Ils espionnent l’intimité d’autrui. Et sont constamment à la recherche d’une excitation. Pour le faire, ils saisissent de la moindre occasion. Si, pour certains, le voyeurisme est considéré comme un simple fantasme sexuel, pour d’autres il s’agit d’une perversion qui laissent souvent des séquelles.
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Il voulait se rincer l’œil en épiant sa voisine, nue sous la douche. Pour assouvir son fantasme, il a failli y laisser sa peau. Son histoire circule sur les réseaux sociaux sous forme de vidéo. On le voit dénudé, humilié et agressé par une foule en colère. En essayant d’assouvir sa pulsion, ce jeune homme de Montagne-Blanche s’est retrouvé en mauvaise posture. Malgré le buzz qu’a suscité ce cas, le voyeurisme n’est pas pour autant une nouveauté. Les voyeurs, on les surnomme « bay louke » à Maurice. Célèbres pour leurs regards indiscrets, leur présence ne fait guère plaisir.
Joanne, 30 ans, n’avait que 16 ans quand elle fut victime des yeux indiscrets d’un voyeur. Ce dernier n’était autre que son oncle. « À l’époque, nous vivions dans la maison de mes grands-parents. Celle-ci était grande avec des espaces ouverts. À chaque fois que je prenais mon bain, je sentais le regard de quelqu’un sur moi. Au début, je pensais que c’était mon esprit qui me jouait des tours. Au fil des jours, cette sensation d’être épiée commençait à me gêner. Je ne voulais pas croire que j’étais la victime d’un voyeur. Je rechassais cette idée, si bien que je me disais que je devais me faire suivre par un psychologue. J’ai bien vite changé d’avis quand j’ai surpris mon oncle en pleine action. Il y avait un couloir qui menait aux toilettes. Pour y aller, il fallait passer à un moment près du trou d’évacuation d’air de la salle de bains. Il se tenait là en se masturbant », raconte la jeune femme.
Même après plus d’une décennie, Joanne n’arrive pas à oublier cette scène. Depuis, elle a développé une manie avant de prendre son bain. Elle vérifie toujours s’il n’y a personne qui puisse la voir.
Quand la paranoïa s’installe
Si les victimes de voyeurisme sombrent souvent dans la paranoïa, tel a été aussi le cas pour Stéphanie. Épiée par le fils de son voisin, la jeune femme vit un véritable cauchemar au quotidien. « Je savais que le fils de mon voisin avait des problèmes avec l’alcool et la drogue. Mais, je ne savais pas qu’il était aussi un pervers. Compte tenu de la disposition de notre terrain, nos maisons sont construites l’une à côté de l’autre. La proximité n’était pas un problème, vu qu’on a grandi ensemble et qu’on se faisait confiance mutuellement. Mais aujourd’hui, j’ai complètement changé d’avis », insiste cette dernière.
La jeune femme dit vivre dans une peur bleue depuis le jour où elle a surpris le fils de son voisin scotché à la fenêtre de sa salle de bains. « Son regard me hante toujours. J’ai tout le temps peur. Dès que j’entends le moindre petit bruit, je me réveille en panique. L’idée qu’il peut y avoir quelqu’un qui m’épie me hante constamment. Je n’ai jamais ressenti une telle peur de toute ma vie. Je n’ai jamais été quelqu’un de très pudique non plus, mais tout a changé », déplore-t-elle.
Si, depuis quelque temps, le voyeur, un jeune de 25 ans, est connu comme le « bay louke » du quartier, toutefois il est aussi très connu par les policiers. Il fut à plusieurs reprises interpellé dans des enquêtes relatives au trafic de drogues synthétiques. Pour ce qui est du voyeurisme, il a, à plusieurs reprises, épié sa voisine qui prenait sa douche ou était en train de dormir. Pis, il était parfois accompagné de ses amis.
Si ses actions ont eu un impact psychologique sur sa victime, l’entourage n’est pas en reste. Un élan de solidarité a été déclenché dans son quartier. « Les voisins ont décidé qu’il fallait se serrer les coudes pour venir à bout de ce problème. L’intimité est vraiment importante et il faut tout faire pour que nos droits soient respectés. Quand on a eu les preuves des agissements du fils de mon voisin, mes frères se sont jetés sur lui. Je ne cautionne pas la violence mais j’estime que, quelques fois, il est nécessaire de se protéger contre des pervers », conclut Stéphanie.
Sadasiven Coopoosamy, psychologue : « Les actions des voyeurs sont préméditées »
Que se passe-t-il dans la tête d’un voyeur ?
Avant de décrire le profil d’un voyeur, il est important de noter que le voyeurisme est à la recherche du plaisir par les yeux. Il s’agit d’une forme de curiosité qui excite les neurones liés au désir sexuel. Ainsi, le voyeur éprouve une satisfaction sexuelle en épiant l’intimité d’autrui. Le voyeurisme n’est pas un phénomène où on peut catégoriser les gens. N’importe qui peut développer cette attirance irrépressible. Peu importe la classe sociale, le genre, le niveau d’éducation, l’orientation sexuelle ou encore le statut marital.
De par ses caractéristiques hétérogènes, le voyeurisme est un sujet complexe. Il existe très peu de preuves pour en justifier les causes. Toutefois, on peut observer chez les voyeurs, un profond désir d’aller au-delà des interdits. Si on dit que les interdits attirent, chez le voyeur il s’agit d’un élément déclencheur. Le voyeur est souvent en quête de nouveauté, car une fois qu’il ait franchi les barrières de l’interdit, le sujet tant convoité ne représente aucun intérêt. D’où la raison pourquoi les voyeurs agissent rarement sous le coup de l’impulsion. Leurs actions sont préméditées dans la plupart des cas. Aveuglés par leur désir, ils perdent toute notion de danger.
Comment reconnaît-on un voyeur ?
Le voyeur ne recherche pas le contact avec ses victimes. Il a tendance de l’idéaliser à un point où celui-ci devient un véritable objet de désir. Le simple fait d’espionner sa victime peut provoquer une intense excitation sexuelle chez le voyeur. Selon les études, les voyeurs peuvent manifester d’autres comportements tels que l’exhibitionnisme ou les attouchements non-consentants. De nombreux chercheurs ont également établi un lien entre le voyeurisme et les problèmes psychologiques, la forte consommation d’alcool ou de drogue, l’indépendance à la pornographie et à la masturbation.
Simple fantasme ou perversion ?
De nos jours, les tabous autour de la sexualité disparaissent peu à peu. Les gens sont de plus en plus ouverts d’esprit. Cette évolution entraîne de nombreux changements. Par exemple, la pornographie était une véritable curiosité il y a 20 à 30 ans de cela. De nombreuses personnes y avaient recours pour assouvir leurs pulsions. Dans les temps modernes, la pornographie a été vulgarisée par l’internet. Tout le monde peut y avoir accès. Les gens se tournent alors vers d’autres moyens pour satisfaire leurs pulsions.
Ainsi, il existe très peu d’éléments pour dire si le voyeurisme est un fantasme ou une perversion. La situation se complique davantage avec le fait que le voyeurisme ne se limite pas seulement à la sexualité. Tout ce qui implique le fait d’épier l’intimité d’autrui peut aussi être décrit comme du voyeurisme. Les émissions de téléréalité et la presse-people prônent l’intrusion dans l’intimité d’autrui. Les fans de ces émissions sont-ils des pervers pour autant ? Par ailleurs, il est à noter que parmi les personnes qui s’adonnent au voyeurisme, certaines peuvent souffrir d’un trouble de sexualité.
Quelle prise en charge pour les victimes ?
La perte de confiance, la peur et le sentiment grandissant d’insécurité sont quelques-unes des séquelles du voyeurisme. Les victimes ont du mal à reprendre leurs habitudes. Cette expérience peut les marquer à vie. Il est conseillé de rechercher l’aide d’un psychologue. La prise en charge psychologique est essentielle, car les séquelles peuvent engendrer de la frustration qui peut, par la suite, détruire les relations. Il faut aider la personne à reprendre confiance en elle.
Ce que dit la loi...
Selon Me Zahid Nazurally, le voyeurisme ne figure pas précisément dans le Code pénal mauricien. Mais, il existe plusieurs autres dispositions de la loi pour punir de tels actes. Par exemple, la section 28 du Code pénal, soit Rogue and Vagabond, peut être sollicitée pour condamner toute personne qui s’introduit illégalement sur la propriété d’autrui en entravant son intimité. Si la personne est trouvée coupable de Rogue and Vagabond, elle sera passible d’une amende ne dépassant pas Rs 5000 et une peine d’emprisonnement ne dépassant pas 2 ans.
De plus, l’article 248 du Code pénal stipule que toute personne qui commet un acte indécent en public est passible d’une peine de prison ne dépassant pas un an et d’une amende qui n’excède pas Rs 2000. « Tout cas d’acte indécent peut être rapporté à la police où une plainte sera logée par le bureau du Directeur des poursuites publiques en cour de district ou en cour intermédiaire si le délit est plus grave», explique l’avocat.
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