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110e anniversaire de la naissance de Beekrumsing Ramlallah : l’unanimité autour de celui qui refusa d’être un «béni oui-oui»

De g. à dr : Jack Bizlall, Raouf Bundhun, Alain Laridon et Yvan Martial.

Un parterre relevé aura aussi imposé aux panellistes d’être fidèles à la mémoire de l’ex-directeur du Mauritius Times, avec des invités des plus diversifiés. Des ex-ministres Mukeshwar Choonee et Alan Ganoo à Arvin Boolell, ministre de l’Agro-industrie, en passant par l’ex-DPP Satyajit Boolell, Vijay Makhan (conseiller chez Paul Bérenger), Sooryakanti Gayan et Philippe Ah-Chuen et Devesh Dukhira, entre autres. 

Beekrumsing Ramlallah, personnalité à la triple dimension de politicien (travailliste), journaliste et engagé culturel, ne s’est jamais détourné de ces responsabilités faisant toujours preuve d’une profonde humilité et simplicité. Loin des coups d’éclat, il menait ces trois combats en les considérant comme des devoirs en ligne avec les enseignements samajistes, comme le furent de nombreux intellectuels hindous de la capitale. 

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« Petites gens » 

Ce port-louisien de cœur fut durant toute sa vie, comme l’a rappelé, l’ex-PPS et ambassadeur Alain Laridon, Beekrumsing Ramlallah, natif de Montagne-Longue, a incarné à la fois les aspirations du monde rural et les défis qui s’imposaient à l’île Maurice post-indépendante. Proche des « petites gens », souligna Alain Laridon, il est tout naturellement nommé ministre du Travail après les élections de 1967 où il est élu en tête de liste avec Rameshwar Jaypal et Hurryparsad Ramnarain. 

Visionnaire déjà lorsqu’il reprend le titre « Mauritius Times », il œuvrera pour la pluralité linguistique dans la presse locale avec des pages entières en anglais n’hésitant pas à faire appel à la contribution de deux parlementaires travaillistes qui prônèrent l’indépendance de Maurice. Un véritable paradoxe, car l’administration britannique avait déjà décidé de se délester de ses colonies, mais l’Anglais étant « fourbe », monnaya l’indépendance de Maurice en échange de la rétrocession de Diego Garcia. Ce qui fit dire à feu Sir Satcam Boolell : « Nou lame ti anba ros », au DéfiPlus qui l’interrogeait sur les circonstances de cette tractation. 

Tout au long de l’existence du « Mauritius Times », il n’a de cesse de faire appel aux plumes libres et éclairées afin que ce journal puisse se maintenir loin des pouvoirs, mais cette indépendance avait pour prix d’être privé du soutien des annonceurs, dont ceux du patronat francophone de la bourgeoisie patrimoniale. 

À l’époque, la frange la plus réactionnaire de celle-ci ne lui avait jamais pardonné son combat en faveur de la reconnaissance officielle de l’Aapravasi Ghat. Ce lieu est celui du débarquement des « girmityas », ces engagés indiens et indiennes venus de plein gré pour labourer les champs de cannes.

Son engagement politique, poursuit Alain Laridon, s’illustra aussi par son combat pour la liberté de la presse. En 1984, il rejoignit un groupe de journalistes qui protestaient contre une loi imposant un dépôt de Rs 500 000 pour créer un journal. « La police n’arrêta pas Beekrumsing Ramallah en raison de son âge, mais lui-même se rendit aux Casernes centrales afin qu’il soit lui aussi arrêté », indiqua-t-il.

« Very naughty »

Succédant à Alain Laridon, l’ex-Vice-Président de la République, Raouf Bundhun s’est plu à rappeler le combat de Beekrumsing Ramlallah en faveur de l’indépendance et du suffrage universel, comme le recommandait la commission britannique de 1965 à Londres. Mais ce que le « dernier des Mohicans » comme il se définit, se souvient avec plus d’émotion et de colère, c’était les diatribes quotidiennes du « very naughty », Noel Marrier D’Unienville contre les indépendantistes dans les colonnes de son journal « Le Cerneen ». 

« Il était un ‘rascal’ et le mot est faible. Il appelait Ramjagan au lieu de Ramgoolam comme pour le comparer à Cheddi Jagan qui était plus à gauche que Seewoosagur Ramgoolam. Quant à Guy Rozemont, il disait que ce dernier était ‘insoluble dans l’alcool. Mais c’est pour celui que je considère comme mon ‘modèle’ et qui lutta pour le commun des mortels, Renganaden Seeneevassen, qu’il eut ces mots : ‘le WC de Londres’. Parce que ce dernier avait dit que les toilettes de Londres étaient plus propres que les places où les dockers mauriciens prenaient leurs douches après le travail. Il fut très critiqué par Mauritius Times à cause de ces mots et il dut démissionner du Cernéen. Je me souviens que je l’appelais ‘Pandit’ et lui m’appelait ‘maulana’ et il ne me disait jamais ‘mo kamarad’, mais ‘mo fami’ ».

Une obligation d’écrire

Contributeur d’article dans le « Mauritius Times », deux ou trois fois chaque année, Jack Bizlall fait valoir que tout intellectuel engagé a une obligation d’écrire. « Qui peut aujourd’hui venir affirmer que ‘Mauritius Times’ n’a pas son importance ? C’est le seul qui s’adresse aux intellectuels et qui ne donne aucune version cachée d’un évènement », dit-il, se félicitant que Beekramsing Ramlallah n’a jamais été un « béni oui-oui ». 

Poursuivant, il appelle à regarder l’histoire avec objectivité faisant valoir que Mahé de Labourdonnais était un « avant-gardiste » pour son époque, n’ayant jamais été propriétaire d’esclaves et ayant même fait l’objet de poursuite en France. Dans un autre ordre d’idées, il a déclaré qu’il descend d’une lignée de travaillistes et lui-même reste fidèle aux idéaux du travaillisme et non a un parti qui veut réformer notre de système de pension universelle. « Ramlallah se serait révolté contre cela s’il avait été encore vivant », indique-t-il.

Clôturant la causerie, l’ex-journaliste Yvan Martial, revenant sur l’inauguration de l’Aapravasi Ghat, fait observer que Beekrumsing s’était « arrangé » pour que le Premier indien en 1971, Indira Gandhi visite l’endroit où les engagés indiens ont débarqué, se souvient-il. Comme Alain Laridon, il explique que lorsque Beekrumsing Ramlallah ouvre la bibliothèque Nalanda, à la rue Bourbon, cela part de sa passion pour la lecture, avant de lancer : « Celui qui n’apprend pas à un enfant à lire est un criminel. » 

Avant de terminer, Yvan Martial a appelé à mettre sur pied une association des Amis de Ramlallah, « afin que nous ne passions pas à côté de la plaque », non sans avoir fait ressortir que Montagne-Longue, le village natal de Beekrumsing Ramlallah est un « village pilote » pour avoir été le premier à bénéficier d’un Village Council.

 

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