Live News

Victimes de violence : des travailleuses du sexe dénoncent une loi répressive

Des femmes qui monnayent leurs charmes se disent victimes de discrimination par les autorités lorsqu’elles sont victimes de vol et de violence. Pire, dans certains cas, disent-elles, elles sont arrêtées et poursuivies.

Publicité

La dure réalité de Mélanie, 37 ans,  habitante d’un  faubourg de la capitale, mère de cinq enfants. Elle mène un combat quotidien pour les nourrir. Cette femme propose ses charmes pour faire bouillir la marmite et pour assurer l’éducation de ses enfants. Le 24 avril dernier, elle a été victime de vol à Grand-Baie alors qu'elle faisait le trottoir. Elle avait été approchée par un chauffeur de taxi de  34 ans qui désirait coucher avec elle.

La femme lui aurait réclamé Rs 500, mais le chauffeur aurait refusé en indiquant qu’il n’avait pas suffisamment d'argent sur lui. La femme allègue que le chauffeur lui aurait ensuite arraché son sac à main. Elle s'est aussitôt rendue au poste de police de Grand-Baie pour porter plainte. Elle a été arrêtée par la police sous une accusation d’activités immorales et elle a été condamnée à une amende de  Rs 3 000. Pour sa part, le chauffeur a été poursuivi pour vol et  pour avoir été trouvé en possession d’une arme offensive. L’arme était rangée dans le coffre de sa voiture.

Cindy Trevevy, une travailleuse sociale,  une Peer Educator de l’association Ailes et Shameema Boyroo, une Outreach Worker, qui travaillent étroitement avec les travailleuses du sexe, nous expliquent qu’il existe une politique de deux poids deux mesures à l’égard de ces femmes.

La travailleuse sociale ajoute qu’elle est en contact permanent avec des travailleuses du sexe et elle est au courant de leur calvaire quotidien. Elle avance que ce sont avant tout des êtres humains et des mères de famille qui ont été poussées dans cette situation par des circonstances de la vie. Elles sont parfois humiliées et agressées physiquement et moralement sans savoir vers qui se tourner pour obtenir justice.

« Kan zot subir vyolans ek al stasyon, la polis  dir zot ou ou  finn rode ou finn ganye. Kan zot al lopital pa mem fer test VIH ar zot zis donn zot de comprime pou soulaz zot  douler dir al la caz », dit Cindy.

Selon elle, plusieurs filles qui font le trottoir dans le voisinage du Jardin de la Compagnie ont déjà été victimes de différentes formes d’humiliation. Elles sont parfois insultées par des jeunes qui circulent à moto ou en voiture. Il arrive aussi qu’on leur lance des objets. « Je connais deux filles qui ont été blessées à la tête par des projectiles lancées par des passants. Elles cherchent à gagner de quoi faire vivre leurs proches et souvent elles n’ont pas d’heure pour rentrer. Parski swa zot capav gayn trape ar la poliss  swa  zot capav mem viktim agresyon mortel lor lari. Ena ki fini travay apre zot mem viktim vol par bann malfrat », explique notre interlocutrice.

Cette dernière trouve qu’il existe des lois répressives envers les travailleuses du sexe à Maurice. Elle ajoute qu’elle connaît au moins huit femmes qui ont été incarcérées parce qu’elles n’avaient pas de quoi payer les amendes qui leur avaient été infligées après avoir été arrêtées.

Shameema Boyroo précise pour part qu’il est difficile de chiffrer le nombre exact de travailleuses du sexe qui exercent à Maurice, car elles opèrent de différentes façons, certaines dans des salons de massage, d’autres dans des bars ou qui sont accessibles au téléphone ou par SMS.

Elle est d’avis que le chiffre de 6000 travailleuses du sexe exerçant à Maurice, avancé dans un rapport de Mapin en 2014, est loin de refléter la réalité.  

Pour elle le regard de la société sur ces femmes n’a pas changé. Certains trouvent qu’elles cherchent de l’argent facile.  « Ils ont un préjugé envers ces femmes. »

En ce qui concerne le type de violence que subissent les travailleuses du sexe, Shameema parle de violence verbale, de sévices sexuels, de vol. Elle regrette que ces femmes soient parfois verbalisées lorsqu’elles vont porter plainte. « Dans certains cas, des mères sont séparées de leurs enfants qui sont pris en charge par la Child Development Unit. Elles sont victimes de discrimination. Il leur arrive même d’être verbalisées pour avoir été trouvées en possession de préservatifs », explique  Shameema.

Imran Dhanoo : «Un rajeunissement des travailleuses du sexe»

Imran Dhanoo le président du centre Idrice Goomanee, note pour sa part qu’il y a un rajeunissement des travailleuses du sexe de même que plusieurs formes de  prostitution. Il trouve que celles qui viennent de la classe moyenne sont les plus vulnérables. Il ajoute que l’utilisation de la drogue a tendance à se répandre parmi les travailleuses du sexe. Il indique qu’il y a environ 1 500 femmes qui ont suivi un traitement à la Méthadone et que 50 % sont des travailleuses du sexe venant de la classe ouvrière.

Il trouve qu’il y a un manque de volonté de la part des autorités de venir en aide à ces femmes afin qu’elles puissent sortir de la prostitution. Plusieurs de ces femmes expliquent qu’elles ont commencé à monnayer leurs charmes pour se payer de la drogue.

« J’estime que les autorités doivent inclure un programme dans leur agenda pour un programme d’accompagnement et un soutien moral et aussi une formation complète destinés à ces femmes afin qu’elles puissent se remettre debout », conclut Imran Dhanoo.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !