Interview

Vijay Makhan: «Les discours d’intention ne suffisent pas»

Vijay Makhan
Vijay Makhan, responsable du dossier politique étrangère au MMM, déplore le manque de volonté du gouvernement pour se faire une place sur la scène internationale. Il y a, selon lui, encore beaucoup de chemin à parcourir pour que Maurice devienne ce passage des investisseurs étrangers vers l’Afrique. À l’ONU, SAJ a plaidé pour plus d’attention, notamment financière, aux petits états insulaires pour les aider à faire face au changement climatique. Est-ce que c’est la bonne attitude à adopter dans ce contexte ? Je voudrais rappeler que Maurice, sous le Prime ministership de Paul Bérenger, avait abrité le Sommet international sur les Petits états insulaires en développement (PEID) en 2005 et avait à cette occasion mis en exergue les spécificités de ces états et milité pour que les Nations unies reconnaissent les PEID comme une entité spéciale dans le système international. Cela, afin qu'une considération ciblée, accompagnée de mesures spécifiques, incluant l'accès facile au financement, leur soit accordée eu égard leur vulnérabilité et leurs multiples contraintes. Force est de constater que, jusqu'ici, l'attention accordée à ce groupe d'États n'a pas été à la hauteur de leur attente. Donc, le plaidoyer de SAJ est tout à fait justifié. Le Premier ministre a fait un plaidoyer par rapport au retour des Chagos au sein de la République mauricienne. Était-ce suffisant ? Dans son premier discours, le 27 septembre, qui était axé sur le développement durable, SAJ aurait pu dénoncer le subterfuge utilisé par les Britanniques pour décréter, pour des raisons soi-disant de protection de l'environnement, une zone de protection marine autour des Chagos. Une action qui leur a d'ailleurs valu une condamnation par la Cour internationale d'arbitrage du Droit de la mer. SAJ a toutefois fait l'essentiel s'agissant des Chagos lors de son discours à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU le 2 octobre. J'espère de tout cœur que le discours sera suivi d'actions concrètes. Pensez-vous qu’en général, Maurice adopte la bonne politique pour récupérer cet archipel dont le bail des États-Unis expire en 2016 ? Je suis déçu du fait que depuis l'avènement du nouveau gouvernement, on n'a presque rien entendu sur ce dossier en terme d'actions concrètes, hormis l'inclusion d'un petit paragraphe, pour la forme, dans le dernier communiqué du sommet de la SADC et d'une résolution classique adoptée au Sommet de l'UA de juin dernier. Le Comité parlementaire sur les Chagos ne s'est réuni qu'à deux reprises. Jusqu'ici, l'on ne connaît pas les mesures concrètes entreprises pour contrecarrer et dénoncer les subterfuges et les actions de la Grande-Bretagne et internationaliser agressivement notre revendication légitime s'agissant de la souveraineté sur l'archipel, sauf pour ce dernier discours à l'ONU. Il est désolant d'entendre le ministre des Affaires étrangères dire qu'il ne peut se prononcer sur les Chagos. Car la question relève du Premier ministre. Au MMM, nous avons toujours dit que cette question devrait dépasser les considérations politiques partisanes et toute action entreprise devrait l'être de façon concertée. Je rappelle qu'en 2005 toujours, le gouvernement d'alors avait enclenché les démarches pour faire adopter une résolution par l'assemblée générale de l'ONU en vue d'une opinion de la Cour internationale de justice. La cogestion qu’avait prônée l’ancien gouvernement est-elle une option crédible ? L'on devrait rester ferme et cibler sur la reconnaissance de notre souveraineté. D'ailleurs, on a jamais su les détails de cette proposition de cogestion que je pense ne saurait être d'actualité. Étienne Sinatambou, ministre des Affaires étrangères, devait-il faire partie de la délégation mauricienne dirigée par SAJ ? Lors de chaque nouvelle session de l'Assemblée générale de l'ONU, presque tous les ministres des Affaires étrangères de par le monde sont sur place, surtout pendant le débat général. C'est l'occasion pour des rencontres bilatérales, faire du lobbying pour avancer sa position, assister à des rencontres de groupe (africain, francophone, Commonwealth etc.), et dégager des positions communes. L'absence du ministre mauricien est inexplicable. Le Premier ministre a sûrement ses raisons de n'avoir pas inclus Étienne Sinatambou dans sa délégation. Devant les investisseurs américains, le Premier ministre a vanté les multiples avantages de Maurice comme tremplin idéal pour entrer en Afrique. Il a, entre autres, mis en exergue la stabilité politique et sociale, mais aussi les divers avantages fiscaux. Est-ce suffisant pour attirer les Américains ? Cela fait des années que nous tenons ce discours, mais comme j'ai eu à le dire à plusieurs reprises, cela ne suffit pas. Il faut que Maurice s'implique davantage dans la coopération régionale, voire l'intégration régionale de façon agissante, au delà de ses intérêts nationaux. Il faut aussi que les actions prises au niveau local ne freinent pas l'intérêt que pourraient avoir les investisseurs potentiels. Or, la façon dont la question de BAI et tout ce qu'y est relatif, incluant la vente de Courts, a été gérée refroidirait, à coup sûr, l'ardeur des investisseurs. Surtout, voilà que la secrétaire générale de l'OCDE vient de compliquer la donne avec sa proposition que les traités de non-double imposition soient abolis ! Que faut-il faire pour les encourager davantage ? Dans un premier temps, nous devons pouvoir démontrer que les investisseurs nationaux ont foi dans le système local et investissent conséquemment. Sinon, les investisseurs étrangers auront peu de confiance et ne suivront pas. Aussi, il faut définir clairement les paramètres dans les secteurs innovants que nous voulons développer et mettre en place la législation et les règlements nécessaires rapidement pour sécuriser tout investisseur. Les avantages fiscaux ne suffisent pas. Nous devons pouvoir démontrer que nous possédons les ressources humaines nécessaires et disposons d'une main-d'œuvre qualifiée et intelligente pour gérer les investissements. Maurice peut-il vraiment devenir ce « gateway » qu’il ambitionne ? Je pense que si nous nous attelions à concentrer toute notre énergie vers cette objectif et dégagions l'encadrement nécessaire , tout en faisant valoir notre appartenance africaine en participant assidûment dans la mouvance de la coopération et l'intégration régionales, nous pourrions le devenir. Comme je l'ai dit, les discours d'intention ne suffisent pas. Il faut aussi qu'on arrive à se débarrasser de ce manteau d'égoïsme et d'exploitant que certains quartiers tentent de nous mettre sur les épaules, parfois non sans raison, vu les positions qu'on adopte lors des négociations multilatérales.
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