Shari Villarosa, ambassadrice des États-Unis à Maurice, quitte le pays à la fin de ce mois. Maurice est, pour elle, un pays unique en son genre qui partage de très bonnes relations avec les États-Unis d’Amérique.
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Qu’est-ce qui explique votre choix de carrière?
J’ai embrassé la carrière diplomatique, il y a 30 ans de cela. J’étais motivée par la soif de connaissance et de nature curieuse. Je voulais apprendre la culture, la langue et les us et coutumes des autres. J’ai aussi beaucoup voyagé et, ce, dès mon plus jeune âge. J’avais six mois lorsque ma famille a émigré du Texas pour s’installer en Allemagne. Depuis, ma vie a été un perpétuel voyage.
Vous avez surtout servi en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. Que représentait votre affectation à Maurice ?
En fait, j’avais déjà envisagé de travailler à Maurice au début de ma carrière. Mon affectation ici diffère de celle des autres pays où j’ai servi. Mais pour avoir beaucoup voyagé, je ne me suis pas sentie dépaysée. Lorsqu’on découvre un pays, on adopte son mode de vie et c’est ce qui rend l’expérience unique.
Vous représentez aussi les Seychelles...
J’ai servi dans beaucoup de pays. Chacun était unique dans sa diversité. Il y a plus de différences que de similarités entre Maurice et les Seychelles.
[blockquote]« Les Mauriciens ont une manière très civile de débattre de certains problèmes. Je suis pour des débats qui permettent aux gens de faire des choix informés »[/blockquote]
Quelle a été votre expérience à Maurice ?
J’étais habituée à servir dans des pays en crise. Maurice est différent et partage de très bonnes relations avec les États-Unis d’Amérique. Cela a été un plaisir de travailler ici, avec les Mauriciens.
Précisez-nous dans quel domaine ?
La démocratie et la bonne gouvernance, par exemple. J’ai servi dans des pays où il y avait des violations flagrantes des droits de l’homme. Évidemment, ce n’est pas le cas à Maurice. Dans certains pays, les élections n’existent pas. Vous, vous n’avez pas ce problème.
Tout va bien à Maurice alors ?
J’ai tout de même noté des cas d’inégalité et de discrimination. Beaucoup de discrimination subsiste.
À l’égard de qui ?
À l’égard des femmes, des personnes handicapées, de la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuel et transgenre) et la discrimination raciale également. Il y a certes des lois pour les prévenir, mais elles ne sont appliquées. J’ai essayé de m’engager pour corriger certaines de ces inégalités.
Vous vous êtes engagée pour qui spécifiquement?
En faveur des femmes. Je peux dire que nous avons réussi à rendre les femmes plus confiantes en revendiquant leurs droits.
Quid des chauve-souris...
Oui, j’ai pris position contre le massacre des chauve-souris à Maurice. C’était sur le plan personnel. J’ai toujours aimé les chauve-souris. Je ne peux comprendre comment et pourquoi on voudrait les tuer. Ce sont nos amis. Je pense qu’il y a d’autres moyens de régler ce problème.
Cela vous a-t-il causé du tort au niveau diplomatique?
Non. Je sais que les Mauriciens n’ont aucun problème quand je m’engage pour les causes féminines ou pour la communauté LGBT. En tout cas, le gouvernement n’a pas réagi négativement. Certes quelques individus n’ont pas apprécié mon audace et me l’ont expressément dit. En contrepartie, d’autres m’ont félicitée pour mes propos.
Quelles leçons en avez-vous tirés ?
Que les Mauriciens ont une manière très civile de débattre de certains problèmes. Je suis pour des débats qui permettent aux gens de faire des choix informés. Si un pays veut avoir une démocratie solide, il doit avoir le courage d’entendre les opinions de tous.
Comment comparez-vous Maurice aux autres pays de la région?
Il est difficile de comparer, car Maurice est unique en son genre. Il est reconnu dans cette région d’Afrique comme étant un pays démocratique. Avant son indépendance, Maurice était aussi pauvre que les pays africains. 48 ans après, elle les a devancés. Les pères fondateurs ont su mettre en place un système d’éducation et de santé qui profite à tous. Des élections ont lieu régulièrement. Le pouvoir change de main démocratiquement, la population peut réclamer des comptes. Je ne vois pas cela dans d’autres pays d’Afrique. Vous avez eu des leaders prévoyants.
Et quid de la situation des femmes ?
Elles sont mieux éduquées, mais sont victimes de multiples facteurs qui entravent leur ascension professionnelle. Elles doivent contester ces discriminations en cour. Hélas, beaucoup de femmes sont réticentes à saisir la loi. Les choses changent dans le monde. Elles changeront ici, uniquement quand les femmes, avec l’aide des hommes, oseront le changement.
Qu’en est-il de l’égalité des genres ?
Il existe encore une inégalité des genres à Maurice. Nous le voyons à l’Assemblée nationale où la représentation féminine n’est pas brillante. Mais je suis optimiste que cela changera. Je ne suis pas partisane du système de quota. La quantité importe peu, seule la compétence compte.
Que représente Maurice pour un pays comme les états-Unis d’Amérique?
Maurice est un partenaire important pour les États-Unis. Il faut augmenter les échanges commerciaux entre nos deux pays. Nous souhaiterions que Maurice achète davantage des États-Unis. Nous sommes conscients que la distance implique des coûts de transport élevés qui sont en notre défaveur. On ne peut ignorer ce fait géographique. Des investisseurs américains sont intéressés à faire du business ici. Nos pays collaborent aussi dans le domaine de la sécurité maritime. Maurice est à un point stratégique et nous aidons à la protéger. Notre collaboration s’étend aussi au niveau environnemental. En résumé, les États-Unis ont plusieurs objectifs qu’ils aimeraient réaliser dans la région.
Quid des études supérieures aux états-Unis...
Voilà un domaine où nous aimerions voir plus d’intérêt de la part des jeunes mauriciens. Encore une fois, la distance et les coûts découragent certains. Nous faisons des efforts pour renverser la vapeur. Nous souhaiterions que les diplômés des universités américaines rentrent chez eux pour mettre leurs compétences au service de leur pays.
Votre avis sur le dossier Chagos...
Les États-Unis considèrent que c’est une question relevant des relations bilatérales avec la Grande-Bretagne.
Une diplomate de carrière
Shari Villarosa est arrivée à Maurice en septembre 2012. Diplomate de carrière, elle a servi dans plusieurs pays, dont les Philippines, la Malaisie, Brunei et Singapour. Elle a aussi été la conseillère économique de l’ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, et chargée d’affaires à Dili, au Timor oriental. Parmi les autres pays où elle a servi : la Thaïlande, le Brésil, le Vietnam et la Colombie. Diplômée en études internationales de l’université de Chapel Hill, Caroline du Nord, elle a décroché un diplôme en droit de l’université William et Mary. Polyglotte, Shari Villarosa parle l’espagnol, le portugais, le thaïlandais et l’indonésien. <Publicité
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