Interview

Vidhu Madhub-Dassyne: «Mon client le plus important est la vérité»

Vidhu Madhub-Dassyne, directrice du Forensic Science Laboratory (FSL)
Sa titularisation au poste de directrice du Forensic Science Laboratory (FSL) était ‘long overdue’. Elle a été officialisée le 14 octobre. Vidhu Madhub-Dassyne ne se lasse pas dans sa quête de vérité. Forensic Scientist-Technicienne de la police scientifique... Cela ne sonne pas très glamour ? (Grands éclats de rire)...Vous avez raison. On ne peut faire mieux.
Fan de CSI-Les Experts? Vous me faites rire...Ce qui se passe chez nous est plus long que la durée d’un épisode. Nous sommes plus minutieux, plus sérieux. Par contre, ce genre de séries aide à sensibiliser la population sur la nature de notre travail, à attirer les jeunes vers ce métier. Nous faisons un travail formidable, car nous aidons à rendre justice. Nous n’avons pas droit à l’erreur ,car contrairement aux séries, nous sommes dans la réalité où la fiction n’a pas sa place. Pourquoi avoir choisi cette filière? J’ai été encouragée dans cette voie par Moonesh Manraj, ancien chef du laboratoire médical à Candos. Il m’avait assurée que les débouchés seraient intéressants. Et c’était le cas ? Quand je suis rentrée au pays à la fin de mes études en 1982, je suis restée 16 mois sans emploi ! J’étais déprimée. J’ai revu Moonesh Manraj et il m’a remonté le moral. Je n’oublierai jamais ses conseils. Il m’a dit que je me devais de croire en mes rêves. Il voulait me voir travailler et grandir dans cette institution et en être la responsable un jour. Je lui suis reconnaissante pour son soutien. Il aurait été content de témoigner de mon succès.
[panel contents="Âgée de 57 ans, Vidhu Madhub-Dassyne est mariée et mère de deux fils. Elle compte 31 années au sein du FSL. Pionnière de la conduite des tests ADN, elle a aussi développé des tests pour des drogues de synthèse. Elle détient entre autres qualifications, un BSc Human Biology de l’unversité d’Oxford et un MSc Forensic Science de la Strathdyde University de Glasgow." label="Une professionnelle hors-pair" style="info" custom_class=""]
Qu’avez-vous appris de vos débuts difficiles ? Qu’il est très facile de céder au découragement et à la frustration quand vous donnez le maximum de vous même pour réaliser votre rêve... Avez-vous baissé les bras ? Jamais parce que ‘winners are not quitters’. Et je n’ai pas un tempérament de perdante. Mais je suis humaine. J’ai eu mes moments de doute. La patience et la persévérance m’ont été d’un soutien indéfectible. Que représente cette titularisation pour vous? C’est l’aboutissement de ma carrière, longue de 31 années. Je suis quand même la première femme technicienne de la police scientifique à Maurice. Ces dernières années ont été passionnantes et excitantes. Il n’y a jamais eu deux jours semblables. Mais encore... Elle me donne davantage de pouvoirs. I am empowered to empower others not to overpower them. Que vous a appris ce métier ? À développer un pouvoir très important, le pouvoir personnel. Celui de l’écoute et de la communication. J’ai aussi appris à maîtriser la peur et l’anxiété. J’ai grandi, je suis sortie de ma zone de confort et de ‘think out of the box’. Et comme on vit la tragédie humaine au quotidien, j’ai aussi appris à rester modeste. Le moment marquant de votre carrière… Quand j’ai pu, grâce à l’analyse ADN, donner des réponses à un jeune homme lors d’un test de paternité. Quand il m’a dit ‘mersi madam, oun donn mwa mo papa.’ J’ai été touchée au plus profond de mon cœur. Des déceptions ? Chez nous, aucun dossier n’est clos. Il reste ‘on hold’. Dans notre métier, ‘we do not react, we respond’. Nous faisons bouger les choses. Nous permettons aux familles de faire leur deuil. C’est puissant. Au final, qui sont vos ‘vrais’ clients ? Je pensais toujours que c’était la police. Mais non. Mon client le plus important, c’est la vérité. Quels sont les défis qui vous attendent ? Depuis les premiers balbutiements de cette science à Maurice, on a beaucoup évolué. Éliminer les retards et donner les résultats en temps voulu restent un gros défi. Je veux continuer à amener la haute technologie dans notre travail. J’ai la prétention et la vision de faire de mon département un centre d’excellence qui assurerait un service meilleur, rapide et plus structuré. Je veux aussi développer notre plus grand atout qui est notre ressource humaine et cultiver un sens de professionnalisme du plus haut niveau. Le chantier est vaste, le travail ne fait que commencer. Même après mon départ, le travail continuera. Que souhaitez-vous laisser comme empreinte dans ce département ? Je travaille sur un ambitieux projet de construction où seront logés nos laboratoires. Ici, nous sommes des locataires. Que pensez-vous de l’évolution de la Mauricienne ? De la pomme à la pilule, elle a beaucoup progressé. La Mauricienne m’impressionne énormément. N’avez-vous pas le sentiment qu’elle peine à briser le ‘glass-ceiling’ pour sa reconnaissance professionnelle ? Même si on n’a pas brisé le ‘glass-ceiling’, on a quand même réussi à y provoquer des fissures. Dans le secteur public, il y a des femmes qui émergent. Cela dit, il y a certainement du progrès à faire en améliorant la condition féminine à Maurice et si je peux pour ma part amener ma petite pierre à l’édifice, je serais très heureuse.

Le FSL s’expose

Le Forensic Science Laboratory sera présent à la kermesse de la Fonction publique ce dimanche 8 novembre au Gymkhana, Vacoas. C’est pour la première fois, depuis sa création en 1950, que le FSL s’ouvre ainsi aux membres du public. L’initiative revient à sa directrice Vidhu Madhub-Dassyne, qui veut vulgariser les services de son département. « Nous n’évoluons pas dans le secret. Nous sommes discret, car la protection de la confidentialité est primordiale. » Elle explique qu’une visite à son stand, le 41, est indispensable. « Une scène de crime sera reproduite et le public pourra participer à l’élucidation du ‘crime’. « Les membres du public doivent savoir comment on fonctionne. Mon équipe se donne beaucoup de mal pour cette organisation. Aussi, je lance un appel à tous pour venir nous visiter », dit-elle. L’initiative rejoint aussi la nécessité de sensibiliser les jeunes sur le travail des experts locaux. « On vous promet des surprises », conclut la directrice.
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