Vishnu ou la crise majeure

Un an et quelques mois après avoir conquis l’Hôtel du gouvernement, sir Anerood Jugnauth fait déjà face à sa première grosse crise en interne. Un luxe dont il se serait bien passé. Alors que la population est de plus en plus impatiente et veut voir des résultats concrets, voilà que ses deux principaux ministres s’entre-déchirent. Avec pour conséquence que l’un d’eux, Vishnu Lutchmeenaraidoo, médite très sérieusement sur la possibilité de claquer la porte, provoquant au passage une élection partielle au no 7, le fief de SAJ. L’issue d’une éventuelle lutte électorale pourrait être très incertaine pour l’Alliance Lepep, au vu de sa cote de popularité et la soif de revanche d’un Navin Ramgoolam privé de Parlement depuis décembre 2014. La direction du MSM aura beau essayer de colmater les brèches et tenter de ramener le ministre des Finances à la raison, le problème n’en reste pas moins profond et complexe. S’il ne s’agissait que d’une simple querelle d’ego entre Vishnu Lutchmeenaraidoo et Roshi Bhadain, passe encore. Mais les divergences, dans ce cas, se situent sur le fond aussi. Roshi Bhadain est dans l’urgence et l’immédiateté, alors que Vishnu Lutchmeenaraidoo est dans la réflexion. Alors que le ministre des Finances est d’avis que le nouveau miracle économique doit se construire dans le temps pour être durable et solide, le ministre de la Bonne gouvernance et des Services financiers veut un miracle tout de suite. Le problème, c’est que les deux ministres, qui ont des vues diamétralement opposées, ont des responsabilités qui se chevauchent et auraient dû pouvoir coopérer. Mais sur deux dossiers, l’affaire BAI et le traité de non-double imposition avec l’Inde, Vishnu Lutchmeenaraidoo et Roshi Bhadain ont adopté une approche totalement différente. À cela, il faut ajouter le dossier Heritage City, arraché des mains de Vishnu Lutchmeenaraidoo par Roshi Bhadain, qui se concrétise à une vitesse étonnante, mais surtout le projet conjoint State Investment Corporation-Yihai en vue de créer Pailles Smart City. Le dossier a été référé à la Commission anticorruption récemment, après que Roshi Bhadain a convaincu le Conseil des ministres qu’il y avait des soupçons de maldonne. Le hic, c’est qu’en tant que ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo est responsable de la State Investment Corporation et sa sœur est aux commandes de cet organisme gouvernemental. Le ministre des Finances s’est senti isolé et trahi par ses pairs. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Tout ceci démontre aussi que les deux personnalités politiques sont en rupture totale et que combler le fossé ne sera pas chose aisée. Alors qu’il faut remettre en marche le train du développement et relancer la création d’emplois, SAJ et Pravind Jugnauth se voient obligés de jouer les pompiers dans leur propre maison. En espérant que l’incendie ne finit pas par « cramer » le pays tout entier.