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Verdict de la Cour intermédiaire : Navin Ramgoolam retrouve le sourire 

Navin Ramgoolam à sa sortie de la cour intermédiaire. Navin Ramgoolam à sa sortie de la cour intermédiaire.
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La poursuite n’a pu fournir les détails sur l’identité de la personne ou des personnes ayant remis les sommes d’argent retrouvées dans les coffres-forts du leader du Parti travailliste en février 2015. Résultat : les 23 accusations qui pesaient contre Navin Ramgoolam ont été rayées sur un point de droit le vendredi 15 novembre 2019. Récit d’une journée mouvementée en Cour intermédiaire. 

Si Navin Ramgoolam est arrivé à la Cour intermédiaire le visage crispé le vendredi 15 novembre 2019, c’est avec le sourire aux lèvres qu’il a quitté la salle d’audience. Les 23 accusations retenues contre lui dans l’affaire des coffres-forts ont été rayées et ce, sur un point de droit soulevé par la défense. Ce verdict fait suite à une motion présentée par Me Gavin Glover (Senior Counsel), qui fait partie du panel d’avocats du leader du Parti travailliste (PTr). L’homme de loi avait réclamé que les accusations pesant contre son client soient rayées, « en vue de l’incapacité de la poursuite à fournir des dates exactes des délits allégués et les noms de la personne ou des personnes impliquées dans lesdites transactions alléguées ». 

Dans les faits, l’ancien-Premier ministre était poursuivi sous la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) de 2002 pour avoir accepté des paiements en espèces supérieurs à la limite autorisée de Rs 500 000. Il était alors poursuivi pour le délit de 
« limitation of payment in cash ». Navin Ramgoolam aurait, selon l’acte d’accusation, accepté Rs 63,8 millions en espèces en six ans, soit du 31 janvier 2009 au 7 février 2015.  

C’est en octobre 2017 que ce procès avait été instruit contre l’ancien Premier ministre. Vingt-trois accusations avaient été retenues contre lui après une perquisition policière à son domicile en février 2015. La somme de Rs 220 millions avait été retrouvée dans ses coffres-forts. Sous chacune des 17 premières accusations, Navin Ramgoolam était poursuivi pour avoir accepté 100 000 dollars américains (1 000 billets de 100 dollars américains) du 31 janvier 2009 au 7 février 2015 à Maurice. Sous chacune des six autres accusations, c’est-à-dire de la 18e à la 23e, Navin Ramgoolam était poursuivi d’avoir accepté Rs 1 million en espèces du 28 avril 2010 au 7 février 2015 à Maurice. L’acte d’accusation précisait que les Rs 6 millions se trouvaient dans des emballages scellés contenant chacun Rs 1 million et que chaque emballage renfermait 1 000 billets de Rs 1 000.  

Préjudice à la défense

Dans leur décision, les magistrats Pranay Sewpal et Navina Parsuramen statuent que les accusations étaient « incertaines de manière flagrante ». Ils ont conclu que vu « qu’il y a 23 accusations presque identiques, aggravée par le fait que les détails de la ou des personnes qui peuvent avoir été impliquées dans la ou les transactions sont inconnues, elles rendent inévitablement l’acte d’accusation qui a été amendé, manifestement incertain et cause un préjudice injuste pour l’accusé dans sa défense. L’incapacité de la poursuite à fournir les détails sur la personne ou les personnes qui peuvent avoir donné les sommes d’argent en question a non seulement handicapé dans une large mesure l’accusé dans la préparation de sa défense mais aussi posé un handicap pour la poursuite ». 

Les magistrats soulignent qu’il est nécessaire de veiller à ce que les affaires soient entendues sur le fond dans l’intérêt public. « On ne peut toutefois permettre qu’une affaire soit entendue en compromettant les droits constitutionnels fondamentaux conférés à chaque citoyen de ce pays. La nécessité de faire respecter les droits constitutionnels est essentielle et est d’un intérêt public supérieur qui prime sur tous les autres », font-ils ressortir. Le bureau du Directeur des poursuites publiques « étudie la décision » rendue dans l’affaire des coffres-forts. C’est ce que laisse entendre une source proche du dossier.


FIAMLA : possession vs acceptation de paiements en espèces 

Dans un passage de leur décision, les magistrats Pranay Sewpal et Navina Parsuramen soulignent l’importance de faire la « distinction » entre possession et acceptation de paiements en espèces. Ils citent l’article 5 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) de 2002. Article sous lequel Navin Ramgoolam a été poursuivi et qui pénalise toute personne qui accepte un paiement en espèces supérieur à Rs 500 000. Les magistrats font toutefois ressortir que le fait qu’une personne soit trouvée en possession de sommes d’argent supérieures à Rs 500 000 ne signifie pas pour autant qu’elle a automatiquement accepté des sommes en espèces supérieures à la limite autorisée par la FIAMLA. 

Le leader du PTr : « Une grande joie »

Sollicité à chaud pour une réaction après la décision de la Cour intermédiaire, Navin Ramgoolam a déclaré que c’est « une grande joie » pour lui, avant d’ajouter que « la verite pe eklate ». Le leader du PTr a tenu à remercier publiquement ses avocats : sir Hamid Moolan (Queen’s Counsel), Me Gavin Glover (Senior Counsel), Me Robin Ramburn (Senior Counsel), ainsi que Mes Shaukat Oozeer et Hisham Oozeer. S’il a été bref dans sa déclaration, Me Gavin Glover a toutefois dit à la presse : « Il faut attendre le délai d’appel. Cela relève de l’administration de la justice. Pour l’instant, nous sommes contents. »  

Il devra patienter pour récupérer ses coffres 

S’il n’y a plus aucune accusation contre Navin Ramgoolam, celui-ci n’est pas près de retrouver son argent et ses coffres-forts de sitôt. C’est du moins ce que laissent entendre des sources proches du dossier. « Il faut dans un premier temps attendre le délai d’appel de 21 jours dont dispose le Directeur des poursuites publiques pour contester la décision rendue par la Cour intermédiaire le vendredi 15 novembre 2019. Quant à l’argent saisi dans les coffres-forts du leader du PTr, il fait toujours l’objet d’une procédure devant la Cour suprême. Procédure enclenchée à la suite d’une requête statutaire adressée par l’Integrity Reporting Services Agency le 11 décembre 2017 qui somme Navin Ramgoolam d’expliquer la provenance des Rs 220 millions retrouvées dans ses coffres-forts et ses valises ; des Rs 8,5 millions avec lesquelles il a acheté trois voitures et de ses deux American Express Centurion Cards. »
 


Penny HackMe Penny Hack : «La personne doit pouvoir expliquer la présence de cet argent»

Une personne peut-elle détenir un coffre chez elle ?
Une personne peut définitivement garder un coffre à son domicile. Toutefois, avec la Financial and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) de 2002, ce serait une faute technique si la personne avait plus de Rs 500 000 chez elle. Une personne peut amasser plus de Rs 500 000 chez elle, mais elle devra justifier la présence de cet argent. 

Y a-t-il une limite pour le montant d’argent qu’une personne a le droit de conserver chez elle ? 
On est dans un pays libre. On peut conserver autant d’argent qu’on veut. Il n’y a pas de limites, mais la personne doit pouvoir expliquer la présence de cet argent. Rappelons que sous l’accusation « limitation of payment in cash », une personne qui fait ou accepte un paiement en espèces dépassant Rs 500 000 commet une infraction en vertu de la FIAMLA. 

Doit-on obligatoirement déclaré à la Mauritius Revenue Authority (MRA) l’argent qu’on garde chez soi ? 
Techniquement, il n’y a pas de problèmes. Si la personne conserve beaucoup d’argent chez elle, c’est à ses risques et périls. Toutefois, ce n’est pas recommandé de conserver beaucoup d’argent chez soi. La personne devient ainsi une cible facile pour les voleurs. Il revient à des gens qui reçoivent des paiements pour le travail qu’ils effectuent de déclarer leurs revenus à la MRA. Mais s’il s’agit de l’argent de la personne ou d’un don, il n’y a pas lieu de le déclarer.


Réactions politiques après les charges rayées dans l’affaire « des coffres-forts »

Le PM : « Je n’ai pas encore pris connaissance du jugement »

Le Premier ministre Pravind Jugnauth n’a pas encore pris connaissance du jugement  en faveur de Navin Ramgoolam dans l’affaire des ‘coffres-fortes’. « Je n’ai pas encore pris connaissance du jugement de la cour intermédiaire concernant le cas de Navin Ramgoolam. J’ai présidé un conseil des ministres le matin. J’ai eu des rencontres », a-t-il dit. 

Ajay Gunness : « Je félicite Navin Ramgoolam pour sa victoire »

Le leader adjoint du Mouvement militant mauricien (MMM), Ajay Gunness indique qu’il comprend ce que Navin Ramgoolam a traversé pendant toutes ces années. « Je lui félicite pour sa victoire dans ce cas. Je sais que c’était pénible pour lui, sa famille et ses partisans » a-t-il dit. Ce dernier a aussi souligné qu’après tout ce qu’il a enduré jusqu’aux dernières élections générales, tout n’a pas tourné en mal pour lui. « Il a eu quelque chose. Il aura désormais un peu plus d’énergie » a-t-il affirmé.  

Xavier-Luc Duval : « La justice a fait preuve de son indépendance»

Le leader du Parti Mauricien Social-Démocrate (PMSD), Xavier-Luc Duval a félicité chaleureusement Navin Ramgoolam pour sa victoire en cour intermédiaire vendredi matin. « Encore une fois les cours de justice de notre pays ont fait preuve de leur indépendance et ont fait honneur au pays. Le PMSD a tenu à démontrer sa solidarité avec Navin par la présence en cour ce matin de son secrétaire général Mamade Khodabaccus, d'Adrien et de Richard Duval ainsi que de Khushal Lobine » a-t-il dit.   Le leader des bleus a lancé un appel pour que cesse toute chasse aux sorcières afin que notre pays puisse retrouver sa sérénité. « Encore une fois l'histoire donne raison au PMSD d'avoir fait obstacle au Prosecution Commission Bill qui voulait mettre sous tutelle politique le bureau du Directeur des Poursuites Publiques » a-t-il souligné.

Les partisans de Navin Ramgoolam expriment leur contentement suite à la décision de la cour.
Les partisans de Navin Ramgoolam expriment leur contentement suite à la décision de la cour.

« Ena bondié pou Parti travalliste » 

Forte présence d’éléments de la Special Supporting Unit (SSU) devant la Cour intermédiaire vendredi matin. Avant l’arrivée de Navin Ramgoolam à la New Court House, plusieurs policiers avaient été postés à l’entrée et au deuxième étage où se trouve la salle d’audience. Des hauts gradés de la police ont aussi fait le déplacement. Après l’énoncé du verdict, les partisans du PTr ont poussé des cris à la sortie de Navin Ramgoolam de la salle d’audience. « Ena enn bondié pou Parti travailliste », pouvait-on entendre. Des fidèles scandaient : « Navin ! Navin ! » Les officiers de la SSU ont eu fort à faire pour contenir la foule alors que Navin Ramgoolam, entouré de ses gros bras, se rendait jusqu’à sa voiture. Les partisans avaient également pris d’assaut la rue. La police a également dû s’occuper du trafic routier. La situation est retournée à la normale une quinzaine de minutes après le départ de Navin Ramgoolam. 


Accumuler de l’argent est possible, mais…

Le constat est clair, précis. Au fil du temps, un particulier peut amasser des millions de roupies dans ses coffres en sa résidence ou « sous son matelas » comme le précise si bien le dicton bien de chez nous. Cependant, c’est au niveau des transactions, sous le regard scrutateur des institutions, que des justificatifs précis sont requis.

Voyons d’abord des sommes d’argent chez des particuliers. Par exemple, chaque jour, une personne peut générer des revenus de Rs 200,000 par le biais d’activités légales. La personne garde l’argent chez lui. Le montant enfle jusqu’à ce qu’il atteigne les Rs 50 millions. Les autorités sont alertées. Il y a une descente. Interrogée, la personne explique, avec des preuves à l’appui, comment cette somme a été accumulée. « A sa charge de justifier, roupie par roupie, la provenance, ce à la satisfaction des enquêteurs, » souligne-t-on dans le milieu des législateurs.

Une première différence serait que les autorités découvrent des traces d’activités illégales liées à la drogue, trafic illicite ou des fonds qui serviraient à mettre en péril la stabilité d’un pays. Ainsi, selon des légistes, l’argent et les preuves d’activités illicites alléguées sont emportées à des fins d’enquête, partie intégrante d’un procès au criminel sous les multiples lois du pays.

Une seconde différence que les autorités ne soient pas satisfaites des explications, même s’il n’existe aucune preuve d’une source criminelle de l’argent. D’une part, la Mauritius Revenue Authority peut intervenir. Elle impose un niveau de taxe de mêmes que des pénalités avec des variantes sur le quantum dépendant du niveau de collaboration de l’individu. Et d’autre part - c’est là que tout se complique pour le particulier - l’Integrity Reporting Services Agency entre en jeu, dont l’argument principal serait que cet argent est un « unexplained wealth. » Par le truchement d’un ordre de la Cour, l’agence demande une saisie de la somme dans son intégralité. Des contestations s’enchaînent par voie légale. La Cour tranchera au final. Soit l’argent retourne chez le possédant. Soit l’argent rentre dans les caisses de l’Etat.

La situation est tout autre pour des transactions en espèces de Rs 500,000 ou plus. D’abord, les exceptions : un propriétaire de supermarché ou commerce/prestataire de services générant beaucoup de liquidités, peut, par exemple, obtenir une dérogation bancaire, qui lui permet de déposer chaque jour un montant supérieur au Rs 500,000.

Avant de procéder avec des infractions, il est bon de noter que Maurice a le pays africain le plus bancarisé en Afrique. De simples comptes d’épargnes avec un petit livret sur lequel grince l’imprimante de la banque, nous pouvons utiliser des cartes bancaires et d’autres modes de paiement utilisant le cellulaire. Qui plus est, souligne-t-on, les transactions en fortes sommes sont sanctionnées par biais de chèques et/ou virement.

Donc, selon les lois en vigueur, deux personnes ne peuvent s’engager dans une transaction directe de plus de Rs 500,000 en liquide. Si les autorités s’en mêlent et prouvent que cette transaction ait bien eu lieu, les deux sont passibles de poursuites selon les lois en vigueur. Les banques sont très à cheval sur des transactions, même si les montants sont inférieurs au seuil de Rs 500,000. On pourrait dire que c’est un cadeau dans des cas. Mais les banques et institutions financières veillent au grain dans le circuit financier…
 

 

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