », le parent perd l’autorité parentale sur l’enfant pour une période de dix ans. Passé ce délai, il peut, avec l’aide d’un avoué, demander à la Cour suprême de rétablir son autorité parentale. Toutefois, il faut savoir que la préoccupation primordiale de la Cour est l’intérêt supérieur de l’enfant.  Ainsi, il se peut qu’elle refuse que les parents obtiennent la garde de l’enfant, dépendant des circonstances de l’affaire.

Les parents peuvent-ils être déchus de leur autorité parentale pour avoir délaissé leur enfant ? 

Oui, les parents peuvent perdre leur autorité parentale pour plusieurs raisons, pas seulement, pour avoir délaissé leur enfant. La mère, le père ou les deux parents peuvent perdre leurs autorités s'ils ont été condamnés pour un crime ou pour avoir été coauteurs ou complices d'un crime commis sur leur enfant. Il est également possible de perdre l'autorité parentale si les parents ont participé en tant que complice à un crime commis par leur enfant.

L'un des parents ou les deux parents peuvent également être déchus de leur autorité parentale s'ils sont reconnus coupables de maltraitance ou d’autres violations sous le Children’s Act, de mauvaises habitudes telles que l'ivresse, de faute ou délinquance notoire, un manque de soins envers l'enfant, la mise en danger de ce dernier, la sécurité, la santé, le moral de l'enfant ou le viol ou sodomie commis sur l’enfant, entre autres. 
Les lois relatives à la déchéance de l'autorité parentale se trouvent dans notre Code civil mauricien et l’article 30 de la « Children’s Act ». En revanche, un parent ne perd pas l'autorité parentale s'il est reconnu coupable de toute autre affaire pénale n'impliquant pas un enfant.

Que dit La loi ?

À Maurice, la loi « The Children’s Act 2020 » est entrée en vigueur le 24 janvier 2022. Elle est conçue pour mieux donner effet à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et à la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. L'objectif est de protéger les enfants contre les fléaux actuels auxquels Maurice est confrontée et aussi en vue d’atténuer le nombre de cas de maltraitance. 
L'article 15 de ladite loi interdit aux parents d'abandonner leur enfant. La loi stipule que nul ne peut, pour un gain pécuniaire (financier ou matériel) ou par des cadeaux, des promesses, des menaces ou un abus d'autorité, inciter un parent à abandonner son enfant. Dans le cas d’un verdict de culpabilité, la personne peut être passible d’une peine d’emprisonnement n'excédant pas 20 ans.

La loi criminalise aussi les actes de tiers agissant comme intermédiaire entre un parent souhaitant abandonner son enfant et une autre personne désirant d’adopter ce dernier. En cas de condamnation, l'intermédiaire est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 30 ans.
Notre législation sanctionne également les situations dans lesquelles, en raison de menaces ou d'un abus d'autorité, une personne abandonne un enfant ou incite un autre individu à abandonner un enfant dans un lieu isolé. Cela peut entraîner une amende n'excédant pas Rs 1 million et une peine d'emprisonnement ne dépassant pas dix ans.

Comment fonctionne la CDU ?

La CDU, qui est attachée au ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la Famille, a le devoir d'intervenir rapidement et de faire un suivi chaque fois qu'un cas de violence, d'abandon ou de maltraitance d'enfant est signalé. Cette unité propose une large gamme de services pour aider les enfants et les familles.

Par exemple, lorsqu'un cas d'abandon d'enfant est porté devant les autorités comme la police, le ministère ou même à l’école ou à l’hôpital, l'enfant est pris en charge par la CDU.  Dans un premier temps, il est examiné par des médecins et un suivi médical est effectué. Il est ensuite placé dans un refuge ou dans des « Residential Care Institutions »(RCI) comme SOS Villages d’Enfants ou d’autres refuges gérés par des ONG, en attendant le début des procédures judiciaires.
 
La CDU dépose ensuite une plainte auprès de la police pour abandon d’enfant et celle-ci prend le relais en ce qui concerne l’enquête et les poursuites. Durant tout le processus, un travailleur social accompagne la CDU pour tenter de créer un lien avec l’enfant afin de faciliter la procédure. Il peut arriver que les parents se présentent le lendemain, mais parfois, cela peut prendre plus d'un an. Malheureusement, il existe aussi la possibilité que les parents ne viennent jamais. Dans de telles situations, le ministère gère un programme de placement familial qui offre la possibilité aux enfants des RCI d'avoir accès à un environnement familial de substitution où les parents d'accueil ont l'obligation de fournir un soutien financier, émotionnel, social et spirituel aux enfants placés sous leur tutelle suite à un ordre émis par le tribunal. Ces enfants peuvent également être adoptés. 

Il existe aussi un Conseil national de l’enfance (National Children’s Council) qui fonctionne sous l’égide du ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la Famille. Il est aussi chargé d’exercer des missions importantes en matière de protection des enfants, du développement et de leurs droits.

De plus, désormais, des pouvoirs supplémentaires ont été accordés à la police pour permettre aux officiers d'apporter de l’aide aux enfants ayant besoin d'assistance. Ce pouvoir a été conféré à la police par la « Children’s Act » qui est assez élaborée et étendue.

Qu'encourent les parents ?

La Children’s Act 2020 a été élaborée dans le but d’être plus sévère dans les sanctions en cas d’abandon et abus d’enfants. Si les parents sont reconnus coupables, ils peuvent être passibles d'une peine de prison ne dépassant pas 20 ans ainsi qu’une amende. Ils peuvent aussi être déchus de leur autorité parentale.

Qu'advient-il alors de l’enfant ?

Lorsqu'un enfant est abandonné par son(ses) parent(s) ou tuteur légal, il ou elle est considéré/e comme ayant besoin de soins et de protection. La Child Development Unit (CDU) a été créée en 1995 pour assurer la survie, la protection, le développement et les droits des enfants à Maurice. L’État a l'obligation de garantir le rôle parental là où les parents ne le font pas. Cette tâche revient 
à la CDU.

L’enfant peut-il être adopté s’il est abandonné par ses parents ? 

Oui. Notre cadre juridique en matière d'adoption se retrouve dans notre Code civil mauricien qui prévoit l'adoption locale ainsi que l'adoption d'un enfant étranger par le biais de ce que nous appelons « adoption simple » ou « adoption plénière ».

Selon les chiffres recensés auprès de la CDU

De 2020 à 2022 : 146 cas abandon d’enfants sont enregistrés

Il y a eu 146 cas de 2020 à 2022 d’abandon d’enfants, selon des données recensées auprès de la Child Development Unit (CDU) du ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la Famille. Par ailleurs, le ministère explique les étapes qu’il entreprend dans un cas d’abandon d’enfant et les moyens qu’il utilise pour combattre ce fléau dans notre société.

Selon le ministère, en premier lieu, la tâche revient au Child Protection Services (CPS). Cette unité procédera à une évaluation initiale pour déterminer l'urgence du cas au moyen d'entretiens, de visites à domicile et de vérifications. Si un danger immédiat est identifié, l'affaire sera portée à la police. Le CPS conduira, par la suite, l'enfant à l'hôpital pour un examen médical. Une enquête sociale sera menée en vue de déterminer les proches parents qui pourront prendre en charge l'enfant.

Si aucun proche n'est identifié, l'enfant sera temporairement placé dans un lieu sûr après un ordre émis par la justice. Le CPS fera ensuite un suivi auprès de la police en vue de retrouver les parents. Entre-temps, l'enfant bénéficiera d'un bilan psychosocial en fonction de son âge. Une fois les parents retrouvés, des évaluations et des enquêtes sont menées par les officiers du ministère pour estimer leur capacité parentale et identifier leurs problèmes. Par la suite, un soutien adéquat sera fourni aux parents, par le biais, des conseils et d'une orientation vers des instances appropriées.

Les mesures de prévention

De nombreuses mesures sont prises pour aider à prévenir l'abandon d'enfants, dont le Family Planning Services à travers la Mauritius Family Planning and Welfare Association. Cet organisme fournit des services de conseil aux mères adolescentes et à l'ensemble de la famille pour les prévenir sur les cas d’abandon d'enfants.

Par ailleurs, le ministère dispose d’un « Community Child Protection Programmes » (CCPP) qui est une plateforme pour prévenir, détecter et référer les cas au ministère pour des actions appropriées. En outre, il fait régulièrement des campagnes qui sont diffusées à la radio et à la télévision. Celles-ci ont également lieu dans les écoles, les collèges, les Social Welfare Centers et Community Centers. Le but est d’informer le public sur la violence envers les enfants, y compris l’abandon de ces derniers.

Quelle est la procédure pour l’adoption ?

Normalement, pour qu’une adoption prenne effet, les parents de l’enfant doivent tous deux consentir à l’adoption. Toutefois, si le lien parental a été établi par l’un des parents, c'est-à-dire, par exemple si l'enfant a été déclaré uniquement par la mère et si aucun père n'est mentionné, l’autorisation de la mère suffit. Dans le cas où la seule relation parentale établie est avec le père, son consentement sera suffisant.
Or, dans le cas où le lien parental avec aucun des parents ne peut être constaté ou si l'enfant est orphelin ou si les parents ont perdu leur autorité parentale sur lui, alors l’autorisation peut être donnée par un juge des référés après consultation de la personne actuellement en charge de s'occuper de l'enfant. Cela peut être un proche ou l'État (CDU, assistant social ou tuteur des foyers). En termes plus simples, le consentement des parents qui ont perdu leur autorité parentale n'est pas indispensable lorsqu'il s'agit de l'adoption de leur enfant.
Pour toute procédure d'adoption, l'aide d'un avocat et d’un avoué sera nécessaire, car toutes les procédures se font par voie de requête auprès un juge des référés de la Cour suprême.

Quelles sont les raisons qui conduisent un parent à abandonner son enfant ?

Les parents abandonnent généralement leur enfant à cause de plusieurs problèmes tels que la pauvreté, la toxicomanie, le fait que l'enfant soit le résultat d'un viol, dans certaines circonstances où la grossesse n'était pas souhaitée, une grossesse chez les adolescentes ou même un changement de partenaire.

Comment combattre ce fléau ? 

Pour commencer, Maurice dispose, dans une certaine mesure, d’un bon cadre pour protéger les enfants abandonnés ou maltraités. Cependant, nous avons encore un grand nombre de tâches à accomplir à titre préventif. Je pense qu'il est essentiel de sensibiliser les gens à la loi relative à la maltraitance et à l'abandon d'enfant. Néanmoins, il est aussi important que les problèmes mentionnés ci-dessus soient abordés afin de pouvoir résoudre les problèmes d'abandon des enfants. Tout est lié. Par exemple, l'introduction de l'éducation sexuelle et de la prévention des abus de substances dans les collèges contribuera à diminuer le nombre de grossesses non planifiées chez les adolescentes et réduira les cas d'abandon dus à la toxicomanie. L'éducation de la population est très importante pour lutter contre ce fléau, entre autres.

Quelles sont les solutions ?


La lutte contre la maltraitance et l’abandon d’enfant restera une lutte continue. Il n’est pas facile d’identifier les raisons pour lesquelles les parents abandonnent leur enfant et les moyens de prévenir cela. Toutefois, ce qui est important d’abord, c'est d'éduquer et de sensibiliser les gens. 
Il est également essentiel de s'attaquer au problème de la pauvreté en mettant en œuvre des programmes visant à réduire la misère ou en trouvant des moyens d'apporter de l’aide financière à une certaine catégorie de parents qui ont du mal à subvenir aux besoins de leur enfant. Les ONG peuvent s’efforcer d’identifier les familles qui en ont réellement besoin et collecter régulièrement des fonds pour leur fournir l’aide dont elles ont besoin.

 

 

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