Vijay Naraidoo sur la Journée des personnes âgées : «L’Onu honore les défenseurs des droits des Seniors»

En marge de la Journée internationale des Personnes âgées, nous sommes allés à la rencontre de Vijay Naraidoo, Secrétaire-Général de DIS-MOI et président de la Commission des Droits des Personnes âgées. Il évoque la nécessité de célébrer nos seniors qui ont tant contribué pour notre société.

Vijay Naraidoo, pourquoi une journée des personnes âgées?
Sachez que c’est le 14 décembre 1990 que l’Assemblée générale des Nations Unies décréta le 1er octobre comme étant la Journée internationale des personnes âgées. Et c’est le 1er octobre de l’année suivante que le monde célébra pour la première fois cette journée, avec un thème spécifique chaque année. Pour 2018, nous sommes appelés à rendre hommage aux défenseurs des droits des personnes âgées.

À travers le monde, nous vivons dans une société vieillissante, que ce soit dans les pays avancés, en Asie ou en Afrique, nous connaitrons une croissance démographique. Des 700 millions de personnes âgées de plus de 60 ans recensées actuellement, ce chiffre passera à 1,4 milliard en 2030 et à 2 milliards d’ici 2050. Maurice n’échappe pas à ce phénomène, les plus de 60 ans passeront de 13 %, actuellement, à 29,6 % d’ici 2050, pour une population de 1,3 million d’âmes. Dans sa grande sagesse, l’Onu a donc décidé qu’il fallait rendre hommage aux seniors.

Il faut accroitre la visibilité des seniors en tant que membres actifs de la société, engagés eux aussi à améliorer les droits de tous et pas seulement des leurs»

Quel est l’objectif de la journée du 1er octobre cette année ?
Les Nations Unies nous invitent à promouvoir les droits énoncés dans la Déclaration universelle des Droits humains. Il faut accroitre la visibilité des seniors en tant que membres actifs de la société, engagés eux aussi à améliorer les droits de tous et pas seulement des leurs. Nous devons réfléchir aux progrès et défis qui nous attendent pour nous assurer que les seniors jouissent des droits et libertés fondamentaux libellés dans la Charte. Enfin, il faut s’engager et mobiliser plus de gens en faveur des droits humains à toutes les étapes de la vie.

Vous présidez la Commission des Personnes âgées de DIS-MOI. Comment vous prenez-vous pour faire avancer la cause des personnes âgées à travers le pays ?
Depuis près de deux ans, nous menons une campagne soutenue dans les villes comme dans les villages, pour animer des cours de formation, des conférences et autres causeries, ciblant non seulement les seniors, mais aussi les adultes et les jeunes des collèges, tant à Maurice qu’à Rodrigues. Que leur disons-nous ? Que les personnes âgées ont des droits comme chaque humain, des droits qui ne changent pas avec l’âge. Elles ont droit à l’alimentation, à se vêtir, d’avoir une maison (j’aime cette version du bhojpuri qui dit : roti, kapra aur makhan). Elles doivent bénéficier d’une pension adéquate, de soins de qualité, du respect et de la dignité au travail (mais à travail égal, salaire égal), le droit de se recycler (former), aux loisirs, à participer aux affaires du pays. Nos ainés conservent leur place à part entière dans la société.

DIS-MOI a aussi participé à la 9e Session du Groupe de Travail sur le Vieillissement, en juillet dernier à l’ONU, en soumettant nos points de vue sur les thèmes à l’ordre du jour : l’Autonomie et l’Indépendance et Les Soins palliatifs et les Soins de longue durée. Nous avons soumis nos documents en tant qu’ONG accréditée auprès de l’ONU, et en tant que partenaire de HelpAge International, et membre à part entière de la Global Alliance for the Rights of Older People.

Nous avons systématiquement soulevé deux questions qui nous tiennent à cœur au fil des réunions du National Mechanism for Reporting and Follow-up on Human Rights : une prise de position claire et nette de l’État mauricien à l’ONU en faveur d’une convention pour les droits des personnes âgées, et le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits des personnes âgées.

Des résultats ?
Notre représentation permanente à l’ONU a participé aux travaux de la 9e Session du Groupe de Travail. Elle a pris position pour un instrument en faveur des droits des personnes âgées. Évidemment, ce n’est pas demain que sera présentée cette Convention, car il faut encore des débats, des discussions entre États, mais cela avance. Ensuite, nous plaidons auprès de nos dirigeants pour que Maurice signe le Protocole à la Charte africaine citée plus tôt. Près de nous, les Comores sont le seul des trois pays qui ont signé ce Protocole. Nous ne pouvons attendre : comme à l’ONU, il nous faut être dans la mouvance progressiste en faveur d’une convention.

L’accueil des seniors est souvent mauvais dans de nombreux services publics et privés, il y a l’attitude qui consiste à mal juger le senior, comme quantité négligeable (âgisme)»

Le Mauricien est-il conscient de l’enjeu ?
Absolument. Nos citoyens sont conscients que nous vivrons plus longtemps et que de nombreux défis nous attendent. La famille nucléaire est de plus en plus chose commune, les personnes âgées vivant avec leurs enfants s’interrogent : comment agencer leurs activités, leurs loisirs, avec la satisfaction de ses besoins ?

Cela dit, Maurice a adopté une législation spécifique en faveur des personnes âgées. Certes, il y a la loi, mais cela ne suffit pas. Les (mauvaises) habitudes demeurent.  L’accueil des seniors est souvent mauvais dans de nombreux services publics et privés, il y a l’attitude qui consiste à mal juger le senior, comme quantité négligeable (âgisme) : « li vaut pas grand-chose.» D’où la nécessité de mener campagnes auprès des jeunes et moins jeunes, afin de ne plus apprendre des médias ces cas de maltraitance des seniors par leurs proches : enfants et petits-enfants.

Vos projets d’avenir ?
Outre de cibler les associations de personnes âgées, les collèges et ONG, notre campagne d’éducation va s’étendre aux citoyens, en particulier aux jeunes fréquentant les centres de jeunesse. Nous aurons aussi un ‘soft corner’ pour les seniors vivant seuls.

Propos recueillis par Jean François Favory