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190e anniversaire de l’abolition de l’esclavage : Séquelles de la traite à Maurice : sommes-nous devenus une société plus inclusive ?

Didier Michel, membre des Verts-Fraternels, Danielle Turner, militante socio-économique et Sheila Bunwaree, sociologue, étaient les invités de Prem Sewpaul lors de l’émission Au cœur de l’info.

En 2025, à l’ère de l’intelligence artificielle et des technologies nouvelles, Maurice traîne-t-il les séquelles de la traite qui a caractérisé sa colonisation par les Français ? Quelle partie de la population en souffre encore ? Dans le cadre du 190ᵉ anniversaire de l’abolition de l’esclavage, Radio Plus a consacré son émission Au cœur de l’info à un débat sur le thème « Justice sociale post-esclavage à Maurice : entre mythes et réalités ».

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La parole libérée lors d’un débat passionné et passionnant. C’est ainsi qu’on peut décrire l’émission animée par Prem Sewpaul avec ses invités : Sheila Bunwaree, sociologue, Didier Michel, membre des Verts-Fraternels et ex-enseignant à l’université de Maurice, et Danielle Turner, militante socio-économique. Les mots et le sens qu’on leur donne ont fusé durant ce débat. Il a été question de la traite, du racisme, des défis et des enjeux post-indépendance et de la réparation aux descendants d’esclaves. Le bilan des panélistes est sans appel : les descandants d’esclaves sont demeurés les exclus du développement, l’éducation ayant échoué comme instrument censé favoriser la mobilité sociale. 

Le combat a été long afin d’obtenir que l’abolition soit décrétée jour férié. Fils de Sylvio Michel, fondateur de l’Organisation fraternelle avec son frère Élie (aujourd’hui les Verts-Fraternels), Didier Michel a évoqué les adversaires à la proposition de son père de décréter jour férié le 1ᵉr février. Il y a, indique-t-il, un travail de mémoire à entreprendre devant « l’effacement de l’histoire ».

Crime contre l’humanité

Devant l’injustice sociale, qu’a-t-on fait, a-t-on reconnu et a-t-on réparé ?, demande Danielle Turner. « Mo pa pe dir zis larzan me selma bizin koz kas parski lesklavaz ti dan enn kontex ekonomik. C’était un crime contre l’humanité. Eski nou rekonet kontribision de sa bann zom ek fam la. Zot pa finn ne esklav », lance-t-elle. 

Elle tient aussi à nuancer que les esclaves n’étaient pas seulement les individus venus d’Afrique et de Mozambique, car il y a eu du métissage entre les « liberated Africans » et des Indiens. « Ant 1833, dat abolision, ek 1836 kan lalwa-la finn rant an viger ek ziska 1845, finn ena metisaz », dit Danielle Turner. Elle évoque l’obligation faite aux bateaux-négriers de remplir leurs cales afin de toucher les assurances.

Se enn size tabou, pa koz li ase. Me si pena zistis ekonomik, li inposib ki ena zistis sosial

Après la libération de leurs esclaves, les euro-propriétaires, poursuit-elle, ont été dédommagés. Les esclaves, une fois libres, ont été lâchés dans la nature, sans maison ou terre. Comment réparer les injustices si des actions fortes ne sont pas adoptées. « La dignité humaine passe par la restitution », avance-t-elle. Intervenant hors antenne, Alain Jeannot a rappelé que le Code noir leur interdisait de posséder des terres ou d’entreprendre un commerce.

Dynamiques inégalitaires

Sheila Bunwaree, sociologue, s’est appesantie sur les dynamiques inégalitaires qui prévalent au sein de la société mauricienne et qui expliquent que la communauté afro-créole soit toujours exclue. « Se enn size tabou, pa koz li ase, fait-elle observer. Me si pena zistis ekonomik, li inposib ki ena zistis sosial. » Si elle reconnaît que des progrès avec de nombreuses occasions permettant la mobilité sociale ont été réalisés après l’indépendance. Mais de nombreuses personnes de la communauté créole ont été exclues du développement économique. Aux yeux de Danielle Turner, l’indépendance de Maurice n’a pas profité aux descendants alors qu’auparavant, il existait des membres de cette communauté qui étaient pourtant bien lotis. Un aspect qu’elle n’a pas développé, Prem Sewpaul ajoutant qu’il savait où elle voulait en venir. La question du droit à la terre est déterminante dans les processus qui conditionnent la réussite académique, au travail, à la santé, fait-elle valoir. Partisane d’une école intégrante, elle fait cependant observer que l’immense majorité des enfants qui composaient l’Extended Programme provenaient de familles de descendants d’esclaves. La commission justice et vérité a montré que ces enfants font l’objet de discrimination et de stéréotypes qui ont un impact négatif sur leurs études. 

La dignité humaine passe par la restitution

« Nouvo program Foundation Programme in Literacy, Numeracy and skills pa get sa bann zanfan la », fait ressortir Sheila Bunwaree. Avec des livres d’histoire qui ne restituent pas la vérité, dit-elle, on ne peut favoriser que ce qu’elle désigne comme « une politique de l’oubli ». « Eski nou ena enn politik o some ki anvi kas bann prezize ? », demande-t-elle. « Ena enn travay ki bizin fer, finn deza fer enn travay de fon pou sern bann problematik me bizin kone kifer nou finn ariv la », poursuit-elle avant d’ajouter que les termes « zistis, ekitab, inklusion li a la mod ». « Nouvo gouvernma pe koz nouvo model de devlopma dan son diskour-program. Li inposib koz zistis sosial san koz model de developma. FDI pe ogmante dan imobilie me li pa kre travay avek betonaz partou. » La panéliste a également cité l’intervention hors antenne du Dr Awotar, qui a expliqué qu’aux États-Unis, les Noirs étaient aussi l’objet du racisme des latino-américains.

Ena bann liv ki rakont bann foste lor listwar lesklavaz"

Code noir

S’inscrivant en faux contre certains discours flattant des avancées intégrationnistes, Didier Michel fait observer qu’il n’existe aucun comité ou commission présidé par un ministre avec l’objectif de se pencher sur les séquelles de l’esclavage. « Ena bann liv ki rakont bann foste lor listwar lesklavaz », dit-il. Il a rappelé que le Code noir rabaissait l’esclave au rang de mobilier. Commentant l’état du musée de l’esclavage au Morne, il fait observer que les toilettes sont dans un état déplorable, contrastant avec les hôtels qui se trouvent dans la localité.   
 

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