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Stéphane Oozeer : transmettre l’amour de la lecture

Stéphane Oozeer Lors d’une de ses classes de lecture au centre municipal de Camp-Levieux.

L’échec n’est pas une fatalité et ce n’est pas Stéphane Oozeer qui nous dira le contraire. Président de l’association Alphalec, il a su transmettre la passion de la lecture à de nombreux enfants et adultes. Portrait.

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Stéphane Oozeer, 43 ans, a fondé il y a six ans l’association Alphalec, qui apprend aux enfants à lire. Et pourtant, il n’est ni travailleur social ni enseignant de profession. Mais l’éducation a toujours été quelque chose qui lui tenait à cœur. Arpenteur à temps plein, il raconte ce qui a créé chez lui le déclic.

« Il y a vingt ans, des voisins m’ont approché pour me demander de venir en aide à leur fille. Bien que je n’étais pas enseignant, j’ai accepté. Celle-ci repassait le Certificate of Primary Education (CPE) pour la troisième fois. Et elle ne savait toujours pas lire. Elle ne connaissait même pas l’alphabet ».

L’analphabétisme conduit à l’échec scolaire. Ce qui, pour lui, était une chose inadmissible ne semblait pas l’être pour les professeurs de la jeune fille. Il raconte ainsi qu’il a réussi à lui apprendre à lire en deux semaines et demie.

« C’est là que je me suis demandé : si moi j’ai pu le faire, pourquoi pas eux ? Quelles étaient les lacunes du système éducatif ? Cet enfant ne savait toujours pas lire après sept années en primaire. Qui était à blâmer ? »

« J’ai moi-même connu l’échec scolaire », raconte Stéphane Oozeer. L’échec a été une leçon et l’occasion d’une revanche sur la vie pour lui. Il explique avoir connu des difficultés durant ses études secondaires. « Je n’ai moi-même pas pu compléter ma scolarité. J’ai échoué dans pratiquement toutes les matières en Form V. Ce n’est pas pour autant que j’ai baissé les bras. J’ai poursuivi mes études en tant que candidat privé, puis fait des études supérieures à l’Université des Mascareignes ».

Ne s’arrêtant pas à un échec, il a poursuivi son chemin, mais au fond de lui quelque chose l’interpellait. « Dans ma tête, je nourrissais cette idée de venir en aide aux autres. Je savais que quelque chose devait être fait ».

Conscient que le système n’avait pas encore de solution, il a fondé son association avec l’aide de quelques personnes de la région de Camp-Levieux.

« Je voulais montrer, à travers des cas concrets, qu’on pouvait apprendre à lire en peu de temps, avec une attention particulière. On peut remettre les recalés sur les rails avec peu de moyens », fait ressortir le directeur d’Alphalec.

Il commence à animer des classes de lecture pour huit élèves au centre Mère-Teresa. Ce qui, au départ, était simplement une association pour apprendre aux enfants à lire s’est transformé en référence dans le quartier et à travers l’île. Il donnera des formations à plusieurs personnes, afin de pouvoir aider plus d’élèves.

« Aujourd’hui, je peux dire que nous avons touché près de 300 enfants et adultes ». Alphalec est là pour apporter ce chaînon manquant aux illettrés. Il a vu sa première élève être classée au CPE. « C’est une sensation inouïe et une fierté aussi pour les parents qui se sentent alors valorisés ».

L’équipe composée d’une quinzaine de bénévoles essaie aussi de travailler avec plusieurs autres associations à travers l’île, notamment au Morne, à Barkly, à Souillac et à Batimarais.

« Pour moi, ne pas savoir lire ne veut pas dire ne pas être intelligent. Ils ne savent juste pas déchiffrer des lettres. J’ai vu de nombreuses personnes réussir dans des métiers manuels sans savoir lire ».

Au fil des années, il a su peaufiner sa méthode et son approche. « Certains enfants prennent deux semaines pour savoir lire et d’autres plus. Nous devons faire face à des problèmes sous-jacents, comme la dyslexie ». Dans un système où l’enfant est programmé pour ap­prendre par cœur, Stéphane Oozeer a décidé de briser les règles.

« Nous apprenons l’enfant à déchiffrer les lettres, qu’une lettre ce n’est pas seulement une lettre, mais aussi un son », explique-t-il.

Pour lui, le combat continue. Son objectif : former un maximum de volontaires pour diminuer le nombre d’illettrés à Maurice.

 

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