De janvier à juin 2016, 96 décès ont été enregistrés chez les nourrissons. Un chiffre « alarmant », selon le Dr Dooshiant Purmanan, président de la Government Medical and Dental Officers Association. Il appelle à une refonte complète du système hospitalier concernant la prise en charge des femmes enceintes.
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Revoir tout le « système », tant au niveau des femmes enceintes qu’au niveau des services hospitaliers, publics ou privés. C’est ce que préconise le Dr Dooshiant Purmanan, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), face au taux de décès chez les nourrissons jugé alarmant. « La mortalité chez les nourrissons est un des indicateurs de santé (health indicators) des citoyens d’un pays, à l’instar de l’espérance de vie, la mortalité maternelle et l’éducation, entre autres critères. 96 décès chez des nourrissons en six mois seulement, c’est un chiffre élevé qu’il faut réduire de manière considérable », dit-il. Pour y parvenir, le Dr Dooshiant Purmanan estime qu’il faut d’abord comprendre les causes menant au décès des nourrissons :
Suivi médical. L’irrégularité du suivi médical des femmes enceintes pourrait en être une. « Il existe des cas où la femme ne fait aucun suivi à l’hôpital. Elle attend le dernier moment pour se rendre à l’hôpital, il faut alors à tout prix procéder à l’accouchement, avec le lot de complications que cela comporte. »
Grossesse tardive. Maurice étant une populationvieillisante, les Mauriciens se marient de plus en plus tard. Les femmes tombent enceintes pour la première fois tardivement, souvent au-delà de 28-30 ans. Ce qui augmente le risque de complications maternelles et infantiles. L’enfant peut venir au monde avec des malformations et d’autres problèmes de santé.
Grossesse précoce. « C’est un phénomène alarmant chez les adolescents », concède le Dr Purmanan. « Certes, l’État demande aux Mauriciens de faire plus d’enfants, mais il n’a nullement demandé aux enfants de faire des enfants. Les grossesses précoces sont une autre cause de mortalité chez les nourrissons, la maman étant elle-même trop jeune. »
Grossesse ectopique. La tubal ectomic pregnancy ou grossesse extra-utérine est une grossesse qui se développe hors de l’utérus. C’est une anomalie qui nécessite une intervention chirurgicale urgente lorsqu’elle est décelée, car il y va de la vie de la maman. Une anomalie que le Dr Purmanan attribue au mode de vie « libérale » des Mauriciens. Ce qui causerait des infections, principalement d’ordre génital, sources de complications.
Naissance prématurée. Lorsqu’une femme donne naissance à un enfant avant que le cycle de neuf mois n’arrive à terme, l’enfant est prématuré. « La prématurité du nouveau-né provoque des complications pouvant entraîner sa mort. »
Poids insuffisant. Il s’agit de nourrissons souffrant d’une insuffisance de poids à la naissance, soit lorsqu’ils pèsent moins de 2 500 g, ce qui constitue le poids minimal acceptable. Ce phénomène est souvent lié à la prématurité.
Effectif en baisse, charge de travail en hausse
Il n’y a qu’une trentaine de gynécologues disponibles dans le service hospitalier à Maurice. Un effectif insuffisant, selon le président de la GMDOA. Il estime que pour une population de 1,2 million d’âmes, Maurice devrait avoir le double de l’effectif actuel, soit une soixantaine. « On déplore un manque de gynécologues à Maurice. Ceux qui travaillent dans les hôpitaux sont les mêmes à faire le tour service à Rodrigues. Ce phénomène ne touche pas uniquement les gynécologues. Le nombre de médecins spécialistes à Maurice, comparé à la population, n’a guère augmenté proportionnellement. Sans compter le fait que l’on compte de nombreux retraités et ceux qui, bien qu’ayant complété leur formation de spécialistes, exercent toujours comme généralistes, car ils n’ont pas encore obtenu leur registration du Conseil de l’ordre des médecins », déplore le Dr Purmanan.
Le nombre de patients qu’un gynécologue doit ausculter au quotidien mériterait aussi une réflexion. « L’attention qu’un gynécologue accordera à dix femmes enceintes en trois heures ne sera pas la même s’il est appelé à s’occuper de 70, voire 80 femmes enceintes durant le même laps de temps. Il faut au minimum entre 15 et 30 minutes par patiente. Ce qui n’est pas évident lorsqu’un gynéco examine une femme pour la première fois. Il faut qu’il examine tout, de la tête jusqu’au pied », poursuit le président de la GMDOA.
Absence de spécialistes le soir
« Lorsqu’une patiente est admise aux urgences et que son cas nécessite une césarienne, c’est le généraliste du département de gynécologie qui s’occupe d’elle, fait une évaluation, lui donne les traitements préliminaires et la prépare pour le bloc opératoire, en attendant l’arrivée du gynécologue et de l’anesthésiste. Le généraliste est formé pour cela. Bien sûr, sa connaissance et ses compétences dans le domaine sont limitées et c’est là que le spécialiste entre en jeu. La politique du ministère est telle qu’un spécialiste est basé à l’hôpital le plus proche de son domicile. Certes, il y a quelques exceptions, mais la distance à Maurice n’est pas un problème. D’ailleurs, nous n’avons aucun souci concernant le temps de réaction. »
Système de garde
Le Dr Purmanan ne mâche pas ses mots en décrivant le système de garde actuel qu’il juge « archaïque » et « dépassé ». « Au niveau de l’association, nous avons attiré l’attention du ministère sur le système archaïque et dépassé de notre système de garde actuel. Nous avons demandé la révision complète du système. Il doit y avoir une équipe de garde présente dans chacun des départements des hôpitaux régionaux. Il faut revoir tous les effectifs, à tous les niveaux : l’administration, les facilités, les équipements et les médecins. Ainsi, le nouveau bloc opératoire de l’hôpital de Candos n’est pas complètement opérationnel par manque d’effectifs. Il existe aussi un problème au niveau du Supply and Demand », dit-il.La création du poste de Registrar réclamée
Le problème de manque de spécialistes serait résolu avec l’embauche d’un Registrar dans les hôpitaux. C’est ce qu’avance le Dr Dooshiant Purmanan, qui appelle à la création urgente de ce poste qui, dit-il, est préconisé dans le rapport du Pay Research Bureau de 2002. « Au niveau de l’association, nous avons réitéré notre demande auprès du ministère pour qu’il procède à la création de ce poste. Cela pallierait le manque de généralistes et de spécialistes dans les hôpitaux, sachant que le Registrar doit être un spécialiste. Il aura la prérogative d’entamer une intervention chirurgicale en attendant l’arrivée du spécialiste, ce que ne peut faire un généraliste », explique notre interlocuteur.
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