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50 ans jour pour jour : la révolte estudiantine qui a bouleversé l’éducation à Maurice

La grève estudiantine du 20 mai 1975 a été le moteur du changement social et de l’éducation gratuite à Maurice.

Le 20 mai 1975, des milliers d’étudiants mauriciens ont défié l’injustice du système éducatif, dénonçant les inégalités entre collèges publics et privés. Face à la répression violente, leur lutte a révélé la force d’une jeunesse déterminée, forçant le gouvernement à céder et à initier des réformes majeures.

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La grève étudiante du 20 mai 1975 à Maurice reste un événement marquant, non seulement pour l’histoire de l’éducation, mais aussi pour l’ensemble de la société mauricienne. Cet épisode a révélé la force de la mobilisation populaire et la puissance des actions collectives pour provoquer des changements profonds. 

Selon Lindsay Collen, militante de Lalit, la principale leçon à retenir de ce mouvement est que « le changement survient grâce à des actions concertées, menées selon un programme précis ». Elle rappelle qu’ « en 1975, le pays était en état d’urgence. Le mouvement de grève s’est construit autour de la revendication d’une éducation égalitaire. Et il y a eu victoire », souligne-t-elle. Une victoire certes, mais sur fond de fortes tensions sociales et politiques, dans un contexte mondial marqué par la contestation.

Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique, président du Student Council et Head Prefect du Collège Royal de Curepipe en 1975, se souvient de cet événement comme si c’était hier. À 17 ans, il faisait partie des étudiants ayant pris part à la grève. « Nous étions à l’ère de la contestation de tout un système. Et c’était un phénomène mondial. L’inégalité de la classe sociale se reflétait dans le système de l’éducation. Et en sus, il y avait la répression politique », se rappelle-t-il. À cette époque, poursuit Jocelyn Chan Low, « la société mauricienne était profondément inégale, et cette injustice était particulièrement évidente dans le domaine de l’éducation ». 

Alors que le Premier ministre de l’époque, sir Seewoosagur Ramgoolam, voulait créer l’État-providence, un projet qui a connu un certain succès avec de grands progrès pour le pays, la jeunesse réclamait une transformation plus radicale de la société. « Cette contestation, portée par les étudiants, s’inscrivait dans une dynamique mondiale de révoltes sociales, mais elle revêtait aussi un caractère propre à Maurice, avec des revendications très ciblées, notamment l’égalité d’accès à l’éducation », indique-t-il.

Kugan Parapen, du parti de gauche Rezistans ek Alternativ (ReA), souligne l’importance de l’action populaire pour faire bouger les choses. « Quand le peuple se met en marche, les choses bougent », affirme-t-il. Il évoque la période actuelle, où le changement est souvent au cœur des discours, mais rappelle qu’en 1975, ce changement est survenu grâce à la pression populaire. 

Pouvoir du peuple

Selon lui, la grève de mai 1975 est l’exemple par excellence de ce pouvoir du peuple. « La grève de 1975, un mouvement d’étudiants, a été hétérogène. Chacun a contribué à sa manière, et la date du 20 mai 1975 sera célébrée dans 50 ans encore et ainsi de suite… », estime-t-il. Ce mouvement a marqué les esprits et est devenu un symbole de résistance contre un système injuste.

La grève de mai 1975 a eu un impact direct sur l’accès à l’éducation à Maurice. « Ce qui a changé à la suite de la grève de mai 1975, c’est que l’éducation est devenue gratuite », explique Lindsay Collen. Un acquis majeur qui a permis à des milliers d’enfants issus de familles modestes d’accéder à l’enseignement secondaire, jusque-là réservé aux plus aisés.

Inégalités

Cependant, comme le souligne la militante, cette avancée n’a pas suffi à transformer la société en profondeur. « Elle est devenue plus inégale. Les riches se sont enrichis, et les pauvres se sont appauvris. Et dans le processus de décolonisation, on retrouve encore des traces de la colonisation : dans l’éducation, la langue maternelle, et même physiquement, dans le territoire », déplore-t-elle.

Lindsay Collen observe ainsi que si l’éducation est devenue gratuite, les inégalités sociales, elles, ont persisté, voire se sont creusées — en contraste frappant avec l’idéal d’une société plus juste et égalitaire que beaucoup espéraient après la grève.

Jocelyn Chan Low partage cet avis. Selon lui, bien que la grève ait contribué à accélérer l’introduction de l’éducation gratuite, les inégalités sociales demeuraient profondes. « Les inégalités étaient toujours présentes. La société restait inégalitaire. L’arrivée de l’éducation gratuite et du droit a été accélérée, mais c’était déjà prévu dans le programme du Parti travailliste (PTr). Les jeunes de l’époque aspiraient à une transformation radicale de la société. Transformation qui n’est jamais venue. Il y a eu d’importants progrès, certes, mais l’idéal était une société véritablement égalitaire. Et cela ne s’est jamais réalisé. Les inégalités restent nombreuses dans notre société », conclut-il.

Quand la jeunesse de Maurice a défié l’injustice

La manifestation étudiante de mai 1975 demeure un tournant majeur dans l’histoire de l’éducation à Maurice. Le 19 mai, des milliers d’élèves, issus de divers établissements publics et privés, se mobilisent devant le ministère de l’Éducation pour dénoncer les profondes inégalités du système éducatif. Le lendemain, le 20 mai, ils organisent une marche historique en direction de Port-Louis pour réclamer une éducation plus équitable.

Les jeunes manifestants pointent du doigt les écarts criants entre les collèges privés, souvent sous-financés, et les écoles publiques ou confessionnelles, mieux équipées en ressources pédagogiques. Laboratoires absents, bibliothèques inexistantes… ces carences renforcent les injustices sociales et limitent les perspectives des élèves issus de milieux modestes.

Mais alors qu’ils atteignent le pont de Grande-Rivière-Nord-Ouest (GRNO), la police bloque leur progression. Ce face-à-face dégénère en violents affrontements : gaz lacrymogènes, matraques, pierres… La répression est brutale, causant plusieurs blessés et d’importants dégâts matériels.

Malgré les arrestations et la pression policière, les étudiants ne fléchissent pas. Une grève de la faim de 10 jours est entamée, attirant l’attention de l’opinion publique. Sous cette pression croissante, le gouvernement finit par abandonner les poursuites. À l’époque, le ministère de l’Éducation était dirigé par Régis Chaperon.

Ce mouvement préfigure plusieurs réformes décisives : l’introduction de l’éducation secondaire gratuite en 1976, la création de la Private Secondary Schools Authority (PSSA) en 1978 pour réduire les inégalités, et une révision progressive des programmes scolaires.

 

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