Interview http://defimedia.info/categorie/interview fr Khushal Lobine : «Il faut aller plus vite et plus loin avec l’Appointments Committee» http://defimedia.info/khushal-lobine-il-faut-aller-plus-vite-et-plus-loin-avec-lappointments-committee <span>Khushal Lobine : «Il faut aller plus vite et plus loin avec l’Appointments Committee»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>dim 07/09/2025 - 06:30</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/khushal_lobine_3.jpg?itok=3HnMPnrq" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Alors que des nominations alimentent les critiques, Khushal Lobine, leader de Nouveaux Démocrates, presse le gouvernement à aller « plus vite et plus loin avec la création de l’Appointments Committee ». Il estime que cela permettrait de réduire les soupçons de passe-droit et garantirait que la méritocratie reste le critère absolu pour toute nomination. Il se positionne aussi aux côtés des femmes au foyer et des travailleurs manuels en attente de leur Basic Retirement Pension.&nbsp;</p> <p><strong>Vous en êtes à votre deuxième mandat. Cela vous fait quoi ?&nbsp;</strong><br /> Je suis honoré et extrêmement reconnaissant envers les habitants de la circonscription n° 15 (La Caverne/Phœnix) pour leur confiance. C’est avec beaucoup d’humilité et un sens du devoir que je les représente au sein pour un second mandat consécutif à l’Assemblée nationale. Cette circonscription où j’habite est un microcosme du pays, un lieu où toutes les communautés vivent en symbiose. Elle incarne pleinement le vivre-ensemble et le mauricianisme.&nbsp;</p> <p>Être élu à deux reprises, aux élections générales de 2019 et 2024, et en tête de liste, confère à mon action politique et sociale un sentiment profond de patriotisme et de responsabilité. Je demande au bon dieu le courage et la santé pour donner le meilleur de moi-même, au service du bien-être de ma circonscription et du pays.&nbsp;</p> <p><strong>Vous êtes bien apprécié par vos pairs pour vos interventions à l’Assemblée nationale sur des sujets spécifiques. Votre prestance aurait-elle un lien avec votre métier d’avocat ?</strong><br /> Merci pour ces bons mots. Mon engagement politique s’est forgé depuis mon enfance. J’ai toujours été passionné par des figures politiques, comme sir Seewoosagur Ramgoolam, Emmanuel Anquetil et Guy Rozemont, qui ont façonné le destin de notre pays. Plus tard, au collège Royal de Curepipe, j’ai découvert, à travers la lecture et un engouement pour les documentaires télévisés, des colosses politiques qui m’ont inspiré comme Atal Bihari Vajpayee et Abdul Kalam.&nbsp;</p> <p>Durant mes études de droit en Angleterre, mon adhésion à la Young Fabian Society m’a permis de m’inspirer de personnalités comme Tony Benn, Jeremy Corbyn, Ken Livingstone – tout en restant critique envers d’autres. J’admirais aussi Tony Blair, mais j’ai été extrêmement déçu quand il a pris une position condamnable sur la guerre et l’invasion de l’Irak. J’étais farouchement opposé à cette guerre. Je suis contre toute forme de violence à travers le monde.&nbsp;</p> <p>Razack Peeroo, qui a été mon « pupil master » et mentor que je côtoie depuis plus de 20 ans, reste une référence pour moi. Ce grand politicien et fin intellectuel est une source d’inspiration. Ses connaissances politiques et sociétales m’ont grandement aidé à forger ma personnalité et à devenir l’homme politique que je suis maintenant.&nbsp;</p> <p>En somme, je suis un passionné de la politique et des grandes thématiques géopolitiques de ce monde. Je le fais par conviction. Le métier d’avocat me donne un sens de direction, ainsi qu’une indépendance de penser et d’agir.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi avoir choisi de céder votre place de ministre à Richard Duval ?&nbsp;</strong><br /> Lorsque j’ai cofondé Les Nouveaux Démocrates avec des amis – qui se reconnaîtront – ainsi qu’avec Véronique Leu-Govind, Zaphir Futloo et Julien Permal, tout en étant rejoint par Richard Duval dans notre parti, notre objectif primaire était de sauver la démocratie, qui avait pris un sale coup. En 2024, la population réclamait un changement.&nbsp;</p> <p>Notre engagement à l’époque au sein de l’alliance avec le Parti travailliste et le Mouvement militant mauricien était sans condition. Le parti avait délégué Richard Duval pour nous représenter comme porte-parole de cette alliance. La prérogative de nommer des ministres après les élections revenait au Premier ministre.&nbsp;</p> <p>Pour ma part, je suis pleinement investi dans mon rôle de député pour servir ma circonscription. C’est un privilège inouï de pouvoir poser des questions à l’Assemblée nationale et d’aborder des sujets touchant autant le pays que des enjeux internationaux.&nbsp;</p> <p>En tant que leader de Nouveaux Démocrates, j’ai l’occasion de parcourir le pays et de dialoguer avec le peuple. Notre objectif est de faire grandir notre parti, de devenir une force politique nationale et de donner au peuple une alternance politique moderne. Nous défendons un nouveau contrat économique et social, où l’écologie devient un moteur d’innovation et de résilience, s’opposant à un modèle néolibéral et capitaliste traditionnel, que je considère dépassé.&nbsp;</p> <p>Le parti Nouveaux Démocrates a franchi un cap en matière d’organisation. Il a structuré ses commissions autour de la démocratie, de l’écologie et de la méritocratie. Nous avons également développé des assises solides dans diverses régions du pays. Nous travaillons aussi à l’international avec des organisations et mouvances politiques qui partagent nos valeurs universelles en matière de droits de l’homme, de paix, de non-violence, de respect de la race humaine, d’écologie et de démocratie.&nbsp;</p> <p><strong>Êtes-vous satisfait du nombre d’arrivées touristiques durant ces neuf premiers mois du gouvernement au pouvoir ?&nbsp;</strong><br /> Le tourisme, pilier de l’économique du pays, doit &nbsp;continuer à se réinventer dans un contexte où la compétition devient de plus en plus féroce. Consolider nos marchés traditionnels, comme la France et l’Europe, reste primordial. Attirer davantage de touristes d’Asie – plus particulièrement de Chine, Japon et Corée du Sud, des marchés porteurs d’espoir – demeure, à mon humble avis, réalisable.&nbsp;</p> <p>Pour cela, Maurice doit offrir un environnement accueillant et diversifié pour promouvoir le tourisme culturel et écologique, entre autres. Je plaide aussi pour des initiatives visant à attirer davantage de touristes du Moyen-Orient. Pour cela, il faudra rendre la marque «&nbsp;Maurice » plus attractive et compétitive.&nbsp;</p> <p><strong>Le secteur touristique souffre d’un manque de main-d’œuvre locale, remplacée par des étrangers qui n’ont ni la même approche, ni le sourire que nos jeunes professionnels. Cela représente-t-il un danger pour le secteur à court et moyen termes ?&nbsp;</strong><br /> Je suis d’accord avec vous. On ne peut pas remplacer le sourire, l’hospitalité et la courtoisie mauriciens. Cela dit, il est crucial de comprendre pourquoi les Mauriciens s’engagent de moins en moins dans des métiers du tourisme. Il y a en ce moment des assises de l’emploi. Ce sujet devrait y être abordé. Mais c’est primordial de tenir des Assises du tourisme pour identifier les failles et préparer notre industrie touristique aux défis à venir, notamment ceux liés aux changements climatiques.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi le n° 1 et le n° 3 de la Banque de Maurice (BoM) n’ont-ils pas réglé leurs différends en interne, plutôt que de les étaler sur la place publique ?&nbsp;</strong><br /> J’ai suivi cette affaire dans les médias. Il est, selon moi, préférable d’éviter ce type de déballages publics. Le dialogue, les compromis et l’intérêt supérieur du pays ainsi que l’image de notre juridiction, doivent primer. Il y va de notre réputation en tant qu’État démocratique et centre financier international.</p> <p><strong>Certaines nominations ont déplu au n° 2 du gouvernement, qui s’en est plaint publiquement. Est-ce le signe du début d’une guerre larvée au sein du gouvernement ?&nbsp;</strong><br /> Non, je ne suis pas de cet avis. Dans une démocratie, la liberté d’expression est essentielle. Chacun doit pouvoir s’exprimer. C’est sain à la fois pour la démocratie et le gouvernement en place. Celui-ci a un gros chantier à mettre en œuvre pour bâtir une île Maurice moderne, un État océan exemplaire, en travaillant avec rigueur, discipline et à l’écoute de la population. Après tout, la voix du peuple, c’est la voix de Dieu.&nbsp;</p> <p><strong>Quand l’Appointments Committee tant promis verra-t-il le jour, alors que des nominations d’amis et de proches du pouvoir semblent de retour ?&nbsp;</strong><br /> Légitimement, la méritocratie et la transparence doivent primer lors de toute nomination. Celles et ceux qui sont nommés sont payés par l’argent des contribuables. C’est pourquoi je dis qu’il faut aller au plus vite et plus loin avec la création d’un Appointments Committee, comme c’est prévu dans le programme gouvernemental.&nbsp;</p> <p>Un tel comité permettrait de réduire les soupçons de passe-droit. Il garantirait que la méritocratie reste le critère absolu pour toute nomination. Ce mécanisme est déjà en vigueur dans plusieurs pays du Commonwealth dotés d’un système westministérien similaire au nôtre.</p> <p><strong>Paul Bérenger semble régler des comptes à certains à travers des conférences de presse. Cela vous inspire quoi ? Prépare-t-il une sortie du gouvernement ou voudrait-il secouer les arbres pour redresser la situation ?</strong><br /> À chacun son style et sa façon de faire, forgés par son expérience. Paul Bérenger domine la scène politique depuis les années 1970. Il appartient à cette génération d’hommes et de femmes qui, grâce à leur vécu, peuvent partager leurs expériences à travers l’écriture et la rédaction d’autobiographies. Ces témoignages offrent aux nouvelles générations de politiciens, de tous horizons, une perspective sur l’évolution de la politique, tant sur le plan de la communication et des mouvements politiques que sur les thématiques idéologiques qui ont marqué leur époque.</p> <p><strong>Il y a eu récemment la nomination de Senior Counsels et de Senior Attorneys, ce qui a suscité des contestations. Sans préjuger de la décision que rendra la Cour, quel est, selon vous, votre avis en tant qu’avocat sur cette polémique ?</strong><br /> La Law Practitioners Act, en vigueur depuis plus de 40 ans, nécessite une révision urgente. Les titres de Senior Counsel et de Senior Attorney restent avant tout honorifiques et reflètent un héritage colonial. Il est nécessaire de revoir la manière dont ces distinctions sont attribuées.</p> <p>Dans une République souveraine et démocratique, la doctrine de la séparation des pouvoirs doit s’appliquer clairement et sans ambiguïté. Je ne vois pas d’un bon œil que le Judiciaire et l’Exécutif interviennent conjointement pour nommer des professionnels censés exercer une fonction indépendante et libérale. C’est un fait, tout le monde connaît tout le monde à Maurice. Comment « empêcher » la perception de favoritisme, surtout en l’absence de critères transparents et clairement définis.</p> <p>Selon cette perspective, ce sont les avocats, avoués, la Mauritius Bar Association et la Law Society qui devraient, en vertu de la loi, mettre en place un panel indépendant chargé d’évaluer les candidats et de décider de l’attribution de ces titres honorifiques. Tout membre de la profession répondant aux critères établis pourrait ainsi prétendre légitimement à ces distinctions.</p> <p><strong>Aujourd’hui, les pratiques en vigueur restent largement influencées par des vestiges du colonialisme, en contradiction avec les valeurs républicaines de souveraineté et de démocratie que prône notre pays.&nbsp;<br /> La rue gronde proteste contre la réforme de la Basic Retirement Pension. Est-ce une erreur de jugement de la part du gouvernement d’avoir imposé ce changement sans consultations ?</strong><br /> Le débat autour de la réforme des pensions reste d’actualité, et j’attends également la mise en place du comité d’experts indépendants, qui consultera certainement la société civile. La dignité de nos aînés et la justice sociale doivent guider les décisions futures. Il est primordial de prendre en considération la santé mentale des travailleurs manuels et des femmes au foyer.</p> <p>Les actions et décisions visant à améliorer le quotidien des personnes franchissant le cap des 60 ans doivent être une priorité. La réforme de la BRP doit se faire à visage humain, dans le dialogue, avec une approche globale et systémique. Il y a une affaire en Cour, attendons de voir ce qui en découlera.</p> <p>Quant à ma position sur la BRP, je me suis exprimé depuis le tout début et j’ai pris position aux côtés des femmes au foyer et des travailleurs manuels, entre autres, qui atteignent l’âge de 60 ans en espérant toucher leur pension.</p> <p><strong>À la Santé, la tension monte entre le ministre Bachoo et certains médecins. A-t-il pris un risque en confrontant directement la profession ? Il reproche à certains praticiens de négliger le service public pour privilégier les cliniques privées. Si tel est le cas, quelle serait la solution : appliquer des sanctions ? Les licencier malgré le manque d’effectifs criant dans nos hôpitaux ?</strong><br /> Le ministre Anil Bachoo accomplit un travail colossal pour le bien-être des usagers des hôpitaux publics, tout comme les médecins, qui déploient des efforts considérables pour maintenir un niveau de qualité au sein de nos établissements.</p> <p>Il reste néanmoins un important travail de gestion et de management à accomplir dans les hôpitaux publics, une tâche à traiter sans délai. Une fois encore, la bonne volonté du ministre Bachoo permet de redresser un système dépassé. Une approche professionnelle et basée sur le dialogue avec tous les acteurs concernés demeure la solution pour atteindre un objectif commun : offrir un service de santé efficace, respectueux des patients, et garantir un système hospitalier public digne de ce nom pour notre pays.</p> <p><strong>Après Pravind Jugnauth, c’est désormais au tour de son épouse, Kobita, de comparaître devant la FCC dans l’affaire des valises remplies d’argent. Certains estiment qu’il s’agit d’un retour de manivelle de la part du Premier ministre…&nbsp;</strong><br /> Contrairement à ce qui se pratiquait auparavant, je constate que les enquêtes se déroulent désormais dans le respect de chacun, conformément aux dispositions de la loi et de notre Constitution. À ma connaissance, il n’y a aucune interférence dans le déroulement des investigations, et cela doit continuer ainsi.</p> <p><strong>En tant qu’homme de loi, pensez-vous que la FCC se retrouve déjà débordée par cet important volume de dossiers, dont certains sont particulièrement complexes ?</strong><br /> La création d’une National Crime Agency, dotée de moyens et d’un personnel qualifié et équipé pour prendre le relais de la FCC, est souhaitable au plus vite, dès la rentrée parlementaire. C’est un dossier que j’aborderai. Face au nombre record d’arrestations, la FCC est débordée, et c’est pour cette raison que des amendements ont été apportés à la FCC Act afin de favoriser une meilleure collaboration avec la force policière en matière d’enquête. Mais comment agir quand la police elle-même est secouée par le scandale du ‘reward money’ ?</p> <p><strong>Il existait auparavant le ‘United Revenue Board’, qui surveillait tout signe extérieur de richesse et agissait en conséquence. Pourquoi ne pas le reconstituer ?</strong><br /> Aujourd’hui, des institutions comme la MRA, la FIU et même la FCC sont mandatées, selon les dispositions des lois existantes, pour œuvrer dans cette perspective. Mais la tâche devient de plus en plus complexe et sophistiquée, face à des individus ayant des comptes et des richesses accumulées dans d’autres juridictions, ce qui rend le travail des institutions d’investigation à Maurice encore plus difficile.</p> <p><strong>Le Reward Money : ne serait-ce que le sommet de l’iceberg malgré toutes ces arrestations ?</strong><br /> Oui, c’est scandaleux, et je souhaite que les enquêtes se fassent dans les moindres détails, car il en va de la réputation de notre force policière et du pays. Mais surtout pour les milliers de femmes et d’hommes policiers honnêtes qui travaillent dur dans des conditions difficiles et exigeantes. Je suis de tout cœur avec cette majorité de policiers intègres, et œuvrer pour améliorer leurs conditions de travail reste, à mes yeux, une étape cruciale dans la réforme nécessaire au sein de la force policière.</p> <p><strong>Pourquoi certains dossiers, notamment celui de l’agent du MSM Soopramanien Kistnen, entre autres, n’ont-ils pas été rouverts, comme cela avait été promis par l’Alliance du Changement ?</strong><br /> Autant que je sache, des équipes ont déjà été constituées, et le travail se poursuit pour élucider des crimes atroces qui restent à ce jour non résolus.</p> <p><strong>En proposant des élections villageoises probables pour la fin de l’année, ne craignez-vous pas un retour du MSM et un revers pour le gouvernement, avec des dossiers tels que la réforme de la BRP, le prix du fioul qui n’a baissé que de quelques roupies, la cherté de la vie, malgré des subsides sur cinq produits, entre autres ?</strong><br /> Pas du tout, au contraire. Une loi est en préparation concernant les collectivités locales, et, dans la pure tradition des élections villageoises, ce sont les habitants de différents bords politiques qui se regroupent pour défendre les intérêts de leurs villages et localités. C’est ainsi que fonctionne la démocratie à l’échelle régionale.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Khushal%20Lobine%20%3A%20%C2%ABIl%20faut%20aller%20plus%20vite%20et%20plus%20loin%20avec%20l%E2%80%99Appointments%20Committee%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/khushal-lobine-il-faut-aller-plus-vite-et-plus-loin-avec-lappointments-committee&amp;2=node/176634" token="RSF_hkmBuoaZd5_Ptl54vRN0xGdkSzf64q9eQj7Pmik"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 07 Sep 2025 02:30:00 +0000 Jean Claude Dedans 176634 at http://defimedia.info Moazzam Begg, ex-détenu de Guantanamo : «Diego Garcia est une pièce cachée de la machine de torture américaine» http://defimedia.info/moazzam-begg-ex-detenu-de-guantanamo-diego-garcia-est-une-piece-cachee-de-la-machine-de-torture-americaine <span>Moazzam Begg, ex-détenu de Guantanamo : «Diego Garcia est une pièce cachée de la machine de torture américaine»</span> <span><span lang="" about="/users/edinally" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Eshan Dinally</span></span> <span>dim 31/08/2025 - 08:17</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/ex_detenu_begg.jpg?itok=KTQ7BywT" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Moazzam Begg, Britannique d’origine pakistanaise, a été détenu sans inculpation entre 2002 et 2005 à Bagram puis à Guantanamo. Depuis sa libération, il s’est imposé comme une voix majeure de la défense des droits humains et des victimes de la « guerre contre le terrorisme ». En visite à Maurice, il a accordé un entretien au Défi Plus.&nbsp;<br /> <br /> <strong>Pouvez-vous décrire votre arrestation au Pakistan ?&nbsp;</strong><br /> C’était le 31 janvier 2002. On a frappé à ma porte. J’étais chez moi, au Pakistan, avec ma femme et mes enfants. Lorsque j’ai ouvert, un groupe d’hommes a fait irruption. Aucun n’était en uniforme. Aucun n’avait de pièce d’identité sur lui. L’un d’eux a appuyé un pistolet contre ma tête. Ils ont envahi ma maison, m’ont attaché les mains dans le dos, menotté les jambes, m’ont forcé à me coucher par terre et m’ont passé un sac sur la tête.&nbsp;</p> <p><strong>Qui étaient ces hommes ?&nbsp;</strong><br /> À l’époque, ils ne se sont pas présentés. Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’il s’agissait d’agents des services de renseignements pakistanais. Ils m’ont jeté dans une voiture et lorsque le sac a été brièvement levé, j’ai aperçu deux Américains à l’intérieur. Ils étaient habillés comme des Pakistanais. Ils m’ont dit clairement : « Vous pouvez répondre à nos questions ici ou vous pouvez le faire à Guantanamo. » À ce moment-là, j’ai compris qu’il s’agissait de la CIA.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi avez-vous été arrêté ?&nbsp;</strong><br /> En 2001, je vivais en Afghanistan avec ma famille. Nous avions lancé un projet humanitaire : construire des écoles et creuser des puits dans des zones frappées par la sécheresse. Je suis resté environ sept ou huit mois, jusqu’au déclenchement de la guerre – l’invasion américaine, les bombardements – et nous avons fui au Pakistan, d’où mes parents étaient originaires.&nbsp;</p> <p>Mais à cette époque, les Américains offraient des primes pour toute arrestation. Des millions de tracts étaient largués au Pakistan et en Afghanistan : « Livrez-nous un suspect et vous recevrez 5 000 dollars. » Des villageois pauvres ont commencé à livrer des étrangers – des musulmans – pour toucher la récompense : Arabes, Pakistanais, Turcs, n’importe qui. C’était le contexte.&nbsp;</p> <p><strong>À ce point-là ?&nbsp;</strong><br /> Oui. La majorité de ceux qui avaient été remis aux Américains – environ 800 personnes – a fini à Guantanamo. Beaucoup ont été « vendus » pour la prime. La plupart étaient innocents. Je dirais que la majorité l’était. Ils n’ont jamais été inculpés, jugés ou condamnés. J’étais de ceux-là. Je n’ai été accusé d’aucun crime.&nbsp;</p> <p><strong>Comment se déroulait la vie quotidienne à Guantanamo ?&nbsp;</strong><br /> Elle traversait plusieurs phases. J’ai passé la majeure partie de mon temps en isolement. Mais avant Guantanamo, j’avais été détenu pendant un an à la prison de Bagram, en Afghanistan, administrée par les États-Unis. Là-bas, j’ai été témoin de la mort de deux prisonniers battus par des soldats américains.&nbsp;</p> <p><strong>Pourquoi ont-ils été tués ?&nbsp;</strong><br /> Dans le premier cas, un homme avait tenté de s’évader. Dans le second, ce fut beaucoup plus brutal. Les soldats semblaient s’amuser du fait qu’à chaque fois qu’ils le frappaient, il criait « Allah, Allah ». Ils lui ont infligé plus de 200 coups sur les jambes, jusqu’à ce que le sang coagule et que son artère cesse de fonctionner. Il en est mort.&nbsp;</p> <p>Je n’ai découvert l’ampleur complète qu’après coup, en lisant les rapports d’autopsie après ma libération. Un documentaire a même été réalisé sur lui, « Taxi to the Dark Side », lequel a remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2008. Il raconte l’histoire du prisonnier que j’ai vu mourir – un homme battu à mort parce que des soldats se moquaient de ses cris adressés à Allah.</p> <p><strong>Et vous, personnellement, qu’avez-vous vécu ?&nbsp;</strong><br /> J’ai été soumis à des abus psychologiques et physiques constants. On diffusait le cri d’une femme dans la cellule voisine tout en me montrant des photos de ma femme et de mes enfants, me faisant croire qu’il leur était arrivé quelque chose. Comme tous les prisonniers, j’ai été dépouillé de mes vêtements, battu, craché dessus par des soldats américains. On m’a rasé les cheveux et la barbe. On m’a craché dessus et même uriné dessus. J’ai vu le Coran être piétiné et déchiré.&nbsp;</p> <p>Pendant toute l’année que j’ai passée à Bagram, je n’ai jamais vu le soleil. Je n’avais pas accès à l’eau pour mes ablutions. Je me suis donc résigné à pratiquer le tayammum (purification sèche) quotidiennement. Pas de nourriture chaude, pas de repas cuisinés, pas de visites familiales, pas d’appels téléphoniques, pas de télévision, pas de radio – aucun des droits fondamentaux accordés aux prisonniers ordinaires partout ailleurs. Je n’avais ni avocat, ni inculpation, ni jugement, rien.&nbsp;</p> <p><strong>Rétrospectivement, vous considérez-vous aujourd’hui comme une victime d’injustice ou un survivant ?&nbsp;</strong><br /> Je ne me considère pas comme une victime. Je me vois comme un survivant. Je remercie Dieu d’avoir traversé cette épreuve. Cela m’a rendu plus fort, plus déterminé et plus concentré sur ce qui compte vraiment dans ma vie et dans mon travail.&nbsp;</p> <p>Si cela n’avait pas été pour Guantanamo, ma voix n’aurait jamais atteint les endroits où elle s’est fait entendre. Grâce à cette expérience, j’ai pu m’adresser directement à des dirigeants mondiaux, à des personnes en position de pouvoir et d’influence. Mes paroles portent désormais à travers le monde.&nbsp;</p> <p>J’ai écrit pour le New York Times, le Washington Post, The Independent, The Guardian et Al Jazeera. Je suis même retourné à la prison de Bagram avec Al Jazeera et j’y ai tourné un film dans le lieu exact où j’avais été détenu. Tout cela découle directement des abus que j’ai subis. Alors non, je ne me considère pas comme une victime. Pas même seulement comme un survivant. Je me vois comme quelqu’un qui a grandi à travers cette expérience.&nbsp;</p> <p><strong>Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire « Enemy Combatant » ?</strong><br /> « Enemy combatant » – «&nbsp;combattant ennemi » – était l’étiquette que les Américains nous avaient attribuée. Elle signifiait que nous n’étions ni prisonniers de guerre, ni prisonniers ordinaires. Sous cette désignation, nous n’avions aucun droit : aucun droit de contester notre détention, aucun droit à une représentation légale, aucune protection par les Conventions de Genève. C’était une catégorie totalement nouvelle, inventée pour nous priver des droits humains les plus fondamentaux. C’est pourquoi j’ai choisi « Enemy Combatant » comme titre de mon livre.&nbsp;</p> <p><strong>Pensez-vous que les gouvernements ont tiré des leçons des erreurs de Guantanamo ?&nbsp;</strong><br /> Je pense que l’Amérique a essuyé un énorme échec avec Guantanamo. Voici un pays qui se proclame le plus ardent défenseur des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit – et tout cela s’est effondré à Guantanamo.&nbsp;</p> <p>À ce jour, des hommes y restent emprisonnés depuis plus de 23 ans, sans inculpation ni procès. Parmi eux se trouve un Palestinien de Gaza, soumis à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants. Ce ne sont pas eux les criminels. L’Amérique est la criminelle, coupable d’emprisonnement arbitraire et de torture systématique.&nbsp;</p> <p>Et l’Amérique a-t-elle appris&nbsp;? Clairement non. Sous les administrations démocrates comme républicaines, Guantanamo est resté ouvert. Pire encore, ils ont externalisé la torture via des programmes de transferts dans d’autres pays. Nous savons désormais – malgré les dénégations répétées au Parlement britannique – que Diego Garcia, dans l’archipel des Chagos, a été utilisé dans ce processus. Diego Garcia est une pièce cachée de la machine de torture américaine. L’un des cas les mieux documentés est celui d’Abu Zubaydah, un Palestinien de Gaza, qui reste à Guantanamo sans inculpation à ce jour.&nbsp;</p> <p><strong>Comment aimeriez-vous être appelé : comme un ancien détenu, une voix pour les sans-voix ou un survivant ?&nbsp;</strong><br /> Ce n’est pas là ma principale préoccupation. Mon souci est que mes actions et mes engagements soient agréés par mon Seigneur. Le regard des autres vient en second plan. Si mon travail peut encore profiter à autrui après ma disparition, cela suffira. Il convient de laisser derrière soi un savoir qui profite aux autres.&nbsp;</p> <p>Je dirais simplement ceci : restez fermes dans vos principes. Ne cédez pas à la pression. Les étiquettes n’ont aucune importance. N’ayez pas peur des épreuves ; ce qui compte, c’est votre intégrité et votre fidélité à vos valeurs.&nbsp;<br /> &nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Moazzam%20Begg%2C%20ex-d%C3%A9tenu%20de%20Guantanamo%20%3A%C2%A0%C2%ABDiego%20Garcia%20est%20une%20pi%C3%A8ce%20cach%C3%A9e%20de%20la%20machine%20de%20torture%20am%C3%A9ricaine%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/moazzam-begg-ex-detenu-de-guantanamo-diego-garcia-est-une-piece-cachee-de-la-machine-de-torture-americaine&amp;2=node/176365" token="-fEtacyVLLGxj-SUVuPpK-7G3pF6rkUfT6V7v0WASCI"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 31 Aug 2025 04:17:00 +0000 Eshan Dinally 176365 at http://defimedia.info Megh Pillay, ancien CEO d’Air Mauritius : «Une décennie de mismanagement ne s’efface pas en trois mois» http://defimedia.info/megh-pillay-ancien-ceo-dair-mauritius-une-decennie-de-mismanagement-ne-sefface-pas-en-trois-mois <span>Megh Pillay, ancien CEO d’Air Mauritius : «Une décennie de mismanagement ne s’efface pas en trois mois»</span> <span><span lang="" about="/users/philbert" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Patrick Hilbert</span></span> <span>sam 30/08/2025 - 08:07</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/megh-pillay_0.jpg?itok=dX7X5Oo0" width="1280" height="720" alt="Megh Pillay" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>L’ex-CEO d’Air Mauritius salue le récent bénéfice trimestriel de Rs 252,7 millions, une première en neuf ans, mais alerte sur les défis persistants. Il prône une autonomie accrue, une gouvernance transparente et des investissements stratégiques dans la flotte et les ressources humaines. Inspiré du modèle de Singapore Airlines, il appelle à clarifier la structure d’Airport Holdings Ltd et à privilégier des alliances équilibrées.</p> <blockquote> <p>« Depuis la sortie d’administration de MK en 2021, rien de significatif n’a changé : pratiquement les mêmes têtes sont restées en place »</p> </blockquote> <p><strong>Pour la première fois depuis neuf ans, Air Mauritius affiche un bénéfice de Rs 252,7 millions au premier trimestre. Lors de l’émission Au Cœur de l’Info lundi dernier, son président Kishore Beegoo a prévu un deuxième trimestre tout aussi positif. Y a-t-il vraiment lieu de se réjouir ?</strong><br /> Espérons-le ! Venant après la série interminable de pannes et d’avions cloués au sol pour la maintenance, c’est une très bonne nouvelle. Cependant, pour apprécier vraiment si c’est une indication que MK sort de l’auberge, il faudra examiner de près les détails contenus dans le rapport trimestriel. Un tel rapport est accompagné d’états financiers complets, avec une balance sheet, un cash flow statement, le rapport et l’analyse du management.</p> <p>Selon les cycles précédents d’Air Mauritius (MK), le deuxième trimestre peut effectivement être meilleur que le premier. En 2016, citée comme la dernière fois où le trimestre se terminait par un profit, MK avait effectivement affiché Rs 375 millions de bénéfice net. Et au deuxième trimestre, elle enregistrait Rs 842 millions de profit net. Cotée en Bourse, la compagnie publiait alors ses comptes détaillés dans les 45 jours suivant la fin du trimestre.</p> <p>Cela permettait aux actionnaires et au public de constater qu’il y avait une baisse des dépenses, une hausse des revenus, une croissance à 760 000 passagers transportés sur les 1 009 000 sièges offerts, soit une progression de +9 % par rapport à la même période en 2015. C’était une amélioration soutenue de ses fondamentaux, et MK avait terminé l’année financière 2016 par des bénéfices nets de 26,9 millions d’euros, équivalant à Rs 1,4 milliard, un record.</p> <p>En passant, même les billets « gratuits » généraient des revenus substantiels ! En réalité, ces billets accordés généralement sur des sièges invendus sont payants en taxes et surcharges, ce qui permettait de récupérer des fonds pour MK et le gouvernement. Les 24 000 sièges invendus mi-2016 n’auraient rien rapporté, étant périssables au décollage de chaque vol. Les 10 000 sièges pris comme « billets gratuits » par les employés rapportaient de l’argent à la compagnie et au gouvernement. Si les résultats du deuxième trimestre 2024 s’accompagnent de données aussi solides, il y aura effectivement de quoi se réjouir.</p> <blockquote> <p>« Le gouvernement doit comprendre que, même appartenant à l’État, une compagnie aérienne doit disposer d’un haut degré d’autonomie »</p> </blockquote> <p><strong>La compagnie reste toutefois confrontée à un shareholder’s deficit de Rs 3,76 milliards. Est-elle toujours en situation extrêmement précaire, ou pas nécessairement ?</strong><br /> Dans toute autre entreprise, une telle situation aurait justifié une liquidation immédiate, sauf qu’ici, l’État soutient Air Mauritius. À titre de comparaison, sur l’exemple de 2016, le shareholders’ equity (capital des actionnaires) était positif, atteignant Rs 5,5 milliards au deuxième trimestre. Si le profit annoncé pour ce premier trimestre 2024 n’est pas plus qu’une embellie pendant la tempête, MK demeure donc dans une précarité dangereuse.Cela n’étonne personne. Depuis la fin de 2016, quand des proches du pouvoir ont pris le contrôle de la gestion d’Air Mauritius, rien de concret n’a été fait pour maintenir la compagnie sur sa trajectoire de progrès. Même l’arrivée de grands professionnels de l’aviation appelés à la rescousse n’a pas suffi, car privés de liberté d’action face aux ingérences, chacun a jeté l’éponge, le premier après une restructuration de capital conçue par Sattar Hajee Abdoula (Grant Thornton) en juin 2019.</p> <p>En avril 2020, le Board plaça MK en administration judiciaire sous le même M. Abdoula. Sous couvert de la pandémie, la compagnie a été alors dépouillée de plus de la moitié de sa flotte et de son personnel expérimenté. Depuis sa sortie d’administration en 2021, rien de significatif n’a changé : pratiquement les mêmes têtes sont restées en place.</p> <p>Airport Holdings Ltd (AHL) a pris le capital de MK, le convertissant en une de ses filiales. Cependant, le CEO d’AHL, la maison-mère, a été réduit à néant sur le Board de MK en raison de rivalités internes. Curieusement, le Board d’AHL était composé de huit membres, tandis que celui de sa filiale MK en comprenait 15. Renverser la situation de MK en trois mois relèverait donc d’un miracle. Une décennie de mismanagement ne s’efface pas en trois mois. On peut conclure que MK reste dans un état de précarité, malgré l’annonce de profits.</p> <p><strong>Que faudrait-il faire concrètement pour faire redécoller la compagnie ?</strong><br /> D’abord, le gouvernement doit comprendre que, même appartenant à l’État, une compagnie aérienne doit disposer d’un haut degré d’autonomie. C’est la condition pour une prise de décision efficace, guidée par sa stratégie commerciale et non par les pressions politiques.</p> <p>De son côté, MK doit définir clairement sa vision à long terme, préciser son orientation stratégique, aligner ses priorités et élaborer un modèle d’affaires solide. Elle doit déterminer ses besoins immédiats en investissements dans une flotte conçue pour répondre aux missions prévues dans son plan d’affaires, et dans les ressources humaines nécessaires à l’exécution de ce plan, afin d’atteindre ses objectifs définis à moyen terme.</p> <p>Le gouvernement, action-naire ultime, doit, à travers les instances d’AHL, nommer un Board restreint alliant réflexion stratégique, expertise sectorielle, sens des affaires et qualités de leadership. Ses membres doivent être de bons communicateurs, capables de collaborer, de prendre des décisions éclairées, de respecter des normes éthiques élevées et de favoriser une culture de responsabilité collective et individuelle.</p> <p>Il faut surtout bannir la pratique du one-man show, où un ou deux conseillers ou nommés politiques s’autoproclament chefs et se permettent de piétiner le Board sous prétexte qu’ils agissent avec la bénédiction « d’en haut » et qu’ils ont reçu le feu vert « d’en haut » pour justifier leurs actes. Ce serait une répétition des travers déjà subis par MK et la voie directe vers le précipice.</p> <p>Le problème de MK n’est pas de redécoller, mais de se maintenir en vol une fois la vitesse de croisière atteinte. C’est précisément à ce moment-là que les proches du pouvoir cherchent à reprendre le contrôle de MK. Si le gouvernement veut vraiment « mean business », il doit absolument éviter cela et laisser les professionnels gérer.</p> <p><strong>Comment redonner confiance au public après ces années de difficultés au sein d’Air Mauritius ?</strong><br /> Dans le monde actuel, l’information circule très vite. Si l’on prétend changer sans modifier ce qui était identifié comme révoltant, personne n’est dupe, et cela se verra immédiatement. À l’inverse, une véritable volonté de changement positif sera rapidement perçue par tous. Le Board, le management, les employés, les passagers, les agences de voyages, les hôtels, les partenaires commerciaux, les banques, les avionneurs, les compagnies de leasing, les assureurs, tout le monde s’en rendra compte et en parlera.&nbsp;</p> <p>La confiance ne reviendra que si le gouvernement respecte les règles de gouvernance, même lorsque MK aura retrouvé son altitude et sa vitesse de croisière. La confiance du public mauricien est certainement importante pour l’orgueil national, profondément blessé par les gaffes à répétition de MK. Mais encore plus essentielle est la confiance de la clientèle internationale, qui représentait 80 % de son chiffre d’affaires et dont dépend sa reprise et l’ensemble de l’industrie du tourisme, pilier de l’économie nationale.</p> <p>Pour cela, la ponctualité, l’accueil, la qualité des prestations à bord et la modernité de sa flotte seront déterminants.</p> <p><strong>On évoque beaucoup, ces temps-ci, la nécessité d’un partenaire stratégique. Le gouvernement semble acquis au principe. Pensez-vous qu’Air Mauritius ait besoin d’un tel partenaire ? Et sous quelle forme ?</strong><br /> Tout partenaire stratégique exigerait les mêmes garanties d’autonomie administrative, commerciale et opérationnelle, garanties qui auraient déjà permis à MK d’évoluer et de se redresser par elle-même. Maurice a signé des Bilateral Air Services Agreements (BASA) avec une cinquantaine de pays, qui régissent les liaisons aériennes : itinéraires, fréquences, capacités de vol. Ces accords sont un actif souverain inestimable. Ils ne devraient pas être partagés ou cédés à des intérêts étrangers, sauf en dernier recours.</p> <p>Avec ou sans partenaire, la tentation de mainmise politique restera un risque majeur, comme le dernier régime l’a clairement démontré. En outre, un grand partenaire stratégique privilégiera toujours son propre réseau, ce qui pourrait priver l’État du contrôle de la stratégie nationale en matière de tourisme, ainsi que de la connectivité régionale, africaine et asiatique. Une partie des recettes en devises fortes générées par MK s’évaporerait à l’étranger.</p> <p>En revanche, MK doit impérativement conclure des alliances stratégiques avec les grands opérateurs déjà autorisés à desservir Maurice. Ces accords de partenariat lui permettront de bénéficier de leurs réseaux mondiaux au-delà de ses dessertes régulières en Europe, Asie, Afrique et Australie. Maurice étant une destination très prisée, ces opérateurs seraient enclins à collaborer avec une MK réformée, stable et crédible, ce qui n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui.</p> <p><strong>Du côté du gouvernement, il y a un certain intérêt pour Qatar Airways. Est-ce que ce serait un bon choix ?</strong><br /> Le nom de Qatar a été cité de façon très hypothétique, mais abondamment répété depuis. Petite anecdote : en février 1996, Qatar a acheté son deuxième Boeing 747SP à Air Mauritius. Détenue par l’État qatari, la compagnie avait démarré ses opérations en 1994 et exploite aujourd’hui plus de 200 avions sur 170 destinations. Elle est parmi les mieux notées des lignes globales.</p> <p>Une alliance stratégique bien étudiée et intelligemment négociée pourrait être mutuellement profitable. Mais compte tenu de l’asymétrie de taille entre Qatar et MK, il y a un risque réel que Qatar absorbe MK, au détriment de l’intérêt stratégique national.</p> <blockquote> <p>« Il faut bannir la pratique du one-man show, où un ou deux conseillers ou nommés politiques s’autoproclament chefs sous prétexte&nbsp;qu’ils ont le feu vert ‘d’en haut’ »</p> </blockquote> <p><strong>Si Qatar Airways était choisie, comment cohabiterait-elle avec Emirates, son grand rival qui amène beaucoup de passagers à Maurice et prévoit un troisième vol en décembre ?</strong><br /> Emirates bénéficie de privilèges sans précédent pour exploiter les droits d’accès aériens entre Maurice et le reste du monde, en dehors de tout BASA conclu avec le gouvernement des Émirats arabes unis. Depuis 2003, Emirates dessert Maurice non pas sous un BASA, mais sur la base d’un simple Memorandum Of Understanding (MoU), renouvelé tous les deux ans, sauf cette année où il a été prolongé pour cinq ans, jusqu’en mai 2030.</p> <p>Selon un terme particulier de ce protocole d’accord, aucune autre compagnie des Émirats n’est autorisée à desservir Maurice sauf Emirates. Emirates opère donc en quasi-monopole sur les routes non couvertes par Air Mauritius ou d’autres compagnies régulières. C’est désavantageux pour Maurice, car cela permet à Emirates de pratiquer des tarifs comme elle l’entend.</p> <p>Maurice aurait tout à gagner à introduire de la concurrence sur toutes ces routes entre Emirates, Qatar, Etihad ou Ethiopian. Ces compagnies exploitent toutes le même modèle hub and spoke, qui maximise les destinations accessibles à partir de leurs plaques tournantes de Dubaï, Doha, Abou Dhabi et Addis-Abeba. Elles sont présentes côte à côte partout où il existe un potentiel de passagers à transporter. Sauf à Maurice !</p> <p>La priorité est que MK sorte de ce protocole d’accord restrictif, mais heureusement fragile, et que le gouvernement négocie avec celui des Émirats arabes unis et signe un véritable BASA conventionnel prescrit sous le Traité de Washington, dont Maurice est signataire. Cela renforcerait le sérieux et la crédibilité du pays dans le monde de l’aviation civile.</p> <p><strong>Avec toutes les compagnies aériennes qui desservent Maurice, a-t-on trop ouvert le ciel au détriment de la compagnie nationale ?</strong><br /> Pas du tout. Le fait qu’Emirates ait obtenu trois vols quotidiens en A380, et des vols additionnels en haute saison, soit plus de 1 600 sièges par jour, démontre que Maurice peut accueillir plus de trafic en accueillant davantage de lignes aériennes. En accordant un vol quotidien à Qatar et Ethiopian, par exemple, on ne changerait pas fondamentalement la donne en termes de saturation de l’offre de sièges sur Maurice. Au contraire, la concurrence enrichira l’offre, fera baisser les prix des billets et bénéficiera à toutes les chaînes de valeur liées au tourisme, au secteur aéroportuaire et à l’économie en général.</p> <p>Air Mauritius pourra, de son côté, se concentrer sur les dessertes directes, où elle a excellé dans le passé, et qui resteront un produit imbattable. Elle profitera aussi des retombées de cette ouverture du ciel, qui renforcera également ses leviers de négociation dans ses potentielles alliances stratégiques.</p> <p><strong>Que faire d’Airport Holdings Ltd (AHL), la holding qui détient Air Mauritius, ATOL, AML, Mauritius Duty Free Paradise et bien d’autres compagnies impliquées dans l’aérien à Maurice ? Avec le recul, était-ce une bonne idée de tout rassembler sous une seule holding ?</strong><br /> Il était plus facile de monter ces structures de capital pour répondre à certains besoins ponctuels en 2021 que de les démonter quatre ans plus tard sans avoir redéfini les missions de chacune de leurs composantes. Une nouvelle vision gouvernementale est indispensable après les événements exceptionnels qui ont marqué ce secteur sous un régime totalitaire. L’objectif de l’époque était la captation de l’État par certains éléments du pouvoir politique. Maintenant que nous en sommes sortis, il est urgent de revoir cette structure.</p> <p><strong>Est-ce qu’Air Mauritius devrait être détachée d’AHL ?</strong><br /> Il serait peut-être préférable de maintenir le lien dans l’immédiat, mais de clarifier le rôle d’AHL. À Singapour, Temasek Holdings, bras financier de l’État, détient 56 % de Singapore Airlines (SIA). Dotée de son propre Board et management, sa mission est de gérer les actifs publics sur une base commerciale. Ce modèle permet à SIA d’être cotée en Bourse, ses actions étant achetées et vendues librement, tout en laissant à Temasek un pouvoir de vote décisif pour influencer les grandes orientations.</p> <p>De la même manière, l’État mauricien pourrait conserver ses prérogatives souveraines sur les orientations d’Air Mauritius à travers une telle structure de capital.</p> <blockquote> <p>« Maurice aurait tout à gagner à introduire de la concurrence sur toutes ces routes entre Emirates, Qatar, Etihad ou Ethiopian »</p> </blockquote> <p><strong>On parle souvent de faire de l’aéroport SSR un hub régional. Vu notre localisation géographique, est-ce vraiment possible ? Si oui, comment et sous quelle forme ?</strong><br /> Même si géographiquement Maurice est excentré, sauf sur les routes maritimes, son développement intensif par rapport à d’autres pays de la région lui attire suffisamment d’intérêt d’affaires et de trafic aérien pour justifier un positionnement privilégié comme hub régional. Air Mauritius en avait pleinement tiré avantage lorsqu’elle était jadis bien gérée, en exploitant les routes régionales comme feeder routes pour alimenter et rentabiliser ses vols long-courriers stratégiques vers quatre continents.</p> <p>MK devra à l’avenir se concentrer sur les dessertes où elle peut offrir un meilleur produit et service que n’importe qui. Parallèlement, le gouvernement doit encourager les investissements d’autres compagnies à être basées à Maurice pour couvrir les destinations régionales et internationales que MK ne peut ou ne veut pas exploiter malgré leur potentiel. L’arrivée d’autres opérateurs mauriciens attirant des investissements dans l’aviation régionale fera croître le marché et attirera plus de voyageurs.</p> <p>Catovair avait timidement ouvert la voie, il y a 20 ans. Le monde de l’aviation a considérablement changé depuis. Il est grand temps que d’autres opérateurs soient encouragés à utiliser Maurice comme home base. Cela ne peut qu’être bénéfique à MK et à toute l’économie du pays.</p> <p><strong>Peut-on vraiment stopper l’ingérence politique au sein d’Air Mauritius ?</strong><br /> Oui, si le gouvernement s’y engage formellement par un instrument de garantie. Il pourrait s’inspirer de l’exemple de la relation entre le gouvernement éthiopien et Ethiopian Airlines, et comprendre que l’ingérence est incompatible avec la gestion d’une entreprise commerciale comme Air Mauritius.</p> <p>Le succès d’Ethiopian Airlines repose sur plusieurs facteurs : un fort soutien de l’État, une gestion professionnelle, une vision stratégique et une focalisation sur l’excellence opérationnelle. Avec une flotte moderne et jeune de plus de 165 avions, Ethiopian Airlines est reconnue comme la meilleure compagnie d’Afrique. Pendant la pandémie, elle a conservé 100 % de son personnel et n’a jamais interrompu ses services.<br /> Depuis sa création en 1945, malgré les changements de régime et l’instabilité politique, Ethiopian a toujours bénéficié d’une grande autonomie, ce qui lui a permis de prendre des décisions guidées uniquement par les impératifs opérationnels et d’assurer l’efficacité de ses activités.</p> <p><strong>Les coûts opérationnels, notamment le prix du carburant et de la maintenance, pèsent lourdement sur la compagnie. Quelles stratégies peuvent-elles être mises en place pour mieux les contrôler ?</strong><br /> Ce sont des coûts inévitables mais parfaitement gérables, et ils ne devraient pas peser davantage sur MK que sur d’autres compagnies concurrentes. Face aux fluctuations du prix du carburant, de la maintenance et de la location, MK a toujours adopté une stratégie à plusieurs volets : efficacité énergétique, optimisation opérationnelle des vols et recours à des contrats à terme pour atténuer l’impact de la volatilité des prix. Le personnel de MK maîtrise déjà ces pratiques et sait parfaitement comment contrôler ses dépenses opérationnelles. Cela fait partie intégrante du métier.</p> <p><strong>Le service à bord et l’expérience client sont parfois cités comme des points faibles. Comment repositionner la compagnie pour offrir un meilleur rapport qualité-prix face à la concurrence ?</strong><br /> Le personnel d’Air Mauritius a été continuellement formé pour améliorer la qualité du service, innover dans le divertissement et la restauration à bord, et tirer parti de la technologie pour proposer des interactions personnalisées renforçant l’image de marque de la compagnie, liée à la destination touristique. Malheureusement, une partie importante du personnel expérimenté, formé et affiné au fil des années, a été sacrifiée durant l’administration judiciaire. La mémoire institutionnelle qui permettait de transmettre savoir-faire et valeurs s’est ainsi perdue, ce qui a entraîné une dégradation visible de l’accueil et du service. Il est nécessaire de rappeler ces talents. D’ailleurs, certains sont déjà revenus et contribuent à redresser le niveau.</p> <p><strong>Quelle place peut occuper Air Mauritius dans le développement du tourisme à Maurice, alors que de plus en plus de touristes arrivent via d’autres compagnies ?</strong><br /> Les deux plus grosses dépenses du touriste à Maurice sont le billet d’avion et l’hébergement. Quand il voyage avec Air Mauritius, le prix de son billet reste dans le pays et renfloue nos réserves en devises fortes. S’il achète son billet auprès de Turkish Airlines, Emirates ou une autre compagnie étrangère, Maurice ne reçoit absolument rien sous ce poste.</p> <p>Avec le partage de code avec Air France par exemple, nous recevions 50 % des recettes. À défaut des revenus sur le transport aérien des touristes sur Maurice, au moins l’hôtellerie profitera des arrivées en provenance des zones hors du réseau d’Air Mauritius et de ses partenaires. Tant mieux pour l’économie, si tout n’est pas perdu.</p> <p>Après tout, Air Mauritius offre un produit distinct : le vol direct. Comme avec Air France ou British Airways, ce produit est souvent plus recherché que les vols avec escale par Istanbul, Dubaï, La Réunion ou autre. Si MK propose des avions fiables et modernes, un service de qualité, une ponctualité irréprochable et des vols directs quotidiens depuis les principaux marchés émetteurs, elle gagnera sur tous les fronts et jouera pleinement son rôle dans le développement touristique du pays. Et, là aussi, Air Mauritius n’a rien à apprendre d’un partenaire stratégique.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Megh%20Pillay%2C%20ancien%20CEO%20d%E2%80%99Air%20Mauritius%20%3A%20%C2%ABUne%20d%C3%A9cennie%20de%20mismanagement%20ne%20s%E2%80%99efface%20pas%20en%20trois%20mois%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/megh-pillay-ancien-ceo-dair-mauritius-une-decennie-de-mismanagement-ne-sefface-pas-en-trois-mois&amp;2=node/176121" token="E0WkoQZ4IUxxA_ZsNUMMQ6hUbDyboKHMV4VRIOFZCYI"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 30 Aug 2025 04:07:00 +0000 Patrick Hilbert 176121 at http://defimedia.info Lindsay Rivière, observateur politique : «Si l’on veut réussir, il faut ‘trase’, ‘bend the rules’» http://defimedia.info/lindsay-riviere-observateur-politique-si-lon-veut-reussir-il-faut-trase-bend-rules <span>Lindsay Rivière, observateur politique : «Si l’on veut réussir, il faut ‘trase’, ‘bend the rules’»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>sam 30/08/2025 - 07:41</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/lindsay_riviere_3.jpg?itok=Duu8xqWS" width="1280" height="720" alt="Lindsay Rivière" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>À Maurice, les nominations politiques récentes ont fait grincer des dents. Népotisme, favoritisme, injustices… les accusations pleuvent, les réseaux sociaux s’enflamment, et les discussions ne tarissent pas. Mais derrière le bruit et la polémique, une question cruciale se dessine : le mérite est-il vraiment reconnu dans notre île ?</p> <blockquote> <p>« Nous avons glissé d’une culture d’excellence académique récompensée vers une autre culture basée sur une notion non pas de ‘who you are’, mais de ‘who you know’ »</p> </blockquote> <p><strong>À Maurice, qu’entend-on vraiment par « mérite » : talent, effort, compétence ou réseaux, relations publiques et affiliations personnelles ?</strong><br /> Promouvoir le « mérite », dans toutes les sociétés, implique de reconnaître et récompenser publiquement l’effort, le talent, les compétences, l’expérience ou encore des qualités académiques, intellectuelles et morales supérieures aux autres. En anglais, on dit « worthiness » ou « deserving ». Cette interprétation est la même à Maurice.</p> <p>La méritocratie, à laquelle l’humanité est tellement attachée, suppose donc une culture de haute performance qui englobe des valeurs d’excellence, de distinction, tout cela dans la justice et l’impartialité. Reconnaître le mérite, c’est donc motiver, encourager ceux et celles qui font l’effort d’aller plus loin et de tendre vers des objectifs plus ambitieux. C’est d’une immense importance dans un pays, une entreprise ou une organisation.</p> <blockquote> <p>« Il y a des conséquences économiques à considérer : la démotivation a un prix. (…)&nbsp;Le ‘brain drain’ actuel commence déjà à nous coûter cher »</p> </blockquote> <p><strong>Qu’en est-il à Maurice ?</strong><br /> Chaque pays a son histoire et ses propres règles de fonctionnement. Il faut voir la question à deux niveaux : le secteur privé et le secteur public et parapublic.&nbsp;</p> <p>Le secteur privé a une politique de nominations et de promotions qui tient compte, non seulement du mérite comme tel, mais qui obéit aussi à des critères de propriété, des droits qui viennent avec l’investissement de fonds privés, l’histoire du pays, la direction familiale des entreprises, etc. Il y a donc dans le secteur privé, tout naturellement, une grande perception de favoritisme et de népotisme familial ou social.&nbsp;</p> <p>Mais, en même temps, le secteur privé base son action sur la recherche du profit, tente de maximiser ce profit et est donc plus à même de reconnaître le mérite et la compétence qui feront les propriétaires gagner plus d’argent. On peut donc plus aisément viser, dans ce cadre, la méritocratie du type « Le talent, d’où qu’il vienne ».</p> <p>La situation est toute différente dans le secteur public et parapublic qui, lui, engage des fonds publics, donc l’argent du contribuable. Il y a d’abord dans tout ce qui est public à Maurice l’obsession de la représentation. Trop souvent, il faut tenir compte de la représentation ethnique ou politique et des symboles.&nbsp;</p> <p>Il est clair que, depuis l’Indépendance, la méritocratie et l’égalité des chances réclamées par la population se sont considérablement érodées à Maurice, essentiellement sous le poids de l’intervention politique et en raison des calculs ethniques. Le système est désormais largement perverti. Il faut d’urgence le remettre à niveau.</p> <p>En 50 ans, nous avons glissé d’une culture d’excellence académique récompensée, laissée par l’Angleterre, vers une autre culture basée sur une notion non pas de ‘who you are’, mais de ‘who you know’. Les facteurs déterminant la sélection pour l’emploi, les nominations et promotions sont aujourd’hui trop souvent basés sur les relations de proximité, de représentation communale, d’appartenance à des réseaux discrets, de clientélisme politique, de loyauté aux puissants ou tout bonnement d’opportunisme et de servilité. C’est dramatique !</p> <p><strong>Quels effets cette situation a-t-elle sur la motivation des jeunes et la confiance des citoyens dans les institutions ?</strong><br /> Un effet pernicieux et corrosif dans les esprits ! Il résulte du favoritisme une terrible frustration, un découragement certain, le sentiment que « ça » ne vaut pas la peine de faire des efforts, puisque si on n’est pas sur la ligne de départ avec des chances égales, forcément on ne sera pas sur la ligne d’arrivée.&nbsp;</p> <p>Enfin, la non-reconnaissance du mérite encourage le sentiment que si l’on veut « réussir », il faut désormais, en toute situation, « trase », « bend the rules », corrompre ou montrer une servilité grandissante du citoyen face aux puissants du jour. Dans ces conditions, il n’est donc pas anormal que le pays connaisse une nouvelle vague d’émigration massive de jeunes et que notre réservoir de talents (formés avec de l’argent public mauricien) aille servir d’autres entreprises dans d’autres pays.</p> <blockquote> <p>« Le pays est en train d’intérioriser et presque de normaliser le passe-droit »</p> </blockquote> <p><strong>Le clientélisme est-il perçu comme normal, toléré ou contesté par la société mauricienne ? Comment cette perception façonne-t-elle le comportement des individus et des organisations ?</strong><br /> Le favoritisme et le clientélisme sont toujours et partout vus comme scandaleux, mais le pays est en train d’intérioriser et presque de normaliser le passe-droit et le besoin de « connections » pour obtenir un emploi ou faire avancer un dossier ou une autorisation. Bien sûr, ce réflexe n’est pas général. Il n’y a pas que des calculs partout et le mérite est certes parfois reconnu.&nbsp;</p> <p>Mais de plus en plus, on entend dire : « Al get minis, sinon depite ». Chacun est invité à « jouer son film », à s’aplatir devant le politicien, à lever le drapeau dans les meetings, à passer des fleurs au cou ou à crier « Oumem papa, oumem mama ». C’est honteux et indigne !</p> <p><strong>Quels secteurs sont les plus touchés par l’influence politique et le réseau ? Y a-t-il des différences significatives ?</strong><br /> Très certainement, le secteur public et parapublic est le plus touché. On a trop distribué aux ministres et hauts fonctionnaires le pouvoir de nommer des gens « dans des situations d’urgence » au-dessous d’un certain salaire ou dans une limite de contrats. À mesure, on en use et on en abuse. Il faut restreindre ces pouvoirs, multiplier les « Appointment Committees » et élargir leur champ d’action.</p> <p><strong>Quelles conséquences invisibles observe-t-on sur la société et l’économie ? Fuite de talents, désengagement, innovation freinée… Jusqu’où ces pratiques pèsent-elles ?</strong><br /> Les conséquences sont d’abord de nature psychologique. Il en résulte une grande perception d’injustice. Or, l’injustice suscite une série de sentiments négatifs et révolte le plus souvent. Mgr Jean Margéot disait souvent que « l’injustice est, à travers le monde, le bouillon de culture de toutes les révolutions ».&nbsp;</p> <p>Par nature même, l’homme n’accepte pas l’injustice. Alors, il faut toujours faire attention à ne pas laisser se répandre ce sentiment.</p> <p>Ensuite, il y a des conséquences économiques à considérer : la démotivation a un prix. Il nous faut utiliser au maximum notre potentiel et notre réservoir de talents. Le monde a beaucoup changé. Maurice n’est plus l’horizon de tous nos citoyens. Le brain drain actuel commence déjà à nous coûter cher. À quoi sert-il de développer de nouveaux secteurs, des hubs ici et là, si on n’a plus de main-d’œuvre qualifiée pour y travailler ?</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Lindsay%20Rivi%C3%A8re%2C%20observateur%20politique%20%3A%20%C2%ABSi%20l%E2%80%99on%20veut%20r%C3%A9ussir%2C%20il%20faut%20%E2%80%98trase%E2%80%99%2C%20%E2%80%98bend%20the%20rules%E2%80%99%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/lindsay-riviere-observateur-politique-si-lon-veut-reussir-il-faut-trase-bend-rules&amp;2=node/176122" token="x3Pc0KG2bVP6SAV9AWMFaQFHBgpq0Atp4qmhBtnErBI"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 30 Aug 2025 03:41:00 +0000 Jean Claude Dedans 176122 at http://defimedia.info Aadil Ameer Meea : «Maurice espère obtenir un accord de libre-échange avec les États-Unis» http://defimedia.info/aadil-ameer-meea-maurice-espere-obtenir-un-accord-de-libre-echange-avec-les-etats-unis <span>Aadil Ameer Meea : «Maurice espère obtenir un accord de libre-échange avec les États-Unis»</span> <span><span lang="" about="/users/gleena" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="" content="Leena Gooraya-Poligadoo">Leena Gooraya-…</span></span> <span>dim 24/08/2025 - 08:02</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/textile_1_0.jpg?itok=-yTsMrkl" width="1280" height="720" alt="" title="Les opérateurs mauriciens avancent que certains clients américains ont déjà commencé à réduire les volumes de leurs commandes." typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>L’African Growth and Opportunity Act, qui permettait depuis 2000 à plusieurs pays africains, dont Maurice, d’exporter vers les États-Unis sans droits de douane, prendra fin le 30 septembre 2025. L’incertitude autour de son renouvellement met déjà sous pression plusieurs secteurs, en particulier le textile. Au niveau du gouvernement, on souhaite obtenir un accord de libre-échange afin de préserver l’accès préférentiel des exportateurs locaux au marché américain.&nbsp;<br /> <br /> Le ministre de l’Industrie, des PME et des Coopératives, Aadil Ameer Meea indique que l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) expirera le 30 septembre, sauf décision contraire de Washington. « Le souhait de Maurice, de l’Union africaine, de la Southern African Development Community (SADC) et du Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) est de renouveler l’AGOA », dit-il. &nbsp;Selon lui, le Premier ministre Navin Ramgoolam se rendra aux États-Unis prochainement pour mener des discussions bilatérales. « Maurice espère obtenir un accord de libre-échange avec les États-Unis, afin de préserver l’accès préférentiel de ses exportateurs au marché américain », explique-t-il.&nbsp;</p> <p>Mais l’éventualité d’une fin définitive de l’AGOA reste préoccupante. Le ministre rappelle que les exportateurs mauriciens bénéficient depuis 25 ans d’une exonération des droits de douane sur leurs produits destinés aux États-Unis. Sans ce régime préférentiel, des customs duties variant de 2 % à 35 % seront appliqués, selon les catégories de produits. « Il faut comprendre que ce ne sont pas uniquement les exportateurs mauriciens qui seront affectés, mais tous les pays concernés. Cette situation va créer un désordre dans les échanges internationaux », estime Aadil Ameer Meea. Pour illustrer l’ampleur du problème, il cite le cas de l’Inde, où certains produits se voient imposer des droits de douane de 50 % à l’entrée du marché américain, entraînant des fermetures d’usines.</p> <p>D’autre part, avec l’échéance qui approche, l’inquiétude grandit parmi les opérateurs mauriciens. Nitish Rama, directeur de la société The Formula, entièrement tournée vers l’exportation, redoute l’impact de la fin de l’AGOA. Son entreprise écoule 50 % de sa production en Afrique du Sud, 25 % en Europe et 25 % aux États-Unis. « Les États-Unis demeurent un marché très important pour nous. Et si l’AGOA n’est pas renouvelée... », explique-t-il. Il avance que certains clients américains ont d’ores et déjà averti qu’ils ne passeraient plus de commandes sans ce régime préférentiel, tandis que d’autres ont commencé à réduire leurs volumes. À ces incertitudes s’ajoute la révision du Freight Rebate Scheme, annoncée dans le dernier budget, qui réduit le remboursement du fret de 60 % à 40 %. « Nos coûts sont désormais plus élevés. Avec la fin de l’AGOA, la situation deviendra encore plus compliquée », souligne l’exportateur.</p> <p>Dans ce climat incertain, Nitish Rama envisage déjà un recentrage stratégique. « Je me concentre davantage sur le marché africain. Je suis en négociation avec de nouveaux clients. Je ne peux pas prendre le risque de dépendre du marché américain. Pour assurer la survie de mon entreprise, je dois explorer des débouchés où les coûts d’exportation restent soutenables », explique-t-il.</p> <h3>Des PME également menacées</h3> <p>La situation préoccupe aussi les petites et moyennes entreprises. Ajay Beedassee, président de SME Chambers, est « dans l’inquiétude et le suspense&nbsp;». Sept PME de son organisation exportent actuellement vers les États-Unis. Pour lui, la fin de l’AGOA représenterait un choc majeur. « Si le régime n’est pas renouvelé, il faudra compter jusqu’à 32 % de droits de douane sur les exportations. Et il faut ajouter une taxe réciproque de 15 %. Finalement, les exportateurs mauriciens pourraient se retrouver avec une charge fiscale de 47 %. « C’est insoutenable pour nos entreprises. » Il avance que certains clients américains ont proposé de partager le fardeau de cette nouvelle taxation. Mais les exportateurs mauriciens seraient perdants. « On ne pourra pas continuer à exporter si la marge de profit est trop faible ou si nous travaillons à perte », insiste Ajay Beedassee.</p> <h3>Mesures de soutien</h3> <p>Le président de SME Chambers demande au gouvernement de mettre en place des mesures en cas de non-renouvellement de l’AGOA. Il s’agirait, selon lui, d’un ensemble de mesures d’encouragement, allant de subventions directes à des exonérations fiscales, en passant par des réductions de droits de douane sur certaines importations stratégiques. «&nbsp;Si le gouvernement n’apporte pas son soutien, les exportations mauriciennes seront bouleversées. Les recettes en devises étrangères baisseront, des usines fermeront et des emplois seront perdus. »</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Aadil%20Ameer%20Meea%20%3A%C2%A0%C2%ABMaurice%20esp%C3%A8re%20obtenir%20un%20accord%20de%20libre-%C3%A9change%20avec%20les%20%C3%89tats-Unis%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/aadil-ameer-meea-maurice-espere-obtenir-un-accord-de-libre-echange-avec-les-etats-unis&amp;2=node/176079" token="-zaB3tVGxSfg-Ni-JKBLgAbhHUVlgE7J1fLOLs1qTa0"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 24 Aug 2025 04:02:00 +0000 Leena Gooraya-Poligadoo 176079 at http://defimedia.info Jérôme Clarenc : «Investir dans la sécurité alimentaire à Maurice, c’est investir dans son avenir» http://defimedia.info/jerome-clarenc-investir-dans-la-securite-alimentaire-maurice-cest-investir-dans-son-avenir <span>Jérôme Clarenc : «Investir dans la sécurité alimentaire à Maurice, c’est investir dans son avenir»</span> <span><span lang="" about="/users/pdaby" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Pradeep Daby</span></span> <span>sam 23/08/2025 - 07:17</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/jerome_clarenc_3.jpg?itok=otXZM6s7" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Jérôme Clarenc, directeur général de Moroil, souligne que l’entreprise, leader du marché local des huiles comestibles, se concentre sur la sécurité alimentaire et la qualité de ses produits. Elle investit également dans le recyclage des emballages plastiques pour répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux.</p> <p><strong>À décembre 2024, quelle était la position de Moroil sur le marché des huiles comestibles locales ?</strong><br /> Moroil est leader des huiles comestibles sur le marché local. Nous devons cela à nos marques fortes synonymes de confiance, notre rigueur sur la qualité de nos produits et sur l’engagement sans faille de nos équipes.&nbsp;</p> <p>Je voudrais vraiment souligner l’importance pour le pays d’avoir une base industrielle forte afin de garantir une sécurité alimentaire. Nous avons mis en place un plan d’investissement pour une efficience optimale de notre usine et ainsi pouvoir assurer à la population mauricienne un approvisionnement continu à des prix compétitifs.</p> <p><strong>Comment Moroil s’est-elle développée depuis sa création ? Et quels sont les facteurs qui ont favorisé son expansion, faisant de l’entreprise le leader de sa filière à Maurice ?</strong><br /> Pour vous situer, Moroil a vu le jour en 1968, répondant au besoin pour le pays de créer une industrie de substitution visant à renforcer la sécurité alimentaire, diversifier l’économie et créer des emplois.<br /> Je dirais que notre présence depuis toutes ces années est le résultat de plusieurs facteurs. Avant tout, avec le soutien du conseil d’administration, nous investissons régulièrement dans des équipements de renommée mondiale, intégrant les dernières avancées technologiques, ce qui reflète notre engagement constant à rester à la pointe de l’innovation.</p> <p>Le savoir-faire de nos employés et la maîtrise de la chaîne de valeur, allant de l’achat des matières premières, en passant par le raffinage et le conditionnement, jusqu’à la livraison des produits finis, constituent un atout majeur. Notre partenariat stratégique avec Lesieur nous a permis de bénéficier d’une expertise internationale, mais aussi de produire et de commercialiser cette marque localement.&nbsp;</p> <p>Notre agilité à répondre aux attentes évolutives de nos clients de divers segments, qui nous sont restés fidèles, renforce notre position sur le marché. Nous jouons également un rôle clé dans la fourniture d’huile en vrac à l’industrie et au secteur hôtelier. Notre engagement collectif envers la qualité est confirmé par l’obtention de certifications telles que la HACCP, BRCGS et MSB, sans compter notre diversification dans une gamme de produits alimentaires de qualité.</p> <p>Un facteur fort de notre expansion reste notre engagement en tant que membre fondateur de l’AMM (Association of Mauritian Manufacturers) et du label « Made in Moris », symbole de la confiance et de la valorisation de la production locale.</p> <p><strong>Dans quelles proportions Moroil a-t-elle subi les impacts générés par la crise de la Covid et comment s’en est-elle sortie ? A-t-elle recouru aux différents soutiens accordés à ce moment-là par l’État ? Est-ce qu’on peut dire qu’à ce jour, elle a pu renouer avec la normalité pré-Covid ?</strong><br /> Grâce à la réactivité et à la polyvalence de ses équipes, Moroil a pu assurer l’approvisionnement du pays en huile comestible pendant la crise de la Covid-19. Toutefois, à la suite de cette crise sanitaire, le pays a rapidement été confronté à un autre défi majeur, notamment la difficulté d’approvisionnement d’huiles végétales causée par la guerre en Ukraine. Je me rappelle encore que certains pays producteurs fermaient leurs portes à l’exportation. Encore une fois, nous avons pu maintenir notre production en nous appuyant sur des partenariats solides avec nos fournisseurs de matières premières et rester fidèles à nos engagements.&nbsp;</p> <p>Imaginez-vous un pays tourné seulement vers une importation de produits finis ? Cette résilience souligne plus que jamais le rôle essentiel d’une production locale, avec des circuits courts, garantissant la sécurité alimentaire de notre île. Quant au retour à la normalité pré-Covid, à ce jour le manque de devises étrangères demeure très inquiétant.</p> <p><strong>Depuis ces dix à 20 dernières années, Maurice connaît des mutations profondes en matière alimentaire, en termes de variétés et d’ouverture à d’autres types d’alimentation. Comment Moroil répond elle à cette nouvelle réalité ?</strong><br /> Nous avons toujours su rester à l’écoute des attentes du marché en proposant des produits adaptés et variés. En complément de ses huiles raffinées localement, l’entreprise offre une large gamme d’huiles importées telles que les huiles d’olive, de pépins de raisin, de maïs, de colza et bien d’autres, répondant ainsi à une demande de plus en plus diversifiée.&nbsp;</p> <p>En plus de ses huiles, Moroil propose également divers produits alimentaires de qualité, afin de satisfaire les besoins évolutifs des consommateurs.</p> <p><strong>Maurice a assisté ces dernières années à l’éclosion de grandes surfaces alimentaires, dont la plupart ont aménagé une aire de restauration aux quatre coins de l’île. Quel en a été l’impact pour Moroil ?</strong><br /> Notre mode alimentaire a évolué, d’où de nombreuses aires de restauration («&nbsp;food courts&nbsp;») à travers l’île. L’entreprise a été impactée et a dû s’adapter en proposant des formats spécifiques pour répondre aux besoins de nouvelles structures. Dans certains cas, elle assure aussi des livraisons en vrac, réduisant ainsi l’usage de plastique à usage unique.</p> <p><strong>Depuis l’apparition de la Covid, les chocs liés à l’appréciation du dollar, au coût du fret et à certaines perturbations dans l’approvisionnement de nombreux produits continuent d’influencer les prix des denrées alimentaires. Comment l’entreprise gère-t-elle ces problématiques ?</strong><br /> Les prix des huiles végétales brutes demeurent extrêmement volatils sur le marché international. Nous sommes attentifs à tous les facteurs qui ont un impact sur les prix d’huiles et prenons les décisions appropriées pour nos achats avec l’aide de nos partenaires internationaux.</p> <p><strong>Y a-t-il une surconsommation d’huiles ménagères par les Mauriciens, ce qui, selon certaines études, constitue un facteur favorisant les problèmes cardiaques, ainsi que les maladies non transmissibles, comme le diabète et l’hypertension ? Comment Moroil contribue-t-elle à promouvoir une consommation alimentaire responsable ?</strong><br /> Notre pays enregistre un des taux les plus élevés de diabète au monde et un quart des décès dans le pays est attribué aux maladies cardiovasculaires. Tout excès nuit ! Un effort conjoint du secteur privé et des autorités doit continuer sur l’éducation et la conscientisation de la population sur un style de vie alliant alimentation équilibrée et activité physique régulière.&nbsp;</p> <p>Je voudrais faire ressortir que les huiles de Moroil, soumis à un raffinage responsable, sont toutes végétales et riches en acides gras essentiels ; l’huile de soja est source d’oméga 3, tandis que l’huile de tournesol a une teneur élevée en vitamine E et en oméga 6. De plus, les huiles doivent impérativement subir des conditions de cuissons optimales afin de ne pas éliminer les éléments essentiels.&nbsp;<br /> Moroil a participé à des campagnes de sensibilisation auprès du grand public et nous avons aussi été partie prenante à l’élaboration du ‘Food Act 2022’.</p> <p><strong>La taille du marché mauricien peut-elle limiter l’expansion de Moroil ? Dans ce cas, serait-il judicieux pour l’entreprise de se tourner vers des marchés régionaux et continentaux ?</strong><br /> Effectivement la taille du marché local est limitée et ne permet pas de réaliser des économies d’échelle. Toutefois, Moroil dispose d’une capacité de production excédentaire d’environ 50 %, avec pour objectif de développer l’exportation vers les marchés régionaux. Malheureusement, les règles d’origine en vigueur nous freinent dans cette démarche. Il est important de souligner que s’inscrire sur les marchés régionaux permettrait de valoriser le savoir-faire local et, par ailleurs, toute ouverture à l’export contribuerait significativement à l’économie nationale en générant des entrées de devises appréciables.&nbsp;</p> <p><strong>Depuis dix ans, les experts en consommation saine encouragent l’utilisation d’huiles de cuisson telles que l’huile d’olive ou d’avocat. Ces alternatives vous semblent-elles pertinentes et réalisables à Maurice ?</strong><br /> Chaque huile a son utilisation. Pour une bonne friture, je conseillerais l’huile Rani ; pour les cuissons de tous les jours, nos huiles de soja ou tournesol. Vous mentionnez l’huile d’olive ou d’avocat. Ce sont des produits que nous avons dans notre gamme et qui répondent davantage à l’assaisonnement de plats, notamment pour relever le goût.&nbsp;</p> <p><strong>Comment adressez vous les enjeux de coûts liés à la volatilité dans votre filière, tels que les conditions climatiques, les rendements des cultures ou encore les tensions géopolitiques ?</strong><br /> Les enjeux de coûts liés à la volatilité représentent effectivement des défis dans notre filière. Pour y faire face, nous nous appuyons sur des partenariats solides avec nos fournisseurs internationaux, qui nous permettent d’anticiper et de minimiser ces impacts grâce à du ‘Market Intelligence’. Toutefois, il est important de reconnaître que certains facteurs, dont ceux que vous mentionnez, restent hors de notre contrôle, et cela vaut aussi bien pour Moroil que pour l’ensemble du pays.</p> <p><strong>Est-ce que les pays du groupe des BRICS peuvent offrir une alternative en termes d’approvisionnement en matières premières pour la production d’huiles de cuisson ?</strong><br /> Le Brésil est le plus gros producteur d’huile de soja au monde et Moroil s’approvisionne déjà de cette région. Les autres pays du groupe des BRICS ne constituent pas tous une alternative complète pour l’approvisionnement en matières premières destinées à la production d’huiles de cuisson. En effet, tous ne produisent pas en quantité suffisante pour pouvoir exporter des oléagineux.</p> <p><strong>Au niveau des emballages, votre secteur compte parmi ceux qui produisent le plus grand nombre de bouteilles en plastique. Quelle est votre politique en matière de récupération et de recyclage de ces emballages ? Est-ce que vous constatez que les Mauriciens sont sensibles à la cause environnementale, devenue un enjeu économique de premier plan ?</strong><br /> Nous avons mené durant ces six derniers mois un cycle de travaux sur notre positionnement en tant qu’industrie du futur, débouchant sur un programme de transformation interne déjà engagé - Moroil 2030. Cette mobilisation de nos comités de direction et de notre équipe exécutive s’est aussi inspirée des évolutions sociétales à l’image de la population qui est sensible aux engagements durables.</p> <p>Parmi nos initiatives d’économie circulaire, nous utilisons majoritairement des bouteilles recyclables et travaillons à l’approvisionnement en bouteilles incorporant de la matière recyclée. Nous livrons certains clients professionnels (hôtels, industriels, revendeurs) des huiles en conteneurs de 1 000 L ce qui limite l’usage de plastiques et de cartons d’emballages ; nous poursuivons ainsi des efforts engagés depuis plusieurs années.&nbsp;</p> <p>Par ailleurs, Moroil a développé un partenariat avec Bioil Ltd, collecteur agréé de déchets huileux et graisseux à Maurice, pour le recyclage des huiles alimentaires usagées. Les huiles usagées sont collectées grâce au dispositif BioilBox – des conteneurs spécialement conçus et placés dans des points clés – puis transformées en sources d’énergie verte telles que le biocarburant, le biodiesel, le biokérosène ou le biogaz, offrant donc des alternatives aux carburants fossiles.&nbsp;</p> <p>Cette initiative vise à sensibiliser la population et les professionnels à adopter les bons gestes pour éviter que ces déchets ne finissent dans la nature. De par cela, ces gestes contribuent à la protection de notre île et de ses écosystèmes.</p> <p>De plus, la décision prise par Moroil de travailler avec des professionnels pour installer des panneaux photovoltaïques va permettre d’ajouter de l’énergie propre au réseau, de réduire les émissions de notre usine et de contribuer à l’objectif national de 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2035.&nbsp;</p> <p>Ces projets illustrent la volonté de Moroil de réduire notre empreinte carbone et de concilier production, innovation et responsabilité environnementale, tout en sensibilisant nos compatriotes à la protection de l’île.</p> <p><strong>Comment voyez-vous évoluer les prix de ces denrées cette année, compte tenu de l’érosion du pouvoir d’achat et des problématiques citées plus haut, mais aussi résultant d’une demande croissante au niveau mondial ?</strong><br /> Il est très difficile de répondre à cette question, car les prix des diverses matières premières restent extrêmement volatils en raison de plusieurs facteurs hors de notre contrôle. Je pense ici aux conditions climatiques, aux tensions géopolitiques, ainsi que l’utilisation croissante du biodiesel.</p> <p><strong>Dans un autre ordre d’idées, pensez vous qu’une filière agroalimentaire à Maurice soit possible et rentable pour réduire notre dépendance à l’étranger, tout en tenant compte des enjeux liés à la disponibilité limitée de terrains cultivables, à celle de la main-d’œuvre, aux coûts de production et aux limites du marché domestique ?</strong><br /> La création d’une offre agricole locale pour répondre aux besoins de notre filière agroalimentaire, celle des huiles végétales, est séduisante, mais ce ne serait malheureusement pas rentable d’avoir une cultivation sur nos terres. Pour vous donner une idée de grandeur, il faudrait environ 1 arpent de terre pour produire seulement 200 L d’huile de soja. Le potentiel d’approvisionnement se situerait davantage au niveau régional.&nbsp;</p> <p>C’est dans cet espace de réflexion stratégique que Moroil s’engage, avec des visées de long terme, pour des partenariats agro-industriels régionaux devant aussi améliorer la sécurité d’approvisionnement de notre île.</p> <p>Je veux vraiment mettre l’emphase sur le rôle majeur de l’industrie locale dans le développement économique, social et environnemental d’un pays. Elle permet de réduire la dépendance aux importations, générer des emplois dans divers secteurs, améliorer sa balance commerciale et assurer une meilleure autonomie en matière de sécurité alimentaire.</p> <p>N’oublions pas que l’industrie locale a joué un rôle crucial pour le pays pendant la pandémie de Covid-19 et le conflit en Ukraine. Ces crises ont mis en évidence la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement globales, entraînant un manque de produits essentiels. Dans notre secteur, notamment celui de la production des huiles végétales, nous avons fait preuve de résilience et avons pu garantir un approvisionnement continu à la population.&nbsp;</p> <p>Je voudrais conclure en disant que la sécurité alimentaire est un facteur de stabilité ; investir dans ce domaine, c’est investir dans son avenir.</p> <p><br /> &nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=J%C3%A9r%C3%B4me%20Clarenc%20%3A%C2%A0%C2%ABInvestir%20dans%20la%20s%C3%A9curit%C3%A9%20alimentaire%C2%A0%C3%A0%20Maurice%2C%20c%E2%80%99est%20investir%20dans%20son%20avenir%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/jerome-clarenc-investir-dans-la-securite-alimentaire-maurice-cest-investir-dans-son-avenir&amp;2=node/175942" token="egdwcqatYQHBqxKiCPgTv5zzfrxUkGDs-kooLt6mM0Q"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 23 Aug 2025 03:17:00 +0000 Pradeep Daby 175942 at http://defimedia.info Nasser Moraby : «La STC doit veiller à ce que les subsides ne soient pas détournés» http://defimedia.info/nasser-moraby-la-stc-doit-veiller-ce-que-les-subsides-ne-soient-pas-detournes <span>Nasser Moraby : «La STC doit veiller à ce que les subsides ne soient pas détournés»</span> <span><span lang="" about="/users/gleena" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="" content="Leena Gooraya-Poligadoo">Leena Gooraya-…</span></span> <span>mer 20/08/2025 - 08:50</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/nasser_moraby_0.jpg?itok=rXOc_KhA" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Fixé à Rs 2,60 depuis 2012, le prix du pain maison repose sur des subsides de l’État. Mais selon Nasser Moraby, président de l’Association des propriétaires de boulangeries, ces aides profitent aussi à d’autres opérateurs comme les marchands de ‘dholl puri’ ou certaines grandes surfaces, fragilisant davantage un secteur déjà en crise.</p> <p><strong>Le prix du pain maison est resté fixé à Rs 2,60 depuis 2012. Comment les boulangers arrivent-ils à maintenir leurs activités malgré ce tarif gelé ?</strong><br /> Il devient de plus en plus difficile pour nous de continuer à opérer. Tous les intrants nécessaires à la production notamment la farine, la levure, l’électricité et la main-d’œuvre ne cessent d’augmenter. Comme l’a rappelé le Premier ministre adjoint, le prix du pain n’a pas été révisé depuis bientôt 13 ans. Dans ces conditions, beaucoup de boulangeries ne tiendront plus longtemps. Nous comptons aujourd’hui environ 170 boulangers dans le pays, mais déjà 27 ont fermé leurs portes ces dernières années, et plusieurs autres envisagent de le faire. Je préfère être clair. Si rien ne change, les Mauriciens doivent se préparer à ne plus trouver de pain maison dans un avenir proche. En sus, avec un prix aussi bas, on observe beaucoup de gaspillage. Dans presque chaque foyer, il reste du pain jeté à la fin de la journée. Résultat : le pain est banalisé, d’autant qu’un simple sac en plastique coûte aujourd’hui plus cher qu’un pain maison. Une révision du prix contribuerait à réduire ce gaspillage et, par ricochet, à limiter les importations de farine.</p> <p><strong>Le gouvernement estime qu’il faut Rs 450 millions de subventions annuelles pour maintenir le prix actuel. Ces aides bénéficient-elles réellement aux boulangers et aux consommateurs ?</strong><br /> Sans subvention, le prix réel du pain maison serait de Rs 6,35. Or, avec un prix fixé à Rs 2,60, le consommateur bénéficie d’un soutien de Rs 3,75 par pain. Sur ce montant, le boulanger touche environ Rs 1,98, ce qui laisse un manque à gagner de Rs 1,77. Nous avons proposé, lors de la dernière consultation budgétaire, que l’État ajoute ces Rs 1,77 au subside versé aux boulangers. Malheureusement, notre demande est restée lettre morte. Ainsi, beaucoup de boulangers risquent de cesser leurs activités, d’autant que la pénurie de main-d’œuvre vient aggraver la situation. Personnellement, il m’est arrivé de ne pas pouvoir ouvrir ma boulangerie pendant deux jours, faute de travailleurs.</p> <p><strong>Justement, le gouvernement travaille sur un nouveau système pour accélérer l’octroi des permis de travail. Cela pourrait-il résoudre le problème ?</strong><br /> On nous dit depuis plusieurs années qu’un comité a été mis en place pour faciliter l’importation de travailleurs étrangers. L’ancien gouvernement l’avait aussi annoncé, mais rien n’a vraiment changé. Pire encore, les permis pour recruter des travailleurs bangladais qui ont l’expérience nécessaire dans ce métier ne sont plus accordés. On privilégie les Népalais, Malgaches ou Indiens, mais ils n’ont pas toujours les compétences requises pour travailler en boulangerie. Par conséquence, nous restons coincés.</p> <p><strong>Le Premier ministre adjoint a évoqué « certains abus » dans l’utilisation des subsides. Y a-t-il vraiment des détournements ?</strong><br /> Pas au niveau des boulangers. Le système est strict. Quand nous achetons de la farine à la State Trading Corporation (STC), il faut présenter des bons, payer par chèque et fournir une garantie bancaire. La STC ne vend pas à crédit. C’est un processus rigoureux, qui rend difficile toute fraude. S’il y a eu abus, ils concernent sans doute d’autres opérateurs. Le subside pour la farine ne devrait être réservé qu’aux boulangers. Or, on constate que les marchands de ‘dholl puri’ ou encore certaines grandes surfaces en bénéficient aussi. C’est à la STC de s’assurer qu’il n’y ait pas de mauvaise utilisation.</p> <p><strong>Quelles réformes attendez-vous pour assurer l’avenir du métier et renforcer la sécurité alimentaire ?</strong><br /> Nous réclamons depuis longtemps la création d’une école des boulangers. D’autres secteurs en ont déjà, comme l’hôtellerie, le textile ou l’informatique. Pourquoi pas la boulangerie ? Former des jeunes Mauriciens serait plus économique que de dépendre d’une main-d’œuvre étrangère coûteuse. Avec une formation spécialisée, ce métier pourrait redevenir attractif pour nos compatriotes et garantir la pérennité du métier.&nbsp;<br /> &nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Nasser%20Moraby%C2%A0%3A%C2%A0%C2%ABLa%20STC%20doit%20veiller%20%C3%A0%20ce%20que%20les%20subsides%20ne%20soient%20pas%20d%C3%A9tourn%C3%A9s%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/nasser-moraby-la-stc-doit-veiller-ce-que-les-subsides-ne-soient-pas-detournes&amp;2=node/175891" token="W8EcA9zGBpZ3HsgTfS-6Kh0OIxByh7u4-msU30D_b_M"></drupal-render-placeholder></div> Wed, 20 Aug 2025 04:50:00 +0000 Leena Gooraya-Poligadoo 175891 at http://defimedia.info Dr Anjali Boyramboli : «Les enfants sont connectés en permanence et sont donc vulnérables en continu» http://defimedia.info/dr-anjali-boyramboli-les-enfants-sont-connectes-en-permanence-et-sont-donc-vulnerables-en-continu <span>Dr Anjali Boyramboli : «Les enfants sont connectés en permanence et sont donc vulnérables en continu»</span> <span><span lang="" about="/users/defiplus" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Defi Plus</span></span> <span>dim 17/08/2025 - 08:46</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/dr_anjali_boyramboli.jpg?itok=dbR4WK0D" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Isolement, douleurs inexpliquées, silence pesant… Dans l’entretien qui suit, le Dr Anjali Boyramboli, académicienne en psychologie, analyse le rôle des écrans, la responsabilité parentale et les outils numériques qui peuvent aider, sans remplacer le dialogue. Elle propose une approche fondée sur le dialogue, la formation émotionnelle et la création d’un environnement de confiance.&nbsp;</p> <p><strong>Quels signes doivent alerter les parents et les enseignants lorsqu’un enfant est sujet au harcèlement dans le cadre scolaire ?</strong><br /> Cinq indicateurs principaux doivent retenir l’attention&nbsp;:</p> <ul> <li>Manifestations physiques inexpliquées. Douleurs abdominales récurrentes, nausées matinales, troubles du sommeil, variations de poids et marques sur le corps sans explication cohérente. Ces symptômes somatiques peuvent traduire une détresse profonde liée au harcèlement.</li> <li>Isolement social brutal. L’enfant se replie sur lui-même, s’éloigne de ses camarades, déjeune seul, évite les groupes et ne partage plus rien de sa vie scolaire. Il peut sembler présent physiquement, mais absent mentalement — comme s’il se retirait du monde.</li> <li>Effondrement émotionnel discret. Des pleurs sans raison apparente, des accès de colère, une tristesse persistante ou une peur marquée de l’école ou d’une personne en particulier sont autant de signaux souvent ignorés ou minimisés, mais qui doivent alerter.</li> <li>Comportements figés ou de dissociation. Certains enfants adoptent une posture de retrait total&nbsp;: immobilité soudaine, regard absent, gestes ralentis, ou encore refuge dans leur téléphone pour se couper de la réalité. Ce mécanisme de «&nbsp;freeze&nbsp;» est une réponse instinctive à une situation perçue comme menaçante.</li> <li>Évitement ciblé et mutisme partiel. L’enfant peut contourner certains lieux, personnes ou moments précis de la journée. Il devient parfois silencieux, que ce soit à l’école ou à la maison, par peur d’aggraver ce qu’il vit. Ce silence peut dissimuler un harcèlement insidieux&nbsp;: moqueries subtiles, manipulations affectives ou tensions familiales indirectes qui renforcent sa vulnérabilité.</li> </ul> <p><strong>Quelles formes de harcèlement sont les plus répandues chez les enfants ?</strong><br /> Le harcèlement verbal reste l’un des plus fréquents&nbsp;: moqueries, sobriquets humiliants, intimidations, menaces… Ce sont des comportements trop fréquemment banalisés. Le harcèlement relationnel ou social, plus insidieux, se manifeste par l’exclusion volontaire, la stigmatisation familiale, la diffusion de rumeurs ou le rejet. Il est invisible à l’œil nu, mais profondément destructeur. Le cyberharcèlement, lui, s’infiltre dans l’intimité&nbsp;: messages blessants sur WhatsApp, Snapchat ou TikTok, faux profils créés pour humilier, groupes secrets au sein desquels l’enfant devient une cible. Ce harcèlement ne s’arrête jamais, il franchit les murs du foyer. Le harcèlement physique peut survenir très tôt, parfois dès la maternelle&nbsp;: bousculades, vols de fournitures scolaires, coups discrets, agressions liées à la couleur de la peau ou au genre. Enfin, la manipulation émotionnelle et le chantage sont fréquents dans certains cercles dits «&nbsp;populaires&nbsp;». L’enfant est amené à croire qu’il doit «&nbsp;gagner&nbsp;» sa place au sein du groupe, au prix d’humiliations déguisées en défis.</p> <p><strong>Les enseignants sont-ils suffisamment préparés pour prévenir le harcèlement scolaire ?</strong><br /> De nombreux enseignants ont eu une formation de base, mais sur le terrain, la réalité est bien plus complexe. Ils sont souvent débordés, épuisés et à bout émotionnellement. Beaucoup traversent une forme de burn-out silencieux. La peur des réactions agressives de certains parents - menaces, dénigrements, accusations - freine toute tentative d’intervention. Certains enseignants sont eux-mêmes sujets au harcèlement parental. Le manque de soutien institutionnel est criant : à Maurice comme à Rodrigues, il n’existe pas de cellule de soutien psychologique dans les établissements ni de dispositif de supervision continue.</p> <p><strong>Quelles sont les pistes d’amélioration&nbsp;?</strong></p> <ul> <li>Une formation émotionnelle régulière pour les enseignants, axée sur la gestion des conflits, la communication non violente et l’identification des signaux d’alerte.</li> <li>La mise en place d’espaces de dialogue entre les enseignants, la direction et le personnel psychosocial.</li> <li>La construction d’une alliance école-famille fondée sur la coopération : il ne s’agit pas d’être adversaires, mais de partager une responsabilité commune.</li> </ul> <p><strong>Quelles sont les conséquences à long terme d’un harcèlement non pris en charge chez l’enfant ?&nbsp;</strong></p> <ul> <li>Les séquelles peuvent être profondes, durables et parfois invisibles jusqu’à l’âge adulte. Un enfant sujet au harcèlement risque de devenir&nbsp;:</li> <li>Un adulte en perpétuelle adaptation, évitant tout conflit, incapable de poser des limites claires.</li> <li>Ou, à l’inverse, un adulte toxique, reproduisant les mécanismes du harcèlement, faute d’avoir été accompagné dans sa reconstruction.</li> <li>Il peut développer des troubles anxieux, une dépression, des troubles de la personnalité, des comportements d’autosabotage dans sa vie professionnelle, des troubles alimentaires ou encore des conduites addictives.</li> <li>Certains fuient tout lien social, tandis que d’autres cherchent désespérément à plaire, quitte à s’oublier eux-mêmes.</li> </ul> <p><strong>Quelles approches sont efficaces ?</strong></p> <ul> <li>Une thérapie intégrative dès l’enfance&nbsp;: des thérapies de soutien ou des approches sensorielles adaptées aux plus jeunes.</li> <li>La mise en place d’un environnement de confiance autour de l’enfant, avec des adultes et des espaces d’expression libres.</li> <li>Des programmes scolaires axés sur l’estime de soi, la gestion des émotions et la réparation des liens relationnels.</li> </ul> <p><strong>Le harcèlement scolaire touche-t-il davantage certaines tranches d’âge ou certains types d’établissements ?</strong><br /> Absolument. Et il se manifeste souvent de manière insidieuse dès les premières années. Même en maternelle, certains comportements préoccupants apparaissent&nbsp;:</p> <ul> <li>Des enfants qui poussent, crient ou excluent délibérément leurs camarades,</li> <li>Qui brisent volontairement les jouets des autres,</li> <li>Ou qui tournent en dérision les cris ou gestes d’enfants qui ont des besoins particuliers.</li> </ul> <p>Les enfants autrement capables sont particulièrement exposés dès la petite enfance. Lorsque leurs besoins ne sont pas reconnus ni pris en charge, il y a un enchaînement de conséquences&nbsp;:</p> <ul> <li>Des crises répétées interprétées à tort comme des caprices,&nbsp;</li> <li>Un rejet social croissant,</li> <li>Et une pression parentale liée au refus du diagnostic, motivé par la peur du jugement, la honte ou le déni culturel.</li> </ul> <p>Ce refus mène fréquemment à des placements inadaptés dans des classes ordinaires, sans accompagnement adéquat, alimentant ainsi un cercle vicieux difficile à briser.</p> <p><strong>Quel rôle les réseaux sociaux jouent-ils aujourd’hui dans l’aggravation ou la banalisation du harcèlement scolaire ?</strong><br /> Un rôle massif, inédit dans son ampleur. Les enfants sont connectés en permanence - 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 - ce qui les rend vulnérables en continu. Le harcèlement dépasse désormais les limites de l’espace et du temps&nbsp;: il ne s’arrête plus aux grilles de l’école.</p> <p>Un autre facteur préoccupant&nbsp;: de nombreux parents eux-mêmes sont accros aux écrans. Ils transmettent ainsi, sans le vouloir, un modèle de comportement soit compulsif, soit émotionnellement absent.</p> <ul> <li>Pourtant, il existe des outils gratuits que je recommande aux parents. Ces dispositifs, discrets et non intrusifs, permettent d’accompagner les enfants sans les surveiller de manière excessive. Parmi eux&nbsp;: l’application Google Family Link, qui aide à définir des temps d’écran et à visualiser les applications utilisées, tout en favorisant le dialogue. D’autres solutions comme Bark, Qustodio ou OurPact proposent une cosurveillance bienveillante, centrée sur la confiance.</li> <li>Mais au-delà des outils, l’essentiel reste d’instaurer une véritable culture du dialogue et de la coresponsabilité.&nbsp;</li> </ul> <p><strong>Comment reconnaître un élève en détresse suicidaire ?</strong><br /> La souffrance des jeunes ne vient jamais sans signes. Il faut être attentif aux paroles inquiétantes («&nbsp;Je veux que tout s’arrête&nbsp;», «&nbsp;Personne ne se soucie de moi&nbsp;»), aux publications sur les réseaux sociaux, à la perte d’intérêt pour les activités habituelles ou aux sautes d’humeur marquées. L’isolement soudain, la chute des résultats scolaires, le don d’objets personnels ou les comportements à risque (fugues, consommation) sont autant d’alertes. Fatigue constante, troubles du sommeil, variations de poids et négligence de l’hygiène complètent ce tableau.</p> <p>Les enseignants, bien qu’ils ne soient pas des psychologues, sont souvent les premiers témoins. Leur rôle est d’observer, d’écouter sans juger, de créer un espace de parole et de signaler rapidement les cas préoccupants. Les parents, eux, doivent rester vigilants malgré la fatigue ou les écrans omniprésents&nbsp;: écouter activement, poser des questions ouvertes, maintenir une routine rassurante et consulter sans tarder.</p> <p>Face à un risque suicidaire immédiat, il faut rester auprès de l’élève, poser la question sans détour&nbsp;: «&nbsp;As-tu pensé à te faire du mal ?&nbsp;» &nbsp;Et il faut appeler les secours. Chaque mot bienveillant peut faire la différence entre perdre un élève et lui offrir un avenir.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Dr%20Anjali%20Boyramboli%C2%A0%3A%20%C2%ABLes%20enfants%20sont%20connect%C3%A9s%20en%20permanence%20et%20sont%20donc%20vuln%C3%A9rables%20en%20continu%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/dr-anjali-boyramboli-les-enfants-sont-connectes-en-permanence-et-sont-donc-vulnerables-en-continu&amp;2=node/175787" token="N0bjnrLFAxLjLKP_OYNCoAh46znSPbeLbLw_7OEelNo"></drupal-render-placeholder></div> Sun, 17 Aug 2025 04:46:00 +0000 Defi Plus 175787 at http://defimedia.info Sameer Sharma : «Il faut taxer davantage les monopoles et oligopoles tout en encourageant une concurrence plus ouverte» http://defimedia.info/sameer-sharma-il-faut-taxer-davantage-les-monopoles-et-oligopoles-tout-en-encourageant-une-concurrence-plus-ouverte <span>Sameer Sharma : «Il faut taxer davantage les monopoles et oligopoles tout en encourageant une concurrence plus ouverte»</span> <span><span lang="" about="/users/quotidien" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Defi Quotidien</span></span> <span>sam 16/08/2025 - 08:24</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/130825_sameer.jpg?itok=biZZQTB9" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Le Budget 2025-2026 aura-t-il été une occasion manquée de réformer profondément certains aspects de notre économie, comme le promettait l’Alliance du Changement en novembre 2024 ? «&nbsp;Le sentiment général ne s’est pas trop amélioré », fait observer l’économiste Sameer Sharma. Toutefois, il nuance : « Il n’est pas trop tard pour redresser la situation, à condition de placer les bonnes personnes aux bons postes, d’affronter les groupes d’intérêts… ».</p> <p><strong>Quel est votre sentiment après le premier Budget du nouveau gouvernement&nbsp;? Est-ce que les principales attentes de la population ont été traitées ?</strong><br /> Il est souvent dit que le marché ne ment jamais : il reflète, sur le long terme, la réalité économique, que cela plaise ou non aux responsables politiques. Si le marché peut se réjouir d’une consolidation budgétaire amorcée, il n’en demeure pas moins que la confiance dans la capacité de Maurice à devenir un pôle d’investissement et de création de richesse reste limitée. En effet, la Banque de Maurice elle-même exerce une pression constante sur les banques commerciales afin qu’elles proposent des solutions d’investissement susceptibles d’inciter les particuliers et les entreprises mauriciennes à rapatrier une partie des un à trois milliards de dollars américains détenus sous forme de dépôts et d’actifs à l’étranger, et à les convertir en roupies mauriciennes pour améliorer la liquidité sur le marché local des changes. Jusqu’à présent, ces efforts sont restés vains.</p> <p>Le marché des capitaux local demeure sous-développé et l’économie manque d’opportunités suffisamment attractives pour inciter les acteurs à délaisser les devises étrangères au profit d’actifs libellés en roupies. Personne n’a intérêt à conserver une monnaie qui ne cesse de se déprécier.</p> <p>Certes, on observe quelques améliorations sur le marché à terme du dollar contre la roupie, mais la Banque centrale persiste à appliquer des politiques héritées de l’ère MSM, qui continuent de fragmenter le marché des changes. Par ailleurs, si le Budget affiche des avancées en matière de consolidation budgétaire, il manque cruellement d’audace dans la mise en œuvre de réformes structurelles majeures susceptibles d’accroître la productivité. Le système fiscal, quant à lui, n’a pas été modernisé et reste largement fondé sur des conceptions dépassées, portées par des économistes nommés pour des raisons politiques. L’absence de mesures ciblant efficacement l’économie de rente et les oligopoles, par exemple via des taxes exceptionnelles sur les profits, constitue une occasion manquée.</p> <p>En outre, peu de progrès ont été réalisés pour le moment en ce qu’il s’agit d’ouvrir cette économie dominée par les rentes et les oligopoles à une concurrence plus libre et équitable, en dehors de quelques annonces de principe sur la réforme de la Competition Commission. Le manque d’appétit pour la privatisation des entreprises publiques, souvent mal gérées et majoritairement détenues par l’État, est manifeste. Non seulement la privatisation permettrait de générer des recettes, mais elle stimulerait également la productivité et la croissance à long terme. Malheureusement, les responsables politiques tiennent à conserver le contrôle de ces entreprises via des nominations arbitraires, ce qui nous oblige à consentir des sacrifices ailleurs. Il existe peu de volonté politique pour démanteler le système de clientélisme, et la privatisation est systématiquement repoussée, malgré le piètre bilan des entreprises publiques.</p> <p>Depuis leur arrivée au pouvoir, les responsables politiques n’ont eu de cesse de vanter la stabilité de la roupie. Pourtant, la réalité est tout autre : le taux de change officiel est fixé à un niveau où l’offre et la demande ne s’équilibrent même pas, ce qui explique l’impossibilité d’obtenir des devises en quantité suffisante au taux affiché. Parler de stabilité de la roupie alors que la liquidité fait défaut au taux officiel n’a donc aucun sens.</p> <p>Les cambistes locaux et le marché parallèle affichent des taux supérieurs d’une roupie ou plus au taux officiel, tandis que les grandes contreparties régionales et internationales, qui traitent avec les principales banques du pays, n’acceptent de fournir des dollars contre des roupies qu’à des niveaux proches de 48 à 49 roupies pour un dollar. Ce décalage traduit un manque persistant de confiance dans la monnaie locale et dans l’économie mauricienne. Les marchés des changes, eux, ne mentent jamais, même si l’on tente de les contrôler.</p> <p>La consolidation budgétaire et la hausse des impôts étaient nécessaires, mais leur conception et leur mise en œuvre, dans un contexte mondial plus difficile, risquent de freiner la croissance locale et de maintenir les ratios d’endettement au-dessus des objectifs fixés.</p> <p>En somme, le sentiment général ne s’est pas trop amélioré. Tant du côté des investisseurs que des consommateurs, la confiance s’est un peu détériorée. Toutefois, il n’est pas trop tard pour redresser la situation, à condition de placer les bonnes personnes aux bons postes, d’affronter les groupes d’intérêts et de privilégier l’intérêt national à long terme sur les intérêts particuliers.</p> <blockquote> <p>À Maurice, la tendance persiste à ne pas nommer des personnes indépendantes d’esprit ou réellement expérimentées dans&nbsp;le domaine concerné.»</p> </blockquote> <p><strong>La question de la réforme de la pension universelle a soulevé des débats intenses dans la rue. Était-ce le moment propice pour présenter une telle réforme, qui sera adoptée par le Parlement ?</strong><br /> Après plus d’une décennie de politiques populistes peu soutenables, le gouvernement mauricien s’est finalement engagé dans une réforme des retraites. Cependant, ces mesures arrivent tardivement et semblent avoir été menées de façon précipitée, sans consultations approfondies ni stratégie pour amortir l’impact sur la population.</p> <p>La situation actuelle est critique :</p> <ul> <li>La pension de retraite de base n’est pas financée par un fonds dédié, mais uniquement par les impôts et la dette publique, ce qui la rend vulnérable à l’inflation et à l’instabilité financière.</li> <li>Le National Pension Fund ne reçoit plus les contributions nécessaires depuis plusieurs années et ses rendements sont insuffisants face à ses engagements.</li> <li>Les régimes de retraite à prestations définies (publics) sont déficitaires, tandis que les régimes à cotisations définies (publics et privés) souffrent d’un manque de diversification et de faibles rendements, aggravés par un marché financier local peu développé et peu liquide.</li> </ul> <p>La réforme annoncée par le gouvernement se limite essentiellement à relever l’âge de la retraite et à créer un comité de réflexion, sans aborder les vrais enjeux structurels tout de suite.<br /> Axes de réforme pour un système de retraite durable</p> <p>1 Rendre la pension de base plus équitable</p> <ul> <li>Il est nécessaire de maintenir une pension de base universelle financée par les taxes pendant encore quinze ans, mais en modulant le montant versé en fonction des revenus de retraite de chacun. Cela permettrait de mieux cibler l’aide publique sans léser les plus modestes.</li> </ul> <p>2 Renforcer la capitalisation et la gestion indépendante</p> <ul> <li>Tous les Mauriciens ayant au moins 15 ans avant la retraite devraient cotiser davantage à leur future pension.</li> <li>Ce qui subsiste du National Pension Fund pourrait servir de capital de départ à un nouveau fonds de pension universel, géré de manière professionnelle et indépendante (par le privé ou une nouvelle autorité nationale d’investissement), à l’abri des interférences politiques.</li> </ul> <p>3 Développer les marchés de capitaux et la gestion professionnelle</p> <ul> <li>Il est crucial de saisir l’opportunité de la réforme des retraites pour professionnaliser la gestion des actifs de retraite et développer les marchés financiers locaux, actuellement trop restreints et illiquides.</li> </ul> <p><strong>Le Budget contient-il des réformes qui font partie du programme de gouvernement de l’alliance au pouvoir ?</strong><br /> Une réforme majeure devait porter sur la mise en place de comités de sélection pour les nominations à des postes politiques clés. Jusqu’à présent, on a certes observé quelques bonnes nominations, mais bien trop d’autres n’ont suivi aucun processus méritocratique. À Maurice, la tendance persiste à ne pas nommer des personnes indépendantes d’esprit ou réellement expérimentées dans le domaine concerné. On continue de voir beaucoup de nominations issues de l’ancienne génération des baby-boomers, qui, dans bien des cas, ont largement dépassé leur période de compétence optimale. Beaucoup de Mauriciens, tant sur le plan local qu’à l’étranger, se demandent où est le véritable changement ? Certes, le pays est plus démocratique et plusieurs membres de l’actuel gouvernement sont animés de bonnes intentions, mais les Mauriciens ont voté pour des réformes majeures. Or, ce que l’on obtient, ce sont des réformes conservatrices.</p> <p>Une autre réforme d’importance, peu évoquée lors de la campagne, est cette augmentation controversée de l’âge de la retraite. En réalité, tous les partis avaient promis monts et merveilles à la population. De nombreux économistes avaient pourtant averti la classe politique que la situation économique était très préoccupante. Il serait donc inexact de dire que les responsables ignoraient la gravité du contexte. Tous les partis se sont concentrés sur leur victoire électorale, misant sur la crédulité d’une partie de la population. L’objectif principal était d’évincer le MSM à tout prix. Aujourd’hui, c’est le gouvernement en place qui en paie les conséquences.</p> <blockquote> <p>De nombreux économistes avaient averti la classe politique que la situation économique était très préoccupante...»</p> </blockquote> <p><strong>Certains professionnels de la finance et observateurs font valoir que Maurice risque de perdre son attractivité avec l’introduction de la Fair Share Contribution, qui équivaudrait à une double imposition… Ce Budget crée-t-il les conditions indispensables pour retenir les compétences locales et pour en attirer d’autres de l’étranger ?</strong><br /> Il est essentiel de comprendre qu’entre 2019 et 2024, le bilan de la Banque centrale, et par ricochet la monnaie locale, ont été mis à mal pour venir en aide au secteur privé, et indirectement aux grandes banques exposées à ces acteurs majeurs. L’économie mauricienne se caractérise par une forte concentration du secteur privé, et les interventions de la Mauritius Investment Corporation (MIC) ont été mal conçues et déséquilibrées. Pendant que la classe moyenne s’appauvrissait sous l’effet de la dépréciation de la roupie, l’État s’endettait davantage, le bilan de la Banque centrale se détériorait, tandis que les comptes des entreprises privées s’amélioraient.</p> <p>Dans ce contexte, il était évident qu’il fallait instaurer des taxes sur les profits exceptionnels à l’encontre de tous les bénéficiaires des politiques de l’ère MSM, qui ont largement privatisé les gains tout en socialisant les pertes supportées par la classe moyenne. Le problème n’est pas tant que certains aient dû contribuer davantage, mais qu’aujourd’hui chaque entrepreneur y est soumis, y compris ceux qui souhaitent lancer une start-up ou dont le chiffre d’affaires dépasse à peine 26 millions de roupies.</p> <p>Idéalement, il aurait fallu cibler les profits exceptionnels générés par la dépréciation de la roupie, en taxant prioritairement les grandes entreprises ayant enregistré des bénéfices records ces dernières années. Il aurait été plus pertinent de s’attaquer à l’économie de rente en instaurant une taxe sur la valeur foncière (land value tax) pour les grands propriétaires terriens, plutôt que de taxer les investisseurs immobiliers étrangers. Une révision de tous les baux de l’État au secteur privé s’imposait, en indexant les loyers sur un pourcentage du chiffre d’affaires des entreprises, tout en maintenant un faible niveau d’imposition sur les revenus des particuliers (income tax) pour encourager le travail. De nombreux acteurs privés bénéficient encore de baux fonciers publics à des conditions très avantageuses, qui mériteraient d’être réévaluées pour garantir une contribution plus équitable.</p> <p>Il aurait également été judicieux de concentrer les hausses d’impôts sur les grands groupes, tout en préservant une fiscalité attractive pour les autres entreprises, notamment dans les secteurs à fort potentiel de croissance, et d’offrir des incitations fiscales à ceux qui investissent localement et créent des emplois à Maurice.</p> <p>Concernant l’immobilier, il n’aurait jamais fallu envisager une taxation des plus-values pour les étrangers ou une augmentation des droits d’enregistrement. Il aurait été préférable de négocier une meilleure répartition des profits entre l’État, les grands propriétaires fonciers et les promoteurs, via des taxes ciblées. Taxer les étrangers qui apportent des devises dans un pays à fort déficit commercial, au lieu de prélever une part plus importante des profits des promoteurs, n’est pas une stratégie pertinente.</p> <p>Par ailleurs, un effort bien plus conséquent aurait dû être fait pour réduire la taille de l’appareil d’État, accélérer la privatisation et mettre en œuvre des réformes favorables à la concurrence, menées par le secteur privé, afin de stimuler la croissance et les recettes, et ainsi limiter l’ampleur des hausses d’impôts.</p> <p>Tout le monde s’accorde à dire que la situation économique est préoccupante et que des sacrifices sont nécessaires, mais ce sont les principaux bénéficiaires des cinq dernières années qui devraient contribuer le plus. Il est important de souligner qu’aucun audit indépendant, mené par un cabinet international reconnu et sans conflit d’intérêts avec le secteur privé local, n’a été réalisé sur l’ensemble des opérations de la MIC, y compris sur les nombreux intermédiaires ayant facilité des montages peu transparents. Nous n’avons toujours pas une vision claire des pertes potentielles que la Banque de Maurice pourrait enregistrer suite à une évaluation neutre des actifs illiquides de la MIC par un cabinet international de renom.</p> <p>Des contributions ciblées et équitables constitueraient en réalité un remboursement des gains exceptionnels réalisés par ceux qui ont le plus profité de l’intervention de l’État.</p> <p><strong>Comment expliquez-vous que cette nouvelle année, et après l’alternance au sommet de l’État, Maurice multiplie son recours à la main-d’œuvre étrangère, si bien que celle-ci est désormais présente dans presque tous les secteurs ?</strong><br /> Si les Mauriciens devraient être plus ouverts aux travailleurs étrangers, davantage d’efforts peuvent être faits pour encourager les femmes locales à intégrer le marché du travail à Maurice. Il faut aussi comprendre que le secteur privé est concentré entre les mains de quelques grands acteurs qui exercent un contrôle quasi-oligopolistique sur l’économie. Cela limite non seulement la concurrence, l’innovation et la productivité, mais l’absence d’alternatives d’emploi freine aussi la progression des salaires.</p> <p>Par ailleurs, sans les bonnes relations ou liens politiques, l’évolution de carrière dans le secteur public reste très limitée.</p> <p>Ainsi, de nombreux locaux cherchent à s’expatrier vers de meilleures opportunités. Les grandes entreprises privilégient quant à elles l’embauche de travailleurs étrangers bon marché. Ce dont nous avons réellement besoin, ce sont des travailleurs qualifiés et bien rémunérés venus de l’étranger, ainsi qu’une stratégie plus équilibrée pour les emplois à bas salaires.</p> <blockquote> <p>Aucun audit indépendant n’a été réalisé sur l’ensemble des opérations de la MIC, y compris sur les nombreux intermédiaires ayant facilité des montages peu transparents.»</p> </blockquote> <p><strong>L’économie mauricienne peut-elle se fier aux investissements privés domestiques afin de se relancer, ayant en tête la fusion récente de deux grands conglomérats dits historiques ?</strong><br /> L’investissement privé local pourrait être dynamisé si l’on favorisait davantage la concurrence sur des marchés libres et si l’on utilisait la fiscalité pour encourager ou décourager certains comportements des acteurs économiques.</p> <p>Si l’on se fie au cours de la Bourse, la valeur post-fusion du conglomérat récemment mentionné n’a pas particulièrement bien évolué, malgré la diversité de ses activités. Ce modèle de conglomérat ne fonctionnerait pas toujours aux États-Unis ou dans de nombreux pays où l’actionnariat est plus diversifié et exigeant envers les entreprises. Le dicton anglais « Jack of all trades but master of none » correspond bien à ce modèle.</p> <p><strong>Qu’est-ce qui explique que le gouvernement n’ait rien annoncé concrètement en termes de création de nouveaux piliers économiques, notamment celui d’une économie bleue&nbsp;? Et à ce titre, quel pays serait en mesure de nous soutenir dans la mise en œuvre d’un tel projet ?</strong><br /> Nous devons cesser de penser et de croire que les politiciens possèdent une connaissance divine sur la manière de gérer une économie et de générer de bons rendements sur les investissements. Le meilleur que les gouvernements puissent faire, c’est de créer un environnement propice à un secteur privé plus dynamique et compétitif, capable de trouver les solutions par lui-même. Les gouvernements peuvent, au mieux, utiliser la fiscalité et la réglementation pour orienter les acteurs économiques dans une certaine direction.</p> <p>Oui, Maurice peut vouloir tirer parti de ses relations avec l’Inde et l’Europe pour accéder à des capitaux et s’engager dans des coentreprises afin de développer notre économie bleue, mais au cœur du dispositif, c’est au secteur privé de prendre les devants. Nous avons besoin de plus de concurrence et d’un secteur privé mauricien plus dynamique et moins enclin à la recherche de rentes.</p> <p>Nous ne pouvons pas attendre que de nouveaux secteurs émergent miraculeusement avec le même profil d’acteurs économiques qu’aujourd’hui. Il est temps d’arrêter de rêver et de revenir à la réalité.</p> <p><strong>Le gouvernement prévoit que dans trois ans, l’économie mauricienne sera en mesure de se remettre sur les rails et de mettre en œuvre ses grands chantiers. Mais peut-on savoir ce qui pourrait arriver d’ici cette date ?</strong><br /> La consolidation fiscale était nécessaire, mais ce qui m’inquiète, c’est que le Budget n’a pas envoyé de signaux suffisamment positifs aux investisseurs étrangers et locaux, et que les politiques n’étaient pas assez ciblées. Il est probable que la croissance moyenne soit inférieure à 4 %, que la roupie reste sous pression face à un panier de devises majeures, et qu’à terme, nous devions compter sur l’inflation pour réduire les ratios d’endettement. Ce Budget est bien intentionné et constitue au moins une rupture avec le passé, mais il ne va pas assez loin pour propulser l’économie au niveau supérieur. Après une décennie de mauvaises politiques économiques, nous avions besoin d’un Budget A+, mais ce que nous avons reçu, c’est un Budget B-.</p> <p><strong>De nombreux entrepreneurs et dirigeants de conglomérats locaux réaffirment leur souhait de voir se réformer les lois du travail afin d’augmenter la productivité. Ce souhait est-il justifié ?</strong><br /> Je suis d’accord pour dire que Maurice a besoin de plus de flexibilité sur le marché du travail et de moins d’ingérence gouvernementale dans la fixation des salaires, mais ce que les conglomérats ne diront pas, c’est que nous avons aussi besoin de réformes de marché plus libres avec davantage de concurrence. Nous devrons taxer davantage les monopoles et oligopoles tout en encourageant une concurrence plus ouverte en ouvrant réellement notre marché. Ce n’est que si nous avons plus de concurrence que nous pourrons envisager des réformes du marché du travail. Il nous faut une situation gagnant-gagnant, et non un scénario gagnant-perdant où, malgré un changement de gouvernement, les gains continuent d’être privatisés par quelques-uns tandis que les pertes sont socialisées par le reste de la population.</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Sameer%20Sharma%20%3A%C2%A0%C2%ABIl%20faut%20taxer%20davantage%20les%20monopoles%20et%20oligopoles%20tout%20en%20encourageant%20une%20concurrence%20plus%20ouverte%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/sameer-sharma-il-faut-taxer-davantage-les-monopoles-et-oligopoles-tout-en-encourageant-une-concurrence-plus-ouverte&amp;2=node/175651" token="-J5zuid_ESsEk9ObJzVfYeNHm2_TMS6BKMEBLjCTyRE"></drupal-render-placeholder></div> Sat, 16 Aug 2025 04:24:00 +0000 Defi Quotidien 175651 at http://defimedia.info Vidya Charan : «Il faut renforcer la responsabilisation des femmes» http://defimedia.info/vidya-charan-il-faut-renforcer-la-responsabilisation-des-femmes <span>Vidya Charan : «Il faut renforcer la responsabilisation des femmes»</span> <span><span lang="" about="/users/jdedans" typeof="schema:Person" property="schema:name" datatype="">Jean Claude Dedans</span></span> <span>ven 08/08/2025 - 07:46</span> <div class="field field--name-field-main-picture field--type-image field--label-hidden field--item"> <img src="/sites/default/files/styles/node_content_picture/public/vidya_charan_.jpg?itok=7juPWPre" width="1280" height="720" alt="" typeof="foaf:Image" class="img-responsive" /> </div> <div class="field field--name-body field--type-text-with-summary field--label-hidden field--item"><p>Après la découverte d’un nourrisson abandonné dans un sac à Rose-Hill, plusieurs questions sont soulevées. Vidya Charan, directrice de la Mauritius Family Planning Welfare Association (MFPWA), évoque un manque de soutien parental, la pauvreté et l’ignorance des moyens contraceptifs. La hausse des grossesses précoces souligne l’urgence d’introduire une éducation sexuelle complète dans les collèges, dit-elle.</p> <p><strong>Maurice a recensé quelque 233 enfants abandonnés entre 2021 et 2024. Le dernier cas remonte au début de cette semaine à Rose-Hill. Comment expliquer ce phénomène ?</strong><br /> Lorsqu’une famille – le père et la mère – décide d’un commun accord d’abandonner son bébé, c’est à la fois triste et déplorable. Un nourrisson a besoin d’affection, d’attention et surtout de l’amour de ses parents.<br /> Souvent, si une mère se voit obligée d’abandonner le bébé qu’elle a porté pendant neuf mois, c’est par manque de soutien de la part de son partenaire. Parfois aussi, elle découvre sa grossesse trop tard, ce qui l’empêche d’envisager un avortement, même si cette pratique reste illégale à Maurice. Comment, alors, faire face seule à cette réalité dans le regard de la société ?</p> <p>À cela s’ajoute la cherté de la vie : élever un enfant coûte cher aujourd’hui. Il faut également composer avec le regard des autres, à commencer par celui des proches.</p> <p><strong>Devant cette problématique, l’enfant deviendrait-il un fardeau pour la maman?</strong><br /> L’enfant peut être considéré, malgré l’amour de la mère, comme un fardeau, surtout si celle-ci ne travaille pas et qu’il y a une absence de ressources financières et de soutien de la part de l’entourage. Il faudrait renforcer la responsabilisation des femmes, en particulier des adolescentes et des mineures, car il existe des moyens de contraception gratuits et accessibles dans les services de santé publique.</p> <p><strong>Même pour les mineures ?</strong><br /> Souvent, le service de santé publique ne demande pas de carte d’identité pour offrir des contraceptifs. Dans le secteur privé, ces produits sont en vente libre. Cependant, certaines jeunes filles ressentent de la gêne à l’idée de se rendre dans un dispensaire pour demander la pilule contraceptive, en raison des jugements ou du regard des autres.</p> <p><strong>Il y a une impression de libéralisation de la sexualité chez nos jeunes…</strong><br /> Il ne faut pas se voiler la face. Le nombre de grossesses précoces, souvent non désirées, est en constante augmentation. Les jeunes d’aujourd’hui sont sexuellement très actifs. Certaines jeunes filles banalisent les rapports sexuels, recherchant le plaisir sans mesurer les conséquences sur leur santé, leur éducation et leur avenir. Il est essentiel de les préparer à avoir une vie sexuelle active, mais surtout responsable.</p> <p><strong>N’y aurait-il pas un manque d’information chez les jeunes, qui ignorent souvent les moyens de protection existants ? Ne pensez-vous pas qu’il serait temps d’introduire l’éducation sexuelle dans nos collèges ?</strong><br /> La MFPWA organise des causeries et nous sommes sollicités dans de nombreux établissements, mais il nous est impossible de couvrir toute l’île. Nous animons des sessions d’éducation sexuelle complète (Comprehensive Sexuality Education), mais cela reste insuffisant.</p> <p><strong>Pourquoi ne pas intégrer un module d’éducation sexuelle en tant que matière dans le syllabus ?</strong><br /> C’est précisément ce qu’il faudrait : un module à part entière dispensé dans les collèges.</p> <p><strong>Ce module est longtemps resté tabou pour nos gouvernants. Pourquoi ?</strong><br /> Le tabou commence à s’estomper. Une demande officielle pour l’introduction d’un module sur l’éducation sexuelle dans les collèges a déjà été soumise au gouvernement. Actuellement, il existe une matière appelée « Health Education », mais celle-ci ne couvre pas suffisamment les compétences essentielles pour faire comprendre les dangers des relations sexuelles non protégées, les conséquences d’une infection sexuellement transmissible (MST), du VIH/sida, entre autres risques.</p> <p>&nbsp;</p> </div> <div class="field field--name-field-disqus field--type-disqus-comment field--label-hidden field--item"><drupal-render-placeholder callback="Drupal\disqus\Element\Disqus::displayDisqusComments" arguments="0=Vidya%20Charan%20%3A%20%C2%ABIl%20faut%20renforcer%C2%A0la%20responsabilisation%C2%A0des%20femmes%C2%BB&amp;1=http%3A//defimedia.info/vidya-charan-il-faut-renforcer-la-responsabilisation-des-femmes&amp;2=node/175408" token="NhUfIBFB6pQWAt3FFnZnWzQqi68c6JqVkXU5BO9kmm8"></drupal-render-placeholder></div> Fri, 08 Aug 2025 03:46:30 +0000 Jean Claude Dedans 175408 at http://defimedia.info