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Abandon d’enfants : ces gosses laissés pour compte

Un parent qui abandonne son enfant attire des critiques. Même si des dispositions sont prises afin que le gosse délaissé soit rapidement pris en charge, l’autorité parentale, si elle confère des droits aux parents, leur impose aussi un certain nombre de devoirs. Quoi qu’il en soit, des cas de délaissement de bambins sont observés chaque jour.

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Gilbert Lebreux : «Ces enfants abandonnés deviennent nos enfants»

L’adoption et la famille d’accueil sont une possibilité pour l’enfant d’être intégré dans une nouvelle famille. L’Étoile du Berger a ouvert ses portes en 2011 pour accueillir les enfants délaissés. Sa mission : aller au secours de toutes détresses humaines, surtout chez les enfants, sans discrimination aucune.

Gilbert Lebreux, responsable et fondateur du centre, parle des débuts de la fondation l’Étoile du Berger. « C’est en novembre 2011 que le centre a ouvert ses portes à Albion. Nous ressentions le besoin de venir en aide aux  enfants en difficulté. Nous voulions les accueillir, les aider à la réhabilitation, prendre soin d’eux et offrir le meilleur à ces enfants. Dès que nous avions débuté l’association, nous avons accueilli 11 enfants, filles et garçons, entre 8 et 15 ans. » Le fondateur explique qu’avec le temps, l’association Étoile du Berger a dû non seulement s’élargir pour le besoin des enfants, mais aussi pour pouvoir en accueillir davantage. « Nous avons maintenant trois maisons d’accueil pour encadrer 24 enfants. Dans la maison d’accueil initiale, nous accueillions des enfants de 8 à 10 ans. En 2014, les garçons de plus de 10 ans ont bougé dans une autre maison d’accueil à Albion. Pour les filles, nous avons une troisième maison à Roches-Brunes. »

Pour Gilbert Lebreux, l’éducation est la solution pour sortir de cette situation. C’est aussi un aspect non négligeable à l’Étoile du Berger. « Nous mettons beaucoup d’accent sur l’éducation. Je tiens d’ailleurs à dire que tous nos enfants du primaire sont scolarisés dans une école privée car nous voulons leur donner la meilleure éducation. Nous croyons fermement que c’est le seul moyen pour un enfant en échec scolaire de s’en sortir. Et bien sûr un bon encadrement est aussi important. » Mais où irons ces enfants à 18 ans ? À cela, Gilbert répond qu’il est hors de question de les laisser tomber. « Ces enfants abandonnés deviennent nos enfants. Nous ne les laissons pas tomber. À l’âge de 18 ans, nous les laissons choisir ce qu’ils vont faire, mais nous n’arrêterons jamais de les suivre et de les encadrer. » L’Étoile du Berger compte d’ailleurs sur la générosité des Mauriciens, afin de pouvoir mener à bien sa mission.

Que dit la loi ?

Sannidi Paupoo : «Les parents risquent une amende et une peine d’emprisonnement»

Invitée dans l’émission « C’est Tabou » de Caroline, le lundi 3 avril, l’avocate Sannidi Paupoo a discuté des procédures et autres lois liées à l’abandon d’un enfant. Amendée en 2005, la législation sur l’abandon d’un enfant qui relevait  autrefois du Code pénal tombe maintenant sous la Child Protection Act. C’est ce qu’a expliqué Me Sannidi Paupoo dans l’émission « C’est Tabou ». « Selon la jurisprudence, il est question d’abandon d’enfant quand celui-ci a été exposé et délaissé. Il faut aussi qu’il y ait une intention d’abandon. » La cour prend aussi en considération qu’il y ait eu abandon d’enfant dans un lieu isolé.

« On parle d’exposition lorsque l’enfant a été délaissé dans un lieu où il ne devrait pas être. Par exemple, dans la rue ou dans un lieu où sa sécurité est mise en danger », explique l’avocate. Pour bien faire comprendre un cas d’abandon, l’invitée de l’émission a cité en exemple un cas récent devant la cour où une maman avait laissé son enfant à l’hôpital après son accouchement. « Ce n’est pas considéré comme un abandon par la cour car l’enfant était toujours sous la surveillance du corps médical et recevait toujours des soins. » Sannidi Paupoo a aussi indiqué deux types d’abandon : l’abandon dans un lieu isolé où le parent peut écoper d’une amende ne dépassant pas Rs 500 000 et n’excédant pas 10 ans de prison et l’abandon dans un lieu non isolé pour lequel le parent est infligé d’une amende ne dépassant pas Rs 200 000 et risque pas plus de 5 ans d’emprisonnement. Le délit  de Family Abandonment sous l’article 260 du Criminal Code a également été évoqué par l’avocate. « Si un mari abandonne volontairement pendant plus de deux mois sa femme alors qu’elle est enceinte, l’homme est passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 avec des risques d’emprisonnement », souligne-t-elle. Les parents ont le devoir légal et moral d’assurer la sécurité, les soins et l’éducation de leur enfant, selon l’avocate.

En chiffre

544 enfants abandonnés par leurs parents sont parmi ceux qui ont été placés dans les Shelters par la Child Development Unit (CDU). Le ministère de l’Égalité des genres a recensé 418 appels depuis le lancement du helpline en octobre 2016 pour se renseigner auprès de la section Fostercare. Un premier groupe de familles d’accueil va bientôt se faire enregistrer. Ceux qui  le souhaitent  comme famille d’accueil peuvent appeler au 187 du lundi au vendredi, de 9 à 16 heures pour tout renseignement. Selon l’article 11 de la Child Protection Act, il est stipulé que : « Notwithstanding any other enactment, where a person exercising a medical or paramedical profession or a member of the staff of a school has the reason to suspect that a child he is examining or who is frequenting the school, as the case may be, has been ill-treated, neglected, abandoned or otherwise exposed to harm, he shall immediately notify the Permanent Secretary. »

Kenny Constant, 25 ans : «J’ai été adopté»

Des parents et des familles qui décident d’adopter les enfants qu’ils accueillent temporairement, on en connaît beaucoup. Il faut aussi reconnaître qu’il y  a des enfants qui en font de même pour ces adultes qui sont devenus membres de leur famille. C’est le cas de Kenny Constant, 25 ans, ex-résident de Terre-de-Paix. C’est à l’âge de 7 ans qu’il rejoint sa famille d’accueil, où Patricia Ramjeet est sa mère monoparentale.

« Nous étions sept garçons à être placés chez elle. Nous nous sommes très vite adaptés car auparavant on était dans des dortoirs et cette vie de famille nous a beaucoup aidés à nous recadrer. Bien sûr, tout n’était pas rose tous les jours puisque ce n’est pas facile de faire cohabiter tant de personnes. Mais notre maman a toujours été à nos côtés pour nous aider à avancer et à nous relever », dit-il.

Kenny Constant, qui travaille aujourd’hui à l’hôtel Club Med d’Albion, est issu d’une fratrie de sept enfants. Il n’a jamais connu son père biologique et sa mère, vivant dans la précarité, n’a jamais pu s’occuper de lui. D’où son placement  à Terre-de-Paix à l’âge de trois ans par les autorités. Aujourd’hui, elle est décédée. Même si Kenny garde contact avec ses frères et sœurs, c’est avec sa maman d’accueil qu’il a décidé d’habiter lorsqu’il a atteint sa majorité. « Je me sentais surtout bien avec elle. »

Celle qu’il appelle affectueusement ‘Mami’ parle également de Kenny comme « mon garçon ». Aujourd’hui, les deux habitent ensemble à Albion. « J’ai eu la chance d’atterrir à Terre-de-Paix au lieu de finir dans la rue. Cette organisation non gouvernementale  m’a offert le plus beau des cadeaux : une famille, une maman. »

Virginie Bissessur : «Tout cela aboutit au fait qu’on ne planifie pas les grossesses»

Quelles sont les causes qui poussent une mère ou des parents à abandonner un enfant ? Virginie Bissessur, psychologue clinicienne et interculturelle, donne les raisons principales de l’abandon d’un enfant. « La pauvreté ou les difficultés financières sont une des raisons principales. Une raison non moins importante est aussi le fait d’être un parent célibataire, isolé qui ne se sent pas  capable d’élever un enfant en lui offrant toutes les possibilités pour son épanouissement. »

Pour la psychologue, les causes viendraient d’un manque de formation et de mécanismes pour soutenir les familles. « Encore une fois et surtout à Maurice, il y a l’absence d’éducation sexuelle et une insuffisance de connaissances concernant le planning familial car tout cela aboutit au fait qu’on ne planifie pas les grossesses. Les restrictions pour avoir accès à l’avortement encouragent aussi l’abandon d’un enfant. Une autre raison peut être aussi le manque de services et de ressources pour soutenir les parents ayant des enfants handicapés. En ne sachant pas comment faire ou comment gérer un enfant souffrant d’une forme de handicap, les parents, ne voyant aucune autre option, finissent par abandonner l’enfant », soutient Virginie Bissessur. Pourtant ce n’est pas un choix facile.

« L’abandon n’est pas un choix comme un autre, pour toute mère c’est un choix difficile qui est souvent suivi d’un abandon du père, d’une pression de la famille ou de la société, et / ou d’une fragilisation psychologique de la mère. De toute façon, c’est un choix qui va les marquer à vie et qui va susciter beaucoup de culpabilité. »

 

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