Interview

Shirin Aumeeruddy-Cziffra, Chairperson du PBAT : «Notre rôle n’est pas de toujours casser les décisions des commissions»

Shirin Aumeeruddy-Cziffra

Mis sur pied en 2008, le Public Bodies Appeal Tribunal a vu la reconduction de Shirin Aumeeruddy-Cziffra au poste de Chairperson. Connue seulement des fonctionnaires du gouvernement central et des collectivités locales, cette instance, créée en vertu de la Public Bodies Appeal Tribunal Act, a réussi à se crédibiliser en faisant valoir son indépendance et sa neutralité.

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Le Public Bodies Appeal Tribunal vient de fêter ses dix ans et vous-même êtes la Chairperson de ce tribunal depuis huit ans. Quel est votre sentiment sur le chemin parcouru ?
Nous avons pu répondre aux attentes des fonctionnaires qui voulaient un organisme pour exprimer librement leur mécontentement. Nous avons la juridiction concernant les promotions, les recrutements et les sanctions disciplinaires. Auparavant, seule la Cour suprême pouvait trancher en appel. Aujourd’hui, le Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT) peut traiter ces dossiers plus rapidement et sans coût. Le tribunal a aussi su démontrer son indépendance et sa neutralité, afin d’être crédible. Il a toute la latitude aussi pour faire des propositions à la Public Service Commission (PSC) et à la Local Government Service Commission (LGSC), quand nous avons identifié des lacunes. Je souhaite personnellement qu’elles considèrent ces recommandations que nous intégrons dans nos jugements.

Était-ce un défi d’être crédible ?
Oui, parce que les fonctionnaires sont souvent frustrés. Que ce soit moi ou mon prédécesseur, Sadeck Namdarkhan, nous avons respecté l’article 91A de la Constitution et la Public Bodies Appeal Tribunal Act 2008, proclamés en 2009. C’est un travail qui peut être routinier, lorsque les mêmes types de cas sont portés à notre attention. Mais parfois nous recevons des appels plus complexes.

Le sentiment que notre tribunal doit partir ‘en guerre’ contre la PSC est erroné.»

Est-ce qu’il a déjà eu des cas difficiles ?
Pas seulement difficiles, mais parfois sensibles. L’année dernière, par exemple, une affaire m’a un peu surprise lorsqu’un plaignant a attiré notre attention sur la présence d’un haut fonctionnaire d’une commission durant un exercice d’interview. Ce dernier n’avait aucune raison d’y être et a admis l’avoir fait. Les commissions doivent respecter leur propre loi, qui définit leurs pouvoirs et attributions. Nous avons fait des recommandations précises pour cesser cette pratique inacceptable.

Est-ce que vos pouvoirs sont illimités ?
Non, nous ne traitons pas de cas qui concernent des fonctionnaires nommés après consultation avec le Premier ministre, ni de cas qui font l’objet d’un avis de recrutement public. Il faut que le plaignant soit un fonctionnaire exerçant pour le gouvernement central ou dans des collectivités locales et qui estime avoir été lésé dans ses droits durant un exercice de promotion ou un comité disciplinaire. Il dispose de vingt-et-un jours pour saisir notre bureau, en remplissant un formulaire en ligne ou en venant chez nous.

Et si son cas ne semble pas crédible, ou pas justifié, pouvez-vous le savoir ?
Il existe les moyens de le vérifier, grâce à notre expérience des affaires précédentes, mais notre bureau sollicite également des informations supplémentaires auprès de la commission concernée. Durant le procès, nous finissons toujours par comprendre la situation. Notre rôle n’est pas de toujours casser les décisions des commissions. Nous devons rendre la justice à tous. Le sentiment que notre tribunal doit partir ‘en guerre’ contre la PSC est erroné. Les fonctionnaires qui sont recrutés ou promus méritent souvent leur poste. Nous, on doit statuer sur le respect des procédures et l’impartialité des commissions.

Les commissions doivent respecter leur propre loi, qui définit leurs pouvoirs et attributions.

Pouvez-vous agir comme médiateur ?
Non. Mais, selon la loi, nous pouvons renvoyer l’appel à la Commission concernée pour trouver un accord avec le plaignant. Lorsque les choses n’aboutissent pas, le tribunal écoute l’affaire. La PSC ou la LGSC peuvent aussi saisir la Cour suprême pour obtenir une Judicial Review lorsqu’ils n’acceptent pas notre jugement.

Quid des sanctions disciplinaires ?
Il faut que ces sanctions soient proportionnelles à la faute commise. Nous faisons valoir que le licenciement d’un fonctionnaire au bas de l’échelle pourrait influer sur sa vie familiale et même sur la société. En ce sens, nous essayons de placer au plus haut des considérations les principes de la justice naturelle, comme permis par la loi.

Que se passe-t-il durant une séance du tribunal ?
Le tribunal est composé de moi-même ainsi que de deux assesseurs, un juriste et un ancien très haut fonctionnaire. Le tribunal peut confirmer la décision de la PSC ou celle de la LGSE, ou bien l’infirmer. La commission peut aussi se faire accompagner par un expert lorsqu’une affaire a une dimension plus technique, ce qui permet de nous éclairer sur des sujets spécialisés.

Quelles sont les dossiers les plus récurrents ?
Ceux qui sont liés aux interviews, quand certains trouvent qu’ils ont été malmenés ou que le temps accordé n’était pas suffisant. Certains plaignants expliquent qu’ils n’ont pas pris connaissance des postes en promotion. Cela arrive dans des départements où des travailleurs de lower grade sont parfois affectés dans des régions excentrées. Le ministère a le devoir d’informer tous les travailleurs. Si le fonctionnaire n’a pas postulé, il ne pourra pas venir devant notre tribunal. Mais, autrement, il doit nous montrer qu’il était plus méritant, plus qualifié que ceux qui ont été nommés. Même les fonctionnaires en study leave sont mis au courant de ces exercices par courriel.

Le tribunal ne doit rien laisser au hasard. Il faut aller droit aux faits. Certaines affaires présentent des subtilités qui ne vont pas dans le sens souhaité par un plaignant.

Souvent, nous demandons aux commissions de nous faire parvenir la Mark Sheet pour voir s’il y a des erreurs ou du favoritisme. 

À ce jour, quel est l’état des relations entre la PSC, la LGSE et le PBAT ?
Nous sommes des institutions indépendantes et on se doit de se respecter. Chacun s’en tient à ses attributions. Nous travaillons pour le bien de la fonction publique et du pays.
 

 

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