Débat

Santé : les médecins craignent d’être jugés par un «tribunal populaire»

À la veille du premier atelier de travail public sur la suspension du privilège accordé aux médecins du service public de pouvoir aussi exercer dans le privé, le doute subsiste quant aux réelles intentions du ministère de la Santé.

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Les associations de médecins se demandent pourquoi avoir convié le public dans une affaire qui concerne les professionnels de la santé.

Pourquoi avoir invité le public à participer à un atelier de travail concernant les professionnels de la santé ? Avant le premier atelier organisé par le ministère de la Santé portant sur le privilège qui était accordé aux médecins spécialistes du secteur public d’exercer également dans le privé, cette question taraude les principaux concernés. Le voile sera sans doute levé le lundi 16 janvier dans l’après-midi, à l’issue de la rencontre qui se tiendra à ébène.

Le privilège de la double pratique avait été suspendu en 2013. Mais lasse d’attendre une décision du ministère de la Santé à ce sujet, la Government Medical & Health Officers Association (GMDOA) a intenté une action en Cour en 2016 afin d’inciter le ministère à se prononcer. Au lieu de cela, c’est un atelier de travail public qui a été organisé afin de connaître l’opinion des uns et des autres.

Toutefois, aucune décision ne sera prise lundi. Les médecins devront attendre encore un peu avant de connaître la position du ministre Anil Gayan, qui est le seul habilité à accorder ce privilège. « Cet atelier de travail n’est qu’une rencontre consultative. La décision d’accorder ou non le privilège aux médecins du service public de pouvoir exercer aussi dans le privé sera prise ultérieurement », nous a affirmé une source proche du dossier au ministère de la Santé.

Notre interlocuteur précise que cette rencontre n’a pas pour but d’interdire la double pratique, mais d’avoir un échange d’opinions sur le sujet, pour arriver à une décision prise dans l’intérêt des patients. Cette rencontre se déroulera « dans une ambiance conviviale », ajoute-t-il.

Or, cela ne suffit pas à rassurer les médecins, car la participation du public en fait tiquer plus d’un. Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du service public, s’inquiète de la possibilité que cet atelier soit un « tribunal populaire » (voir hors-texte). De son côté, le président de la GMDOA, le Dr Dushyant Purmanan, estime que ce n’est pas aux membres du public de décider du sort des professionnels de la santé.

Quant au Dr Bhooshun Ramtohul, président de la Government Medical Consultant in Charge Association (GMCCA), il s’insurge contre les actions prises par le ministère de la Santé à son encontre. Après qu’il a reçu la visite de policiers dans son cabinet de consultation, il est persuadé que le ministère cherche à l’intimider parce qu’il a exprimé son opinion sur la double pratique. « C’est une croisade contre moi en tant que président de la GMCCA », soutient-il. Il s’étonne ainsi que, depuis le temps qu’il tient son cabinet, ce n’est que quelques jours avant la tenue de l’atelier de travail qu’on vient lui reprocher de ne pas être en règle.

« Show off »

Avis que partage également le Dr Dushyant Purmanan : « Pourquoi prendre des actions contre le Dr Ramtohul que maintenant, si vraiment il n’est pas en règle ? » Il explique que, lors de l’assemblée générale spéciale de l’association, il a été décidé que les membres se rendraient en nombre à l’atelier afin de faire entendre leur voix. Cependant, il craint qu’avec la participation du public, cet atelier de travail ne soit qu’un « show off ». Il espère que la rencontre ne sera pas houleuse et que des discussions saines pourront avoir lieu.

Du côté de la Medical & Health Officers Association, le Dr Waseem Ballam craint que ce soit les patients qui soient pénalisés. Il ne comprend pas pourquoi le ministère veut changer les choses maintenant. Pour lui, si les autorités veulent mettre de l’ordre dans le secteur et contrecarrer les abus, il y a d’autres manières de le faire. Il estime que les patients devraient toujours avoir le droit de choisir leur médecin.

Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du service public : « Le ministre semble dépassé »

Selon Anil Gayan, les infirmiers et les attendants sont de mèche avec les médecins pour modifier les listes d’attente des patients. C’est ce qu’il a déclaré au cours de l’émission Au cœur de l’info, sur Radio Plus le samedi 14 janvier. Or, cette affirmation fait bondir Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du service public. Selon lui, cela démontre que le ministre « semble dépassé ».

Il estime aussi que la visite effectuée par des cadres du ministère de la Santé au domicile du président de la GMCCA, le Dr Bhooshun Ramtohul, est arrivée comme un cheveu sur la soupe et que le timing n’était pas approprié : « C’est une coïncidence trop flagrante à un moment où le débat est arrivé à son paroxysme. Cela ne favorise pas un dialogue sain. » Il soutient que c’est un acte d’intimidation.

Rashid Imrith est d’avis que, si le Dr Bhooshun Ramtohul avait bien commis une faute, il y avait d’autres moyens de régler le problème. « Cela ternit l’image du ministère, du gouvernement et de toute la République, car il y a la perception qu’un médecin subit des persécutions pour avoir osé faire entendre sa voix sur la question de la double pratique public-privé des médecins », dit-il.

Par ailleurs, le président de la Fédération des syndicats du service public estime que l’ouverture de cet atelier de travail au public est une attaque au système démocratique, ainsi qu’un non-respect des institutions et de la loi. Il argue que le gouvernement veut utiliser ce forum comme tribunal populaire. « Nous sommes un pays civilisé. S’il y a des changements à apporter dans les conditions de service, nous n’appelons pas un syndicat devant un tribunal public », conclut-il.

 

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