La Journée internationale de la maladie mentale est observée le 10 octobre. Gilbert Bablee a animé un débat sur la question avec le Dr Nusrajan Sophie, psychiatre, et Joyce Marie-Jeanne, de Friends In Hope.
«À Maurice, quand on parle de maladie mentale, on pense tout de suite à l’hôpital Brown Sequard, et cela fait peur, nous dit d’emblée le Dr Nusrajan Sophie, psychiatre affectée à l’hôpital Jeetoo. Il y a une stigmatisation autour de la santé mentale », soutient-elle.
Or, la maladie mentale est partie intégrante de la santé. Les personnes qui se sentent mal à l’aise ont tendance à se renfermer sur elles-mêmes, et cela peut se développer en maladie mentale.
« Comme définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé, par elle-même, est un état de bien-être complet - physique, mental et social. Par exemple, si quelqu’un ne souffre pas de diabète ou de maladie cardiaque, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il est en bonne santé. Il est important de se rendre compte de son état de santé mentale. Tout est dans la tête. Car le cerveau contrôle le corps humain » dit-elle encore.
À l’hôpital Jeetoo, on reçoit les patients qui ont des troubles psychiatriques. Certains sont admis sur le champ. Si le cas est plus grave - quand le patient a, par exemple, des tendances suicidaires ou est trop agité -, il est référé à l’hôpital de Beau-Bassin.
En 1997, il y a eu des discussions entre psychiatres, psychologues et professionnels de la santé pour bien définir la maladie mentale car elle a plusieurs formes. « On a ressenti le besoin de mettre sur pied une association qui offrirait des thérapies et un encadrement. L’association non gouvernementale et bénévole Friends In Hope a ainsi vu le jour en 2000. Nous prodiguons des conseils aux parents et des thérapies aux malades de 16 à 55 ans. Ils sont suivis par un psychiatre. Nous sommes la seule association à nous occuper des personnes souffrant de maladies mentales, et c’est dommage », déplore Joyce Marie-Jeanne.
Elle précise que son association a pour objectif d’améliorer la connaissance et la compréhension des maladies mentales (schizophrénie, schizophrénie bipolaire, etc.), de soutenir les malades et leurs familles. « Nous contribuons à la réhabilitation des malades. Nous participons aussi aux cadres législatif, administratif et social. Nous défendons les droits des malades mentaux », déclare-t-elle.
Elle explique que parmi les activités thérapeutiques proposées au centre, il y a l’apprentissage de la musique, de la chanson et du théâtre, des exercices corporels, des quiz, des jeux de société, des dessins et de l’artisanat, des ‘weekend reviews’ (les patients disent ce qu’ils ont fait durant le week-end, ce qui permet aux thérapeutes de faire une évaluation), le jardinage, la fabrication de cartes et d’objets pour la Noël, la relaxation et la méditation, les débats sur un film pour activer la mémoire et, enfin, des sorties. Friends In Hope envisage aussi de publier un journal avec l’aide des bénévoles.
En ce moment, l’association se lance dans une campagne de sensibilisation à l’intention des familles des malades, avec pour thème Ecouter, partager, apprendre. Le numéro à appeler pour bénéficier d’un groupe de soutien est le 5924 7601.
Les femmes et la dépression
Selon le Dr Sophie, 15 % à 20 % de la population auraient un problème mental. Il s’agit dans le plupart des cas de dépression chez les personnes de 15 à 45 ans. La dépression affecte principalement la gente féminine. Peut-être parce qu’elles ont plus de choses à gérer. « Quand elles sont dépressives, le sommeil les fuit. Beaucoup nous disent qu’elles ne dorment pas pendant des jours. Le manque chronique de sommeil serait donc lié à un problème psychiatrique. Dans ce cas, il serait bon que la personne aille voir un médecin, pas nécessairement un psychiatre. Le sommeil est très important pour avoir une bonne santé. Mais le plus grave, c’est quand elles commencent à avoir des pensées suicidaires », souligne-t-elle. La psychiatre ajoute qu’il y a plusieurs types de maladie mentale. La plus importante est la schizophrénie. Pour faire un diagnostic, il y a des critères bien spécifiques (américains ou anglais). Comment savoir si quelqu’un est schizophrène ? On peut le voir errer dans la rue avec une apparence délabrée, sans chemise, barbu, fouillant les poubelles, marchant et s’arrêtant sur une certaine distance en se mettant à crier. Cette professionnelle de la santé estime qu’environ 1 % de notre population souffre de schizophrénie. Elle affecte plus les hommes et apparaît souvent à la fin de l’adolescence. Il est arrivé qu’un garçon ayant eu un bon parcours scolaire, se retrouve subitement à ne plus pouvoir se concentrer sur ses cours, à parler et rire tout seul et à proférer des jurons. Il pourrait aussi souffrir d’hallucinations. Dans certains cas, le patient pourrait se renfermer sur lui-même. Il a été scientifiquement prouvé que des personnes dans ces cas souffrent d’une défaillance de dopamine, ce qui empêche le cerveau de fonctionner correctement. Le patient entendra des voix lui parler mais ne se rendra pas compte qu’il souffre en fait d’une hallucination. Il répondra par des propos vulgaires.Traitements et accueil
Selon le Dr Sophie, que ce soit la schizophrénie ou autre, la maladie mentale se soit avec la médicamentation et la thérapie. « Le traitement est effectué en trois phases : bio, psycho, social», réume-t-elle. La thérapie permet d’espacer la prise des médicaments, souligne la doctoresse. C’est pour cela que le soutien d’ONG comme Friends In Hope est très important. « Il ne faut absolument pas négliger la prise des médicaments tout le temps que dure le traitement. Et cela peut durer pendant longtemps. Cependant, la presse a critiqué la méthode de traitement pratiquée dans certains centres. Par exemple, attacher le patient au lit », dit-elle. La psychiatre rassure qu’on ne procède plus de cette manière. De nos jours, on privilégie une approche où les droits du patient sont respectés. « S’il est agressif, on le calmera avec une pilule. S’il se montre réticent, on lui administrera une injection. Mais si jamais il devient trop violent, on sera alors obligé de l’attacher pendant un moment », tient-elle à préciser. Joyce Marie-Jeanne dit que les patients suivis par Friends In Hope sont plutôt stables. « Si le cas est très sérieux, le patient sera référé à l’hôpital. On cherchera l’aide de sa famille et de la police. Nos thérapeutes connaissent le protocole. Comme les autres patients présents au centre sont stables, il faut respecter la quiétude de leur environnement », déclare-t-elle. Friends In Hope compte construire un centre d’accueil sur une portion de terrain offerte par le Diocèse de Maurice, près du Foyer Saint-Hughes. Ce Centre accueillera les patients à plein temps. Pour trouver des fonds, l’association lance un appel d’aide et organise des tombolas car le projet est estimé à Rs 15 millions.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !