Interview http://defimedia.info/categorie/interview fr Cedrik Le Juge : «Le principal défi des entreprises mauriciennes reste le coût du travail» http://defimedia.info/cedrik-le-juge-le-principal-defi-des-entreprises-mauriciennes-reste-le-cout-du-travail <span>Cedrik Le Juge : «Le principal défi des entreprises mauriciennes reste le coût du travail»</span> <span><span lang="" about="/users/gleena" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="" content="Leena Gooraya-Poligadoo">Leena Gooraya-…</span></span> <span>sam 11/10/2025 - 06:23</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/101025_cedrik.jpg?itok=_LksGjY4" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>En 2025, IBL a enregistré une croissance de 19 % de son chiffre d’affaires, avec plus de la moitié des revenus générés à l’international. Pour son Chief Financial Officer, Cedrik Le Juge, Maurice reste le centre opérationnel du groupe, qui y développe ses compétences et pilote son expansion régionale.</p> <p><strong>IBL a enregistré une croissance de 19 % de son chiffre d’affaires en 2025, avec plus de la moitié des revenus générés hors de Maurice. Comment expliquez-vous cette performance et quel rôle joue la stratégie Beyond Borders dans cette dynamique ?</strong><br /> Beyond Borders n’a jamais été une quête de croissance à tout prix, mais plutôt la volonté délibérée de transformer une expertise mauricienne reconnue en moteur de croissance pérenne sur des marchés à fort potentiel. Nous avons privilégié des secteurs que nous maîtrisons – le retail, la distribution pharmaceutique et de produits de grande consommation, l’industrie – et, crucialement, nous avons tissé des partenariats locaux robustes qui nous permettent de mieux comprendre les réalités et les enjeux de chaque marché.</p> <p>Cette rigueur stratégique a porté ses fruits : comme vous le rappelez, le chiffre d’affaires a progressé de 19&nbsp;% pour atteindre Rs 120,8 milliards. Plus révélateur encore, 54 % de nos revenus proviennent désormais de l’international, contre à peine 15 % il y a cinq ans. C’est la démonstration qu’une expertise bâtie à Maurice peut rayonner bien au-delà de nos frontières, tout en consolidant notre ancrage local.</p> <p><strong>Quels sont aujourd’hui, selon vous, les marchés ou les secteurs les plus porteurs pour le Groupe, et où voyez-vous les prochaines opportunités d’expansion ?</strong><br /> L’Afrique de l’Est et l’océan Indien constituent nos principaux relais de croissance. Au Kenya, avec Naivas, nous avons franchi le cap des 110 magasins et le potentiel reste considérable dans la grande distribution, porté par l’urbanisation rapide et l’émergence d’une classe moyenne dynamique. Dans la santé, Harley’s et HealthActiv bâtissent un réseau régional de distribution pharmaceutique intégré pour répondre au mieux à une demande croissante en matière d’accès aux soins. Côté boissons, Phoenix Beverages continue de renforcer sa position dans la région. Cela a débuté il y a près de neuf ans avec l’acquisition d’Edena à La Réunion, et plus récemment, avec le rachat stratégique de Seychelles Breweries.</p> <p>Ces trois secteurs – grande distribution, santé et boissons&nbsp;– concentrent nos efforts, car ils conjuguent volume, résilience et génération de cash-flow. Mais nous cherchons à construire des écosystèmes, et le succès de ces secteurs permet à d’autres d’envisager une croissance ou une implémentation organique, comme dans les énergies renouvelables, la distribution de produits de grande consommation ou encore l’immobilier logistique, qui peuvent tous, à leur niveau, accompagner la croissance des économies régionales.</p> <p><strong>IBL est présent dans la construction, l’agro-industrie, l’énergie, la santé ou encore la logistique. Quels secteurs considérez-vous comme prioritaires pour soutenir la croissance nationale dans les prochaines années ?</strong><br /> D’abord l’énergie : sans capacité de production fiable et durable, aucun pays ne peut soutenir sa croissance. Nous investissons dans 36 MW de projets solaires qui contribueront à la transition énergétique nationale. Ensuite, nous pouvons être fiers d’avoir dans le pays des filières industrielles qui sont des centres d’expertise forts, des pourvoyeurs importants d’emploi et souvent tournées vers l’export. La filière du seafood, dans laquelle des sociétés du Groupe interviennent sur toute la chaîne de valeur, en est un très bon exemple pour IBL. Ce sont, cela dit, des filières parfois fragiles, plus sensibles aux chocs externes et que nous avons à cœur de préserver.</p> <p>Enfin, le retail et la distribution, qui garantissent la sécurité alimentaire et préservent le pouvoir d’achat des ménages, sont des secteurs prioritaires non seulement pour IBL, mais pour l’ensemble de la société mauricienne.</p> <p><strong>Quels sont les défis majeurs auxquels font face les entreprises mauriciennes aujourd’hui ?</strong><br /> Le premier défi reste le coût du travail, qui a fortement augmenté et pèse lourdement sur les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’industrie, le commerce ou l’hôtellerie. Le deuxième concerne la compétitivité dans un environnement de marchés ouverts. Nous faisons face à des concurrents régionaux et mondiaux tout en opérant depuis une petite île avec des contraintes logistiques importantes. Enfin, la volatilité macroéconomique&nbsp;– qu’il s’agisse des taux d’intérêt, des devises ou des coûts d’importation – accentue l’incertitude ambiante. Face à ces défis, les entreprises mauriciennes doivent impérativement gagner en productivité, en agilité et en capacité d’innovation.</p> <blockquote> <p>L’Afrique de l’Est et l’océan Indien constituent nos principaux relais de croissance.»</p> </blockquote> <p><strong>Comment les entreprises mauriciennes doivent-elles s’adapter pour rester compétitives dans un contexte marqué par la transformation digitale, la transition énergétique et les attentes croissantes en matière de durabilité ?</strong><br /> Il faut appréhender ces transformations non comme des contraintes, mais comme de véritables leviers de croissance. La digitalisation permet d’améliorer l’expérience client, de réduire les coûts opérationnels et de prendre des décisions éclairées fondées sur les données. La transition énergétique, si elle est correctement accompagnée, peut réduire notre dépendance aux importations fossiles et renforcer notre autonomie stratégique. Quant à la durabilité, elle est désormais une attente forte des consommateurs, des investisseurs et de nos collaborateurs et, pour notre pays au capital naturel si stratégique, ce n’est plus un facteur «&nbsp;négociable » dans une stratégie de long terme. IBL a pris l’initiative de lancer le Responsible Business Summit, qui rassemble aujourd’hui plusieurs grandes entreprises autour d’un agenda&nbsp;commun.</p> <p><strong>Pensez-vous que Maurice attire suffisamment d’investissements étrangers, et quels leviers devraient être actionnés pour renforcer son attractivité économique ?</strong><br /> Maurice conserve des atouts indéniables : stabilité politique, cadre juridique solide et ouverture internationale. Mais la concurrence s’intensifie : nous faisons face à une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, à une fuite de talents qui s’accélère et à une concentration des investissements étrangers sur des segments relativement restreints de l’économie, notamment l’immobilier. Un cadre de gouvernance de haut niveau sera, à mon sens, un facteur déterminant pour permettre à Maurice d’atteindre pleinement son potentiel de rayonnement régional. Il est également crucial d’offrir un environnement fiscal compétitif et stable. Les investisseurs ont besoin de visibilité et de confiance pour engager des projets à long terme.</p> <p>L’attractivité dépend aussi de la qualité de nos infrastructures, tant physiques que digitales, et de notre capacité à offrir un environnement véritablement durable. Les entreprises mauriciennes, à travers leurs investissements régionaux, peuvent jouer un rôle d’ambassadeurs en démontrant qu’à partir de Maurice, il est possible de bâtir des plateformes régionales performantes.</p> <p><strong>L’Afrique de l’Est et l’océan Indien sont devenus des zones majeures de croissance pour IBL. Quels sont vos objectifs concrets dans ces régions, et pensez-vous que Maurice reste un hub stratégique pour orchestrer cette expansion internationale ?</strong><br /> Nous cherchons désormais à consolider nos positions existantes et à poursuivre une croissance sélective et maîtrisée. En Afrique de l’Est, nous continuons à renforcer Naivas et Harley’s. Dans l’océan Indien, nous avons établi une présence solide à La Réunion et aux Seychelles, avec des marques fortes comme Edena, Run Market ou Seychelles Breweries. Maurice demeure notre centre névralgique d’expertise et notre vivier de talents. Nous nous appuyons sur des équipes managériales locales de grande qualité, qui maîtrisent leurs marchés, et nous cherchons à les accompagner au mieux sur les sujets stratégiques ou de transformation, afin d’y ajouter de la valeur. Cette synergie où les talents se complètent est vraiment passionnante à voir au quotidien.</p> <p>Près de 20 000 de nos collaborateurs travaillent à Maurice et c’est ici que nous développons les compétences que nous déployons ensuite dans la région. Donc oui, Maurice reste un hub stratégique dans l’écosystème régional, non seulement par sa position géographique, mais surtout par la qualité de ses ressources humaines et de son écosystème financier.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Cedrik%20Le%20Juge%20%3A%C2%A0%C2%ABLe%20principal%20d%C3%A9fi%20des%20entreprises%20mauriciennes%20reste%20le%20co%C3%BBt%20du%20travail%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/cedrik-le-juge-le-principal-defi-des-entreprises-mauriciennes-reste-le-cout-du-travail&amp;2=node/178156" token="Swtb7CxsJ-sCtPCMrd4Hz5f3JEPVwF_-0Nc0ZC6Dhrs"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 11 Oct 2025 02:23:00 +0000 Leena Gooraya-Poligadoo 178156 at http://defimedia.info Amit Bakhirta : «Il est essentiel de réformer le pilier monétaire de notre pays» http://defimedia.info/amit-bakhirta-il-est-essentiel-de-reformer-le-pilier-monetaire-de-notre-pays <span>Amit Bakhirta : «Il est essentiel de réformer le pilier monétaire de notre pays»</span> <span><span lang="" about="/users/pdaby" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Pradeep Daby</span></span> <span>sam 11/10/2025 - 06:22</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/amit_bakhirta-1.jpg?itok=DgyojSYR" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Dans cet entretien, Amit Bakhirta, fondateur et CEO de la société ANNEAU, livre son point de vue sur l’African Growth and Opportunity Act, sur les enjeux à la Banque de Maurice, sur la main-d’œuvre, entre autres. &nbsp;<br /> <br /> <strong>À deux mois de la fin de la première année de mandat de ce gouvernement, est-ce trop tôt pour dresser un mini-bilan ou peut-on déjà voir certains signaux d’une nouvelle approche de l’administration des affaires publiques ?</strong><br /> <br /> De facto, invariablement et en nuances ; je présume que oui.</p> <p><strong>La Banque de Maurice a un nouveau gouverneur&nbsp;: Priscilla Muthoora Thakoor. Va-t-elle traiter les enjeux déjà identifiés à sa manière ou va-t-elle devoir répondre, comme son prédécesseur, de manière collective ?</strong><br /> <br /> Nous ne sommes pas en mesure de répondre littéralement à cette question.</p> <p>Il est important de noter que le mandat, l’objet et les pouvoirs de la Banque de Maurice, en tant qu’institution, sont clairement définis dans la loi ayant trait à la Banque de Maurice.</p> <p>Naturellement, une institution, à tout moment et dans une certaine mesure, est susceptible d’être influencée par son équipe de direction.</p> <p>Néanmoins, nous réitérons qu’à ce stade, il est essentiel de réformer le pilier monétaire de notre pays, d’envoyer un signal fort en faveur de la politique monétaire et de l’indépendance en matière de stabilité financière. Il faut se concentrer sur les priorités ; notamment le renforcement et la stabilisation de la monnaie du pays, l’assouplissement des conditions monétaires à court terme, la recapitalisation de la Banque centrale et la cession de la Mauritius Investment Corporation.&nbsp;</p> <p>C’est dans un contexte de culture d’entreprise qui, je crois comprendre, est devenue extrêmement politisée et toxique depuis quelques décennies.</p> <p>« Chaque chef apporte sa propre saveur à un plat. »</p> <p><strong>L’avenir du traité de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) est pris au sérieux à Maurice. Y a-t-il des raisons de s’inquiéter si ce traité est remis en cause par Donald Trump ?</strong><br /> Cette hypothèse est vraisemblablement très improbable à ce stade (malgré l’application automatique des tarifs, nonobstant une prolongation officielle à cet égard avant le 30 septembre 2025). Nous nous attendons à une prolongation de l’AGOA, compte tenu des relations apparemment très consensuelles entre les deux pays, mais surtout de l’alignement des politiques commerciales américaines avec celles de certains pays d’Afrique subsaharienne.&nbsp;</p> <p>Des prolongations, assorties de nouvelles versions conditionnelles de l’AGOA, pourraient être envisagées à l’avenir, mais on ne sait jamais !</p> <p>Sans prolongation, les droits de douane seront automatiquement réappliqués aux exportations africaines, ce qui augmenterait les coûts pour les producteurs et les importateurs. Pour Maurice, c’est une menace pour la compétitivité de son secteur textile (entre autres) et pour des milliers d’emplois.</p> <p>L’avantage le plus important que notre pays pourrait perdre, c’est sa compétitivité qui en sorte est garantie par l’AGOA. Car la suppression des droits de douane sur les marchandises exportées de Maurice vers les États-Unis ; rend les produits mauriciens plus compétitifs (l’accent étant mis ici sur les textiles, les vêtements, mais aussi d’autres articles éligibles comme les articles tissés et faits main, les spécialités alimentaires et les produits de décoration intérieure).</p> <p>Dans un tel cas improbable, nous pourrions perdre des investisseurs/entrepreneurs étrangers existants à Maurice, et nos entreprises textiles/autres exportateurs pourraient en subir les conséquences ; surtout en termes de compétitivité.</p> <p><strong>Les producteurs mauriciens qui exportent vers les États-Unis grâce à l’AGOA peuvent-ils trouver des marchés alternatifs et avec les mêmes bénéfices ?</strong><br /> De nouveaux marchés africains, moins concurrentiels (avec tout le respect que je leur dois), peuvent certainement être abordés (indépendamment de l’avenir de l’AGOA).</p> <p>Il est important de diversifier davantage les principaux marchés d’exportation. Je pense notamment à des économies clés comme l’Afrique du Sud, le Kenya, la Tanzanie, l’Angola, le Nigéria et le Ghana, parmi les pays africains prospères.</p> <p>Des relations bilatérales solides au sein du Common Market for Eastern and Southern Africa et de l’Union africaine peuvent établir des règles de base mutuellement avantageuses pour Maurice et d’autres pays.<br /> C’est la voie à suivre.</p> <p><strong>Les enjeux liés à la géopolitique/géoéconomique, qui ne sont pas dissociables, imposent aujourd’hui à l’ile Maurice de choisir son camp. Le vieux dicton cher à notre pays : « Amis de tout le monde, ennemi de personne » est-il encore pertinent ?</strong><br /> Oui, invariablement. Nous comprenons que toutes les nations ne sont pas égales !</p> <p>Par conséquent, compte tenu de nos propres dynamiques microsociopolitiques, il est essentiel de maintenir et de renforcer nos relations géopolitiques existantes. Il faut surtout en forger de nouvelles, notamment avec les économies clés d’Afrique et de l’ASEAN. Car c’est dans cette direction que les choses se dirigent (d’où notre sagesse de forger des relations géopolitiques sincères pour la prospérité à moyen et long terme de notre nation).</p> <p>Le monde hautement concurrentiel d’aujourd’hui ne repose pas uniquement sur le commerce et l’accès aux marchés en franchise de droits. Il est aussi question de transferts de technologies, de conseil, d’assistance financière, écologique, agricole et en matière de pêche, de santé, d’activités socioculturelles, pour ne citer que quelques domaines clés de développement des relations géographiques.</p> <p>Ainsi, en tant que petite nation, les besoins actuels et à long terme de notre pays et de nos partenaires doivent être pris en considération.</p> <p>Ici, la « méthode Modi&nbsp;» devrait probablement servir d’éclairage concret et exemplaire sur la gestion des relations géopolitiques modernes.</p> <p><strong>Plus que jamais, certains chefs d’entreprise font valoir qu’il faut revoir les lois de travail et notre modèle de développement. Le pays fait face à la concurrence étrangère – avec des pays disposant d’une main-d’œuvre abondante et moins chère et des législations favorables au patronat. Faut-il, à cet effet, répondre à cette question aujourd’hui ou continuer à « faire comme avant » ?</strong><br /> Nous plaidons depuis longtemps en faveur d’une approche plus durable en matière de main-d’œuvre étrangère compétitive, qualifiée et non qualifiée.&nbsp;</p> <p>Nous souscrivons pleinement aux propositions qui répondent à nos besoins à court et à long terme, malgré leurs implications sur notre socioéconomie, notre démographie, notre culture et notre compétitivité.<br /> À notre humble avis, l’approche consistant à « planter un arbre dont on ne profitera pas de l’ombre » serait la bonne et nous saluons le document de travail récemment publié par les ministères concernés sur la main-d’œuvre étrangère, qu’on considère comme la bonne orientation dans le contexte actuel.</p> <p>Il y a une nouvelle stratégie et de nouvelles relations géopolitiques, notamment avec les pays dont certains habitants sont susceptibles de devenir les nôtres, par le biais du travail. Il y a aussi des investisseurs, des retraités...</p> <p><strong>Le recours à la main-d’œuvre étrangère ne cesse de gagner du terrain et dans des postes auxquels on n’y avait pas pensé. Comment en est-on arrivé à une telle situation et quelles sont les mesures à adopter pour retenir les compétences locales ?</strong><br /> Nous réaffirmons que chez ANNEAU, malgré diverses nuances, nous considérons ce cycle de main-d’œuvre comme naturel et positif.&nbsp;</p> <p>Bien qu’il se soit accentué à mesure que le pays gagnait en prospérité et en développement, un meilleur niveau d’alphabétisation, une évolution croissante vers un modèle économique basé sur les services et la consommation. Il y a aussi davantage d’opportunités et de volonté pour nos jeunes d’aller travailler à l’étranger dans un contexte de mondialisation. Ces facteurs conjoncturels ont conduit à ce cycle.</p> <p>Il est essentiel de noter que cette immigration de main-d’œuvre crée des relations économiques en influençant l’offre et la demande de main-d’œuvre. Elle affecte les salaires et l’emploi, contribue aux finances publiques, stimule la croissance économique et favorise le commerce et l’investissement.&nbsp;</p> <p>Bien que souvent associée à une concurrence accrue pour l’emploi et à des pressions salariales potentielles, la recherche montre généralement un faible impact global sur l’emploi et les salaires des travailleurs autochtones. Les effets positifs découlant de la consommation, de l’entrepreneuriat et de la complémentarité des compétences des immigrants.</p> <p>Ces changements ont des effets positifs sur le marché du travail et devraient techniquement produire la même polarité sur nos finances publiques et budgétaires.&nbsp;</p> <p>À mesure que le paysage socioculturel et politique du pays s’améliore (ou se détériore, tant au niveau national qu’international), nous pourrions voir de plus en plus de nos concitoyens rester au pays.&nbsp;<br /> Cependant, si nous nous engageons véritablement dans un développement socio-économique plus fort, nous nous attendons à ce que cette tendance se maintienne au cours des prochaines décennies, et non l’inverse.</p> <p>« L’identité ne se résume pas à un mot ! »&nbsp;</p> <p><strong>Comme à différentes étapes de son développement dans le passé, l’ile Maurice s’en est sortie en misant sur la formation. Quels sont les secteurs qui nécessitent des formations afin, d’une part, d’offrir des perspectives de jobs aux jeunes et, d’autre part, de dynamiser notre économie ?</strong><br /> Nous pensons que les secteurs technologique et agricole en bénéficieraient grandement au cours des prochains cycles.</p> <p>Il est essentiel que nos programmes d’enseignement primaire et secondaire intègrent cette dimension dans le monde hautement technologique actuel, marqué par l’apprentissage automatique et l’intelligence artificielle.&nbsp;</p> <p>C’est vers cette transition que le monde évolue de plus en plus, et nous sommes convaincus qu’il est judicieux d’adapter nos systèmes éducatifs et professionnels.</p> <p>Enfin, nous constatons que de plus en plus de jeunes, de nouveaux « agripreneurs » diplômés, reviennent vers l’activité la plus durable qui soit : l’agriculture (dont l’aquaculture et la pêche).&nbsp;</p> <p>Il s’agit d’un secteur très attractif et soutenable où, selon nous, les progrès technologiques amélioreront les rendements et les marges économiques.</p> <p><strong>Est-ce que vous voyez le secteur privé mauricien, dont ses conglomérats familiaux historiques – s’engager pleinement dans de gros projets à l’échelle nationale et aussi en faveur des PME ?&nbsp;</strong><br /> Dans une certaine mesure, oui, et dans d’autres, non.</p> <p>Le modèle économique des conglomérats est voué à disparaître, car il s’agit d’un modèle ancien, remontant aux années 1970 aux États-Unis.</p> <p>Le modèle de conglomérat des années 1970, qui impliquait l’acquisition par des entreprises de diverses activités indépendantes, est devenu obsolète. C’est en raison d’un changement de politique antitrust au US (en partie), de difficultés économiques et d’une perte de confiance dans les avantages liés à la taille des entreprises et à la décentralisation. Cette période avait vu l’émergence d’un marché actif du contrôle des entreprises, conduisant à la dé-conglomération et à une focalisation sur la valeur actionnariale et la responsabilité managériale, marquant ainsi le déclin du modèle.</p> <p>Ce modèle de conglomérat se révèle donc aujourd’hui relativement peu attrayant, avec un coût du capital relativement élevé et un rendement du capital actionnarial plus faible. Ce qui pourrait ne pas être suffisamment durable et attractif au cours des prochaines années, voire décennies.</p> <p>Nous supposons, de manière plausible, que l’île Maurice, en tant que nation et, espérons-le, puissance financière et économique africaine, revienne au modèle économique spécialisé, à mesure que nous progressons sur le continent africain.</p> <p>« Il y a toujours deux côtés à une médaille, surtout à l’avenir. »</p> <p><strong>Un certain nombre d’observateurs économiques font état des contraintes liées à l’étroitesse du marché mauricien, aussi font-ils valoir l’urgence de donner un nouveau souffle à nos relations bilatérales avec certains pays africains à travers nos accords. Faisons-nous suffisamment dans ce sens ?</strong><br /> Ces perspectives sont tout à fait justes, comme je l’ai mentionné précédemment.</p> <p>« Assez n’est jamais assez. »</p> <p>En conclusion, permettez- moi de citer cet ancien adage rosicrucien : « C’est de son ignorance, et surtout de son ignorance, que l’homme doit se libérer. »<br /> &nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Amit%20Bakhirta%20%3A%C2%A0%C2%ABIl%20est%20essentiel%20de%20r%C3%A9former%C2%A0le%20pilier%20mon%C3%A9taire%20de%20notre%20pays%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/amit-bakhirta-il-est-essentiel-de-reformer-le-pilier-monetaire-de-notre-pays&amp;2=node/177777" token="7Ti37ZkVui0t7b9ZGNLLwQmhQA21cxcFbUWp5gtDCqY"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 11 Oct 2025 02:22:00 +0000 Pradeep Daby 177777 at http://defimedia.info Me Siddharta Hawoldar : «L’accusation provisoire est une pratique qui ronge l’État de droit» http://defimedia.info/me-siddharta-hawoldar-laccusation-provisoire-est-une-pratique-qui-ronge-letat-de-droit <span>Me Siddharta Hawoldar : «L’accusation provisoire est une pratique qui ronge l’État de droit»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>dim 05/10/2025 - 08:04</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/me_siddharta_hawoldar_.jpg?itok=IN_Ey2Qj" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Me Siddharta Hawoldar jette un regard critique sur les premiers mois de l’Alliance du Changement au pouvoir, analysant les promesses non tenues, les réformes et les nominations controversées. Dans cet entretien, l’avocat questionne leur impact réel sur le paysage politique mauricien.&nbsp;<br /> <br /> <strong>Dans moins de deux mois, cela fera un an depuis l’avènement de l’Alliance du Changement. Quel bilan en tirez-vous ?&nbsp;</strong><br /> Moins d’un an aura suffi pour bouleverser le paysage politique et juridique de notre République. Les premiers actes du nouveau pouvoir se sont traduits par une pluie de réformes et de nominations. Dans les directions parapubliques comme dans nos représentations diplomatiques, de nouveaux visages ont été propulsés, des ambassadeurs désignés, des conseillers installés, tandis que d’autres ont été écartés sans ménagement. Sur le plan législatif, des textes majeurs se succèdent à un rythme effréné : Senior Counsel and Attorney Act, Bail Amendment Bill, Finance Bill, Legal Aid and Legal Assistance Bill, Criminal Amendment Bill. Et à cela s’ajoute une décision qui frappe de plein fouet le cœur de la nation : le report de l’âge de la retraite. Ces mesures traduisent une volonté ferme de centralisation, de contrôle et d’efficacité. Mais derrière l’apparence d’ordre et de rigueur, une question demeure : cette main de fer renforcera-t-elle la solidité du pays, ou enfermera-t-elle la démocratie dans une cage dorée ?</p> <p>Ce qui est indéniable, c’est que l’Alliance du Changement a hérité d’un pays meurtri, mis à genoux par les fautes accumulées. Les caisses sont vides, la confiance s’est effritée, et l’économie ploie sous les erreurs passées. Mais la solution n’est pas de frapper aveuglément. La retraite, notamment, ne devait pas être touchée. Dans un pays où la majorité est vieillissante, nos anciens sont les colonnes qui soutiennent la maison mauricienne. Les contraindre à attendre cinq ans de plus est une injustice, un sacrifice qui nie leur contribution et leur fatigue. La question n’est plus seulement celle des lois ou des nominations : elle est celle de la justice, du respect et de la dignité. Et comme toujours, le temps sera juge. Car les réformes peuvent être de pierre ou de sable : solides ou vouées à s’écrouler dès la première tempête.</p> <p><strong>L’Alliance du Changement avait promis un certains nombre de réformes. Presque une année plus tard, qu’en est-il ?</strong><br /> Comme souvent en politique, l’éclat des promesses se heurte à la dureté du réel. L’Alliance du Changement avait promis un nouvel élan : restaurer l’ordre, donner du souffle à l’économie, rendre à chaque Mauricien une vie digne et un pouvoir d’achat décent. Mais aujourd’hui, les visages des files d’attente devant la FCC disent une autre vérité : celle d’une population encore meurtrie, encore frustrée. Ces queues interminables ne sont pas seulement des files administratives, elles sont la matérialisation d’une désillusion.</p> <p>Bien sûr, ce serait mensonge de dire que rien n’a été fait. Certaines réformes sont réelles, certains pas concrets ont été franchis. Mais il est indéniable qu’un gouffre subsiste entre les discours flamboyants et les résultats palpables. Les ambitions étaient peut-être démesurées et aujourd’hui, l’écart se voit au grand jour. Gouverner, ce n’est pas seulement lancer des slogans ni multiplier les symboles. Gouverner, c’est transformer les promesses en pain, en emploi, en sécurité, en avenir. C’est porter la charge de la confiance donnée par le peuple et ne pas la laisser se dissoudre dans la rhétorique. La véritable épreuve de cette alliance commence maintenant : démontrer que derrière les mots, il y a la volonté et la capacité d’agir, vraiment, pour le bien du peuple.</p> <p><strong>La réforme de la pension de vieillesse a-t-elle été un caillou dans la chaussure de l’alliance au pouvoir ?</strong><br /> Il faut rendre justice au nouveau pouvoir&nbsp;: pour la première fois depuis longtemps, le peuple peut s’exprimer sans craindre le bâillon. La rue parle, les voix s’élèvent, et l’État ne les étouffe pas. C’est là une rupture avec l’ancien régime, où le silence forcé était la règle. Le gouvernement a prêté l’oreille aux plus vulnérables, il a tendu la main à ceux qui souffrent le plus. C’est un signe de considération et de volonté de soulager. Mais une vérité s’impose : écouter n’est pas suffisant. Gouverner, c’est aussi informer, préparer, éduquer le peuple sur les choix cruciaux. Prenons l’exemple de la réforme des pensions. Oui, beaucoup reconnaissent qu’elle est inévitable face aux défis démographiques. Mais telle qu’elle a été imposée, elle a frappé comme un coup de tonnerre. Trop vite, sans explication, sans pédagogie. Le peuple s’est retrouvé face à un décret, pas à une décision partagée. Résultat : colère, incompréhension, sentiment d’injustice.</p> <p>Le droit de s’exprimer est sacré, et il est heureux qu’il soit désormais respecté. Mais la grandeur d’un État se mesure à sa capacité d’écouter pour comprendre, pas seulement pour entendre. Car gouverner, ce n’est pas tendre l’oreille, c’est tendre la main.</p> <p><strong>Le vieillissement de la population est un défi important &nbsp;et tellement un politicien a trouvé qu'il faut subventionner des couches pour personnes âgées...</strong><br /> L’idée d’offrir des subsides pour les couches aux personnes âgées mérite qu’on s’y arrête. Elle touche au cœur même de la question de la dignité. Dans une société vieillissante comme la nôtre, ce geste peut représenter un soulagement immense pour des familles écrasées par les charges financières et pour des aînés qui refusent de perdre leur autonomie et leur confort.</p> <p>Mais un État doit agir avec discernement. La sécurité sociale fournit déjà des couches aux malades et aux personnes en situation de handicap : généraliser cette aide sans distinction risquerait de transformer une noble intention en gouffre budgétaire. Chaque roupie dépensée par la nation doit être pesée à la balance de la justice sociale. Le défi est double : préserver la dignité de nos aînés, mais ne pas faire croire que l’argent public est une source inépuisable. La grandeur n’est pas dans le gaspillage, elle est dans le ciblage intelligent, dans l’équilibre entre compassion et responsabilité. La République ne peut pas tout donner à tous indistinctement, mais elle doit tout faire pour que ceux qui souffrent ne soient jamais abandonnés.</p> <p><strong>Certaines nominations suscitent des interrogations. &nbsp;Des observateurs y voient une reconnaissance des services rendus aux différents partis...</strong><br /> Tous les gouvernements, ici comme ailleurs, cherchent à consolider leur pouvoir en plaçant des personnes de confiance aux postes stratégiques. Mais la question essentielle est celle-ci : ces nominations servent-elles la nation, ou seulement le parti ? Le cas récent de la Financial Crimes Commission en est l’illustration frappante. Des personnes compétentes, choisies pour leur expérience et leur sincérité, ont préféré se retirer dès que leur nomination a suscité la moindre polémique. Voilà un acte de responsabilité rare, presque noble, qui montre que la fidélité à l’institution doit toujours passer avant l’orgueil personnel. Et pourtant, le soupçon plane. Car trop souvent, le peuple voit revenir sur le devant de la scène d’anciennes figures usées, plus connues pour leurs fidélités politiques que pour leurs mérites. Alors la confiance chancelle et l’idée s’enracine que l’État distribue les postes comme des récompenses à ses alliés plutôt que comme des charges confiées aux meilleurs fils et filles de la patrie.</p> <p>Si l’Alliance du Changement veut tenir sa promesse de renouveau, elle doit briser ce cycle. Les nominations doivent se faire sur le mérite, sur la compétence, sur l’honnêteté. Car sans cela, la République ne sera jamais plus qu’un échiquier où les pièces changent de couleur sans que la partie change de nature.</p> <p>À quand la mise sur pied de l’Appointments Committee promis ? Qui sera chargé des nominations et selon quels critères ? Certains s’interrogent sur le risque de voir ces nominations influencer l’équilibre du jeu politique.</p> <p>Les récentes nominations ont réveillé de vieilles ombres. Oui, certains visages connus, parfois contestés, refont surface. Et la question se pose avec insistance : est-ce la compétence qu’on recherche, ou bien la fidélité qu’on récompense ? Car lorsque l’on voit revenir sur le devant de la scène ceux que l’histoire avait relégués, il n’est pas interdit de penser que l’on rejoue le vieux théâtre des «&nbsp;services rendus », où l’expérience devient prétexte et la loyauté prime sur le mérite. Mais un peuple n’a pas besoin de fidélités partisanes. Il a besoin d’hommes et de femmes capables, honnêtes, sincères — des bâtisseurs, non des débiteurs d’un passé politique. Le risque est immense : que l’institution perde sa crédibilité, que la population croie que le mérite est secondaire, que l’on entretienne l’idée que l’État appartient aux initiés. Or, un État digne de ce nom ne se fonde pas sur la reconnaissance des faveurs, mais sur le choix des meilleurs. L’Alliance du Changement n’aura de sens que si elle brise cette mécanique infernale et ose placer la compétence avant l’appartenance.</p> <p><strong>En tant qu’avocat de carrière, que pensez-vous du fait que Paul Bérenger siège au Cabinet sans être ministre, ni Mentor, et sans portefeuille officiel ?</strong><br /> Il est de ceux dont l’expérience ne peut être balayée d’un revers de main. Paul Bérenger, aujourd’hui, n’est pas un simple figurant du pouvoir : il en est l’un des moteurs silencieux. Dans l’ombre, il assiste le Premier ministre, traite des dossiers lourds, prend la relève en son absence. Sa fonction n’a pas le nom de «&nbsp;ministre », mais sa voix pèse comme celle d’un gouvernant. Comparons-le à l’ancien mentor, dont l’inaction fut un désert. Ici, au contraire, l’expérience d’un homme se met au service de la nation. Et l’on se rend compte que, dans les arcanes du pouvoir, les titres importent moins que l’influence réelle. Ce que montre Bérenger aujourd’hui, c’est qu’on peut continuer à servir son pays sans occuper le fauteuil ministériel. Il incarne, qu’on l’aime ou qu’on le conteste, une forme de responsabilité et de continuité. Dans cette République fragile, où la mémoire politique est souvent courte, cette continuité est un rempart contre les errements. Mais là encore, l’exigence demeure : servir le peuple, et non le pouvoir.</p> <p><strong>Parlons de la police. Certains de vos confrères et vous plaidez pour la suspension de l’accusation provisoire jusqu’à ce qu’une enquête approfondie ait été menée et que des preuves solides soient réunies. Pourriez-vous nous en dire plus&nbsp;?&nbsp;</strong><br /> Il est une pratique qui ronge l’État de droit : celle de l’accusation provisoire. En principe, nul ne devrait comparaître devant un tribunal sans qu’il n’existe de preuves claires, d’éléments solides. Mais trop souvent, on inverse la logique : on accuse d’abord, on cherche ensuite. Cette méthode crée une injustice profonde. Le citoyen devient « prévenu » sans fondement solide, marqué au fer rouge par une accusation qui peut traîner des mois, des années. Pendant ce temps, sa vie est suspendue : réputation détruite, carrière brisée, famille humiliée. La présomption d’innocence, joyau de notre Constitution, devient une illusion. Et pourtant, le combat contre le crime ne s’oppose pas à la justice : il en dépend. Car une enquête mal préparée, une accusation hâtive, c’est une arme qui se retourne contre l’État lui-même. Nous, avocats et citoyens, n’exigeons pas l’impossible. Nous demandons que la police enquête sérieusement avant de poser une accusation. Non pour protéger les coupables, mais pour respecter les innocents. La justice ne gagne rien à la précipitation. Elle perd tout lorsqu’elle oublie que son premier devoir est la vérité.</p> <p><strong>Les avocats plaident pour des réformes en profondeur, dénonçant certains travers qui, selon eux, nuisent au bon fonctionnement de la justice…</strong><br /> On demande souvent aux juristes : quelle réforme faudrait-il adopter ? Mais la vérité, c’est que les réformes ne valent que si elles sont portées par l’unité de la profession. Imposer un changement sans consensus entre avocats, c’est risquer de construire un édifice sur des fondations fissurées. La loi, pour être respectée, doit être acceptée par ceux qui la servent au quotidien. Elle doit être le fruit d’une réflexion commune, non l’instrument d’une volonté isolée. Maurice est aujourd’hui à la croisée des chemins : moderniser son droit, renforcer ses institutions, ou sombrer dans la fragmentation. Le rôle des avocats est d’être plus que des praticiens : ils doivent être des gardiens du pacte social. Ce n’est donc pas seulement une question technique, mais une question de confiance, de légitimité, de patriotisme. Sans cette union, aucune réforme ne peut s’ancrer durablement dans la conscience collective.</p> <p><strong>Venons-en au Reward Money…</strong><br /> Il fut un temps où l’on croyait qu’il fallait récompenser financièrement la délation pour mieux combattre le crime. Mais la République ne peut pas s’abaisser à transformer la justice en marché, où l’information devient une monnaie et où la vérité se troque comme une marchandise. Abolir le Reward Money n’est pas une perte, c’est une purification. Car un État digne ne doit pas acheter les consciences : il doit susciter le courage, la probité, le patriotisme. La dénonciation d’un crime ne doit pas être motivée par l’appât du gain, mais par le sens du devoir. Oui, la justice a besoin d’informateurs. Mais elle ne peut s’appuyer sur des récompenses qui corrompent le geste initial. La vérité, lorsqu’elle est dite pour de l’argent, n’est plus qu’un simulacre fragile. Lorsqu’elle est dite au nom de la République, elle devient indestructible. Ainsi, en abolissant ce mécanisme, nous ne faisons pas un pas en arrière : nous restaurons la dignité de la justice et nous rappelons que servir le bien commun est une récompense en soi.</p> <p><strong>Sans les whistleblowers, la police ne pourrait-elle pas démanteler les réseaux de trafic de drogue ?&nbsp;</strong><br /> On parle souvent des whistleblowers, ces citoyens qui révèlent l’invisible, ces voix discrètes qui murmurent à la justice les secrets du crime. Ils sont utiles, parfois essentiels. Mais ne croyons pas que la police ne peut fonctionner sans eux. Un informateur est un point de départ, jamais une fin en soi. L’action policière ne peut pas se contenter d’indications : elle doit enquêter, recouper, traquer les preuves, coopérer au-delà des frontières. Sans cela, une dénonciation reste un souffle dans le vent, incapable de tenir debout devant un tribunal.</p> <p>Et soyons honnêtes : à Maurice, tout le monde sait, d’une manière ou d’une autre, où se trouvent les plaies, qui sont les acteurs, où sont les zones d’ombre. Le vrai problème n’est pas l’information, mais la volonté. La volonté de transformer ces confidences en preuves, ces murmures en condamnations, ces suspicions en vérités établies. La République ne manque pas de voix. Elle manque parfois de courage pour écouter et agir.</p> <p><strong>L’enquête sur l’affaire Reward Money a débouché sur l’arrestation de l’ex-Commissaire de police et des certains membres de la Special Striking Team, mais tous affirment que la procédure a été strictement respectée...</strong><br /> Il est des dossiers dont on parle dans les rues, dans les cafés, dans les foyers, et que l’on voudrait commenter avec passion. Mais la sagesse commande le silence : ces affaires sont encore devant les instances compétentes, et la loi, dans sa rigueur, poursuit son cours. Il faut se souvenir que la justice n’est pas un théâtre où l’on commente chaque scène, elle est une institution sévère, qui ne supporte ni l’ingérence ni le jugement prématuré. Les citoyens peuvent observer, s’indigner, espérer — mais nul ne doit oublier que, tant qu’un verdict n’est pas prononcé, l’accusé demeure innocent, et l’affaire demeure ouverte. La République se tient droite lorsqu’elle respecte ce principe. Car céder aux pressions, commenter les procès en cours, c’est miner l’autorité même de la justice. Ce qui doit prévaloir, c’est la loi — non pas nos colères ou notre impatience, mais cette sévérité impartiale qui protège le peuple en protégeant d’abord la vérité.</p> <p><strong>Le blanchiment d’argent serait-il devenu monnaie courante à Maurice, à en juger par les arrestations et les saisies de voitures vintage valant une fortune ?</strong><br /> Aujourd’hui, nul ne peut l’ignorer : le blanchiment d’argent est devenu l’une des grandes plaies de Maurice. Les saisies spectaculaires, les voitures de collection, les villas luxueuses confisquées par la justice ne sont pas des anecdotes : elles révèlent l’ampleur d’un phénomène qui s’est infiltré dans l’immobilier, le commerce de luxe, les importations, et jusque dans les veines discrètes de la finance. Mais dire que le blanchiment est devenu la norme serait une injustice envers notre pays. Ce que l’on constate, surtout, c’est que les enquêtes sont plus visibles, les mécanismes de surveillance plus vigoureux. Les projecteurs se braquent désormais sur ce qui, hier encore, se faisait dans l’ombre.</p> <p>Le défi, cependant, reste immense. Il ne suffit pas de frapper les figures visibles — celles qui roulent en voitures rutilantes et s’exposent dans le faste. Il faut atteindre les sommets des filières, les cerveaux cachés, les réseaux transnationaux. Car sinon, chaque saisie n’est qu’une victoire éphémère, vite contournée par des organisations souples, mouvantes, insaisissables. Maurice joue ici son image internationale. Notre réputation de centre financier est à la croisée des chemins : ou bien nous prouvons que la justice peut frapper jusqu’au sommet, ou bien nous laissons croire que nos lois sont des filets percés. L’avenir du pays en dépend, car la confiance internationale est une monnaie plus précieuse que l’or.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Me%20Siddharta%20Hawoldar%C2%A0%3A%20%C2%ABL%E2%80%99accusation%20provisoire%20est%20une%20pratique%20qui%20ronge%20l%E2%80%99%C3%89tat%20de%20droit%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/me-siddharta-hawoldar-laccusation-provisoire-est-une-pratique-qui-ronge-letat-de-droit&amp;2=node/177915" token="hw-jYgb60bC_VGv3epbLqzVbXACB8rBXBdbmtTOw4LM"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 05 Oct 2025 04:04:00 +0000 Jean Claude Dedans 177915 at http://defimedia.info Sunil Dowarkasing : «Maurice peut progressivement tendre vers le ‘zéro déchet’ mais…» http://defimedia.info/sunil-dowarkasing-maurice-peut-progressivement-tendre-vers-le-zero-dechet-mais <span>Sunil Dowarkasing : «Maurice peut progressivement tendre vers le ‘zéro déchet’ mais…»</span> <span><span lang="" about="/users/jjaddoo" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jameela Jaddoo</span></span> <span>sam 04/10/2025 - 08:44</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/250925_sunil.jpg?itok=7rmg9Cep" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Le ministre de l’Environnement Rajesh Bhagwan appelle à la responsabilité collective pour instaurer le tri des déchets à Maurice. Quelles sont la faisabilité et l’urgence d’une telle réforme ? Le point avec Sunil Dowarkasing, ancien Environmental Strategist.</p> <p><strong>Pourquoi, selon vous, le tri des déchets est devenu une priorité pour Maurice aujourd’hui?</strong><br /> Le tri des déchets est devenu une priorité pour plusieurs raisons étroitement liées aux contraintes environnementales, économiques et sociales de l’île Maurice. D’abord, le pays génère chaque année une quantité croissante de déchets (541&nbsp;100 tonnes en 2023), dont près de 60 à 70 % sont organiques, mais ses capacités de mise en décharge sont limitées : l’unique site principal, à Mare-Chicose, arrive à saturation, créant un risque majeur pour la gestion future.&nbsp;</p> <p>Le tri est donc devenu une priorité pour réduire les volumes à enfouir, valoriser le compostage et protéger les écosystèmes marins et terrestres. C’est une étape clé vers une gestion durable et circulaire des ressources.&nbsp;</p> <p>Sur le plan économique et social, la valorisation des déchets crée de nouvelles filières d’emplois, favorise l’économie circulaire et améliore l’image du pays qui se veut une « île durable ».&nbsp;</p> <p><strong>Quels sont les principaux problèmes environnementaux liés à l’absence de tri dans notre pays ?</strong><br /> Cela entraîne de graves conséquences environnementales. Le mélange des déchets accélère la saturation de la décharge de Mare-Chicose et provoque la pollution du sol, de l’air et de l’eau à travers les lixiviats et les gaz toxiques, sans tenir compte des risques d’incendie. Les déchets plastiques qui s’échappent finissent souvent dans l’océan, menaçant les coraux, la biodiversité marine et, par ricochet, le tourisme et la pêche.</p> <p>De plus, les déchets organiques enfouis produisent de grandes quantités de méthane, un gaz à effet de serre très puissant, alors qu’ils pourraient être valorisés en compost ou en énergie. Ainsi, l’absence de tri ne fait pas seulement perdre des ressources précieuses, elle aggrave aussi la pollution et fragilise les écosystèmes dont dépend la prospérité du pays.</p> <p><strong>Comment l’annonce du ministre Rajesh Bhagwan s’inscrit-elle dans la stratégie nationale de gestion des déchets ?</strong><br /> Maurice ne dispose pas encore d’une stratégie nationale de gestion des déchets formellement adoptée et détaillée, si je ne me trompe pas. Ce qu’on observe, ce sont plutôt : i) des annonces politiques (comme celle sur le tri à la source d’ici 2027) ; ii) des mesures ponctuelles (interdictions de certains plastiques à usage unique, projets pilotes de compostage, collectes sélectives limitées) ; iii) des intentions affichées vers une économie circulaire et une meilleure valorisation des déchets ; iv) mais pas encore un plan national intégré, avec objectifs chiffrés, calendrier clair, responsabilités précises et suivi institutionnel.</p> <p>Donc, l’annonce du ministre peut être vue comme une première étape vers l’élaboration d’une stratégie nationale, mais pour l’instant, on reste dans une logique de déclarations et projets isolés, sans cadre global adopté par le gouvernement.&nbsp;</p> <blockquote> <p>Maurice ne dispose pas encore d’une stratégie nationale de gestion des déchets formellement adoptée et détaillée.»</p> </blockquote> <p><strong>Le ministre appelle à la responsabilité « de tous »…</strong><br /> Le succès du tri à la source repose sur la responsabilité partagée de tous les acteurs de la société. Les citoyens doivent trier correctement leurs déchets, réduire leur production de déchets et sensibiliser leur entourage.&nbsp;</p> <p>Les collectivités locales ont pour rôle de mettre en place des infrastructures adaptées, d’assurer la collecte régulière et de mener des actions de sensibilisation. Les entreprises, quant à elles, doivent adopter des pratiques de production responsables, favoriser le tri au sein de leurs locaux et collaborer avec les filières de recyclage.&nbsp;</p> <p>L’État, enfin, doit définir un cadre réglementaire clair, soutenir les infrastructures et campagnes de sensibilisation, et mettre en place des mécanismes d’incitation ou de sanction pour garantir l’efficacité du système. Ainsi, l’engagement coordonné de tous permet de faire du tri à la source d’abord une réalité et ensuite une pratique durable et efficace.</p> <p><strong>Comment convaincre les Mauriciens qui sont sceptiques ou peu motivés à changer leurs habitudes ?</strong><br /> Il faut combiner information, motivation et facilité. Les stratégies concrètes doivent inclure une campagne de sensibilisation et d’information claire. Il faut montrer, avec des chiffres locaux, l’impact environnemental et économique des déchets mal gérés (pollution, coûts de traitement, perte de ressources) en utilisant des exemples concrets et visuels (avant/après, photos de plages polluées ou décharges saturées).</p> <p>Il faut simplement bien expliquer le processus du tri et pourquoi chaque geste compte en insistant sur les avantages directs pour les citoyens comme un environnement plus propre, moins de nuisances, des opportunités de recyclage pouvant générer des revenus. Il faut proposer des guides pratiques et simples à suivre, voire des applications ou rappels pour encourager le tri quotidien. Ety ajouter des incitations et encourager les engagements communautaires.</p> <p>En résumé, il ne suffit pas de dire aux gens de trier : il faut les convaincre que c’est simple, bénéfique, valorisant et soutenu par toute la communauté</p> <p><strong>Quelles sont les principales difficultés ou résistances auxquelles on peut s’attendre (manque de ressources, comportements, coût, logistique) et comment les surmonter ?</strong><br /> Le tri à la source à Maurice peut rencontrer plusieurs obstacles, tels que le manque de ressources financières et matérielles, les comportements ancrés des Mauriciens, le coût perçu du recyclage, la complexité logistique et le manque de confiance dans le système et les autorités. Pour les surmonter, il est essentiel de combiner sensibilisation et éducation, rendre les points de tri accessibles et simples d’utilisation, développer des filières locales de recyclage et de valorisation des déchets, et instaurer une transparence totale sur le traitement des déchets triés.&nbsp;</p> <p>Des incitations, la valorisation des comportements exemplaires et l’implication de la communauté permettent également de transformer le tri en habitude durable et bénéfique pour tous.&nbsp;</p> <p><strong>Quels bénéfices concrets peut-on espérer à court et moyen terme ?</strong><br /> Le tri à la source permet de réduire significativement la quantité de déchets envoyés à Mare-Chicose, prolongeant ainsi la durée de vie de la décharge et limitant la pollution locale. Le recyclage et la valorisation des matériaux, comme les plastiques, papiers et organiques, contribuent à diminuer la dépendance aux importations et à nourrir l’économie circulaire, notamment via la production de compost pour l’agriculture.&nbsp;<br /> Ce processus favorise également la création d’emplois verts dans la collecte, le tri et la transformation des déchets, tout en améliorant l’environnement et la santé publique. Enfin, il encourage un changement culturel durable, instaurant une responsabilité collective et une fierté partagée pour une île plus propre et plus durable.</p> <p><strong>Est-ce que Maurice peut envisager à long terme d’aller vers le « zéro déchet » ou une économie circulaire ?</strong><br /> Maurice peut progressivement tendre vers le « zéro déchet » et une économie circulaire en combinant tri à la source, valorisation des matériaux, innovation dans la réutilisation et réglementation incitative. En réduisant les déchets dès la production, en développant des filières locales de recyclage et en mobilisant les citoyens, l’île peut optimiser ses ressources, créer des emplois verts et protéger durablement les écosystèmes, tout en affirmant son ambition d’être une « île durable ».</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Sunil%20Dowarkasing%20%3A%C2%A0%C2%ABMaurice%20peut%20progressivement%20tendre%20vers%20le%20%E2%80%98z%C3%A9ro%20d%C3%A9chet%E2%80%99%20mais%E2%80%A6%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/sunil-dowarkasing-maurice-peut-progressivement-tendre-vers-le-zero-dechet-mais&amp;2=node/177507" token="Zuxo_CTDD--d9HL9EljSlFvGr0bf5zI5tkw90IEJ_As"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 04 Oct 2025 04:44:00 +0000 Jameela Jaddoo 177507 at http://defimedia.info Jocelyn Chan Low : «Le PM a tout intérêt à faire traîner la réforme électorale» http://defimedia.info/jocelyn-chan-low-le-pm-tout-interet-faire-trainer-la-reforme-electorale <span>Jocelyn Chan Low : «Le PM a tout intérêt à faire traîner la réforme électorale»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>dim 21/09/2025 - 08:30</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/240725_jocelyn.jpg?itok=E8CD7m8F" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>S’il considère que le Best Loser System est devenu superflu et obsolète en 2025, l’observateur politique Jocelyn Chan Low estime également que le Parti travailliste (PTr) reste réticent à une réforme électorale incluant une dose de proportionnelle. Selon lui, Navin Ramgoolam aurait tout intérêt à faire traîner le sujet.<br /> <br /> <strong>La question de la réforme électorale revient sur le tapis.&nbsp;Bis repetita ?&nbsp;</strong><br /> Bis repetita, si l’on considère les nombreuses occasions où&nbsp;ce sujet a été évoqué, que ce soit à l’Assemblée nationale où à&nbsp;travers divers rapports d’experts – Sachs, Carcassone, Sithanen – sans oublier les débats dans l’espace médiatique. La différence aujourd’hui est que c’est le Deputy Prime Minister (DPM), issu d’un gouvernement 60-0, détenant une majorité au-delà des trois quarts nécessaires pour toute modification profonde de la Constitution, qui relance le débat&nbsp;et qui a donc les moyens de faire aboutir le projet de réforme.&nbsp;</p> <p>Cette question revient régulièrement parce que des dysfonctionnements reconnus sont présents dans notre système électoral. Par exemple, à trois reprises, un 60-0 a été enregistré à Maurice, alors même que l’équipe perdante recueillait plus de 25 % des voix exprimées. Le système First-Past-The-Post (FPTP) amplifie de manière démesurée le nombre de sièges au regard du nombre de votes obtenus par le vainqueur.&nbsp;</p> <p>De plus, dans un système parlementaire à la Westminster, l’opposition est une pièce maîtresse. Pourtant, le leader de l’opposition nationale au sens large du terme provient à chaque fois du Best Loser System (BLS), qui est un mécanisme ethnique.</p> <p><strong>Que ce soit le Mouvement socialiste militant (MSM) ou le PTr, ils ne semblent pas très enthousiastes à l’idée d’une réforme électorale…&nbsp;</strong><br /> Effectivement. En 1956, la proposition des Britanniques d’introduire un système électoral basé sur la proportionnelle a été farouchement combattue par le PTr. Ensuite, le parti s’est opposé au rapport Banwell, en raison d’une forme de Proportionnal Representation (PR) qu’il souhaitait intégrer par un « variable corrective ». Et ce fut en raison de l’opposition du MSM que&nbsp;&nbsp;le gouvernement MSM/MMM ne put réformer le système électoral.</p> <p>C’est un fait que l’électorat du MSM, en général, est peu favorable à une réforme introduisant une forte dose de proportionnelle. Il y a aussi une partie de l’électorat du PTr&nbsp;qui n’est pas favorable&nbsp;à&nbsp;l’abolition du BLS. Cependant, la réforme électorale fait partie de l’accord électoral entre le Mouvement militant mauricien (MMM), Rezistans ek Alternativ (ReA) et le PTr. Elle figure en bonne place dans le&nbsp;programme électoral de l’Alliance du Changement. Let’s wait and see…</p> <p><strong>Paul Bérenger a toujours milité pour l’introduction d’une dose de proportionnelle. Est-ce pour assurer la survie du MMM ?&nbsp;</strong><br /> Ce n’est pas surprenant parce que le MMM, et principalement Paul Bérenger, a été dans l’opposition la majeure partie de&nbsp;son histoire politique. Les défaites successives du parti aux diverses élections générales lui ont démontré&nbsp;à&nbsp;quel point le système FPTP est injuste envers les perdants, en accordant peu de sièges malgré le nombre d’électeurs&nbsp;les ayant soutenus.</p> <p>Réformer le système électoral, surtout en introduisant une forte dose de proportionnelle, aura un impact direct sur la vie politique du pays. Cela rendra plus difficile l’obtention d’une majorité par un seul parti, fut-il dominant, et renforcera le rôle des partis d’appoint, surtout si&nbsp;la nouvelle formule favorise les alliances post-électorales au détriment d’alliances&nbsp;pré-électorales.</p> <p><strong>Le BLS a fonctionné pendant presque 60 ans. Faut-il l’abolir ?&nbsp;</strong><br /> Le BLS est un mécanisme construit à la va-vite&nbsp;par John Stonehouse, un&nbsp;«&nbsp;make shift arrangement&nbsp;»&nbsp;créé pour sortir de la crise provoquée par le rejet du&nbsp;&nbsp;rapport Banwell. Les Britanniques, tout au long du processus d’évolution constitutionnelle de Maurice depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, voulaient&nbsp;à&nbsp;tout prix éviter d’inscrire le communalisme dans la Constitution du pays. &nbsp;Le BLS avait donc été conçu pour être&nbsp;temporaire.&nbsp;</p> <p><strong>Pouvez-vous développer ?&nbsp;</strong><br /> Dès 1958, quand il avait été question d’un «&nbsp;good loser system&nbsp;», le Colonial Office soulevait des questions éthiques : est-il juste qu’un perdant soit repêché pour siéger à&nbsp;la législature&nbsp;? Il y a eu des cas aberrants, comme celui d’un Best Loser nommé alors qu’il n’avait récolté que 10 % à 15 % des voix exprimées. Aujourd’hui, le BLS est devenu une aberration pour plusieurs raisons.&nbsp;</p> <p>Premièrement, ce n’est que dans le Schedule relatif au BLS que la notion de communautés existe officiellement à Maurice. Or, cette division de la société mauricienne est très arbitraire. Deuxièmement, dès 1983, la notion de communauté a disparu des questionnaires utilisés pour le recensement&nbsp;; le calcul du BLS se base toujours sur les données de 1972. Ce qui est une complète aberration.</p> <p>Enfin, comme on&nbsp;a pu le constater dans plusieurs rapports&nbsp;conduits sur le&nbsp;système électoral de Maurice, la représentation des différents groupes de la société est déjà prise en compte dans les listes de candidats que les partis présentent aux électeurs. Le BLS est donc superflu et obsolète.</p> <p><strong>Comment assurer alors une bonne représentativité des communautés minoritaires ?&nbsp;</strong><br /> Les partis politiques veillent déjà à obtenir des votes de toutes les composantes de la société mauricienne. Il n’existe pas de mécanisme imposant une représentation précise des groupes dans le Cabinet ministériel. Pourtant, cela se fait pour des raisons politiques. Avec l’introduction d’une dose&nbsp;de proportionnelle, tous seront représentés, même sans le BLS.</p> <p><strong>On sait que feu Sir Abdool Razack Mohamed avait imposé comme condition à Sir Seewoosagur Ramgoolam de le&nbsp;soutenir pour avoir notre indépendance en maintenant le BLS. Ce chantage n’a plus sa raison d’être aujourd’hui, selon vous ?&nbsp;</strong><br /> Le contexte était très différent à l’époque, à la veille de l’indépendance du pays. Aujourd’hui, le CAM (Comité d’Action Musulman) a disparu et son petit-fils est un des dirigeants du PTr…&nbsp;</p> <p><strong>Qu’en est-il de l’appellation «&nbsp;Population Générale&nbsp;»&nbsp;? N’est-il pas temps de la reclasser comme une communauté parmi les quatre autres ?&nbsp;</strong><br /> La «&nbsp;Population Générale&nbsp;»&nbsp;est bien l’une des quatre communautés reconnues&nbsp;et définies dans le Schedule de la Constitution relatif au BLS.&nbsp;</p> <p><strong>Mais les Nations unies ont récemment affirmé que cette «&nbsp;Population&nbsp;» dite «&nbsp;Générale&nbsp;» n’existe pas à Maurice, car elle ne repose sur rien de tangible.&nbsp;Votre opinion ?&nbsp;</strong><br /> Il faut remonter dans l’histoire pour comprendre la notion&nbsp;de «&nbsp;Population Générale&nbsp;» qui devait initialement définir l’ensemble de la population. Après la fin officielle de la discrimination raciale en 1829 et de l’esclavage en 1835, la société mauricienne était divisée, sous l’occupation française, en trois groupes distincts régis par des lois différentes&nbsp;: Blancs, libres de couleur et esclaves.&nbsp;</p> <p>Mais avec la libération des esclaves, les Britanniques ont créé le groupe des ex-apprentis pour&nbsp;«&nbsp;monitor&nbsp;»&nbsp;cette population. Cette catégorie a disparu en 1861 et le groupe intégré&nbsp;à&nbsp;la population générale. Avec l’arrivée des engagés de sucre, la catégorie&nbsp;«&nbsp;Indian&nbsp;»&nbsp;a été créée pour&nbsp;«&nbsp;monitor&nbsp;»&nbsp;cette population, mais elle ne concernait alors que les engagés du sucre.&nbsp;</p> <p>Ainsi, en 1846, les Indiens n’étant pas des engagés du secteur sucre de même que les Chinois étaient décrits comme faisant partie de la population générale. De ce fait, la «&nbsp;Population Générale&nbsp;» est l’ensemble de la population, sauf les groupes qu’il fallait suivre de près pour des raisons administratives. Tout cela n’avait rien&nbsp;à&nbsp;voir avec la religion ou l’identité. Ce qui pousse certains à dire qu’au fond, nous sommes tous membres d’une «&nbsp;general population&nbsp;».&nbsp;</p> <p><strong>Le DPM a proposé 60 élus, dont 20 sur la liste proportionnelle et quatre Best Losers. Ne risque-t-on pas d’avoir des candidats «&nbsp;colleurs d’affiches&nbsp;» sur cette liste pour services rendus au lieu de&nbsp;professionnels ?&nbsp;</strong><br /> Les critères pour être inclus dans la liste proportionnelle seront-ils différents de ceux de la liste des candidats dans les circonscriptions, surtout si un parti veut séduire l’électorat&nbsp;? Pour ce qui est la loyauté indéfectible&nbsp;envers des leaders inamovibles et tout-puissants, n’est-ce pas déjà le cas&nbsp;?&nbsp;</p> <p>Ce qu’il faut surtout exiger, c’est qu’on ne retrouve pas certains noms sur les deux listes. Cela avait été envisagé par certains leaders de partis il y a quelques années. «&nbsp;Entrench&nbsp;»&nbsp;les leaders des partis de cette manière serait une grave entorse à la démocratie.&nbsp;</p> <p><strong>Roshi Bhadain a proposé quelques idées, dont deux élus par circonscription et 20 sur la liste proportionnelle. Ne tourne-t-on pas en rond ?</strong><br /> En 1958, Trustram Eve avait proposé un découpage en 40 circonscriptions à membre unique («&nbsp;one member constituency&nbsp;»). Son rapport avait été adopté. Si l’on réduit le nombre de députés élus au FPTP, cette formule mérite d’être étudiée.&nbsp;</p> <p><strong>Une autre proposition du Reform Party concerne la limitation à deux mandats pour un Premier ministre (PM) et l’élection d’un président de la République par le peuple et non par l’Assemblée nationale. Deviendrions-nous finalement une République à la française ?&nbsp;</strong><br /> La limitation des mandats d’un PM est plus que nécessaire. Il faut aussi trouver d’autres&nbsp;&nbsp;moyens pour prévenir l’émergence de dynasties politiques. Mais l’élection d’un Président par suffrage universel pourrait engendrer une grande instabilité voire une crise constitutionnelle. Un Président et un PM détiennent tous deux la légitimité des urnes. Comment se passerait la cohabitation en cas de&nbsp;divergences&nbsp;?&nbsp;</p> <p><strong>La réforme électorale est-elle mort-née&nbsp;?&nbsp;</strong><br /> Il est trop tôt&nbsp;pour le dire. Le débat vient à peine d’être relancé et la réforme figure dans le programme électoral d’une alliance qui détient plus de trois quarts des sièges nécessaires à l’Assemblée nationale. Par contre, il est certain que c’est le MMM&nbsp;qui, depuis des décennies, milite pour une réforme électorale devant inclure une bonne dose de proportionnelle. Toutefois, le parti mauve ne pourra rien «&nbsp;achieve&nbsp;» sans le PTr qui, lui, a été moins enthousiaste&nbsp;sur le sujet.&nbsp;</p> <p>L’aboutissement de la réforme dépendra donc de la santé et du&nbsp;maintien de l’alliance entre les divers partis au pouvoir. Je crois que le PM et leader du PTr a tout intérêt à faire traîner les choses sur la réforme électorale.&nbsp;</p> <p><strong>En tant qu’observateur politique et ex-chargé de cours, comment interprétez-vous l’action de la police envers le journaliste Narain Jasodanand ?&nbsp;</strong><br /> Si on se fie à ce qui a été rapporté&nbsp;dans la presse, c’est tout simplement scandaleux. Cela démontre la présence d’une certaine culture et de pratiques foncièrement&nbsp;antidémocratiques chez certains dans la force policière. Heureusement qu’il y a eu une levée de boucliers contre le retour de ces pratiques indignes d’un État démocratique.&nbsp;Attendons la suite de l’affaire pour y voir plus clair dans cette sombre histoire.</p> <p><strong>Le DPM et l’Attorney General ont exigé des explications formelles du Commissaire de police (CP). Ces deux hommes ne seraient-ils pas en train de marcher sur des plates-bandes qui ne seraient pas les leurs au niveau du protocole ?&nbsp;</strong><br /> Effectivement. Une spécificité de la Constitution dit que le CP est «&nbsp;supreme in operational matters&nbsp;». À première vue, il est effectivement question d’une opération de police. En revanche, comment peut-on arrêter une personne sur la base de la simple dénonciation d’une tierce personne, qu’il soit un&nbsp;«&nbsp;nepo-kid&nbsp;»&nbsp;ou pas, sans enquête préalable&nbsp;? S’il y a des abus, le DPM et l’Attorney General ont le devoir d’exiger des explications.&nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Jocelyn%20Chan%20Low%20%3A%20%C2%ABLe%20PM%20a%20tout%20int%C3%A9r%C3%AAt%20%C3%A0%20faire%20tra%C3%AEner%C2%A0la%20r%C3%A9forme%20%C3%A9lectorale%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/jocelyn-chan-low-le-pm-tout-interet-faire-trainer-la-reforme-electorale&amp;2=node/177274" token="c0WNqk-NK_99A46iQWMhsdXLHPWY7_iPBVLvP2O5hBo"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 21 Sep 2025 04:30:00 +0000 Jean Claude Dedans 177274 at http://defimedia.info Khushal Lobine : «Il faut aller plus vite et plus loin avec l’Appointments Committee» http://defimedia.info/khushal-lobine-il-faut-aller-plus-vite-et-plus-loin-avec-lappointments-committee <span>Khushal Lobine : «Il faut aller plus vite et plus loin avec l’Appointments Committee»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>dim 07/09/2025 - 06:30</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/khushal_lobine_3.jpg?itok=3HnMPnrq" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Alors que des nominations alimentent les critiques, Khushal Lobine, leader de Nouveaux Démocrates, presse le gouvernement à aller « plus vite et plus loin avec la création de l’Appointments Committee ». Il estime que cela permettrait de réduire les soupçons de passe-droit et garantirait que la méritocratie reste le critère absolu pour toute nomination. Il se positionne aussi aux côtés des femmes au foyer et des travailleurs manuels en attente de leur Basic Retirement Pension.&nbsp;</p> <p><strong>Vous en êtes à votre deuxième mandat. Cela vous fait quoi ?&nbsp;</strong><br /> Je suis honoré et extrêmement reconnaissant envers les habitants de la circonscription n° 15 (La Caverne/Phœnix) pour leur confiance. C’est avec beaucoup d’humilité et un sens du devoir que je les représente au sein pour un second mandat consécutif à l’Assemblée nationale. Cette circonscription où j’habite est un microcosme du pays, un lieu où toutes les communautés vivent en symbiose. Elle incarne pleinement le vivre-ensemble et le mauricianisme.&nbsp;</p> <p>Être élu à deux reprises, aux élections générales de 2019 et 2024, et en tête de liste, confère à mon action politique et sociale un sentiment profond de patriotisme et de responsabilité. Je demande au bon dieu le courage et la santé pour donner le meilleur de moi-même, au service du bien-être de ma circonscription et du pays.&nbsp;</p> <p><strong>Vous êtes bien apprécié par vos pairs pour vos interventions à l’Assemblée nationale sur des sujets spécifiques. Votre prestance aurait-elle un lien avec votre métier d’avocat ?</strong><br /> Merci pour ces bons mots. Mon engagement politique s’est forgé depuis mon enfance. J’ai toujours été passionné par des figures politiques, comme sir Seewoosagur Ramgoolam, Emmanuel Anquetil et Guy Rozemont, qui ont façonné le destin de notre pays. Plus tard, au collège Royal de Curepipe, j’ai découvert, à travers la lecture et un engouement pour les documentaires télévisés, des colosses politiques qui m’ont inspiré comme Atal Bihari Vajpayee et Abdul Kalam.&nbsp;</p> <p>Durant mes études de droit en Angleterre, mon adhésion à la Young Fabian Society m’a permis de m’inspirer de personnalités comme Tony Benn, Jeremy Corbyn, Ken Livingstone – tout en restant critique envers d’autres. J’admirais aussi Tony Blair, mais j’ai été extrêmement déçu quand il a pris une position condamnable sur la guerre et l’invasion de l’Irak. J’étais farouchement opposé à cette guerre. Je suis contre toute forme de violence à travers le monde.&nbsp;</p> <p>Razack Peeroo, qui a été mon « pupil master » et mentor que je côtoie depuis plus de 20 ans, reste une référence pour moi. Ce grand politicien et fin intellectuel est une source d’inspiration. Ses connaissances politiques et sociétales m’ont grandement aidé à forger ma personnalité et à devenir l’homme politique que je suis maintenant.&nbsp;</p> <p>En somme, je suis un passionné de la politique et des grandes thématiques géopolitiques de ce monde. Je le fais par conviction. Le métier d’avocat me donne un sens de direction, ainsi qu’une indépendance de penser et d’agir.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi avoir choisi de céder votre place de ministre à Richard Duval ?&nbsp;</strong><br /> Lorsque j’ai cofondé Les Nouveaux Démocrates avec des amis – qui se reconnaîtront – ainsi qu’avec Véronique Leu-Govind, Zaphir Futloo et Julien Permal, tout en étant rejoint par Richard Duval dans notre parti, notre objectif primaire était de sauver la démocratie, qui avait pris un sale coup. En 2024, la population réclamait un changement.&nbsp;</p> <p>Notre engagement à l’époque au sein de l’alliance avec le Parti travailliste et le Mouvement militant mauricien était sans condition. Le parti avait délégué Richard Duval pour nous représenter comme porte-parole de cette alliance. La prérogative de nommer des ministres après les élections revenait au Premier ministre.&nbsp;</p> <p>Pour ma part, je suis pleinement investi dans mon rôle de député pour servir ma circonscription. C’est un privilège inouï de pouvoir poser des questions à l’Assemblée nationale et d’aborder des sujets touchant autant le pays que des enjeux internationaux.&nbsp;</p> <p>En tant que leader de Nouveaux Démocrates, j’ai l’occasion de parcourir le pays et de dialoguer avec le peuple. Notre objectif est de faire grandir notre parti, de devenir une force politique nationale et de donner au peuple une alternance politique moderne. Nous défendons un nouveau contrat économique et social, où l’écologie devient un moteur d’innovation et de résilience, s’opposant à un modèle néolibéral et capitaliste traditionnel, que je considère dépassé.&nbsp;</p> <p>Le parti Nouveaux Démocrates a franchi un cap en matière d’organisation. Il a structuré ses commissions autour de la démocratie, de l’écologie et de la méritocratie. Nous avons également développé des assises solides dans diverses régions du pays. Nous travaillons aussi à l’international avec des organisations et mouvances politiques qui partagent nos valeurs universelles en matière de droits de l’homme, de paix, de non-violence, de respect de la race humaine, d’écologie et de démocratie.&nbsp;</p> <p><strong>Êtes-vous satisfait du nombre d’arrivées touristiques durant ces neuf premiers mois du gouvernement au pouvoir ?&nbsp;</strong><br /> Le tourisme, pilier de l’économique du pays, doit &nbsp;continuer à se réinventer dans un contexte où la compétition devient de plus en plus féroce. Consolider nos marchés traditionnels, comme la France et l’Europe, reste primordial. Attirer davantage de touristes d’Asie – plus particulièrement de Chine, Japon et Corée du Sud, des marchés porteurs d’espoir – demeure, à mon humble avis, réalisable.&nbsp;</p> <p>Pour cela, Maurice doit offrir un environnement accueillant et diversifié pour promouvoir le tourisme culturel et écologique, entre autres. Je plaide aussi pour des initiatives visant à attirer davantage de touristes du Moyen-Orient. Pour cela, il faudra rendre la marque «&nbsp;Maurice » plus attractive et compétitive.&nbsp;</p> <p><strong>Le secteur touristique souffre d’un manque de main-d’œuvre locale, remplacée par des étrangers qui n’ont ni la même approche, ni le sourire que nos jeunes professionnels. Cela représente-t-il un danger pour le secteur à court et moyen termes ?&nbsp;</strong><br /> Je suis d’accord avec vous. On ne peut pas remplacer le sourire, l’hospitalité et la courtoisie mauriciens. Cela dit, il est crucial de comprendre pourquoi les Mauriciens s’engagent de moins en moins dans des métiers du tourisme. Il y a en ce moment des assises de l’emploi. Ce sujet devrait y être abordé. Mais c’est primordial de tenir des Assises du tourisme pour identifier les failles et préparer notre industrie touristique aux défis à venir, notamment ceux liés aux changements climatiques.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi le n° 1 et le n° 3 de la Banque de Maurice (BoM) n’ont-ils pas réglé leurs différends en interne, plutôt que de les étaler sur la place publique ?&nbsp;</strong><br /> J’ai suivi cette affaire dans les médias. Il est, selon moi, préférable d’éviter ce type de déballages publics. Le dialogue, les compromis et l’intérêt supérieur du pays ainsi que l’image de notre juridiction, doivent primer. Il y va de notre réputation en tant qu’État démocratique et centre financier international.</p> <p><strong>Certaines nominations ont déplu au n° 2 du gouvernement, qui s’en est plaint publiquement. Est-ce le signe du début d’une guerre larvée au sein du gouvernement ?&nbsp;</strong><br /> Non, je ne suis pas de cet avis. Dans une démocratie, la liberté d’expression est essentielle. Chacun doit pouvoir s’exprimer. C’est sain à la fois pour la démocratie et le gouvernement en place. Celui-ci a un gros chantier à mettre en œuvre pour bâtir une île Maurice moderne, un État océan exemplaire, en travaillant avec rigueur, discipline et à l’écoute de la population. Après tout, la voix du peuple, c’est la voix de Dieu.&nbsp;</p> <p><strong>Quand l’Appointments Committee tant promis verra-t-il le jour, alors que des nominations d’amis et de proches du pouvoir semblent de retour ?&nbsp;</strong><br /> Légitimement, la méritocratie et la transparence doivent primer lors de toute nomination. Celles et ceux qui sont nommés sont payés par l’argent des contribuables. C’est pourquoi je dis qu’il faut aller au plus vite et plus loin avec la création d’un Appointments Committee, comme c’est prévu dans le programme gouvernemental.&nbsp;</p> <p>Un tel comité permettrait de réduire les soupçons de passe-droit. Il garantirait que la méritocratie reste le critère absolu pour toute nomination. Ce mécanisme est déjà en vigueur dans plusieurs pays du Commonwealth dotés d’un système westministérien similaire au nôtre.</p> <p><strong>Paul Bérenger semble régler des comptes à certains à travers des conférences de presse. Cela vous inspire quoi ? Prépare-t-il une sortie du gouvernement ou voudrait-il secouer les arbres pour redresser la situation ?</strong><br /> À chacun son style et sa façon de faire, forgés par son expérience. Paul Bérenger domine la scène politique depuis les années 1970. Il appartient à cette génération d’hommes et de femmes qui, grâce à leur vécu, peuvent partager leurs expériences à travers l’écriture et la rédaction d’autobiographies. Ces témoignages offrent aux nouvelles générations de politiciens, de tous horizons, une perspective sur l’évolution de la politique, tant sur le plan de la communication et des mouvements politiques que sur les thématiques idéologiques qui ont marqué leur époque.</p> <p><strong>Il y a eu récemment la nomination de Senior Counsels et de Senior Attorneys, ce qui a suscité des contestations. Sans préjuger de la décision que rendra la Cour, quel est, selon vous, votre avis en tant qu’avocat sur cette polémique ?</strong><br /> La Law Practitioners Act, en vigueur depuis plus de 40 ans, nécessite une révision urgente. Les titres de Senior Counsel et de Senior Attorney restent avant tout honorifiques et reflètent un héritage colonial. Il est nécessaire de revoir la manière dont ces distinctions sont attribuées.</p> <p>Dans une République souveraine et démocratique, la doctrine de la séparation des pouvoirs doit s’appliquer clairement et sans ambiguïté. Je ne vois pas d’un bon œil que le Judiciaire et l’Exécutif interviennent conjointement pour nommer des professionnels censés exercer une fonction indépendante et libérale. C’est un fait, tout le monde connaît tout le monde à Maurice. Comment « empêcher » la perception de favoritisme, surtout en l’absence de critères transparents et clairement définis.</p> <p>Selon cette perspective, ce sont les avocats, avoués, la Mauritius Bar Association et la Law Society qui devraient, en vertu de la loi, mettre en place un panel indépendant chargé d’évaluer les candidats et de décider de l’attribution de ces titres honorifiques. Tout membre de la profession répondant aux critères établis pourrait ainsi prétendre légitimement à ces distinctions.</p> <p><strong>Aujourd’hui, les pratiques en vigueur restent largement influencées par des vestiges du colonialisme, en contradiction avec les valeurs républicaines de souveraineté et de démocratie que prône notre pays.&nbsp;<br /> La rue gronde proteste contre la réforme de la Basic Retirement Pension. Est-ce une erreur de jugement de la part du gouvernement d’avoir imposé ce changement sans consultations ?</strong><br /> Le débat autour de la réforme des pensions reste d’actualité, et j’attends également la mise en place du comité d’experts indépendants, qui consultera certainement la société civile. La dignité de nos aînés et la justice sociale doivent guider les décisions futures. Il est primordial de prendre en considération la santé mentale des travailleurs manuels et des femmes au foyer.</p> <p>Les actions et décisions visant à améliorer le quotidien des personnes franchissant le cap des 60 ans doivent être une priorité. La réforme de la BRP doit se faire à visage humain, dans le dialogue, avec une approche globale et systémique. Il y a une affaire en Cour, attendons de voir ce qui en découlera.</p> <p>Quant à ma position sur la BRP, je me suis exprimé depuis le tout début et j’ai pris position aux côtés des femmes au foyer et des travailleurs manuels, entre autres, qui atteignent l’âge de 60 ans en espérant toucher leur pension.</p> <p><strong>À la Santé, la tension monte entre le ministre Bachoo et certains médecins. A-t-il pris un risque en confrontant directement la profession ? Il reproche à certains praticiens de négliger le service public pour privilégier les cliniques privées. Si tel est le cas, quelle serait la solution : appliquer des sanctions ? Les licencier malgré le manque d’effectifs criant dans nos hôpitaux ?</strong><br /> Le ministre Anil Bachoo accomplit un travail colossal pour le bien-être des usagers des hôpitaux publics, tout comme les médecins, qui déploient des efforts considérables pour maintenir un niveau de qualité au sein de nos établissements.</p> <p>Il reste néanmoins un important travail de gestion et de management à accomplir dans les hôpitaux publics, une tâche à traiter sans délai. Une fois encore, la bonne volonté du ministre Bachoo permet de redresser un système dépassé. Une approche professionnelle et basée sur le dialogue avec tous les acteurs concernés demeure la solution pour atteindre un objectif commun : offrir un service de santé efficace, respectueux des patients, et garantir un système hospitalier public digne de ce nom pour notre pays.</p> <p><strong>Après Pravind Jugnauth, c’est désormais au tour de son épouse, Kobita, de comparaître devant la FCC dans l’affaire des valises remplies d’argent. Certains estiment qu’il s’agit d’un retour de manivelle de la part du Premier ministre…&nbsp;</strong><br /> Contrairement à ce qui se pratiquait auparavant, je constate que les enquêtes se déroulent désormais dans le respect de chacun, conformément aux dispositions de la loi et de notre Constitution. À ma connaissance, il n’y a aucune interférence dans le déroulement des investigations, et cela doit continuer ainsi.</p> <p><strong>En tant qu’homme de loi, pensez-vous que la FCC se retrouve déjà débordée par cet important volume de dossiers, dont certains sont particulièrement complexes ?</strong><br /> La création d’une National Crime Agency, dotée de moyens et d’un personnel qualifié et équipé pour prendre le relais de la FCC, est souhaitable au plus vite, dès la rentrée parlementaire. C’est un dossier que j’aborderai. Face au nombre record d’arrestations, la FCC est débordée, et c’est pour cette raison que des amendements ont été apportés à la FCC Act afin de favoriser une meilleure collaboration avec la force policière en matière d’enquête. Mais comment agir quand la police elle-même est secouée par le scandale du ‘reward money’ ?</p> <p><strong>Il existait auparavant le ‘United Revenue Board’, qui surveillait tout signe extérieur de richesse et agissait en conséquence. Pourquoi ne pas le reconstituer ?</strong><br /> Aujourd’hui, des institutions comme la MRA, la FIU et même la FCC sont mandatées, selon les dispositions des lois existantes, pour œuvrer dans cette perspective. Mais la tâche devient de plus en plus complexe et sophistiquée, face à des individus ayant des comptes et des richesses accumulées dans d’autres juridictions, ce qui rend le travail des institutions d’investigation à Maurice encore plus difficile.</p> <p><strong>Le Reward Money : ne serait-ce que le sommet de l’iceberg malgré toutes ces arrestations ?</strong><br /> Oui, c’est scandaleux, et je souhaite que les enquêtes se fassent dans les moindres détails, car il en va de la réputation de notre force policière et du pays. Mais surtout pour les milliers de femmes et d’hommes policiers honnêtes qui travaillent dur dans des conditions difficiles et exigeantes. Je suis de tout cœur avec cette majorité de policiers intègres, et œuvrer pour améliorer leurs conditions de travail reste, à mes yeux, une étape cruciale dans la réforme nécessaire au sein de la force policière.</p> <p><strong>Pourquoi certains dossiers, notamment celui de l’agent du MSM Soopramanien Kistnen, entre autres, n’ont-ils pas été rouverts, comme cela avait été promis par l’Alliance du Changement ?</strong><br /> Autant que je sache, des équipes ont déjà été constituées, et le travail se poursuit pour élucider des crimes atroces qui restent à ce jour non résolus.</p> <p><strong>En proposant des élections villageoises probables pour la fin de l’année, ne craignez-vous pas un retour du MSM et un revers pour le gouvernement, avec des dossiers tels que la réforme de la BRP, le prix du fioul qui n’a baissé que de quelques roupies, la cherté de la vie, malgré des subsides sur cinq produits, entre autres ?</strong><br /> Pas du tout, au contraire. Une loi est en préparation concernant les collectivités locales, et, dans la pure tradition des élections villageoises, ce sont les habitants de différents bords politiques qui se regroupent pour défendre les intérêts de leurs villages et localités. C’est ainsi que fonctionne la démocratie à l’échelle régionale.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Khushal%20Lobine%20%3A%20%C2%ABIl%20faut%20aller%20plus%20vite%20et%20plus%20loin%20avec%20l%E2%80%99Appointments%20Committee%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/khushal-lobine-il-faut-aller-plus-vite-et-plus-loin-avec-lappointments-committee&amp;2=node/176634" token="RSF_hkmBuoaZd5_Ptl54vRN0xGdkSzf64q9eQj7Pmik"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 07 Sep 2025 02:30:00 +0000 Jean Claude Dedans 176634 at http://defimedia.info Moazzam Begg, ex-détenu de Guantanamo : «Diego Garcia est une pièce cachée de la machine de torture américaine» http://defimedia.info/moazzam-begg-ex-detenu-de-guantanamo-diego-garcia-est-une-piece-cachee-de-la-machine-de-torture-americaine <span>Moazzam Begg, ex-détenu de Guantanamo : «Diego Garcia est une pièce cachée de la machine de torture américaine»</span> <span><span lang="" about="/users/edinally" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Eshan Dinally</span></span> <span>dim 31/08/2025 - 08:17</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/ex_detenu_begg.jpg?itok=KTQ7BywT" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Moazzam Begg, Britannique d’origine pakistanaise, a été détenu sans inculpation entre 2002 et 2005 à Bagram puis à Guantanamo. Depuis sa libération, il s’est imposé comme une voix majeure de la défense des droits humains et des victimes de la « guerre contre le terrorisme ». En visite à Maurice, il a accordé un entretien au Défi Plus.&nbsp;<br /> <br /> <strong>Pouvez-vous décrire votre arrestation au Pakistan ?&nbsp;</strong><br /> C’était le 31 janvier 2002. On a frappé à ma porte. J’étais chez moi, au Pakistan, avec ma femme et mes enfants. Lorsque j’ai ouvert, un groupe d’hommes a fait irruption. Aucun n’était en uniforme. Aucun n’avait de pièce d’identité sur lui. L’un d’eux a appuyé un pistolet contre ma tête. Ils ont envahi ma maison, m’ont attaché les mains dans le dos, menotté les jambes, m’ont forcé à me coucher par terre et m’ont passé un sac sur la tête.&nbsp;</p> <p><strong>Qui étaient ces hommes ?&nbsp;</strong><br /> À l’époque, ils ne se sont pas présentés. Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’il s’agissait d’agents des services de renseignements pakistanais. Ils m’ont jeté dans une voiture et lorsque le sac a été brièvement levé, j’ai aperçu deux Américains à l’intérieur. Ils étaient habillés comme des Pakistanais. Ils m’ont dit clairement : « Vous pouvez répondre à nos questions ici ou vous pouvez le faire à Guantanamo. » À ce moment-là, j’ai compris qu’il s’agissait de la CIA.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi avez-vous été arrêté ?&nbsp;</strong><br /> En 2001, je vivais en Afghanistan avec ma famille. Nous avions lancé un projet humanitaire : construire des écoles et creuser des puits dans des zones frappées par la sécheresse. Je suis resté environ sept ou huit mois, jusqu’au déclenchement de la guerre – l’invasion américaine, les bombardements – et nous avons fui au Pakistan, d’où mes parents étaient originaires.&nbsp;</p> <p>Mais à cette époque, les Américains offraient des primes pour toute arrestation. Des millions de tracts étaient largués au Pakistan et en Afghanistan : « Livrez-nous un suspect et vous recevrez 5 000 dollars. » Des villageois pauvres ont commencé à livrer des étrangers – des musulmans – pour toucher la récompense : Arabes, Pakistanais, Turcs, n’importe qui. C’était le contexte.&nbsp;</p> <p><strong>À ce point-là ?&nbsp;</strong><br /> Oui. La majorité de ceux qui avaient été remis aux Américains – environ 800 personnes – a fini à Guantanamo. Beaucoup ont été « vendus » pour la prime. La plupart étaient innocents. Je dirais que la majorité l’était. Ils n’ont jamais été inculpés, jugés ou condamnés. J’étais de ceux-là. Je n’ai été accusé d’aucun crime.&nbsp;</p> <p><strong>Comment se déroulait la vie quotidienne à Guantanamo ?&nbsp;</strong><br /> Elle traversait plusieurs phases. J’ai passé la majeure partie de mon temps en isolement. Mais avant Guantanamo, j’avais été détenu pendant un an à la prison de Bagram, en Afghanistan, administrée par les États-Unis. Là-bas, j’ai été témoin de la mort de deux prisonniers battus par des soldats américains.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi ont-ils été tués ?&nbsp;</strong><br /> Dans le premier cas, un homme avait tenté de s’évader. Dans le second, ce fut beaucoup plus brutal. Les soldats semblaient s’amuser du fait qu’à chaque fois qu’ils le frappaient, il criait « Allah, Allah ». Ils lui ont infligé plus de 200 coups sur les jambes, jusqu’à ce que le sang coagule et que son artère cesse de fonctionner. Il en est mort.&nbsp;</p> <p>Je n’ai découvert l’ampleur complète qu’après coup, en lisant les rapports d’autopsie après ma libération. Un documentaire a même été réalisé sur lui, « Taxi to the Dark Side », lequel a remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2008. Il raconte l’histoire du prisonnier que j’ai vu mourir – un homme battu à mort parce que des soldats se moquaient de ses cris adressés à Allah.</p> <p><strong>Et vous, personnellement, qu’avez-vous vécu ?&nbsp;</strong><br /> J’ai été soumis à des abus psychologiques et physiques constants. On diffusait le cri d’une femme dans la cellule voisine tout en me montrant des photos de ma femme et de mes enfants, me faisant croire qu’il leur était arrivé quelque chose. Comme tous les prisonniers, j’ai été dépouillé de mes vêtements, battu, craché dessus par des soldats américains. On m’a rasé les cheveux et la barbe. On m’a craché dessus et même uriné dessus. J’ai vu le Coran être piétiné et déchiré.&nbsp;</p> <p>Pendant toute l’année que j’ai passée à Bagram, je n’ai jamais vu le soleil. Je n’avais pas accès à l’eau pour mes ablutions. Je me suis donc résigné à pratiquer le tayammum (purification sèche) quotidiennement. Pas de nourriture chaude, pas de repas cuisinés, pas de visites familiales, pas d’appels téléphoniques, pas de télévision, pas de radio – aucun des droits fondamentaux accordés aux prisonniers ordinaires partout ailleurs. Je n’avais ni avocat, ni inculpation, ni jugement, rien.&nbsp;</p> <p><strong>Rétrospectivement, vous considérez-vous aujourd’hui comme une victime d’injustice ou un survivant ?&nbsp;</strong><br /> Je ne me considère pas comme une victime. Je me vois comme un survivant. Je remercie Dieu d’avoir traversé cette épreuve. Cela m’a rendu plus fort, plus déterminé et plus concentré sur ce qui compte vraiment dans ma vie et dans mon travail.&nbsp;</p> <p>Si cela n’avait pas été pour Guantanamo, ma voix n’aurait jamais atteint les endroits où elle s’est fait entendre. Grâce à cette expérience, j’ai pu m’adresser directement à des dirigeants mondiaux, à des personnes en position de pouvoir et d’influence. Mes paroles portent désormais à travers le monde.&nbsp;</p> <p>J’ai écrit pour le New York Times, le Washington Post, The Independent, The Guardian et Al Jazeera. Je suis même retourné à la prison de Bagram avec Al Jazeera et j’y ai tourné un film dans le lieu exact où j’avais été détenu. Tout cela découle directement des abus que j’ai subis. Alors non, je ne me considère pas comme une victime. Pas même seulement comme un survivant. Je me vois comme quelqu’un qui a grandi à travers cette expérience.&nbsp;</p> <p><strong>Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire « Enemy Combatant » ?</strong><br /> « Enemy combatant » – «&nbsp;combattant ennemi » – était l’étiquette que les Américains nous avaient attribuée. Elle signifiait que nous n’étions ni prisonniers de guerre, ni prisonniers ordinaires. Sous cette désignation, nous n’avions aucun droit : aucun droit de contester notre détention, aucun droit à une représentation légale, aucune protection par les Conventions de Genève. C’était une catégorie totalement nouvelle, inventée pour nous priver des droits humains les plus fondamentaux. C’est pourquoi j’ai choisi « Enemy Combatant » comme titre de mon livre.&nbsp;</p> <p><strong>Pensez-vous que les gouvernements ont tiré des leçons des erreurs de Guantanamo ?&nbsp;</strong><br /> Je pense que l’Amérique a essuyé un énorme échec avec Guantanamo. Voici un pays qui se proclame le plus ardent défenseur des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit – et tout cela s’est effondré à Guantanamo.&nbsp;</p> <p>À ce jour, des hommes y restent emprisonnés depuis plus de 23 ans, sans inculpation ni procès. Parmi eux se trouve un Palestinien de Gaza, soumis à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants. Ce ne sont pas eux les criminels. L’Amérique est la criminelle, coupable d’emprisonnement arbitraire et de torture systématique.&nbsp;</p> <p>Et l’Amérique a-t-elle appris&nbsp;? Clairement non. Sous les administrations démocrates comme républicaines, Guantanamo est resté ouvert. Pire encore, ils ont externalisé la torture via des programmes de transferts dans d’autres pays. Nous savons désormais – malgré les dénégations répétées au Parlement britannique – que Diego Garcia, dans l’archipel des Chagos, a été utilisé dans ce processus. Diego Garcia est une pièce cachée de la machine de torture américaine. L’un des cas les mieux documentés est celui d’Abu Zubaydah, un Palestinien de Gaza, qui reste à Guantanamo sans inculpation à ce jour.&nbsp;</p> <p><strong>Comment aimeriez-vous être appelé : comme un ancien détenu, une voix pour les sans-voix ou un survivant ?&nbsp;</strong><br /> Ce n’est pas là ma principale préoccupation. Mon souci est que mes actions et mes engagements soient agréés par mon Seigneur. Le regard des autres vient en second plan. Si mon travail peut encore profiter à autrui après ma disparition, cela suffira. Il convient de laisser derrière soi un savoir qui profite aux autres.&nbsp;</p> <p>Je dirais simplement ceci : restez fermes dans vos principes. Ne cédez pas à la pression. Les étiquettes n’ont aucune importance. N’ayez pas peur des épreuves ; ce qui compte, c’est votre intégrité et votre fidélité à vos valeurs.&nbsp;<br /> &nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Moazzam%20Begg%2C%20ex-d%C3%A9tenu%20de%20Guantanamo%20%3A%C2%A0%C2%ABDiego%20Garcia%20est%20une%20pi%C3%A8ce%20cach%C3%A9e%20de%20la%20machine%20de%20torture%20am%C3%A9ricaine%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/moazzam-begg-ex-detenu-de-guantanamo-diego-garcia-est-une-piece-cachee-de-la-machine-de-torture-americaine&amp;2=node/176365" token="-fEtacyVLLGxj-SUVuPpK-7G3pF6rkUfT6V7v0WASCI"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 31 Aug 2025 04:17:00 +0000 Eshan Dinally 176365 at http://defimedia.info Megh Pillay, ancien CEO d’Air Mauritius : «Une décennie de mismanagement ne s’efface pas en trois mois» http://defimedia.info/megh-pillay-ancien-ceo-dair-mauritius-une-decennie-de-mismanagement-ne-sefface-pas-en-trois-mois <span>Megh Pillay, ancien CEO d’Air Mauritius : «Une décennie de mismanagement ne s’efface pas en trois mois»</span> <span><span lang="" about="/users/philbert" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Patrick Hilbert</span></span> <span>sam 30/08/2025 - 08:07</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/megh-pillay_0.jpg?itok=dX7X5Oo0" width="1280" height="720" alt="Megh Pillay" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>L’ex-CEO d’Air Mauritius salue le récent bénéfice trimestriel de Rs 252,7 millions, une première en neuf ans, mais alerte sur les défis persistants. Il prône une autonomie accrue, une gouvernance transparente et des investissements stratégiques dans la flotte et les ressources humaines. Inspiré du modèle de Singapore Airlines, il appelle à clarifier la structure d’Airport Holdings Ltd et à privilégier des alliances équilibrées.</p> <blockquote> <p>« Depuis la sortie d’administration de MK en 2021, rien de significatif n’a changé : pratiquement les mêmes têtes sont restées en place »</p> </blockquote> <p><strong>Pour la première fois depuis neuf ans, Air Mauritius affiche un bénéfice de Rs 252,7 millions au premier trimestre. Lors de l’émission Au Cœur de l’Info lundi dernier, son président Kishore Beegoo a prévu un deuxième trimestre tout aussi positif. Y a-t-il vraiment lieu de se réjouir ?</strong><br /> Espérons-le ! Venant après la série interminable de pannes et d’avions cloués au sol pour la maintenance, c’est une très bonne nouvelle. Cependant, pour apprécier vraiment si c’est une indication que MK sort de l’auberge, il faudra examiner de près les détails contenus dans le rapport trimestriel. Un tel rapport est accompagné d’états financiers complets, avec une balance sheet, un cash flow statement, le rapport et l’analyse du management.</p> <p>Selon les cycles précédents d’Air Mauritius (MK), le deuxième trimestre peut effectivement être meilleur que le premier. En 2016, citée comme la dernière fois où le trimestre se terminait par un profit, MK avait effectivement affiché Rs 375 millions de bénéfice net. Et au deuxième trimestre, elle enregistrait Rs 842 millions de profit net. Cotée en Bourse, la compagnie publiait alors ses comptes détaillés dans les 45 jours suivant la fin du trimestre.</p> <p>Cela permettait aux actionnaires et au public de constater qu’il y avait une baisse des dépenses, une hausse des revenus, une croissance à 760 000 passagers transportés sur les 1 009 000 sièges offerts, soit une progression de +9 % par rapport à la même période en 2015. C’était une amélioration soutenue de ses fondamentaux, et MK avait terminé l’année financière 2016 par des bénéfices nets de 26,9 millions d’euros, équivalant à Rs 1,4 milliard, un record.</p> <p>En passant, même les billets « gratuits » généraient des revenus substantiels ! En réalité, ces billets accordés généralement sur des sièges invendus sont payants en taxes et surcharges, ce qui permettait de récupérer des fonds pour MK et le gouvernement. Les 24 000 sièges invendus mi-2016 n’auraient rien rapporté, étant périssables au décollage de chaque vol. Les 10 000 sièges pris comme « billets gratuits » par les employés rapportaient de l’argent à la compagnie et au gouvernement. Si les résultats du deuxième trimestre 2024 s’accompagnent de données aussi solides, il y aura effectivement de quoi se réjouir.</p> <blockquote> <p>« Le gouvernement doit comprendre que, même appartenant à l’État, une compagnie aérienne doit disposer d’un haut degré d’autonomie »</p> </blockquote> <p><strong>La compagnie reste toutefois confrontée à un shareholder’s deficit de Rs 3,76 milliards. Est-elle toujours en situation extrêmement précaire, ou pas nécessairement ?</strong><br /> Dans toute autre entreprise, une telle situation aurait justifié une liquidation immédiate, sauf qu’ici, l’État soutient Air Mauritius. À titre de comparaison, sur l’exemple de 2016, le shareholders’ equity (capital des actionnaires) était positif, atteignant Rs 5,5 milliards au deuxième trimestre. Si le profit annoncé pour ce premier trimestre 2024 n’est pas plus qu’une embellie pendant la tempête, MK demeure donc dans une précarité dangereuse.Cela n’étonne personne. Depuis la fin de 2016, quand des proches du pouvoir ont pris le contrôle de la gestion d’Air Mauritius, rien de concret n’a été fait pour maintenir la compagnie sur sa trajectoire de progrès. Même l’arrivée de grands professionnels de l’aviation appelés à la rescousse n’a pas suffi, car privés de liberté d’action face aux ingérences, chacun a jeté l’éponge, le premier après une restructuration de capital conçue par Sattar Hajee Abdoula (Grant Thornton) en juin 2019.</p> <p>En avril 2020, le Board plaça MK en administration judiciaire sous le même M. Abdoula. Sous couvert de la pandémie, la compagnie a été alors dépouillée de plus de la moitié de sa flotte et de son personnel expérimenté. Depuis sa sortie d’administration en 2021, rien de significatif n’a changé : pratiquement les mêmes têtes sont restées en place.</p> <p>Airport Holdings Ltd (AHL) a pris le capital de MK, le convertissant en une de ses filiales. Cependant, le CEO d’AHL, la maison-mère, a été réduit à néant sur le Board de MK en raison de rivalités internes. Curieusement, le Board d’AHL était composé de huit membres, tandis que celui de sa filiale MK en comprenait 15. Renverser la situation de MK en trois mois relèverait donc d’un miracle. Une décennie de mismanagement ne s’efface pas en trois mois. On peut conclure que MK reste dans un état de précarité, malgré l’annonce de profits.</p> <p><strong>Que faudrait-il faire concrètement pour faire redécoller la compagnie ?</strong><br /> D’abord, le gouvernement doit comprendre que, même appartenant à l’État, une compagnie aérienne doit disposer d’un haut degré d’autonomie. C’est la condition pour une prise de décision efficace, guidée par sa stratégie commerciale et non par les pressions politiques.</p> <p>De son côté, MK doit définir clairement sa vision à long terme, préciser son orientation stratégique, aligner ses priorités et élaborer un modèle d’affaires solide. Elle doit déterminer ses besoins immédiats en investissements dans une flotte conçue pour répondre aux missions prévues dans son plan d’affaires, et dans les ressources humaines nécessaires à l’exécution de ce plan, afin d’atteindre ses objectifs définis à moyen terme.</p> <p>Le gouvernement, action-naire ultime, doit, à travers les instances d’AHL, nommer un Board restreint alliant réflexion stratégique, expertise sectorielle, sens des affaires et qualités de leadership. Ses membres doivent être de bons communicateurs, capables de collaborer, de prendre des décisions éclairées, de respecter des normes éthiques élevées et de favoriser une culture de responsabilité collective et individuelle.</p> <p>Il faut surtout bannir la pratique du one-man show, où un ou deux conseillers ou nommés politiques s’autoproclament chefs et se permettent de piétiner le Board sous prétexte qu’ils agissent avec la bénédiction « d’en haut » et qu’ils ont reçu le feu vert « d’en haut » pour justifier leurs actes. Ce serait une répétition des travers déjà subis par MK et la voie directe vers le précipice.</p> <p>Le problème de MK n’est pas de redécoller, mais de se maintenir en vol une fois la vitesse de croisière atteinte. C’est précisément à ce moment-là que les proches du pouvoir cherchent à reprendre le contrôle de MK. Si le gouvernement veut vraiment « mean business », il doit absolument éviter cela et laisser les professionnels gérer.</p> <p><strong>Comment redonner confiance au public après ces années de difficultés au sein d’Air Mauritius ?</strong><br /> Dans le monde actuel, l’information circule très vite. Si l’on prétend changer sans modifier ce qui était identifié comme révoltant, personne n’est dupe, et cela se verra immédiatement. À l’inverse, une véritable volonté de changement positif sera rapidement perçue par tous. Le Board, le management, les employés, les passagers, les agences de voyages, les hôtels, les partenaires commerciaux, les banques, les avionneurs, les compagnies de leasing, les assureurs, tout le monde s’en rendra compte et en parlera.&nbsp;</p> <p>La confiance ne reviendra que si le gouvernement respecte les règles de gouvernance, même lorsque MK aura retrouvé son altitude et sa vitesse de croisière. La confiance du public mauricien est certainement importante pour l’orgueil national, profondément blessé par les gaffes à répétition de MK. Mais encore plus essentielle est la confiance de la clientèle internationale, qui représentait 80 % de son chiffre d’affaires et dont dépend sa reprise et l’ensemble de l’industrie du tourisme, pilier de l’économie nationale.</p> <p>Pour cela, la ponctualité, l’accueil, la qualité des prestations à bord et la modernité de sa flotte seront déterminants.</p> <p><strong>On évoque beaucoup, ces temps-ci, la nécessité d’un partenaire stratégique. Le gouvernement semble acquis au principe. Pensez-vous qu’Air Mauritius ait besoin d’un tel partenaire ? Et sous quelle forme ?</strong><br /> Tout partenaire stratégique exigerait les mêmes garanties d’autonomie administrative, commerciale et opérationnelle, garanties qui auraient déjà permis à MK d’évoluer et de se redresser par elle-même. Maurice a signé des Bilateral Air Services Agreements (BASA) avec une cinquantaine de pays, qui régissent les liaisons aériennes : itinéraires, fréquences, capacités de vol. Ces accords sont un actif souverain inestimable. Ils ne devraient pas être partagés ou cédés à des intérêts étrangers, sauf en dernier recours.</p> <p>Avec ou sans partenaire, la tentation de mainmise politique restera un risque majeur, comme le dernier régime l’a clairement démontré. En outre, un grand partenaire stratégique privilégiera toujours son propre réseau, ce qui pourrait priver l’État du contrôle de la stratégie nationale en matière de tourisme, ainsi que de la connectivité régionale, africaine et asiatique. Une partie des recettes en devises fortes générées par MK s’évaporerait à l’étranger.</p> <p>En revanche, MK doit impérativement conclure des alliances stratégiques avec les grands opérateurs déjà autorisés à desservir Maurice. Ces accords de partenariat lui permettront de bénéficier de leurs réseaux mondiaux au-delà de ses dessertes régulières en Europe, Asie, Afrique et Australie. Maurice étant une destination très prisée, ces opérateurs seraient enclins à collaborer avec une MK réformée, stable et crédible, ce qui n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui.</p> <p><strong>Du côté du gouvernement, il y a un certain intérêt pour Qatar Airways. Est-ce que ce serait un bon choix ?</strong><br /> Le nom de Qatar a été cité de façon très hypothétique, mais abondamment répété depuis. Petite anecdote : en février 1996, Qatar a acheté son deuxième Boeing 747SP à Air Mauritius. Détenue par l’État qatari, la compagnie avait démarré ses opérations en 1994 et exploite aujourd’hui plus de 200 avions sur 170 destinations. Elle est parmi les mieux notées des lignes globales.</p> <p>Une alliance stratégique bien étudiée et intelligemment négociée pourrait être mutuellement profitable. Mais compte tenu de l’asymétrie de taille entre Qatar et MK, il y a un risque réel que Qatar absorbe MK, au détriment de l’intérêt stratégique national.</p> <blockquote> <p>« Il faut bannir la pratique du one-man show, où un ou deux conseillers ou nommés politiques s’autoproclament chefs sous prétexte&nbsp;qu’ils ont le feu vert ‘d’en haut’ »</p> </blockquote> <p><strong>Si Qatar Airways était choisie, comment cohabiterait-elle avec Emirates, son grand rival qui amène beaucoup de passagers à Maurice et prévoit un troisième vol en décembre ?</strong><br /> Emirates bénéficie de privilèges sans précédent pour exploiter les droits d’accès aériens entre Maurice et le reste du monde, en dehors de tout BASA conclu avec le gouvernement des Émirats arabes unis. Depuis 2003, Emirates dessert Maurice non pas sous un BASA, mais sur la base d’un simple Memorandum Of Understanding (MoU), renouvelé tous les deux ans, sauf cette année où il a été prolongé pour cinq ans, jusqu’en mai 2030.</p> <p>Selon un terme particulier de ce protocole d’accord, aucune autre compagnie des Émirats n’est autorisée à desservir Maurice sauf Emirates. Emirates opère donc en quasi-monopole sur les routes non couvertes par Air Mauritius ou d’autres compagnies régulières. C’est désavantageux pour Maurice, car cela permet à Emirates de pratiquer des tarifs comme elle l’entend.</p> <p>Maurice aurait tout à gagner à introduire de la concurrence sur toutes ces routes entre Emirates, Qatar, Etihad ou Ethiopian. Ces compagnies exploitent toutes le même modèle hub and spoke, qui maximise les destinations accessibles à partir de leurs plaques tournantes de Dubaï, Doha, Abou Dhabi et Addis-Abeba. Elles sont présentes côte à côte partout où il existe un potentiel de passagers à transporter. Sauf à Maurice !</p> <p>La priorité est que MK sorte de ce protocole d’accord restrictif, mais heureusement fragile, et que le gouvernement négocie avec celui des Émirats arabes unis et signe un véritable BASA conventionnel prescrit sous le Traité de Washington, dont Maurice est signataire. Cela renforcerait le sérieux et la crédibilité du pays dans le monde de l’aviation civile.</p> <p><strong>Avec toutes les compagnies aériennes qui desservent Maurice, a-t-on trop ouvert le ciel au détriment de la compagnie nationale ?</strong><br /> Pas du tout. Le fait qu’Emirates ait obtenu trois vols quotidiens en A380, et des vols additionnels en haute saison, soit plus de 1 600 sièges par jour, démontre que Maurice peut accueillir plus de trafic en accueillant davantage de lignes aériennes. En accordant un vol quotidien à Qatar et Ethiopian, par exemple, on ne changerait pas fondamentalement la donne en termes de saturation de l’offre de sièges sur Maurice. Au contraire, la concurrence enrichira l’offre, fera baisser les prix des billets et bénéficiera à toutes les chaînes de valeur liées au tourisme, au secteur aéroportuaire et à l’économie en général.</p> <p>Air Mauritius pourra, de son côté, se concentrer sur les dessertes directes, où elle a excellé dans le passé, et qui resteront un produit imbattable. Elle profitera aussi des retombées de cette ouverture du ciel, qui renforcera également ses leviers de négociation dans ses potentielles alliances stratégiques.</p> <p><strong>Que faire d’Airport Holdings Ltd (AHL), la holding qui détient Air Mauritius, ATOL, AML, Mauritius Duty Free Paradise et bien d’autres compagnies impliquées dans l’aérien à Maurice ? Avec le recul, était-ce une bonne idée de tout rassembler sous une seule holding ?</strong><br /> Il était plus facile de monter ces structures de capital pour répondre à certains besoins ponctuels en 2021 que de les démonter quatre ans plus tard sans avoir redéfini les missions de chacune de leurs composantes. Une nouvelle vision gouvernementale est indispensable après les événements exceptionnels qui ont marqué ce secteur sous un régime totalitaire. L’objectif de l’époque était la captation de l’État par certains éléments du pouvoir politique. Maintenant que nous en sommes sortis, il est urgent de revoir cette structure.</p> <p><strong>Est-ce qu’Air Mauritius devrait être détachée d’AHL ?</strong><br /> Il serait peut-être préférable de maintenir le lien dans l’immédiat, mais de clarifier le rôle d’AHL. À Singapour, Temasek Holdings, bras financier de l’État, détient 56 % de Singapore Airlines (SIA). Dotée de son propre Board et management, sa mission est de gérer les actifs publics sur une base commerciale. Ce modèle permet à SIA d’être cotée en Bourse, ses actions étant achetées et vendues librement, tout en laissant à Temasek un pouvoir de vote décisif pour influencer les grandes orientations.</p> <p>De la même manière, l’État mauricien pourrait conserver ses prérogatives souveraines sur les orientations d’Air Mauritius à travers une telle structure de capital.</p> <blockquote> <p>« Maurice aurait tout à gagner à introduire de la concurrence sur toutes ces routes entre Emirates, Qatar, Etihad ou Ethiopian »</p> </blockquote> <p><strong>On parle souvent de faire de l’aéroport SSR un hub régional. Vu notre localisation géographique, est-ce vraiment possible ? Si oui, comment et sous quelle forme ?</strong><br /> Même si géographiquement Maurice est excentré, sauf sur les routes maritimes, son développement intensif par rapport à d’autres pays de la région lui attire suffisamment d’intérêt d’affaires et de trafic aérien pour justifier un positionnement privilégié comme hub régional. Air Mauritius en avait pleinement tiré avantage lorsqu’elle était jadis bien gérée, en exploitant les routes régionales comme feeder routes pour alimenter et rentabiliser ses vols long-courriers stratégiques vers quatre continents.</p> <p>MK devra à l’avenir se concentrer sur les dessertes où elle peut offrir un meilleur produit et service que n’importe qui. Parallèlement, le gouvernement doit encourager les investissements d’autres compagnies à être basées à Maurice pour couvrir les destinations régionales et internationales que MK ne peut ou ne veut pas exploiter malgré leur potentiel. L’arrivée d’autres opérateurs mauriciens attirant des investissements dans l’aviation régionale fera croître le marché et attirera plus de voyageurs.</p> <p>Catovair avait timidement ouvert la voie, il y a 20 ans. Le monde de l’aviation a considérablement changé depuis. Il est grand temps que d’autres opérateurs soient encouragés à utiliser Maurice comme home base. Cela ne peut qu’être bénéfique à MK et à toute l’économie du pays.</p> <p><strong>Peut-on vraiment stopper l’ingérence politique au sein d’Air Mauritius ?</strong><br /> Oui, si le gouvernement s’y engage formellement par un instrument de garantie. Il pourrait s’inspirer de l’exemple de la relation entre le gouvernement éthiopien et Ethiopian Airlines, et comprendre que l’ingérence est incompatible avec la gestion d’une entreprise commerciale comme Air Mauritius.</p> <p>Le succès d’Ethiopian Airlines repose sur plusieurs facteurs : un fort soutien de l’État, une gestion professionnelle, une vision stratégique et une focalisation sur l’excellence opérationnelle. Avec une flotte moderne et jeune de plus de 165 avions, Ethiopian Airlines est reconnue comme la meilleure compagnie d’Afrique. Pendant la pandémie, elle a conservé 100 % de son personnel et n’a jamais interrompu ses services.<br /> Depuis sa création en 1945, malgré les changements de régime et l’instabilité politique, Ethiopian a toujours bénéficié d’une grande autonomie, ce qui lui a permis de prendre des décisions guidées uniquement par les impératifs opérationnels et d’assurer l’efficacité de ses activités.</p> <p><strong>Les coûts opérationnels, notamment le prix du carburant et de la maintenance, pèsent lourdement sur la compagnie. Quelles stratégies peuvent-elles être mises en place pour mieux les contrôler ?</strong><br /> Ce sont des coûts inévitables mais parfaitement gérables, et ils ne devraient pas peser davantage sur MK que sur d’autres compagnies concurrentes. Face aux fluctuations du prix du carburant, de la maintenance et de la location, MK a toujours adopté une stratégie à plusieurs volets : efficacité énergétique, optimisation opérationnelle des vols et recours à des contrats à terme pour atténuer l’impact de la volatilité des prix. Le personnel de MK maîtrise déjà ces pratiques et sait parfaitement comment contrôler ses dépenses opérationnelles. Cela fait partie intégrante du métier.</p> <p><strong>Le service à bord et l’expérience client sont parfois cités comme des points faibles. Comment repositionner la compagnie pour offrir un meilleur rapport qualité-prix face à la concurrence ?</strong><br /> Le personnel d’Air Mauritius a été continuellement formé pour améliorer la qualité du service, innover dans le divertissement et la restauration à bord, et tirer parti de la technologie pour proposer des interactions personnalisées renforçant l’image de marque de la compagnie, liée à la destination touristique. Malheureusement, une partie importante du personnel expérimenté, formé et affiné au fil des années, a été sacrifiée durant l’administration judiciaire. La mémoire institutionnelle qui permettait de transmettre savoir-faire et valeurs s’est ainsi perdue, ce qui a entraîné une dégradation visible de l’accueil et du service. Il est nécessaire de rappeler ces talents. D’ailleurs, certains sont déjà revenus et contribuent à redresser le niveau.</p> <p><strong>Quelle place peut occuper Air Mauritius dans le développement du tourisme à Maurice, alors que de plus en plus de touristes arrivent via d’autres compagnies ?</strong><br /> Les deux plus grosses dépenses du touriste à Maurice sont le billet d’avion et l’hébergement. Quand il voyage avec Air Mauritius, le prix de son billet reste dans le pays et renfloue nos réserves en devises fortes. S’il achète son billet auprès de Turkish Airlines, Emirates ou une autre compagnie étrangère, Maurice ne reçoit absolument rien sous ce poste.</p> <p>Avec le partage de code avec Air France par exemple, nous recevions 50 % des recettes. À défaut des revenus sur le transport aérien des touristes sur Maurice, au moins l’hôtellerie profitera des arrivées en provenance des zones hors du réseau d’Air Mauritius et de ses partenaires. Tant mieux pour l’économie, si tout n’est pas perdu.</p> <p>Après tout, Air Mauritius offre un produit distinct : le vol direct. Comme avec Air France ou British Airways, ce produit est souvent plus recherché que les vols avec escale par Istanbul, Dubaï, La Réunion ou autre. Si MK propose des avions fiables et modernes, un service de qualité, une ponctualité irréprochable et des vols directs quotidiens depuis les principaux marchés émetteurs, elle gagnera sur tous les fronts et jouera pleinement son rôle dans le développement touristique du pays. Et, là aussi, Air Mauritius n’a rien à apprendre d’un partenaire stratégique.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Megh%20Pillay%2C%20ancien%20CEO%20d%E2%80%99Air%20Mauritius%20%3A%20%C2%ABUne%20d%C3%A9cennie%20de%20mismanagement%20ne%20s%E2%80%99efface%20pas%20en%20trois%20mois%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/megh-pillay-ancien-ceo-dair-mauritius-une-decennie-de-mismanagement-ne-sefface-pas-en-trois-mois&amp;2=node/176121" token="E0WkoQZ4IUxxA_ZsNUMMQ6hUbDyboKHMV4VRIOFZCYI"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 30 Aug 2025 04:07:00 +0000 Patrick Hilbert 176121 at http://defimedia.info Lindsay Rivière, observateur politique : «Si l’on veut réussir, il faut ‘trase’, ‘bend the rules’» http://defimedia.info/lindsay-riviere-observateur-politique-si-lon-veut-reussir-il-faut-trase-bend-rules <span>Lindsay Rivière, observateur politique : «Si l’on veut réussir, il faut ‘trase’, ‘bend the rules’»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>sam 30/08/2025 - 07:41</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/lindsay_riviere_3.jpg?itok=Duu8xqWS" width="1280" height="720" alt="Lindsay Rivière" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>À Maurice, les nominations politiques récentes ont fait grincer des dents. Népotisme, favoritisme, injustices… les accusations pleuvent, les réseaux sociaux s’enflamment, et les discussions ne tarissent pas. Mais derrière le bruit et la polémique, une question cruciale se dessine : le mérite est-il vraiment reconnu dans notre île ?</p> <blockquote> <p>« Nous avons glissé d’une culture d’excellence académique récompensée vers une autre culture basée sur une notion non pas de ‘who you are’, mais de ‘who you know’ »</p> </blockquote> <p><strong>À Maurice, qu’entend-on vraiment par « mérite » : talent, effort, compétence ou réseaux, relations publiques et affiliations personnelles ?</strong><br /> Promouvoir le « mérite », dans toutes les sociétés, implique de reconnaître et récompenser publiquement l’effort, le talent, les compétences, l’expérience ou encore des qualités académiques, intellectuelles et morales supérieures aux autres. En anglais, on dit « worthiness » ou « deserving ». Cette interprétation est la même à Maurice.</p> <p>La méritocratie, à laquelle l’humanité est tellement attachée, suppose donc une culture de haute performance qui englobe des valeurs d’excellence, de distinction, tout cela dans la justice et l’impartialité. Reconnaître le mérite, c’est donc motiver, encourager ceux et celles qui font l’effort d’aller plus loin et de tendre vers des objectifs plus ambitieux. C’est d’une immense importance dans un pays, une entreprise ou une organisation.</p> <blockquote> <p>« Il y a des conséquences économiques à considérer : la démotivation a un prix. (…)&nbsp;Le ‘brain drain’ actuel commence déjà à nous coûter cher »</p> </blockquote> <p><strong>Qu’en est-il à Maurice ?</strong><br /> Chaque pays a son histoire et ses propres règles de fonctionnement. Il faut voir la question à deux niveaux : le secteur privé et le secteur public et parapublic.&nbsp;</p> <p>Le secteur privé a une politique de nominations et de promotions qui tient compte, non seulement du mérite comme tel, mais qui obéit aussi à des critères de propriété, des droits qui viennent avec l’investissement de fonds privés, l’histoire du pays, la direction familiale des entreprises, etc. Il y a donc dans le secteur privé, tout naturellement, une grande perception de favoritisme et de népotisme familial ou social.&nbsp;</p> <p>Mais, en même temps, le secteur privé base son action sur la recherche du profit, tente de maximiser ce profit et est donc plus à même de reconnaître le mérite et la compétence qui feront les propriétaires gagner plus d’argent. On peut donc plus aisément viser, dans ce cadre, la méritocratie du type « Le talent, d’où qu’il vienne ».</p> <p>La situation est toute différente dans le secteur public et parapublic qui, lui, engage des fonds publics, donc l’argent du contribuable. Il y a d’abord dans tout ce qui est public à Maurice l’obsession de la représentation. Trop souvent, il faut tenir compte de la représentation ethnique ou politique et des symboles.&nbsp;</p> <p>Il est clair que, depuis l’Indépendance, la méritocratie et l’égalité des chances réclamées par la population se sont considérablement érodées à Maurice, essentiellement sous le poids de l’intervention politique et en raison des calculs ethniques. Le système est désormais largement perverti. Il faut d’urgence le remettre à niveau.</p> <p>En 50 ans, nous avons glissé d’une culture d’excellence académique récompensée, laissée par l’Angleterre, vers une autre culture basée sur une notion non pas de ‘who you are’, mais de ‘who you know’. Les facteurs déterminant la sélection pour l’emploi, les nominations et promotions sont aujourd’hui trop souvent basés sur les relations de proximité, de représentation communale, d’appartenance à des réseaux discrets, de clientélisme politique, de loyauté aux puissants ou tout bonnement d’opportunisme et de servilité. C’est dramatique !</p> <p><strong>Quels effets cette situation a-t-elle sur la motivation des jeunes et la confiance des citoyens dans les institutions ?</strong><br /> Un effet pernicieux et corrosif dans les esprits ! Il résulte du favoritisme une terrible frustration, un découragement certain, le sentiment que « ça » ne vaut pas la peine de faire des efforts, puisque si on n’est pas sur la ligne de départ avec des chances égales, forcément on ne sera pas sur la ligne d’arrivée.&nbsp;</p> <p>Enfin, la non-reconnaissance du mérite encourage le sentiment que si l’on veut « réussir », il faut désormais, en toute situation, « trase », « bend the rules », corrompre ou montrer une servilité grandissante du citoyen face aux puissants du jour. Dans ces conditions, il n’est donc pas anormal que le pays connaisse une nouvelle vague d’émigration massive de jeunes et que notre réservoir de talents (formés avec de l’argent public mauricien) aille servir d’autres entreprises dans d’autres pays.</p> <blockquote> <p>« Le pays est en train d’intérioriser et presque de normaliser le passe-droit »</p> </blockquote> <p><strong>Le clientélisme est-il perçu comme normal, toléré ou contesté par la société mauricienne ? Comment cette perception façonne-t-elle le comportement des individus et des organisations ?</strong><br /> Le favoritisme et le clientélisme sont toujours et partout vus comme scandaleux, mais le pays est en train d’intérioriser et presque de normaliser le passe-droit et le besoin de « connections » pour obtenir un emploi ou faire avancer un dossier ou une autorisation. Bien sûr, ce réflexe n’est pas général. Il n’y a pas que des calculs partout et le mérite est certes parfois reconnu.&nbsp;</p> <p>Mais de plus en plus, on entend dire : « Al get minis, sinon depite ». Chacun est invité à « jouer son film », à s’aplatir devant le politicien, à lever le drapeau dans les meetings, à passer des fleurs au cou ou à crier « Oumem papa, oumem mama ». C’est honteux et indigne !</p> <p><strong>Quels secteurs sont les plus touchés par l’influence politique et le réseau ? Y a-t-il des différences significatives ?</strong><br /> Très certainement, le secteur public et parapublic est le plus touché. On a trop distribué aux ministres et hauts fonctionnaires le pouvoir de nommer des gens « dans des situations d’urgence » au-dessous d’un certain salaire ou dans une limite de contrats. À mesure, on en use et on en abuse. Il faut restreindre ces pouvoirs, multiplier les « Appointment Committees » et élargir leur champ d’action.</p> <p><strong>Quelles conséquences invisibles observe-t-on sur la société et l’économie ? Fuite de talents, désengagement, innovation freinée… Jusqu’où ces pratiques pèsent-elles ?</strong><br /> Les conséquences sont d’abord de nature psychologique. Il en résulte une grande perception d’injustice. Or, l’injustice suscite une série de sentiments négatifs et révolte le plus souvent. Mgr Jean Margéot disait souvent que « l’injustice est, à travers le monde, le bouillon de culture de toutes les révolutions ».&nbsp;</p> <p>Par nature même, l’homme n’accepte pas l’injustice. Alors, il faut toujours faire attention à ne pas laisser se répandre ce sentiment.</p> <p>Ensuite, il y a des conséquences économiques à considérer : la démotivation a un prix. Il nous faut utiliser au maximum notre potentiel et notre réservoir de talents. Le monde a beaucoup changé. Maurice n’est plus l’horizon de tous nos citoyens. Le brain drain actuel commence déjà à nous coûter cher. À quoi sert-il de développer de nouveaux secteurs, des hubs ici et là, si on n’a plus de main-d’œuvre qualifiée pour y travailler ?</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Lindsay%20Rivi%C3%A8re%2C%20observateur%20politique%20%3A%20%C2%ABSi%20l%E2%80%99on%20veut%20r%C3%A9ussir%2C%20il%20faut%20%E2%80%98trase%E2%80%99%2C%20%E2%80%98bend%20the%20rules%E2%80%99%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/lindsay-riviere-observateur-politique-si-lon-veut-reussir-il-faut-trase-bend-rules&amp;2=node/176122" token="x3Pc0KG2bVP6SAV9AWMFaQFHBgpq0Atp4qmhBtnErBI"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 30 Aug 2025 03:41:00 +0000 Jean Claude Dedans 176122 at http://defimedia.info Aadil Ameer Meea : «Maurice espère obtenir un accord de libre-échange avec les États-Unis» http://defimedia.info/aadil-ameer-meea-maurice-espere-obtenir-un-accord-de-libre-echange-avec-les-etats-unis <span>Aadil Ameer Meea : «Maurice espère obtenir un accord de libre-échange avec les États-Unis»</span> <span><span lang="" about="/users/gleena" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="" content="Leena Gooraya-Poligadoo">Leena Gooraya-…</span></span> <span>dim 24/08/2025 - 08:02</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/textile_1_0.jpg?itok=-yTsMrkl" width="1280" height="720" alt="" title="Les opérateurs mauriciens avancent que certains clients américains ont déjà commencé à réduire les volumes de leurs commandes." typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>L’African Growth and Opportunity Act, qui permettait depuis 2000 à plusieurs pays africains, dont Maurice, d’exporter vers les États-Unis sans droits de douane, prendra fin le 30 septembre 2025. L’incertitude autour de son renouvellement met déjà sous pression plusieurs secteurs, en particulier le textile. Au niveau du gouvernement, on souhaite obtenir un accord de libre-échange afin de préserver l’accès préférentiel des exportateurs locaux au marché américain.&nbsp;<br /> <br /> Le ministre de l’Industrie, des PME et des Coopératives, Aadil Ameer Meea indique que l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) expirera le 30 septembre, sauf décision contraire de Washington. « Le souhait de Maurice, de l’Union africaine, de la Southern African Development Community (SADC) et du Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) est de renouveler l’AGOA », dit-il. &nbsp;Selon lui, le Premier ministre Navin Ramgoolam se rendra aux États-Unis prochainement pour mener des discussions bilatérales. « Maurice espère obtenir un accord de libre-échange avec les États-Unis, afin de préserver l’accès préférentiel de ses exportateurs au marché américain », explique-t-il.&nbsp;</p> <p>Mais l’éventualité d’une fin définitive de l’AGOA reste préoccupante. Le ministre rappelle que les exportateurs mauriciens bénéficient depuis 25 ans d’une exonération des droits de douane sur leurs produits destinés aux États-Unis. Sans ce régime préférentiel, des customs duties variant de 2 % à 35 % seront appliqués, selon les catégories de produits. « Il faut comprendre que ce ne sont pas uniquement les exportateurs mauriciens qui seront affectés, mais tous les pays concernés. Cette situation va créer un désordre dans les échanges internationaux », estime Aadil Ameer Meea. Pour illustrer l’ampleur du problème, il cite le cas de l’Inde, où certains produits se voient imposer des droits de douane de 50 % à l’entrée du marché américain, entraînant des fermetures d’usines.</p> <p>D’autre part, avec l’échéance qui approche, l’inquiétude grandit parmi les opérateurs mauriciens. Nitish Rama, directeur de la société The Formula, entièrement tournée vers l’exportation, redoute l’impact de la fin de l’AGOA. Son entreprise écoule 50 % de sa production en Afrique du Sud, 25 % en Europe et 25 % aux États-Unis. « Les États-Unis demeurent un marché très important pour nous. Et si l’AGOA n’est pas renouvelée... », explique-t-il. Il avance que certains clients américains ont d’ores et déjà averti qu’ils ne passeraient plus de commandes sans ce régime préférentiel, tandis que d’autres ont commencé à réduire leurs volumes. À ces incertitudes s’ajoute la révision du Freight Rebate Scheme, annoncée dans le dernier budget, qui réduit le remboursement du fret de 60 % à 40 %. « Nos coûts sont désormais plus élevés. Avec la fin de l’AGOA, la situation deviendra encore plus compliquée », souligne l’exportateur.</p> <p>Dans ce climat incertain, Nitish Rama envisage déjà un recentrage stratégique. « Je me concentre davantage sur le marché africain. Je suis en négociation avec de nouveaux clients. Je ne peux pas prendre le risque de dépendre du marché américain. Pour assurer la survie de mon entreprise, je dois explorer des débouchés où les coûts d’exportation restent soutenables », explique-t-il.</p> <h3>Des PME également menacées</h3> <p>La situation préoccupe aussi les petites et moyennes entreprises. Ajay Beedassee, président de SME Chambers, est « dans l’inquiétude et le suspense&nbsp;». Sept PME de son organisation exportent actuellement vers les États-Unis. Pour lui, la fin de l’AGOA représenterait un choc majeur. « Si le régime n’est pas renouvelé, il faudra compter jusqu’à 32 % de droits de douane sur les exportations. Et il faut ajouter une taxe réciproque de 15 %. Finalement, les exportateurs mauriciens pourraient se retrouver avec une charge fiscale de 47 %. « C’est insoutenable pour nos entreprises. » Il avance que certains clients américains ont proposé de partager le fardeau de cette nouvelle taxation. Mais les exportateurs mauriciens seraient perdants. « On ne pourra pas continuer à exporter si la marge de profit est trop faible ou si nous travaillons à perte », insiste Ajay Beedassee.</p> <h3>Mesures de soutien</h3> <p>Le président de SME Chambers demande au gouvernement de mettre en place des mesures en cas de non-renouvellement de l’AGOA. Il s’agirait, selon lui, d’un ensemble de mesures d’encouragement, allant de subventions directes à des exonérations fiscales, en passant par des réductions de droits de douane sur certaines importations stratégiques. «&nbsp;Si le gouvernement n’apporte pas son soutien, les exportations mauriciennes seront bouleversées. Les recettes en devises étrangères baisseront, des usines fermeront et des emplois seront perdus. »</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Aadil%20Ameer%20Meea%20%3A%C2%A0%C2%ABMaurice%20esp%C3%A8re%20obtenir%20un%20accord%20de%20libre-%C3%A9change%20avec%20les%20%C3%89tats-Unis%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/aadil-ameer-meea-maurice-espere-obtenir-un-accord-de-libre-echange-avec-les-etats-unis&amp;2=node/176079" token="-zaB3tVGxSfg-Ni-JKBLgAbhHUVlgE7J1fLOLs1qTa0"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 24 Aug 2025 04:02:00 +0000 Leena Gooraya-Poligadoo 176079 at http://defimedia.info