Interview

Shirin Aumeerudy Cziffra : «Un jugement rendu par le Tribunal d’appel est final»

La présidente du Public Bodies Appeal Tribunal ne défend pas sa chapelle rien que pour la défendre. Shirin Aumeeruddy Cziffra estime que ce tribunal rend justice là où le besoin se fait sentir. Quitte, dans certains cas, à ce que cela prenne un peu de temps.

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Le Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT) a été créé comme une plateforme pour les public officers de la Fonction publique et des Collectivités locales qui se sentent lésés. Est-ce qu’ils se tournent vers cette instance ?
Le PBAT a été créé en 2009 sous la section 91 de notre Constitution et a effectivement pour mandat  d’écouter  des appels de fonctionnaires qui se sentent lésés lors d’un exercice de recrutement, d’une promotion ou d’une sanction qu’ils jugent injuste. Ils viennent au PBAT à moindre coût et, à notre niveau, on essaie de travailler le plus rapidement possible, dépendant de l’appel et des témoignages indispensables.

Le PBAT écoute-t-il toutes sortes d’appels ?
Non, le PBAT n’écoute pas des appels qui tombent en dehors de sa juridiction. Il faut savoir que le PBAT n’entend pas des appels de personnes qui ne sont pas encore fonctionnaires, donc quand il y a un appel à candidatures public. Également les fonctionnaires nommés par le Premier ministre, comme les PS, les SCE, entre autres.

Y a-t-il la queue devant le PBAT ?
Depuis 2009, le PBAT a reçu 1 323 appels et plus de la moitié, soit 623 cas, ont été réglés. Pour les autres cas, il y a eu des rulings ou alors les affaires ont été retirées. À titre d’exemple, un jugement peut être donné suivant un point de droit précis ou alors une autre juridiction doit entendre l’appel. À ce stade, nous sommes en présence de 115 cas qui sont en cours avec les échanges de statements of case ou de défense. On prend note des raisons d’appel avancées, par exemple les qualifications, l’expérience avec des preuves à l’appui de celui qui fait appel. La PSC ou la LGSC, elles vont aussi justifier leur décision. Au PBAT, il n’y a pas de conciliation, c’est un procès.

Faut-il que celui qui fait appel se fasse accompagner d’un homme de loi ?
Il n’est pas tenu de venir avec un avocat ou un représentant syndical.  Certains viennent avec des avocats, même des Senior Counsel. Cela prend quelques fois plus de temps, car souvent il y a des renvois à cause des difficultés pour  trouver des dates.

Quand le PBAT renverse une décision de la PSC ou de la LGSC, cela ne crée pas une animosité entre ces entités ?
Le PBAT juge en observant la loi et les règlements établis et examine s’ils ont été suivis à la lettre. Chacune de nos institutions a un mandat spécifique et il faut ne pas avoir peur de rendre la justice.

Est-ce qu’un jugement du PBAT est final ?
Un jugement rendu par le PBAT est final, il n’y a pas d’appel possible, sauf à travers une judicial review en Cour suprême. Cela prend beaucoup de temps mais c’est le propre de la justice.

Quelle garantie donnée qu’il n’y a pas de parti pris de la part du PBAT quand il entend un cas ?
Si un fonctionnaire constate qu’il y a parti pris, il peut demander que la présidente et/ou ses deux assesseurs se récusent. Mais il n’y a jamais eu une telle demande puisqu’on le fait nous-mêmes dès qu’on connaît une des parties concernées.

Il y aurait eu un litige autour d’un assesseur du PBAT qui a été nommé, par la suite, à la PSC. Il y aurait comme un conflit d’intérêts. Vos commentaires ?
Cet assesseur ad hoc est parti et a été remplacé par un autre, à  notre demande. L’ex-membre du PBAT de facto n’est plus concerné par ce cas spécifique dont vous parlez. Où est le conflit d’intérêt ? Malheureusement, cela a engendré un délai supplémentaire.

Y a-t-il eu beaucoup de cas où le PBAT a cassé des décisions de la PSC ou de la LGSC ?
Pour la PSC, il n’y en a pas eu beaucoup. Mais c’est arrivé et, dans certains cas, la PSC saisit  la Cour suprême pour une judicial review.

Depuis 2009, le PBAT a reçu 1 323 appels et plus de la moitié, soit 623 cas, ont été réglés."

Venons-en aux délégations de pouvoirs de la PSC à des ministères concernant le recrutement et des promotions. N’y a-t-il pas risque d’abus et de passe-droits ?
Le PBAT reçoit souvent des cas ayant trait à des promotions faites par un ministère, de par la délégation des pouvoirs que lui a transmis la PSC. Cela se fait au cas par cas. Mais la PSC détient tout de même le pouvoir final et c’est elle qui se présente devant nous et non le ministère qui ne viendrait qu’en tant que témoin.

Mais vous cassez tout de même des décisions des commissions?
Rien qu’en 2017, des 38 cas d’appels reçus, 10 décisions de la PSC et de la LGSC confondues ont été cassées.

Quid du nombre de ‘judicial review’ devant la Cour suprême ?
Depuis 2009, il y a eu 754 appels déjà jugés par le PBAT. Il y a eu 38  demandes de judicial review devant la Cour suprême, suivant le jugement du PBAT. De ce chiffre, 8 cas ont été retirés pour X raison. Concernant le PBAT, actuellement, il y a 115 cas d’appels que nous sommes en train de traiter.

Y a-t-il un ‘profiling’ en bonne et due forme qui se fait en amont quand il s’agit d’une promotion, par exemple ?
La PSC est en présence d’un dossier, elle demande le rapport annuel pour voir si la personne a bien été notée, c’est comme un assessment report qui se fait pour chaque fonctionnaire. Pour des postes importants, la PSC demande un rapport spécial. Cela se fait à chaque fois qu’il y a une décision à prendre pour une promotion ou une sélection.

Est-il normal que ce sont les avocats du State Law Office (SLO) qui défendent la PSC, ce qui peut donner la perception que le gouvernement soutient vigoureusement la PSC ?
C’est comme ça depuis toujours.

Quelle garantie peut donner le PBAT pour qu’avant de donner un jugement, il a toutes les informations voulues de la PSC concernant des cas d’appels ?
La loi nous permet de demander à la PSC de donner les markings des différents candidats à un exercice de sélection. Tous nos procès sont entendus à huis clos.

On reproche à des institutions comme la vôtre d’être victimes du ‘red tapism’. Est-ce justifié?
Pour certaines affaires, cela prend plusieurs mois avec les échanges sur des points de droit. Sinon, c’est une moyenne maximale de six mois. Il y a même eu un cas qui a été réglé en neuf jours. Mais je combats farouchement la bureaucratie. Le PBAT ne pratique pas une justice cuit vidé mais tient compte de tous les paramètres avant de trancher, même si cela prend plus de temps. On applique la justice naturelle.

Est-il arrivé qu’il y ait désaccord total entre vous et vos deux assesseurs ?
Ce n’est jamais arrivé. Mais on peut donner un jugement à deux et le troisième donne un jugement différent.

Est-il possible que la Cour suprême renvoie un jugement du PBAT pour être de nouveau revu et entendu ?
Quelques fois, la Cour suprême renvoie l’affaire, comme celle de Wan Chow Ming qui a été rendue avant mon arrivée et qui dit que le PBAT ne peut donner un jugement sans entendre les appointees. Depuis, on appelle tous ceux qui ont été nommés et on leur donne le droit de s’exprimer.

Certains cas déposés devant le PBAT sont-ils frivoles ?
Il arrive qu’effectivement il y ait des cas qui, au départ, ne tiennent pas la route. Mais le plus souvent on donne la possibilité à ceux ayant fait appel de se faire entendre, même si notre rôle n’est pas de consoler.

 

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