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Vie à deux : donner plus de temps au couple

Gérard et Pascale Gouges. Gérard et Pascale Gouges.

La vie à deux, ce n’est pas toujours facile. Il faut une bonne dose de patience, de compréhension, de communication et par-dessus tout, beaucoup d’amour. C’est ce qui semble manquer aux couples de nos jours..

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L’intolérance au sein du couple est un problème inquiétant. La personne qu’on a aimée de tout son cœur, qu’on a épousée pour le meilleur et pour le pire peut, au fil du temps, devenir intolérable. Naissent alors les conflits à n’en plus finir. Dans certains cas, ils donnent lieu à de la violence verbale ou même physique. Qu’est-ce qui explique cette intolérance ? Comment notre conjoint peut-il devenir notre pire ennemi ? 

« Il n’est plus celui que j’ai connu avant notre mariage. Du jour au lendemain, il a changé. Il est devenu moins attentionné et plus taciturne. Notre couple a commencé à battre de l’aile mais il refuse qu’on se fasse aider.» Ce témoignage de Pamela ressemble à ce qui est vécu dans bien d’autres couples. Une des raisons pourrait être le manque de préparation au mariage.

Arshad Joomun

« Un couple, ça se construit. Il est important que les bases soient jetées dès le début de la relation et que les deux personnes se découvrent et apprennent à se connaître », expliquent Pascale et Gérard Gouges du Service diocésain de la pastorale familiale de l’Institut Cardinal Jean Margéot. Selon eux, il est essentiel de dialoguer, de mieux se connaître, de prendre du temps. Car de nos jours, on brûle les étapes.

« Nombreux sont les couples qui brûlent les étapes et se retrouvent très vite dans une relation conjugale. Étant donné que les bases ne sont pas solides, la relation s’effondre à la moindre difficulté », notent-ils. Il faut tenir compte aussi du fait que les jeunes couples vivent dans un monde matérialiste où l’argent a une grande place. Beaucoup d’entre eux préfèrent assurer leur avenir professionnel en premier lieu et du coup, ils se marient de plus en plus tard.

« Financièrement, ils ne dépendent pas de l’autre et s’en sortent tout seuls. Dans certains cas, l’individualisme prend place et vivre à deux, donc dans le partage et le don, devient difficile », constatent-ils.

« Le nombre de divorces est inquiétant », note le pandit Ved Gopee, vice-président du Conseil des religions. Le manque de considération vis-à-vis de l’autre et le manque de formation pour la vie à deux sont en cause, ajoute l’imam Arshad Joomun, membre de cette même instance. Et d’ajouter que le nombre de divorces est également causé par  les mariages arrangés ou « forcés » pour faire plaisir à la famille. De plus, certains se marient trop jeunes et comptent sur leurs parents pour les encadrer, explique-t-il. Or quand l’incompréhension s’installe, il n’y a plus de place pour la concession, observe-t-il.

La carte de l’infidélité

Selon Sandi Putchay, coach de vie, les conflits sont de plus en plus présents de nos jours car nous ne voulons faire aucun effort. « On considère que c’est plus facile d’être personnel, de souffrir en silence ou de se séparer. » Et de souligner qu’il y a également une tendance à rejeter la faute sur l’autre en refusant d’assumer une part de responsabilité. « La relation, c’est nous qui la faisons vivre. C’est la responsabilité des deux conjoints », dit-il. Mais pour lui, nombreux sont ceux qui préfèrent jouer la carte de la facilité et de l’infidélité au lieu d’essayer de sauver leur couple.

« Quand cela ne va pas dans le couple, il n’est pas difficile pour certains de trouver un autre partenaire, que ce soit sur son lieu de travail ou sur les réseaux sociaux », explique-t-il. Dans d’autres cas, on prend la relation à deux pour acquise et on ne fait aucun effort pour l’entretenir. « On ne se dit plus ‘je t’aime’ et on n’accorde plus d’importance aux petites attentions qui peuvent renforcer les liens ou les maintenir », dit-il. Il faut ajouter à cela le fait que le travail occupe une place prépondérante dans la vie de certains ou est utilisé comme une échappatoire pour fuir les conflits.

C’est ce que constate également le couple Pascale et Gérard Gouges. « C’est important de donner du temps à la construction du couple. La relation avec l’autre n’est jamais acquise et l’effort des deux conjoints doit être constant dans une relation conjugale. » Mais hélas, quand le couple rentre à la maison, après une longue journée de travail, il n’a pas toujours envie de dialoguer, de manger ensemble alors que cela est primordial pour faire grandir la relation.

Selon Sandi Putchay, chacun doit décider de sa qualité de vie et de ses priorités. « Il y a toujours un moyen d’organiser sa vie autrement afin d’avoir une bonne relation avec l’autre tout en ayant une vie de travail plus confortable ou moins contraignante et qui n’empiète pas trop sur sa vie familiale », soutient-il.


Se former à tout prix

Ved Gopee

Former les jeunes couples à la vie à deux pourrait éviter de nombreux divorces, selon nos différents interlocuteurs. Mais avec le travail et les contraintes de la vie de tous les jours, trouver le temps pour cette formation peut être difficile. « Les fidèles ont très peu de temps de nos jours pour suivre les programmes de formation ou pour participer à certaines activités religieuses », regrette le pandit Ved Gopee.

Selon lui, si chacun prenait le temps de pratiquer sa religion, nous serions dans une société où les valeurs humaines auraient été davantage présentes. Un avis que partage l’imam Joomun. « La religion occupe une grande place dans la société mauricienne. Il y a beaucoup de croyants mais pas assez de pratiquants pour suivre les principes de chaque religion », déplore-t-il. Tous les couples devraient bénéficier de cours de préparation au mariage, soulignent-ils.

« Les jeunes doivent recevoir une éducation à la vie qui leur donne l’envie de construire des relations solides et durables », disent Pascale et Gérard Gouges. « Il incombe aux adultes de les former afin qu’ils aient le désir d’aimer dans la durée et de devenir des modèles. Il faut aussi mettre à la disposition des jeunes couples des outils pour les aider à faire grandir leur amour. » Selon Pascale et Gérard Gouges, il faut leur apprendre à savoir prendre le temps de s’arrêter pour dialoguer sur des sujets qui feraient grandir leur amour et la relation. Il est important que le couple ait un espace où il peut se livrer.


Le paradoxe de la communication

Sandi Putchay

Les moyens de communication ont beaucoup évolué et pourtant on communique mal, note Sandi Putchay. Selon lui, il y a une mauvaise communication dans les couples, et surtout, il n’y a pas suffisamment de véritables conversations et de face-à-face. On communique davantage par messages et on n’aborde pas les problèmes comme il le faut, selon lui.

Selon Sandi Putchay, la communication dans le couple doit être améliorée et les partenaires ont un devoir de franchise l’un envers l’autre. Les valeurs et convictions des uns et des autres doivent être communiquées afin que notre meilleur ami/e ne devienne pas notre meilleur/e ennemi/e.


Pavi Ramhota, sociologue et anthropologue : « Les conjoints font de moins en moins d’efforts pour se comprendre »

Les jeunes couples battent souvent de l’aile et finissent par se séparer ou divorcer quelques mois après le mariage. Qu’est-ce qui explique cela ?
La hausse de cas de conflits, de séparations et de divorces n’est pas exclusive à Maurice. Mais cette situation n’est pas aussi prononcée à Maurice qu’ailleurs dans le monde en raison de la prépondérance de certaines valeurs orientales. Ainsi, dans certains milieux, on est moins enclins au divorce à cause des pressions familiales. Car le divorce est considéré comme un échec. Il y a aussi le qu’en dira-t-on qui est très présent dans certains milieux. Pour ne pas subir les quolibets de la société, certains préfèrent ronger leur frein plutôt que de se séparer. Idem quand après un premier mariage infructueux, on change de partenaire.

N’empêche que de nombreux couples ont du mal à durer…
Alors que la société se modernise, les conjoints font de moins en moins d’effort pour se comprendre, devenant à la longue incompatibles. Au début de toute relation, c’est le grand amour, on se dit des mots doux. Mais au bout de quelques mois ou quelques années, les choses commencent à se détériorer. Naissent alors les conflits. La tolérance n’existe alors qu’en théorie, pas dans la pratique.

Ce qui menace les jeunes couples également, ce sont les relations sexuelles qui sont monnaie courante avant le mariage, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Il n’y a plus ce respect des valeurs, ce respect de l’autre. Nou pa pran letan frekante, nou marye a lesse.

Qu’en est-il des couples qui se marient dans la trentaine?
En effet, certains se marient plus tard, après avoir terminé leurs études supérieures. Certains accordent plus d’importance à leur carrière et leur stabilité financière avant de se caser. Entre-temps, il y a des passades. Ce qui vient nuire à la relation quand on décide de se stabiliser. La jalousie peut être un obstacle, surtout si des liens existent toujours avec les anciens partenaires.

Il y a aussi un manque de liberté de pensée. Au départ de la relation, on ne peut vivre l’un sans l’autre, mais après on commence à vouloir contrôler la façon de penser de l’autre. Surviennent alors les reproches et les idées noires si l’autre n’est pas disponible. On peut penser qu’il/elle a une aventure. Il y a une jalousie maladive qui peut aboutir à la colère. D’où les violences verbales et physiques parfois. Cela est flagrant quand il y a une différence de statut ou d’éducation entre les deux conjoints. L’ingérence des proches dans un couple est néfaste aussi. 

Que faut-il faire pour que des couples soient plus stables ?
Il ne faut pas uniquement faire du counselling, il faut également changer le système d’éducation et mettre davantage l’emphase sur les valeurs et le respect de l’autre dès leur plus jeune âge. Le problème à Maurice, c’est qu’on n’a pas de projet de société et le système éducatif est trop académique. On donne l’éducation mais pas l’instruction. Il faut revoir tout le système éducatif. Nous n’avons pas de role model non plus dans la société.

Autrefois, les sportifs, artistes ou autres étaient des modèles qu’on pouvait suivre, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Nos références sont toujours le Mahatma Gandhi, Mère Teresa, John Fitzgerald Kennedy. Qui plus est, la religion a moins d’emprise sur les familles. Les religieux ne jouent pas assez leur rôle pour maintenir vivantes les valeurs.

 

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