Le seggae a pris naissance il y a trente ans de cela. Ce 21 février marque les 20 ans de la disparition de son créateur, Kaya. Percy Yip Tong a été le premier à produire Kaya et Racinetatane, à une époque où peu croyait en leur talent. Aujourd’hui, le directeur artistique Percy Yip Tong dresse la chronologie des évènements.
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- 1960
Le 10 août, Joseph Réginald Topize voit le jour à Roche-Bois. Il est le plus jeune d’une fratrie de cinq enfants. Le manque de moyens financiers le contraint à mettre fin à sa scolarité à 8 ans.
Dans les années ‘80, il se laisse influencer par la musique de Bob Marley, un des célèbres chanteurs de reggae. Il devient adepte du rastafarisme. Avec son groupe Racinetatane, Joseph Réginald Topize reprend des chansons de Bob dont son tube « Kaya » de l’album du même nom (sorti en mars 1978). « C’est ainsi que Joseph Réginald Topize hérite du nom de scène Kaya qui signifie «marijuana» en créole jamaïcain, donc «gandia» en créole mauricien » relate Percy Yip Tong.
- 1986
Kaya et Percy se rencontrent pour la première fois. Ils ont 26 ans. « Je suis rentré après avoir étudié et passé 7 ans en Europe. Je produisais la première cassette du Grup Natir de Chamarel. Un rasta est venu me voir un jour, il m’a dit qu’il faisait partie d’un groupe qui joue un nouveau style de musique, le seggae. Cela m’a fait plaisir car je rêvais d’une fusion entre le sega et le reggae. Je suis allé à leur répétition à Plaisance Rose-Hill. J’ai eu le coup de foudre, dès ma première rencontre avec Kaya et son seggae ! »
- 1989
Pendant trois ans, Percy Yip Tong et Kaya luttent pour faire connaître le seggae à Maurice, mais en vain. « Les producteurs refusaient de le produire, car il était coiffé de dreadlocks. Nombreux étaient ceux qui ne comprenaient pas pourquoi je m’associais à Kaya, le rasta de Roche-Bois, car je suis issu de la communauté sino-mauricienne et mon père était magistrat. Mais je n’ai pas baissé les bras et je croyais en lui » dit-il.
Percy décide d’emmener Kaya à La Réunion. Il tente de convaincre les professionnels en leur disant que le seggae faisait un tabac à Maurice. Il leur montre une vidéo de son entretien accordé à la télévision nationale où Kaya interprète ‘Rasinn Pé Brilé’. Percy obtient alors l’autorisation d’enregistrer une maquette à Radio Corail, le soir alors que la station radio est fermée. Ils y passèrent trois nuits. Pendant leur séjour, Percy est interviewé sur RFO - Réunion et présente deux chansons de Racinetatane en live. Le programme peut également être vu de Maurice. Ainsi les Mauriciens découvrent Kaya et son seggae. Le public réclame aux disquaires la musique de ce groupe inconnu mais vu sur RFO.
La demande est si forte que Percy ne peut attendre d’enregistrer un vrai album. Il sort la maquette en décembre 1989 sur cassette. C’est le premier album de Kaya intitulé ‘Seggae Nu Lamizik’. Il contient huit morceaux. Le seggae cartonne ! Percy annonce qu’il compte lancer ‘Seggae Nu Lamizik’ jamais sorti sur CD en décembre 2019, afin de marquer les 30 ans de naissance du seggae.
- 1990
Un deuxième album est enregistré au théâtre de St-Gilles en live à la Réunion. Il est intitulé ‘Roots of Seggae’. « Kaya s’est inspiré des problèmes de la société et de sa cité pour chanter le mauricianisme, la paix et l’unité. Kaya était un garçon simple, gentil et timide. Li ti ena bon cœur. Il n’a jamais eu la grosse tête » indique notre interlocuteur. Percy prendra toutefois ses distances, pour des raisons personnelles, pour aller rejoindre son épouse en Allemagne.
- 1991
Kaya sort ‘La Paix Universelle’, son a album.
- 1992
Kaya sort Seggae Man mixé en France. En décembre, grâce à Percy, Kaya donne son premier et unique concert en France au festival Africolor à Paris. Ce sont leurs retrouvailles après deux ans de séparation.
- 1993
Kaya donne un concert en Angleterre pour la diaspora mauricienne.
- 1994 / 1995
Kaya commence sa carrière solo et s’entoure de musiciens tels que Damien Elisa et Éric Triton.
- 1993
Kaya sort ‘Zistwar Revoltan’ produit par Discorama de La Réunion. Quelque temps après Seggae Experience sort sur le marché produit par Meli Melo.
- 1998
Pour le grand concert hommage à Bob Marley à Sainte-Croix. Kaya retrouve les musiciens de Racinetatane et Percy sur scène.
- 1999
Le 16 février, le Mouvement Républicain (MR) organise un concert pour la dépénalisation du gandia rue Edward VII, à Rose-Hill. Percy n’y assiste pas, car il est pris par un évènement familial. Le 18 février, il apprend que Kaya a été arrêté pour avoir fumé un joint sur scène.
« Il a eu le courage d’avouer qu’il a fumé du gandia pendant le concert, car cela faisait partie du rituel spirituel de sa religion rasta. Il savait qu’en le faisant, il serait mis en prison. Mais il était prêt à se battre pour une cause qu’il pensait juste. Il était un fervent militant de la dépénalisation qui pouvait selon lui aider à contrer les ravages du brown sugar. Il était convaincu que le gandia est moins nocif que l’alcool ou la cigarette » explique Percy.
Le 21 février à 5h du matin, un coup de fil l’informe que Kaya a rendu l’âme dans sa cellule à Alcatraz. « Mo gagn enn mari sok » dit-il. Il quitte Tamarin pour assister à la veillée mortuaire. Le corps de Kaya est exposé au siège du MR à Rose-Hill. « Ce soir là, Kaya avait réussi à rassembler toutes les couches sociales. Outre les créoles et les rastas, j’ai vu des dames drapées de sari et une sino-mauricienne saluer la dépouille de Kaya » se souvient Percy.
Une ambulance vient récupérer la dépouille pour une contre-autopsie à la demande de la famille et du MR. Un groupe de personnes décide de l’escorter. En passant devant le poste de police de Rose-Hill, certains y mettent le feu. « Deux voitures dont la mienne conduisent la famille de Kaya à Roche-Bois. Les actes de violence y ont lieu également. Ce sera aussi la dernière fois que je verrai le musicien Berger Agathe qui meurt, atteint par une balle tirée par la police», dit-il.
Le 23 février, le convoi mortuaire sort de Beaux-Songes en direction de Roche-Bois. À Bambous au passage du cortège, Trois jeunes tombent sous les balles de la police. « J’ai demandé à une journaliste américaine si elle pouvait prendre deux des blessés dans sa voiture et me suivre. Le troisième, Leemal Ghoostia, jeune innocent de 17 ans, meurt dans ma voiture alors que je le transportais à l’hôpital. Dans l’autre véhicule, Michel Laurent succombera à sa blessure » raconte-t-il.
24 février. Les funérailles de Kaya ont lieu. Il est inhumé au cimetière de Roche-Bois. « De son vivant, il prônait la paix et le mauricianisme à travers ses chansons. Sa mort a entraîné des émeutes sanglantes et des tensions raciales entre deux communautés. Ce n’était pas ce qu’il souhaitait. Il était adulé par de nombreux Mauriciens. Aujourd’hui, la chanson Simé la Limière est reprise par l’église et les adeptes de Sai Baba. Un CEO chante cette chanson au staff party de la compagnie. J’ai entendu Ras Kouyon chanté dans un temple Hare Krishna. Tout cela n’aurait pas été possible du vivant de Kaya. Il était un artiste immensément populaire. Son décès choquant en prison l’a transformé en un artiste légendaire. Finalement, sa mort a rendu Kaya immortel » conclut Percy Yip Tong.
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