Interview

Sir Hamid Moollan, Queen’s Counsel : «Je suis absolument contre une telle démarche»

Considéré comme l’un des avocats les plus avisés du pays, sir Hamid Moollan sort de son silence pour dénoncer la décision du gouvernement d’instaurer une Prosecution Commission.

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Quel est votre sentiment sur le projet du gouvernement de créer une ‘Prosecution Commission’ pour revoir les décisions du Directeur des poursuites publiques (DPP) ?
Je suis absolument contre. J’estime que c’est un mauvais projet. Je ne suis même pas sûr qu’il vise à aider la justice. Je ne voudrais pas faire un procès d’intention à ceux qui sont mes amis, notamment sir Anerood Jugnauth qui est un copain de toujours, et Ivan Collendavelloo, pour qui j’ai beaucoup d’estime. Ce qu’ils font en ce moment n’est pas bien. Ils sont aveuglés par la passion politique. Un gouvernement fort ne peut modifier la Constitution pour des besoins personnels et voter des lois scélérates. Le projet d’instaurer une ‘Prosecution Commission’ est basé sur la psychologie politique. Le politicien veut avoir le dernier mot lorsqu’il se trouve face à quelqu’un qui va l’en empêcher.

Qui au sein de ce gouvernement aurait des raisons de s’en prendre au DPP ?
Je l’ignore.

Est-ce que les accusations contre l’ex-Premier ministre allaient tenir la route ?
Je suis l’avocat de Navin Ramgoolam. Dès le départ, j’ai su que la majeure partie des accusations ne tiendraient pas la route. Le conseil que je lui ai prodigué, c’est d’observer son droit constitutionnel de ne rien dire.

L’argument du ‘trial by the press’ aurait-il pu être brandi ?
Oui et non. Il n’y a pas de doute que la presse influence fortement l’opinion publique. Mais cela n’a jamais affecté pour autant l’issue d’un procès. Je n’ai pas connaissance d’une affaire où c’est la presse qui a décidé de l’issue finale. Le cas le plus flagrant demeure celui de sir Bhinod Bacha qui avait été accusé d’avoir provoqué la mort de sa femme et de leur fils en 1994. Il n’y pas eu de trial by the press plus virulent. Sir Bhinod avait déjà été condamné par l’opinion publique. J’étais son avocat et ma tâche a été difficile. J’ai même plaidé pour que le procès soit discontinued au vu de l’atmosphère qui prévalait. En fin de compte, la confiance que j’ai en la justice avait de nouveau été justifiée.

Sir Hamid Moollan parle d’une démarche «illégale»

Sir Hamid Moollan, Queen’s Counsel, se dit contre la création d’une Prosecution Commission. Selon lui, une telle démarche est illégale. Dans une interview accordée à Radio Plus et qui sera diffusée dans son intégralité samedi 17 décembre, sir Hamid Moollan estime que ce projet de loi [Prosecution Commission Bill] enfreint l’article 2 et 3 de la Constitution. « En principe, je suis contre cette démarche, car nous pouvons avoir les mêmes remèdes à travers les recours que nous avons déjà. Ensuite, n’oubliez pas que les articles 2 et 3 de la Constitution stipulent que nous sommes dans un État démocratique. À partir du moment qu’on importe un système administratif pour vérifier une décision légale, c’est mauvais et contraire à la Constitution. À mon avis, cette clause-là est illégale, car elle enfreint le principe énoncé aux articles 2 et 3 de la Constitution », explique sir Hamid Moollan sur Radio Plus.

Me Rex Stephen : «C’est une grosse aberration»

« Le poste de DPP est un poste constitutionnel. Il semblerait que ces amendements prévoient la création d’un organisme administratif et non judiciaire. C’est une grosse aberration. Parce que le DPP, en vertu des dispositions constitutionnelles actuelles, doit répondre devant la Cour suprême. La Cour suprême est garante de la Constitution et peut revoir les décisions du DPP. Cet amendement et ce projet de loi sont fondamentalement inutiles. Les motivations, il faut les chercher ailleurs. C’est un secret de polichinelle qu’il y a d’autres motivations derrière ces amendements. Je suis d’avis que ces dispositions sont contestables car notre système de droit est basé sur la séparation des pouvoirs. S’il n’était pas possible de revoir les décisions du DPP, je serais tout à fait d’accord pour revoir le mécanisme. On parle beaucoup de l’article 72 de la Constitution, mais on oublie l’article 119 qui dit que tous ceux qui ne répondent à aucune autorité sont redevables devant les Cours de justice. Cela concerne le DPP, mais aussi le Commissaire de police, le Commisaire électoral et l’Ombudsperson. En plus, si vous ajoutez un effet rétroactif, vous nagez en pleine anti-constitutionnalité. »

 

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