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Une vie de pêcheur : balloté par les vagues de l’indifférence

Pour être reconnu en tant que pêcheur professionnel, il faut posséder une carte d’accréditation.

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Artnell, qui exerce depuis vingt ans, attend toujours de se voir remettre ce précieux document. Il vient d’apprendre que son nom ne figurait pas sur le registre du Bureau de la Pêche à Port-Louis...

Artnell est pêcheur depuis vingt ans. D’autres exercent le métier depuis moins de temps : dix ou quinze ans. Leur point commun : ils attendent que le ministère de la Pêche leur donne la précieuse carte attestant qu’ils sont bien des pêcheurs. Car sans carte, un pêcheur n’est rien.

Opérant depuis le débarcadère de Saint-François, à Calodyne-sur-Mer, Artnell affirme que « pendant au moins sept ou huit ans, ses amis et lui n’ont jamais reçu la visite des officiers des Fisheries pour noter la présence des pêcheurs ». Ce n’est qu’en décembre dernier qu’ils ont effectué cette inspection, soutient-il.

Cette surprise a été suivie par une deuxième : « Le jeudi 12 janvier, nous avons appris que nos noms ne figuraient pas sur le registre du bureau de la Pêche à Port-Louis », relate-t-il, désespéré. « Toutes nos démarches sont restées vaines. Il y a sept ans, on nous avait déclaré que les pêcheurs n’obtiendraient plus de cartes d’accréditation. Cela ne m’a pas découragé pour autant et j’ai poursuivi mes activités de pêcheur », confie Artnell.

Il s’insurge : «Aujourd’hui, on vient nous dire que c’est un syndicat qui décidera quel pêcheur aura sa carte ou non. Pourtant, nous n’avons jamais reçu la visite d’un syndicaliste ici. Aucun d’entre eux n’est venu nous demander quels étaient nos problèmes au quotidien. Moi, je n’ai que vaguement entendu le nom de Judex Rampaul.

Ce dernier est censé défendre nos intérêts. D’accord, mais à condition qu’il connaisse ce que vivent vraiment les pêcheurs d’ici. Moi, je connais parfaitement ce qui ne va pas. Je connais tous les pêcheurs de la région, de Pointe-aux-Canonniers à Poudre-d’Or. D’autres viennent de Madame-Azor, ayant leur base d’opérations à Poudre-d’Or. Eux aussi ont été pénalisés comme moi. »

« En tant que pêcheur basé à Calodyne-sur-Mer, j’ai contacté le service des Fisheries de Grand-Gaube au sujet de la question de la présence. On m’a dit que je dois me présenter, tous les jours, au bureau des Fisheries pour enregistrer ma présence. C’est insensé ! Se rendent-ils compte que je pars en mer à 5 h 30 en transportant le moteur du bateau sur ma bicyclette ? Après avoir passé des heures à pêcher, je rentre chez moi dans la journée, sous un soleil brûlant avec le désir de me restaurer et de me reposer un peu. Maintenant, on exige de moi de prendre mon vélo, de pédaler sur trois kilomètres pour marquer ma présence au bureau des Fisheries ? » s’indigne Artnell.

« Quand on leur demande pourquoi ils n’effectuent pas d’inspections eux-mêmes, on nous répond qu’il manque des officiers-inspecteurs. Mais est-ce aussi difficile que cela de venir vérifier, une fois par an, s’ils ont affaire à de véritables pêcheurs et non à des fraudeurs ? »

Aucune carte émise en dix ans

Le ministère de la Pêche a confirmé à notre rédaction n’avoir pas émis de cartes de pêcheur depuis dix ans. L’attaché de presse du ministère, Jasvin Sok Appadu, avait indiqué la volonté du ministre Prem Koonjoo de mettre de l’ordre dans ce dossier. Judex Rampaul, président du Syndicat des pêcheurs, reproche à certains groupes de pêcheurs de ne pas respecter les critères imposés par le ministère. « Il faudra faire preuve de patience, surtout avec la relance des activités de l’École de la pêche. »

L’attaché de presse a précisé : « Ceux qui affirment que leurs noms ne figurent pas au registre des Fisheries devraient savoir que le ministère a eu plusieurs consultations avec le Syndicat des pêcheurs. Il a rappelé les critères exigés, notamment concernant l’exercice d’un business parallèle. »  Le ministère aurait noté que certains membres du Syndicat des pêcheurs bénéficiaient d’une carte de pêcheur et d’une licence de commerçant.

« Le ministère a donc réquisitionné les cartes de ceux à la fois pêcheurs et commerçants. » Selon Sok Appadu, une préliste de 80 pêcheurs qui attendent leur carte d’accréditation depuis plus de dix ans a été établie. « Les 25 premiers retenus recevront des cours. Ils passeront un test médical et recevront leur carte. D’autres cartes seront distribuées ultérieurement. »

 

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