Il a passé toute sa carrière au collège Idéal, celui qu’il a fréquenté comme le souhaitait sa mère. À quelques jours de la retraite, Vijaye Rampurgas a le sentiment du devoir accompli.
Des embûches, il y en a eu sur son chemin. Beaucoup. Il aurait très bien pu jeter l’éponge. Mais c’était sans compter sur sa détermination. Le 25 mai, Vijaye Rampurgas, 64 ans, prendra officiellement sa retraite après 45 ans de carrière au collège Idéal, dont il est le recteur depuis 2019.
Sa mère, dit ce natif de Belle-Vue-Harel issu d’une famille de laboureurs, a joué un rôle clé dans son parcours. Il raconte qu’un jour, alors enfant, il l’avait accompagnée pour acheter une vache. « Sur la route du retour, on s’est arrêté devant un immense bâtiment. C’était le collège Idéal. Et elle m’a glissé à l’oreille : “Quand tu auras tes résultats, tu viendras ici, c’est le collège de Seeparsad Bunwaree (NdlR, le recteur de l’époque).” », relate-t-il avec nostalgie.
Élève brillant, il intègre l’établissement en 1970. « Les étoiles se sont alignées en ma faveur. » Toutefois, un tragique événement va chambouler sa vie. Il a 16 ans lorsque son père décède. « Notre situation financière s’est détériorée. Ma mère était désormais le seul gagne-pain. Il a fallu faire des sacrifices. »
Vijaye Rampurgas, troisième d’une fratrie de sept enfants, est déscolarisé pendant un an en Form IV, jusqu’à ce que Seeparsad Bunwaree le convoque. « Il m’a demandé de retourner au collège et de ne pas m’inquiéter pour le financement de mes études. À l’époque, ça coûtait Rs 30. Et je n’ai rien payé. Je lui suis éternellement redevable pour ce beau geste qui m’a permis d’avoir une éducation. »
Une semaine après avoir obtenu son School Certificate en 1979, on lui propose un poste d’enseignant d’anglais et de Social studies. « C’était un privilège de travailler aux côtés de l’homme que j’admirais et dans le collège que j’avais fréquenté. »
Il souhaite néanmoins poursuivre ses études. « J’ai galéré. Je voulais faire le Higher School Certificate, mais je n’ai pas pu. À la place, j’ai fait trois A-Level avec beaucoup de difficultés. Puis, j’ai fait des demandes pour des études universitaires. Mais à l’époque, à Maurice, nous n’avions pas autant d’options qu’aujourd’hui au niveau de l’enseignement supérieur. »
En 1983, il opte pour des cours à distance à l’université du Pendjab, en Inde. La malchance frappe à nouveau. « Après un an d’études, la guerre raciale a éclaté en Inde suivant l’assassinat d’Indira Gandhi. Tous mes efforts sont tombés à l’eau. »
En 1990, il intègre l’université d’Afrique du Sud (UNISA), toujours à distance. Après un an, son parcours éducatif s’arrête. Il persévère. Et c’est finalement à l’âge de 40 ans qu’il obtient son diplôme d’enseignant du Mauritius Institute of Education, après 14 ans de hauts et de bas.
Il ne s’arrête pas là. Il fait des études à l’Indira Gandhi National Open University. « J’avais 56 ans. Je suis reconnaissant d’avoir pu faire des études poussées. Un de mes frères s’est sacrifié pour que je puisse étudier. Aujourd’hui, j’essaie d’apporter mon soutien aux enfants de mes frères et sœurs », confie-t-il, ému.
À quelques jours de la retraite, il éprouve un sentiment de satisfaction et du devoir accompli. « L’année dernière, j’ai rencontré un ancien élève. Il est devenu enseignant. Il m’a remercié de l’avoir poussé dans cette voie. Il venait d’une famille brisée et pauvre. Son histoire m’a beaucoup touché. »
3 questions à Vijaye Rampurgas : «L’enseignant doit porter la casquette de parent et de psychologue»
Que pensez-vous des changements dans le domaine éducatif provoqués par la pandémie ?
La pandémie de Covid-19 a confronté le monde éducatif à de nouveaux défis, notamment l’enseignement à distance. Cette situation nous a pris de court, on n’était pas préparés à y faire face au début à cause du manque de formation des enseignants.
Par ailleurs, nos élèves, qui majoritairement viennent de régions défavorisées, de familles brisées, n’avaient pas les outils appropriés pour suivre ces cours. Dorénavant, nous serons mieux préparés.
Quelle est la voie que doit prendre le système éducatif, selon vous ?
Nous ne pouvons pas nous permettre de stagner. Les choses doivent évoluer de manière dynamique. L’avenir appartient désormais à la technologie. Les élèves doivent être initiés à la robotique, au virtuel...
Comment le profil des élèves et le métier ont-ils changé ?
Il y a une grande disparité. Dans le passé, j’ai connu des élèves respectueux et disciplinés. Il en existe toujours, mais il y a eu un changement dans le profil. Les parents ont un grand rôle à jouer dans cette faillite ; certains fuient leurs responsabilités. Ils n’inculquent pas aux enfants de bonnes valeurs. L’école est, de ce fait, responsable d’instaurer ces valeurs.
Le métier d’enseignant est aujourd’hui plus exigeant et stimulant. En plus de faire son travail avec rigueur, l’enseignant doit porter plusieurs casquettes, dont celles de parent et de psychologue.
Ses projets
Il est l’auteur de deux livres visant à aider les élèves du secondaire à mieux rédiger des rédactions. Il souhaite se consacrer pleinement à l’écriture. « J’ai toujours été passionné par l’écriture. Depuis ma jeunesse, je collectionne des ‘short stories’ que j’écrivais à mes heures perdues. Maintenant que j’aurai plus de temps, je souhaite écrire quelques articles sur le social ou l’éducation, des nouvelles et pourquoi pas un roman. »
Les clés pour être un bon prof
« Je crois fermement au principe des trois P. Pour être un bon enseignant, il faut avoir la passion du métier, de la patience et de la persévérance. Un enseignant qui possède ces trois qualités peut faire des miracles. »
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