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Yvan Martial : «La classe politique persiste à agir comme dans les années 60»

Yvan Martial se montre très critique devant les discours convenus. Il déplore le fait que la classe politique dans son ensemble ne parvient pas à se réinventer. Il rappelle que l’importance du 1er-Mai ne se trouve pas dans une guerre des foules.

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Il y a d’un côté le PTr, qui affirme ne pas vouloir tenir de meeting pour le 1er-Mai, afin que cette date soit rendue aux travailleurs. Et de l’autre côté, le MSM, qui met en avant le fait que l’opposition parlementaire et le PTr n’ont plus la capacité de rassembler. Quel constat livrez-vous sur le fait que le PTr et l’opposition parlementaire ne parviennent pas à organiser de meeting ?
D’abord, la supercherie du PTr. Ce n’est pas la première fois qu’un parti politique, voire une alliance, est si mal organisé qu’il est incapable de rassembler ses partisans pour un meeting national, mais s’efforce malgré tout de sauver la face en cédant gracieusement le 1er-Mai aux travailleurs. 

Des syndicats se sont prêtés à ce jeu malsain. Des syndicats ont participé à ce jeu malsain en se joignant aux politiciens pour les rassemblements du 1er-Mai. Étant incapables de mobiliser une foule importante, contrairement aux politiciens qui bénéficient de l’attrait que la politique exerce sur les Mauriciens, ces syndicats accusaient les partis politiques de leur voler même leur faible assistance lors du 1er-Mai. 

Le PTr nous repasse un disque usé jusqu’à la trame. Nul besoin d’épiloguer plus longtemps. 

L’important n’est jamais une quelconque guerre des foules lors du 1er-Mai. Avant tout 1er-Mai, tout stratège digne de ce nom doit se poser ces questions : les travailleurs veulent-ils célébrer le travail, qui peut les anoblir et les épanouir ? Si oui, comment ?

Selon certains observateurs, étant donné les efforts du gouvernement en faveur des travailleurs au cours des dernières années (salaire minimum, compensation salariale de Rs 1 000, Wage Assistance Scheme), il est compréhensible que le public se rende à Vacoas, lundi. Partagez-vous cet avis ?
Réfléchissons aux termes « efforts gouvernementaux ». Ils s’appliquent principalement au Wage Assistance Scheme, mis en place en réponse à la fermeture brutale des frontières décrétée par le gouvernement pendant la période de Covid-19. La question est de savoir si cette décision était la bonne ou non. Il est permis d’avoir des opinions divergentes à ce sujet.

En supposant que la décision de mettre un frein brutal à une économie fortement dépendante de l’extérieur était nécessaire, nous devons accepter que la Banque de Maurice a dû puiser dans ses réserves pour financer les conséquences de cette paralysie prolongée. D’autres pays ont choisi de ne pas imposer de mesures aussi draconiennes. Sont-ils en pire situation que nous ? C’est un sujet de débat.

En ce qui concerne le salaire minimum et la compensation salariale, on peut argumenter qu’il s’agit de mesures démagogiques et gracieuses offertes par les ministères au détriment des consommateurs. Ces mesures augmentent les coûts de production et les entreprises ne peuvent pas fonctionner à perte sans risquer de faire faillite. Cela entraîne une augmentation des prix des produits et des services, même importés, et ce sont les consommateurs qui en font les frais via la TVA. 

Il est étonnant de constater que certaines personnes peuvent être généreuses avec l’argent des autres, tout en prétendant être des donateurs généreux.

La situation évoluera peut-être si, demain, surgit un leader capable enfin de se mettre à l’écoute de la population»

Le gouvernement se targue d’avoir énormément œuvré pour la classe des travailleurs. Mais répond-il à leurs besoins dans un contexte où l’inflation touche de plus en plus de foyers et où le taux directeur rend les emprunts des Mauriciens de plus en plus lourds ?
Venons-en aux besoins des travailleurs. Nos politiciens sont-ils vraiment à l’écoute des travailleurs mauriciens ? La question se pose.

Une forte foule à Vacoas, dimanche, sera un coup dur à encaisser pour l’opposition, qui déclare sans cesse que le gouvernement est en perte de vitesse...
Quelle est la valeur des propos de l’opposition parlementaire et extraparlementaire ? J’ignore si le MSM de Pravind Jugnauth est ou non en perte de vitesse. Les résultats des prochaines législatives nous le diront le moment venu. 

Ce que je sais, c’est que non seulement 50 % des Mauriciens sont régulièrement connectés à la Mauritius Broadcasting Corporation, mais également qu’ils croient fermement tout ce qui y est continuellement diffusé.

Les difficultés rencontrées par les leaders du MMM, du PMSD et du PTr pour tomber d’accord sur l’organisation d’un meeting conjoint, ce lundi, sont révélateurs de leurs difficultés à travailler ensemble, selon vous ? 
Il est possible que plusieurs partis d’opposition ne parviennent pas à s’entendre à propos de tous les préparatifs d’un rassemblement conjoint, notamment parce que chaque leader concerné refuse de céder le privilège d’être le dernier à prendre la parole. Il est évident que s’ils sont incapables de régler une telle question avant les élections, il serait imprudent de leur confier le pouvoir pendant cinq ans, même si ceux qui sont actuellement au pouvoir ne sont pas meilleurs.

Non seulement 50 % des Mauriciens sont régulièrement connectés à la MBC, mais ils croient fermement tout ce qui y est diffusé»

Ce 1er-Mai 2023 marque la reprise des activités traditionnelles – meeting, marche syndicale, dépôts de gerbes – après deux années de vide en raison de la Covid-19. Quelle est votre appréciation des différentes mobilisations en marge de la Fête du travail ?
La Covid-19 semble avoir bon dos. J’accuse notre classe politique de persister à faire de la politique comme dans les années 60 et suivantes, avec un leader suprême devant lequel tous doivent s’écraser, même lorsqu’il commet des erreurs à répétition.

Ces leaders et autres roitelets sont pour la plupart âgés (55 ans et plus). Ils se déplacent en limousines vrombissantes, avec un chauffeur au volant et des gardes du corps. Ils n’ont aucun souci financier. Ils n’écoutent personne, sinon leur propre ego surdimensionné ou des béni-oui-oui triés sur le volet. 

La situation évoluera peut-être si, demain, surgit un leader capable enfin de se mettre à l’écoute de la population. Graduellement, celle-ci se laissera séduire par cette capacité d’écoute et commencera à lui faire confiance. Il nous convaincra encore plus facilement s’il prouve qu’il est capable de déléguer au maximum les pouvoirs qui sont généralement dévolus au seul leader suprême. 

S’il est apte, par exemple, à mettre sur pied une structure régionale capable de désigner elle-même, sans aucune interférence d’en haut, trois candidats (un jeune de moins de 25 ans, une mère de famille et un travailleur manuel) par région (Nord, Est, Sud, hautes et basses Plaines-Wilhems, Port-Louis), choisis parmi des personnes ayant déjà fait leurs preuves dans des structures régionales, telles que les conseils de village ou de district, les forces vives de quartiers urbains, les représentations syndicales ou le travail social avec des responsabilités régionales. Ces candidats doivent être en mesure de prouver à la direction régionale qu’ils possèdent des assises régionales. Dans la circonscription n° 14, les trois candidats seront choisis uniquement par ces structures régionales. Il n’y a pas 36 solutions. 

Si nous voulons que nos partis politiques, nos syndicats, cessent d’être dirigés à 100 % par une seule et unique cuisine, il est nécessaire de déléguer le maximum de pouvoirs, qui sont actuellement usurpés par nos leaders suprêmes.

Y a-t-il, selon vous, une prise de conscience des Mauriciens de l’importance réelle du 1er-Mai ?
Sortons, si vous le voulez bien, du carcan politico-syndical. Le travail concerne chacun d’entre nous. Nous devons travailler dur pour subvenir à nos besoins. Nous sommes nés avec le devoir de grandir et d’acquérir des compétences professionnelles, non pas uniquement des diplômes scolaires et universitaires, ou des bourses d’études supérieures à l’étranger, mais des métiers qui nous permettent de gagner notre vie et de subvenir aux besoins de notre famille.

Nous devons avoir plusieurs compétences pour ne jamais être pris au dépourvu. Nous devons apprendre à économiser notre argent durement gagné au lieu de le gaspiller dans des futilités et des gadgets. Passionnons-nous pour nos professions et ne cessons jamais d’apprendre et d’améliorer nos connaissances, en particulier dans les domaines techniques et professionnels. 

Une Fête du travail par an, ça n’est jamais de trop pour nous arrêter et avoir le courage de nous questionner : pouvons-nous être fiers de notre parcours professionnel et social à ce jour ? Nos enfants peuvent-ils être fiers de nous ? Nous devons pouvoir répondre à ces questions d’abord sur le plan personnel. 

Nous sommes peut-être loin du 1er-Mai des politiciens et des syndicalistes. Mais si chaque Fête du travail n’a pas cette dimension d’abord personnelle et réfléchie, il ne peut y avoir de 1er-Mai digne de ce nom. 

 

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